« Champagne Showers ! »

Facebook est notre ami, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, et précisément ce soir, je pouvais le confirmer. J'avais déjà rencontré Melissa à quelques reprises avec Aaron mais jamais nous n'avions sympathisé. Ce samedi, nous remédierons à cela. Nous sortions ensemble. Je lui avais demandé sur son mur si cela la tentait. Elle m'avait répondu oui. Notre rendez-vous était donc posé : Samedi soir au Baron. Nous allions fêter notre vie sans Aaron Parker. J'espérais simplement que je réussirais rapidement à l'oublier car ce que je ressentais jusque là était un véritable vide dans mon poitrine, dans mon cœur et dans mon environnement. Il me manquait terriblement. Mais ma déception était aussi grande que ce manque. En couchant avec Gray, il n'avait fait que confirmer certains doutes que j'avais face à son métier d'Escort. Bien que Grayson ne fasse pas parti de cette catégorie, j'avais ma réponse. Le neurochirurgien me faisait cocu et je détestais ça. Il avait dit qu'il tenait à moi, il m'avait même promis que ça ne se passerait jamais avec ces clientes. Bon ok, Langlois n'en faisait pas parti mais je le considérais comme tel.

Habillé pour passer une bonne soirée, j'avais revêtu une simple tenue avec un haut dans les tons rouges et un pantalon beige et des chaussures noires. C'était simple, classe sans trop l'être. Bref, c'était la tenue idéale pour une soirée comme celle-ci. J'avais pris le métro pour rejoindre le 8ème arrondissement. Portable en main, j'étais sur Facebook à regarder les nouvelles. J'en apprenais bien plus depuis que je m'étais inscrit sur ce réseau social qu'avant. C'était une vraie mine d'informations et ma curiosité maladive était enfin combler par ce site. Que demander de plus ?

J'arrivais alors le premier non loin des champs Élysées et je me rapprochais de l'entrée du club en marchant. Je rangeais mon portable dans ma poche de pantalon. J'étais légèrement en retard. Pour changer. J'accélérais donc le pas pour ne pas faire attendre la jeune femme plus longtemps. Elle et moi avions pas mal de points communs dont notre déception de la part d'un certain Anglais. Et c'était justement cela qui nous avait rapproché. Elle était venue me voir pour la première sur ce fameux réseau social. Tout d'abord surpris, j'avais finis par l'inviter pour une soirée particulière. Une soirée entre deux personnes qui avaient juste envie de s'amuser et de passer une bonne soirée sans se prendre la tête pour des broutilles inutiles. C'était l'idéal, le mieux pour nous deux.

J'arrivais alors devant Le Baron. Melissa m'attendait déjà. Je m'avançais vers elle qui était déjà dans la petite file pour entrer dans le fameux club parisien. Je passais ainsi devant une dizaine de personnes qui me regardaient avec des gros yeux. Je m'en foutais. Aux côtés de la jeune femme, je lui fis donc la bise de manière assez maladroite. « Désolé pour le retard. Mais t'as fais la queue donc c'est parfait. On perdra moins de temps car j'ai une incroyable envie de me défouler sur le dancefloor. » Lui dis-je alors. C'était venu naturellement comme si nous nous connaissions depuis quelque temps déjà. « Désolé pour le retard. Mais t'as fais la queue donc c'est parfait. On perdra moins de temps car j'ai une incroyable envie de me défouler sur le dancefloor. » Manteau sur les épaules, je sortais une légère écharpe de tissu beige pour l'enrouler autour de mon cou en attendant que l'on puisse entrer dans les lieux. Il faisait tout de même froid. La nuit était tombée et la fraîcheur régnait sur la capitale française. « Ça va sinon ? Ça a dû te surprendre que je t'invite ce soir, non ? » Je lui posais cette question par simple curiosité. C'était-elle attendu à ce genre de demande de ma part, je ne pense après. Je voulais donc connaître son avis à ce sujet là.

Je me sentais stupide. Stupidement désespérée. Ce n’était certainement pas qu’un sentiment d’ailleurs. Je l’étais vraiment. Alors c’était avec dégout de moi-même que je me préparai à passer une soirée avec Cassandre – l’ex cocu d’Aaron. Je ne comprenais pas trop ce qui m’avait poussé à m’intéresser à lui. Peut-être avais-je fait cela car il se retrouvait dans une situation similaire à la mienne. Il était tout aussi déçu que moi d’Aaron, alors inconsciemment, je m’étais dit qu’il me comprendrait et qu’on pourrait éventuellement se soutenir pour surmonter ça. Surmonter la douleur et tout ce qui pouvait suivre : solitude, incompréhension et… solitude.

