je t'aime...moi non plus.

Samedi. Le weekend était enfin là et malgré le fait que je pouvais travailler lors de ces deux jours de repos pour la plupart de la population, j'étais également de repos ce samedi. Comme convenu, j'avais répondu à l'invitation de ma jeune sœur. D'après ces dires, elle voulait me voir et petit-déjeuner avec moi ce samedi matin. Nous avions l'habitude de nous retrouver, de passer du temps ensemble. Notre relation s'était grandement amélioré depuis le décès de Camille, notre frère aîné, mort au combat en Afghanistan. Évènement que je n'oublierais jamais mais dont je ne parlerais jamais en retour. Je ne faisais pas comme s'il n'avait pas exister mais la douleur était encore trop présente pour que je puisse ouvertement en discuter, même avec Charline, qui pourtant avait vécu la même situation. Je retrouvais donc ma sœur cadette, institutrice sur Paris, pour un petit-déjeuner tranquille et plaisant comme elle me l'avait indiqué lors de notre dernier appel. Étrangement, je restais suspicieux sur ses réelles intentions. Je la connaissais bien et je savais donc qu'elle n'était pas totalement franche, surtout avec ce rire que je lui connaissais bien lorsqu'elle avait une idée derrière la tête.

Je marchais dans les rues de Paris après être sorti du métro. Le café des Phares était maintenant face à moi. Il était bientôt 10 heures. Légèrement en avance, je traînais des pieds dans le quartier jusqu'à arriver vers les vitres du café en question. J'observais l'intérieur avec une certaine curiosité en continuant mes pas. Je tombais alors nez à nez avec Charline qui était déjà installée à une table. Je lui souris, me dépêchant alors de rejoindre l'entrée pour ne pas la faire atteindre. Dieu sait qu'elle pouvait être susceptible et pénible si jamais j'avais eu l'audace de la faire patienter. Quoi qu'amusant, je me contraignais à rapidement venir la saluer. Quel sympathique frère étais-je, n'est-ce pas ? « Coucou, toi. » Lui dis-je dans un premier temps en déposant un baiser sur son front. « Qu'est-ce qui t'arrives, dis-moi ? Pourquoi es-tu à l'heure ? » Continuais-je en retirant ma veste et m'installant face à la jeune Lefèvre. Certes, je la taquinais mais c'était bien là notre quotidien et notre relation parfois conflictuelle et pourtant si fusionnelle. « Sinon tu vas bien ? Tes gamins ont réussi à te supporter cette semaine ? » Mêlé le sérieux au taquinerie était un véritable plaisir avec Charline. Je reprenais, à mon tour, un air sérieux. Il était temps d'avoir de véritables explications. J'ouvris la carte des menus pour ensuite prendre la parole.« Dis-moi... Franchement, c'est pour quoi ce petit-déjeuner ? T'as quoi derrière la tête ? Et ne me dis surtout pas que tu ne vois pas de quoi je parle. Je te connais, Charline, et je sais très bien que t'as manigancé un petit quelque chose ? Alors avoues. » Visage caché derrière le menu, j'attendais sa réponse.

Gardant les yeux fermés, ma main parcourait le lit à la recherche de mon téléphone. Une fois celui-ci trouvé, j'ouvris légèrement les yeux afin de connaitre l'heure, la lumière du téléphone me faisait un mal de chien, moi qui était à peine réveillée. Mon chat me sentant m'agiter, arriva jusqu'à mon visage, j'en profitais donc pour lui faire le petit câlin du matin. J'adore les animaux, si je pouvais j'aurais cinq chats et cinq chiens, mais dans mon petit appartement parisien je ne pouvais pas me le permettre. De plus étant dehors de sept heures trente à dix huit heures, un chien serait très malheureux chez moi. Une fois que mon chat m'abandonna pour vivre sa vie, je me redressais doucement tout en m'étirant. J'aurais bien trainé au lit, mais j'avais un rendez vous à dix heures, oh, rien de très glamour, juste un petit déjeuner en tête à tête avec mon frère. C'était moi qui était à l'origine de ce rendez-vous matinal, je voulais voir comment il allait mais j'avais également d'autres questions à lui poser.

