Assise sur le siège côté conducteur, j'observe les joggers et cyclistes déjà présents, quelques chevaux de l'hippodrome de Longchamp non loin, ainsi que les dernières feuilles tomber. Instant poétique qui me fait rire intérieurement. M'exiler dans un endroit qui a mauvaise réputation ? Courir ici entre midi et deux est ma nouvelle seule façon de ne penser à rien d'autre et de m'isoler, tout en restant à proximité du bureau (ne changeons pas nos bonnes habitudes). Et puis en pleine journée, ce n'est pas comme si je craignais de me faire agresser. C'est toujours mieux que de faire copain copain avec cigarette, marie jeanne ou cocaïne (le cliché du publicitaire), non ? De toute façon, me rendre dans cet endroit tranquille est un besoin que je ressens de plus en plus mine de rien. Mon boulot prend une place de plus en plus envahissante dans ma vie ça en devient flippant. Même lors des soirées mondaines, je me retrouve à parler boulot. Même chez moi. Même dans la cuisine. Même dans mon lit. Une poche de chez SushiShop pour plus tard, après l'effort, sur la banquette arrière de la voiture. Musique dans les oreilles, je prends une profonde inspiration, prête à me lancer. Ce n'est pas la motivation qui me manque, mais laisser mon téléphone dans la voiture et me couper de mes mails me pincent toujours un peu le cœur. Une véritable addiction. Je me glisse hors de la voiture et prend la direction du sentier. C'est au bout de dix mètres, tout juste que je dois m'arrêter. Pourquoi est-ce que tout le monde croise ma route ces derniers temps ? À moins qu'il s'agisse d'une hallucination. C'est quoi cette couleur de cheveux ? Originale l'idée de la mèche décolorée, non ? Et cette barbe d'un peu plus de trois jours ? Bonjour, je me prends pour une rock star. Non, c'est lui, j'en suis certaine... au point où j'en mettrai ma main à couper. La musique cesse et je retire les écouteurs. « A-lee ? » Je frôle l'état de choc et cela me permet de ne pas agir sur un coup de tête, comme lui sauter dessus et me blottir contre lui. Je suis dans l'incapacité de le comprendre. Le retrouver sera dur, impossible même j'en suis consciente, je ne me fais plus d'il et d'anticiper ses réaction. Je ne me fais plus d'illusion désormais. Depuis l'accident, Alee ne sera plus jamais mon Alee, mon petit frère, celui a qui je pouvait tout dire ou presque. Lors de notre séjour en Angleterre, l'été dernier, il s'est révélé être l'Alee méconnaissable, l'Alee qui me faisait littéralement peur lorsqu'il piquait une colère. Maudite amnésie qui a fait couler beaucoup de larmes et provoqué pas mal de disputes entre nous. Je m'étais attendue à presque tout, sauf de le croiser ici. Malgré tout cela, je l'apprécie encore d'une façon... inconditionnelle.