Il est vrai que ça pouvait paraitre stupide que cette petite dispute avec Aaron prenne tant d’ampleur. Et je dois bien avouer que j’en fus la première surprise. Mais je ne pouvais plus me contenter d’être son bouche tour quotidien. Du moins, je ne pouvais plus l’être après tout ce qui était arrivé jusqu’alors. Je ne pouvais plus être présente dans la vie de quelqu’un qui m’avait abandonné sans gêne pendant deux mois sous prétexte que je ne l’impliquais pas assez dans ma vie (premier paradoxe), et encore moins dans la vie de quelqu’un qui avait attendu huit ans de pseudo-amitié pour m’avouer sa réelle identité alors que cette même personne m’avait reproché deux mois avant de ne pas assez me livrer à son gout (second paradoxe). Non, les évènements étaient trop pesants pour que je puisse les supporter. Et puis tout ça m’avait fait clairement prendre conscience que cette « amitié » n’était que superficielle. Et pourtant, cette rupture m’était si douloureuse ! C’était étrange parce que j’avais quand même pris l’habitude – malgré moi – que les personnes que j’osais aimer s’en aille : ma mère, mon frère, Nolan et puis maintenant Aaron. Je me demandais bien quand est-ce que ce carnage cesserait…

Enfin voilà, j’avais bêtement tenté de prendre contact avec Cassandre. Parce qu’au fond, même si la forme de notre échec respectif avec Aaron n’était pas la même, le fond lui, était semblable en tout point. Haine, dégout, déception, douleur, soif de revanche. C’était pareil des deux côtés. Sauf que le premier contact fut froid. Très froid. Et j’en avais été vexée sur l’instant. J’avais tendu une main amicale à Cassandre et lui s’était contenté de me faire un doigt d’honneur. Alors quand j’aperçus ce message sur mon mur facebook – facebook, c’est le nouveau Big Brother – j’hésitais à accepter l’invitation. Après tout, il m’avait lui aussi jeté comme une pauvre merde. Mais bon, à présent, j’étais seule. Et quitte à passer mon temps à me bourrer la gueule, autant éviter de le faire seul chez soit comme un pauvre alcoolique.

D’où ma tentative de ravalement de façade en ce samedi soir. Et en toute franchise, la mission fut rude à mener à bien. Quoi que je fasse, il n’y avait que la tristesse qui se dégageait de mon visage. Alors après une vingtaine de minutes de bataille acharnée, je jetai les armes. Après tout, celui qui n’aimait pas ma tête n’était pas obligé de me voir, n’est-ce pas ?

Un dernier coup d’œil dans le miroir et je fus en route vers le Baron. Etant pour une fois en avance – ce genre d’exploit n’arrive que durant les années bissextiles – je ne me pressai pas pour arriver au lieu du rendez-vous. Ne sortant plus de chez moi depuis un certain temps, j’avais l’impression d’être une vieille momie sortie de son sarcophage. Alors je profitais bêtement d’une balade nocturne – et solitaire au passage – dans les rues de Paris. Malgré cette légère brise glaciale – vous savez, celle qui une fois engouffrée dans vos vêtements ne vous lâche plus – les rues étaient animées. Et moi, je me sentais presque revivre. Presque.

Arrivée au Baron, je décidai d’attendre un peu Cassandre, et grâce à ça, je venais d’apprendre une chose sur moi : je déteste attendre. Je perdis très rapidement patience – au bout de cinq minutes à peine – alors je décidais de ne pas l’attendre. Pas à l’extérieur en tout cas. C’est donc seule que je commençai à faire la queue. Et là aussi je perdis rapidement patience, mais n’ayant pas d’autres solutions, j’attendis mon tour comme tout le monde. Alors comme pour m’occuper l’esprit, je me demandais bêtement comme la soirée allait se passer. Je ne connaissais pas Cassandre, et je n’étais absolument pas du genre à faire la discussion. S’il y avait bien une chose que je ne supportais pas, c’était bien de combler les blancs dans une discussion. Donc la soirée ne s’annonçait pas forcément bonne et, de toute manière, j’étais seule pour le moment. Mais pas pour longtemps puisque Monsieur-j’aime-me-faire-désirer arriva. Je faillis lancer un « ce n’est pas trop tôt !» mais je me pinçai fort les lèvres pour me retenir.

« Désolé pour le retard. Mais t'as fait la queue donc c'est parfait. On perdra moins de temps car j'ai une incroyable envie de me défouler sur le dancefloor. »

« Bonsoir. Pour ta gouverne, tu apprendras que je suis parfaite. Et moi aussi j’ai une envie folle de danser. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne suis pas sortie ! »

Ce n’était pas qu’une impression mais bon…

Je trouvais ça presque bizarre qu’il m’adresse la parole comme si nous nous connaissions depuis des années. Disons que ça me mettait tant à l’aise que mal à l’aise. Oui, parce que j’étais de ces personnes qui observaient les gens avant de les côtoyer, comme ça, les risques de boulettes monumentales pouvaient être évités. Là, j’avais juste l’impression qu’on me jetait dans le vide sans aucune sécurité… Je n’aimais pas ça. Mais là aussi je devrais faire avec sans doute…

« Ça va sinon ? Ça a dû te surprendre que je t'invite ce soir, non ? »

J’hésitai un court instant avant de répondre. Pouvais-je vraiment répondre franchement à cette question ? La réponse était indéniablement non. Je me voyais mal lui dire que j’allai mal parce que le seul ami que j’avais m’a gentiment jeté, et que j’étais la pute d’un homme marié et que du coup, je passais mes journées à être ivre. C’était quand même de mauvais gout pour une première rencontre.

