Franchement, ce n'est pas la période idéale pour un arrêt maladie aussi long. Presque une semaine que je tourne en rond comme un poisson rouge dans cet appartement. J'ai même la sensation d'ennuyer le chaton, idée de Celim. Ce dernier ronfle paisiblement sur le canapé. Prison dorée pour certains, véritable enfer en ce qui me concerne. Je vais finir par être convaincue que j'ai trop d'énergie à revendre. Cher mauvais karma, tu aurais pu te montrer le bout de ton nez à un moment plus opportun. Je soupire devant ma fenêtre, côté Tour Eiffel. Une fois, deux fois. Il faut que je trouve quelque chose à faire avant qu'ils m'expédient à l'asile le plus proche. Celim bosse. Aucune nouvelle d'Albane, à croire qu'elle est déjà repartie en Belgique ou je ne sais où. Quant à Tay… Je ne préfère pas y penser. Il parait qu'il n'est plus en ville. Pour quelques temps. Pour toujours, il parait que ce serait l'idéal. Pour moi. Pour lui. Peu importe. J'ai envie. Pas envie. C'est ambiguë. Compliqué. Mon dieu, qu'est-ce que c'est chiant aussi. Enfin, pas dit que j'ai bien tout compris car c'est tout bonnement ce que j'ai cru entendre lors d'une ultime réunion à la radio alors que je me battais pour confier le dossier à quelqu'un d'autre. Et dire que j'avais été fière de remporter ce marché. Vous comprendrez que j'ai besoin de prendre mes distances avec tout ça, étant donné que je ne suis pas capable de tourner la page, de l'oublier comme monsieur y tient. D'ailleurs, il serait temps que je lui rende ses clés, au moins. Ouais, voilà comment je compte tuer quelques heures : me traîner jusque chez Tay lui déposer ses clés et vérifier que je n'y ai rien oublié. Je prie pour qu'il ne s'y soit pas terré avec Anaëlle. Il ne me manquerait plus que cela pour retrouver le moral. Je repense à la soirée avec Saad et nos idées à la con. Ou comment retrouver le sourire en quelques secondes. Je m'engouffre dans l'ascenseur et baisse les yeux.
Un taxi et me voilà quelques kilomètres plus loin, plus légère d'une dizaine d'euros en moins sur mon compte en banque également. Je me traîne jusque dans l'immeuble. Allez, je peux le faire. Je n'ai qu'à déposer les clés, récupérer ce qui pourrait m'appartenir et repartir comme si de rien n'était. Pendant que l'ascenseur m'amène jusqu'au bon étage, mon souffle se fait court et mes bras tremble. À peine arrivée, je me laisse tomber sur son canapé. J'aime l'odeur de chez lui, l'exposition de l'appartement. J'aime encore trop de choses chez Tay. Les minutes passent, je n'ai toujours pas bougé d'un centimètre et continue de fixer le plafond jusqu'à ce que j'entende un bruit. Pas moyen de savoir si ledit bruit vient de l'intérieur ou de la porte d'entrée. S'il s'agit de Tay ou d'une vieille voisine qui vient jeter un coup d'œil aux poissons rouges dont j'ignore l'existence. Entre l'attèle et les béquilles, je n'ai pas le choix que d'être prise en flagrant délit. Je me redresse en catastrophe. « Non, c'est pas ce que tu crois. Je ne te harcèle pas, promis ! »