Je lève les yeux au ciel face au miroir de ma chambre. J'ai horreur de passer la soirée au milieu de la foule, seule. Je donnerai cher pour que Tay soit là ou une tête connue, pas forcément du cadre professionnel. Cela va de soit. Il y aura certainement Athénaïs, mais elle est de la concurrence, nous ne serons pas tranquilles. En réalité, mes seules zones de confort sont mon bureau, mon appartement et les salles de réunion calmes. Et ce soir, je vais me retrouver confrontée à mes semblables, des petits fours et des bulles. Voilà le plan : je fais acte de présence avec un grand sourire et me glisse dans un coin avec des bulles. En attendant, je suis encore loin d'être prête. Je tourne sur moi-même. Ni trop vulgaire, ni trop austère, ça devrait le faire. Allez je peux le faire. Je prends mes angoisses par la main et c'est avec un horrible mal au ventre que je me glisse dans un taxi. Une fois sur place, je me sens mal à l'aise. Il y a des petits groupes un peu partout, tous griffés de la tête au pied, tous dans leur élément. Des publicitaires comme moi, ceux à l'origine de tous les évènements parisiens, bref toute la panoplie de communicants possibles. Et puis il y a des annonceurs, des tas d'annonceurs, nos clients en somme. Et c'est pour cette raison que mon directeur nous pousse à venir ici. En temps normal, je suis dans mon élément avec les clients ainsi que les futurs clients de l'agence. Mais pas ce soir, pas en ce moment. Un dilemme se présente à mes yeux : fuir toutes ces personnes pour retourner sous ma couette ou rôder autour du buffet et des serveurs pour noyer mes angoisses, comme si de rien n'était. Et je finis par croiser son chemin. Nos retrouvailles de l'été dernier furent les plus froides. Je m'en souviens parfaitement. « Pourquoi tu es revenue ? » ou encore « Pourquoi t'es partie ? » Minable, je n'avais pas su comment lui répondre, en dehors d'un truc bateau et sans intérêt. Ça me jette encore un froid dans le dos. Ayant toujours cru en notre amitié, je prends mon courage à deux mains et une nouvelle flûte de bulles. Je n'ai jamais eu la possibilité de m'expliquer avec lui, encore moins de trouver une solution. Et j'y tiens. Nous nous apprécions avant que je fasse la conne, non ? Pour avoir cette capacité à me mettre à dos ceux qui avaient été proches, il doit y avoir un truc qui ne tourne pas rond chez moi. « Bonsoir Noah. » Plus banal tu meurs. Mais après la dernière fois, je me vois pas jouer les filles très expressives, enjouées, à sauter dans les bras de tout le monde, même quand je les aime bien encore. Il me faudrait plus de bulles. Sauf que, pour une raison que j'ignore, on cesse de me servir après un certain nombre de verres.