« Oui oui. Ça va à peu près. Et toi ? Je constate que tu t’amuses bien depuis ta rupture… Osai-je dire ironiquement. »

Fallait bien avouer que pour les histoires de baise et tout le reste, facebook était le paradis. C’était une mine d’informations considérables et c’était souvent très divertissant.

« Et vue comme tu m’as gentiment remballé quand je suis venue te parler, oui j’ai été surprise de l’invitation. Et pour être franche avec toi, je n’étais pas certaine de vouloir accepter au début. Mais l’important, c’est que j’ai fini par accepter. »

J'était en retard. Je le savais et je m'en excusais envers Melissa qui m'attendait. Je lui avais donné ce rendez-vous mais j'arrivais quelques minutes après ce rendez-vous que j'avais moi-même posé. J'avais essayé d'être à l'heure mais depuis quelques jours maintenant, je n'étais pas au top de ma forme que se soit professionnellement ou personnellement. Je tentais cependant de remonter la pente en sortant, en couchant, en oubliant Aaron et son Grayyyyson. « Bonsoir. Pour ta gouverne, tu apprendras que je suis parfaite. Et moi aussi j’ai une envie folle de danser. J’ai l’impression que ça fait une éternité que je ne suis pas sortie ! » Elle n'était pas la seule. Je recommençais à sortir également. Enfin non, je sortais aussi pour la première fois ce soir depuis un petit bout de temps.
« Ça fait un moment aussi que je n'ai pas dansé. Ça va me faire du bien. Je vais pouvoir m'amuser. » Lui avouais-je alors que nous étions toujours dans la file d'attente pour entrer dans ce club. Il était vrai que je m'adressais à la jeune femme avec une certaine facilité, comme si nous nous connaissions depuis des années alors que c'était la première fois que nous passions une soirée ensemble, que tous les deux. C'était étrange. Très étrange. Mais comment ne pas être aussi proche alors que nous avions tous les deux étaient déçu par le même homme.
« Oui oui. Ça va à peu près. Et toi ? Je constate que tu t’amuses bien depuis ta rupture… » Je ne voyais pas vraiment où elle voulait en venir. Je ne répondis donc rien. Je m'amusais depuis ma rupture ? Pas vraiment. J'étais plutôt pathétique la journée et le soir, je ne faisais rien de spécial. J'avais couché avec Cheshire. Une fois. Pour oublier cette immense déception, cette douleur que j'avais dans ma poitrine. Je ne regrettais pas. Pas du tout. Pendant quelques heures, j'avais oublié. J'avais tout oublié mais la réalité était rapidement revenu. Et ma souffrance était bien pire après.« Et vue comme tu m’as gentiment remballé quand je suis venue te parler, oui j’ai été surprise de l’invitation. Et pour être franche avec toi, je n’étais pas certaine de vouloir accepter au début. Mais l’important, c’est que j’ai fini par accepter. » Il est vrai que je n'avais été très sociable lorsque la jeune femme était venue vers moi. Mais j'étais réellement dans un mauvais moment ce jour-là. Je broyais du noir et j'aurais voulu m'enfermer dans une bulle où personne n'aurait pu m'importuner. Malheureusement, Melissa était venue me voir et je l'avais remballé à ma façon.
« Excuses-moi pour ça. C'est juste que t'es arrivé au mauvais moment et tout est tombé sur toi. Désolé. » Je lui souris. J'étais tout de même content qu'elle ne m'en veuille pas vraiment pour ça. Elle était là et c'était le principal. « Tu as accepté, c'est tout ce qui compte. »

Ce fut alors à notre tour d'entrée dans le club. Après avoir passé le videur, nous sommes tous les deux entrer pour nous amuser en passant préalablement par les vestiaires pour déposer nos deux vestes. Porte-feuilles dans la poche arrière de mon jean, j'avançais avec Melrose dans l'antre du Baron. « La première tournée est pour moi. » Lui dis-je alors en nous dirigeant tous les deux vers le bar. Je levais un bras pour appeler le barman et je commandais nos deux boissons dont un Gin Fizz pour moi. Je débutais la soirée tranquillement. On verrait bien ce qu'il se passerait par la suite. Je me retournais, attendant nos verres, et je regardais les gens danser. Certains s'amusaient, d'autres déambulaient comme des morts-vivants. Chacun sa notion de la fête. Verre en mains quelques minutes plus tard, je trinquais avec la jeune femme. « A notre soirée, aussi étrange soit-elle. » Décrétais-je en claquant nos deux verres l'un contre l'autre. Je bus une première gorgée de ma boisson préférée en début de soirée. « Et si on allait danser ? J'en ai une folle envie ! »