Neuf heures vingt, je quittais mon appartement pour me rendre à notre lieu de rendez-vous. Il faisait tellement froid, et pourtant j'avais sortie toutes mes affaires anti-froid : bonnet, écharpe, bottes et long manteau. J'aime beaucoup Paris mais j'ai encore beaucoup de mal à m'habituer à ces températures, nous n'étions encore qu'en automne, je n'osais imaginer ce que ce serait cet hiver, je n'étais pas sure de résister à mon premier hiver parisien. Sortant du métro j'accélérais le pas afin de gagner le café au plus vite et de m'y réchauffer. Une fois arrivée, je m'installais à un table, retirant à contre coeur mon manteau et mon bonnet, mais impossible d'enlever ma grosse écharpe. Mon frère Cassandre ne tarda pas à montrer le bout de son nez, je jetais un coup d'oeil sur mon portable, il était pile à l'heure, je ne pouvais même pas lui faire de reproche. « Coucou, toi. » « Salut. » Mon frère m'embrassa sur le front avant de prendre place face à moi. A peine installé il commençait déjà ces taquineries, j'en avais l'habitude, c'était toujours ainsi lui et moi, il fallait toujours qu'on se lance des petits pics. « Qu'est-ce qui t'arrives, dis-moi ? Pourquoi es-tu à l'heure ? » « Comme quoi les miracles arrivent, d'ailleurs... Je suis à l'heure et toi aussi, on va déclencher une catastrophe météorologique sur la capitale. » « Sinon tu vas bien ? Tes gamins ont réussi à te supporter cette semaine ? » « Mais dis-donc Mr Lefèvre, c'est que vous êtes en forme en ce samedi matin, ça fait plaisir à voir. » Pendant mon enfance et même pendant mon adolescence, Cassandre et moi étions loin d'être proches, si on m'avait dis qu'on se verrait régulièrement, toujours à s'envoyer des petits textos, sur le coup, j'aurais bien rigolé. Il nous a fallu un drame familial pour pouvoir enfin se rapprocher ; la mort de notre frère Camille, mort au combat il y a de cela sept ans. Suite à ça, nous nous sommes beaucoup rapprochés, et maintenant je ne peux pas passer plusieurs jours sans avoir de ses nouvelles, d'ailleurs c'est un peu comme ma mère, je l'appelle tous les jours, oui, tous les jours malgré mes vingt-quatre ans.

« Dis-moi... Franchement, c'est pour quoi ce petit-déjeuner ? T'as quoi derrière la tête ? Et ne me dis surtout pas que tu ne vois pas de quoi je parle. Je te connais, Charline, et je sais très bien que t'as manigancé un petit quelque chose ? Alors avoues. » j'acquiesçais un sourire, il n'y a pas à dire il me connaissait bien, après tout cela faisait vingt-quatre ans que je lui trainait dans les pattes. En effet en l'invitant à petit-déjeuner j'avais une petite idée derrière la tête. « Et si je dis je ne vois pas du tout où tu veux en venir , ça marcherait? » En voyant son regard insistant, je voyais bien qu'il n'étais pas satisfait de ma réponse. Essayant de reprendre mon sérieux, je poursuivais ; « C'est quand même incroyable, alors maintenant je n'ai plus le droit de prendre un petit déjeuner avec mon frère adoré sans avoir d'arrière pensée? » Après tout je pouvais bien être une sœur exemplaire qui désirait le voir juste pour ces beaux yeux. « Bon, et même si il y avait quelque chose on pourrait peut-être commander avant tu ne penses pas? » Il me connaissait trop bien, quelques fois ça pouvait être utile, mais d'autres fois ça pouvait s'avérer être embêtant. J'avais peu que si j'abordais les questions qui me trottait dans la tête, qu'il parte sans avoir pris le temps de déjeuner avec moi.