T'as pas de thunes. Tellement pas que tu te retrouves souvent à la rue à la recherche d'une putain d'âme charitable qui accepterait de te laisser une partie de son canapé. Le plus souvent il y a Elaïa. Gentille fille naïve à en mourir. Tu l'as squatté souvent, son canapé. Sans jamais même la remercier. T'aimes pas qu'on ait pitié de toi et la sienne te rend fou. Parfois t'aime te rassurer en te disant que la roue va tourner. Ce jour-là tu errais sans but dans les Halles quand un mec habillé comme une gonzesse t'aborde. Premier réflexe, accélérer le pas. La gente masculine ne t'intéresse pas. Raté, le mec s'acharne. Tu te retournes, prêt à lui mettre une droite bien placée pour lui éviter de payer une opération de réduction mais son flot de parole qu'il débite à grande vitesse t'arrêtes net. Une maison ? Une putain de maison ? Tu souris. On dit que l'espoir fait vivre alors t'empoignes le billet et grattes. Rien. Merde. Ni voiture, ni télé. Juste une adresse, un numéro de téléphone, une date, une heure. Tu le fourres dans ta poche, mi-déséspéré, mi-intrigué.

Le 25 Mai débarque plus vite que prévu. Tu sors du boulot après une énième engueulade avec le patron. Le dur moment où il t'annoncera que tu peux foutre le camp semble se rapprocher de jours en jours. Tu n'as aucun plan B. À part peut-être ce bout de papier retrouvé la veille au fond de ta poche. La roue tourne. T'attrapes un métro en vitesse et arrives devant un immense hangar blanc accompagné d'une odeur insupportable. Ils se sont foutu de ta gueule, Camil. T'essayes de faire demi-tour mais le pauvre cuisinier te prend limite par la main pour t'amener à l'intérieur. Ce n'est plus de l'espoir que tu ressens, non, c'est de la haine. Si la personne derrière tout ça veut se foutre de ta gueule, tu vas lui montrer que tu vas te foutre de la sienne. T'empoignes les habits qu'on te tend et rejoins un petit groupe déjà prêt au travail. Tu les regardes. « Je sais pas vous mais j'ai l'impression qu'on s'est royalement foutu de notre gueule. » Léger froncement de sourcil. L'odeur est infecte.