Go to hell, please

J’avais beau aimer ma mère au plus profond de moi-même mais à cet instant-ci je pensais à la renier. Posée, sur mon bureau, j’avais sorti un brouillon et avait commencé à gribouiller quelques petites choses, un casque sur les oreilles. Ma mère n’avait pas frappé, ou bien je ne l’avais pas entendu mais j’étais persuadée qu’elle ne l’avait pas fait, étant donné la hâte dans laquelle elle se trouvait. La voilà, déambulant dans ma chambre, les bras chargés. Cela changeait bien de d’habitude, pour une fois elle n’était pas scotchée au roman qu’elle essayait désespérément d’écrire. Pourtant, ce jour-là, j’aurais préféré qu’elle le soit. J’enlevais immédiatement mon casque d’un air désespéré et analysais ma mère et l’attirail de guerre qu’elle avait sorti. Des sacs. Des sacs remplis à rebord. Et le pire, c’est que je savais qu’ils étaient pour moi. L’idée d’avoir tout ça à essayer me répugnait, j’aurais préféré gaspiller mon temps autrement, voire ne pas le gaspiller en fait.

Je restais là, muette, assise sur ma chaise, et regardais ma mère déballer toutes ces affaires sur mon lit. Tout ce qu’elle sortait était pour moi, et je devais tout essayer sans faute. Alors j’essayais, pour faire plaisir à ma mère. Et rien ne m’allait. Enfin si, tout m’allait, mais rien ne me rendait extraordinairement somptueuse ou sexy. Ce soir se tenait un gala où nous avions été invités, et ma mère voulait faire de moi la plus ravissante des dames à cette soirée. D’après elle, on ne sait jamais, peut-être que je me ferai repérer. Ma mère rêvait de moi sur un podium à défiler. J’en avais peut-être le physique, mais je n’en avais pas l’envie. Alors je laissais causer ma mère, je la laissais m’habiller comme une poupée, et priais pour que tout soit fini au plus tôt. Mais quand j’ai vu quelle tenue ma mère m’avait finalement choisi, j’ai cru piquer une crise de nerfs. Elle se fichait de moi ? J’avais l’air… d’une chaudasse. Or, j’étais tout sauf cela. Mais bien sûr, elle ne voulait rien entendre, et disais que j’allais être la plus belle de la soirée. Comme si j’en avais quelque chose à faire. Au pire du pire, je m’éclipserais, prétextant un mal de tête violent. C’était une bonne idée à noter.

Je m’habillais donc dans cette ignoble tenue, me maquillais, me coiffais, et me rendais le plus tard possible à ce fameux gala. Je saluais les gens que je croisais par pure politesse, car Dieu sait que j’aurais préféré ne jamais les rencontrer, et tentais de me faire la plus petite possible même si cela me paraissait complètement impossible. Comment voulez-vous que je me cache avec un tel truc sur le dos ? Encore heureux qu’elle l’ait acheté en noir et pas dans une autre couleur, ça aurait bien été son style.