Posée dans le noir, dans l'espoir. Calée dans le jacuzzi t'es bien, ouais, ouais, vraiment bien. Cet après-midi t'as eu envie de prendre du temps pour toi, genre, pour de vrai, pour une fois. La grande soeur de l'un des enfants à qui tu enseignes la danse et avec laquelle tu as sympathisé, t'as proposé d'aller nager cet après-midi. A l'Aquaboulevard. C'est pas la première fois que t'y viens, tu trouves ça marrant, tous ces toboggans partout et des enfants qui crient dans tous les sens. Pas très reposant, mais drôle. Y'a que les français pour inventer des trucs pareils. Ton amie a voulu prendre un toboggan non loin de là mais toi, ça t'a gonflée, les attractions de bébé ça va cinq minutes. Alors tu t'es faufilée dans le jacuzzi, sachant pertinemment que lorsque t'en sortirais l'eau allait te paraître glaciale. Y'a une fille aux cheveux atypiques qui se fait plaiz près de toi, il y a aussi un jeune couple qui se roule des pelles de façon si peu ostentatoire, et une maman qui s'occupe de son jeune fils. Doucement, tu te détends, tu fermes les yeux. Inspiration, expiration. Tu ne laisses rien d'autre que les jets brûlants te calciner la peau et le brouhaha ambiant t'anihile l'esprit. Rien n'est à même de troubler ta tranquilité, rien si ce n'est un bruit qui te tire de tes songes. Un gazouillis bizarre et bientôt plus rien. Tu tournes la tête sur le côté pour identifier de quoi il s'agit, les autres personnes dans le jacuzzi ont l'air paniqués eux aussi à l'exception du couple trop occupé à explorer leur anatomie buccale respective. Une trainée bizarre a sali l'eau immaculée. La mère et son fils ne sont plus là. C'est suspect. Tu relèves la tête et t'adresses à la première personne qui rencontre ton regard : la fille aux cheveux orange. « Euh, c'est quoi ça ? » Pas sûr qu'elle en ait vu plus que toi mais l'on ne sait jamais. Tu la dévisages, espérant qu'elle te donne une explication à la scène insensée qui vient de se réaliser sous vos yeux aveugles.

L'aquaboulevard n'était certainement pas l'endroit idéal pour se détendre et penser à autre qu'au travail. Pourtant, c'était bel et bien ici que je m'étais rendu pour oublier ces heures à préparer des mariages qui pour la moitié d'entre eux se termineront en divorce avec toujours un ou deux gosses en plein milieu de leur représailles. Ainsi, pour dissiper ces idées, pour renier un instant mon métier, je plongeais corps et âmes dans ces eaux chaudes et ces toboggans, profitant de ces exercices nautiques pour apaiser mes muscles et satisfaire ma conscience. Alors que je patientais, tel un gamin, pour sauter dans l'un des fameux toboggan du complexe, je repensais à chaque pas, à chaque seconde à mes obligations professionnelles. C'est ainsi qu'en sautant dans le tube, je décidais de laisser en haut ces idées et de me souvenir uniquement des sensations de cette descente. Si ce n'est qu'une fois arrivée en bas, je n'eus pas le temps de reprendre ma respiration que je coulais à nouveau sous le point d'un abruti qui n'avait pas respecté les règles pourtant si simples. Brusquement, je me redressais avec l'autre connard sur le dos, le balançant alors devant moi pour voir sa tête et l'engueuler comme un bon à rien. « Putain, mais t'es trop con ou quoi ?! » Lui lançais-je au visage en l'attrapant par le bras pour qu'il ne s'échappe pas. Jeune et insouciant, le mauvais duo.

Bien que me rendre dans des lieux pleins de monde ne m'enchante pas vraiment, j'ai ressenti ce matin-là comme une pulsation étrange, une envie soudaine d'aller à l'aquaboulevard. Peut-être que j'ai eu envie de me détendre dans la perspective du bac, qui sait. Toujours est-il que je m'y suis rendue, seule bien sur. J'ai jeté mon dévolu sur le jacuzzi, dans lequel j'ai glissé mon petit corps pâle qu'il valait mieux cacher dans les bulles, car il a tout à envier à ces filles populaires du lycée, comme la jeune femme blonde non loin de moi. Je suis trop complexée, ça m'handicape et je le sais. Mais il m'est impossible d'aller envers quelque chose qui s'est ancré dans ma tête, qui y a élu domicile telle une araignée tissant sa toile. J'observe les autres personnes dans le bassin, un couple qui s'embrasse et qui me met horriblement mal à l'aise, et une mère et son enfant. Je leur souris, c'est toujours mignon, un enfant et sa mère qui passent du temps ensembles. Je décide de fermer les yeux, pour me détendre un peu. Il y a un drôle de bruit, mais je n'y prête pas attention. Après tout si on s'arrêtait sur chaque bruit étrange on choperait vite le tourni. C'est alors que la blonde me sort de la torpeur dans laquelle je venais à peine d'entrer, m’interpellant à propos de quelque chose dans le bassin. Je pose mes yeux sur la chose brunâtre qui flotte à la surface, ballottée par les remous du jacuzzi. J'ai un horrible frisson de dégoût. « J'espère que ce n'est pas ce que je crois, mais on dirait que si. Le petit garçon a du se soulager dans le jacuzzi, beurk! » Je m'extirpe du bassin en vitesse, sans réussir à réprimer une grimace qui semble s'être accroché à mon visage. C'est dégoutant. Je cherche du regard la mère, qui a déjà disparu, puis me dis que ce n'est pas de sa faute, et qu'elle n'a peut-être pas vu.