Calm down. Deep breaths. And get

yourself dressed instead of running

around.

Ma vie n'était plus la même. Célibataire, je reprenais peu à peu goût aux joies du quotidiens dans ma solitude. Boulot, métro, dodo. En seulement trois mots, je décrivais presque l'ensemble de mes journées depuis quelques semaines aujourd'hui. Cependant, depuis que Justin vivait avec moi, je me sentais beaucoup. Sa présence me réconfortait et m'apportait cette dose d'oxygène et de bien-être dont j'avais besoin. Il était jeune, plein de vie et c'était là le plus important pour que je sois en pleine forme. Malheureusement pour moi, le jeune Fabre n'était pas toujours là et cet après-midi se fut bel et bien le cas. Seul dans mon appartement, je ne savais quoi faire. Je tournais en rond, regardant la télé pour l'éteindre dix minutes plus tard, débutant un livre pour ne lire que la première page. C'était désespérant. Je me dirigeais alors dans ma chambre, sortant un short et un débardeur. Courir me ferait le plus grand bien. Un jogging pour se libérer l'esprit. Un footing pour apaiser les tensions existantes et repartir de bon pied pour le reste de la journée.

Écouteurs sur les oreilles, je courrais. Tournant dans les rues de Paris selon mes envies, ne cherchant pas de destination spécifique, je courrais aussi simplement que l'on puisse le faire. Cela faisait bien des jours voire des semaines que je ne m'étais pas faite une sortie dans le genre et je regrettais bien cette décision. Le manque de temps, l’aménagement de Justin et le travail à l'hôpital y étaient surement pour beaucoup. Je me retrouvais rapidement le long du canal Saint-Martin et je m'arrêtais un instant pour contempler le paysage et me souvenir d'un évènement passé en ces lieux. Je reprenais mon souffle, suant légèrement après ces minutes de courses à pied. Dès lors, je m'appuyais sur le rebord du canal, m'étirant pour éviter les courbatures et un claquage mal venu. Je commençais à chantonner ce que j'écoutais. Les passant auraient pu alors reconnaître Last Friday Night de Katy Perry. Mais au vu de leur âge avancé, je doutais qu'ils connaissent l’interprète de la chanson et encore moins les paroles.

Je repris alors ma course. Mais quelque chose était différent. Je ne savais pas quoi. J'avais simplement l'impression d'être...suivi. Suivi par un jeune homme qui, de loin, m'était totalement inconnu. J'avais lâché quelques regards dans sa direction, accélérant parfois mes pas pour le semer. Cependant, il restait à l'affut et derrière moi. Je me stoppais donc soudainement et me retournais dans la fouler pour tomber nez à nez avec cet inconnu qui n'en était finalement pas un. « Vous ? Mais, mais qu'est-ce que vous faites là ? » Demandais-je, surpris de voir que l'un de mes anciens patients me suivait de près alors que je pratiquais simplement un sport que la plupart trouver ennuyeux et inutile. « Vous me suiviez, n'est-ce pas ? »

Kiss me hard.

C'est toujours la même histoire. Ses conneries, cette drogue et toujours les mêmes blessures qui reviennent encore et encore. Ils t'explosent toujours la lèvre, la fente que les coups ont crée ne semble pas vouloir disparaître. Elle reste là. Prête à encaisser les prochains avant d'éclater à nouveau pour qu'une goûte de sang perle dans ses coins et te donnes ce gout amer dans la bouche. L'odeur du sang te répugne. Aurais-tu perdu le peu d'esprit que tu conserves bien au chaud? Surement. Ce type là, cet infirmier qui t'as soigné, tu l'as regardé, observé et à chaque fois qu'il te souriait ou même que sa main te touchait, t'étais entièrement parcours par une drôle de sensation. Une sensation que t'as jamais ressenti avant. C'était tellement étrange. Étrange dans le bon sens. C'est surement le pire. Ressentir quelque chose pour un homme n'était pas dans ton habitude. Ressentir des choses quand une femme te touches, encore, là ça passe. Mais un homme, surement pas. Tu veux comprendre. Tu sais pas comment te persuadé qu'il n'y a rien. Ca te l'a jamais fait avant lui. Tu n'as jamais eu ses frissons, cette chaire de poule apparente sur les avants-bras. T'étais à moitié soul et à moitié sonné par les coups mais ton corps ne peut pas mentir. Tu sais ce que t'as ressenti. Tu sais ce que ses sourires t'ont procuré. C'est un horreur!

Tu te balades dans les rues d'Paris, la gueule abîmée par les coups encore bien trop marqués sur ton visage, à ton gout. T'avances, les mains enfoncés dans les poches de ton jeans. Tu devrais être en cours, comme toujours. Mais tu sèches, dès la reprise. C'est pas bien les cours, c'est long et ça sert à rien. Sauf à te faire perdre un temps précieux. Tu fais quoi quand tu bosses pas? Absolument rien. T'es pas logique. Et après tu te plains de pas avoir de fric, si t'étais moins flemmard, t'en serais pas là. Tu serais même plus à Paris. Mais non, monsieur est trop bien dans son train-train. Tu marches donc, après avoir pris un café à emporter dans un des nombreux cafés de la capitale. Tes écouteurs dans les oreilles, du rap français à fond dans les oreilles, t'avances. Tes lèvres racontent les paroles sans qu'aucun son ne s'échappe. Ouais, tu vas pas chanter en plein milieu de la rue quand même. Tu portes ton café à tes lèvres et t'avales une gorgée. Tu souris. La musique rythme tes pas. Tu sais pas où tu vas, t'avances, c'est tout.

Tu le vois. Il est entrain de courir. Ton coeur se serre. C'est dans ses moments là que tu te demandes si t'as des couilles ou si elles sont juste là pour décorer. Tu soupires et tu te mets à le suivre. Tu dois avoir la certitude de ce que ce mec te fais ressentir. Ca doit être rien. Rien qui ne vaille la peine de te prendre la tête. Pourtant, t'es comme ça. Tu dois te prendre la tête, tu veux comprendre. Il s'arrête et tu te retrouves face à lui, le souffle coupé. La situation te déranges. T'es pas gay, tu devrais l'savoir. « Vous ? Mais, mais qu'est-ce que vous faites là ? » Bonne question. Pourquoi t'es pas chez toi? Ou au bord de la Seine à rien foutre? Pourquoi t'es là à l'emmerder? Tu retires tes écouteurs et tu hausses les épaules, sans savoir quoi rajouter. Tu le regardes. Si tu l'embrases, peut-être que tu sauras. « Vous me suiviez, n'est-ce pas ? » Tu ne peux t'empêcher de sourire. En coin. Tu restes un con. Tu vas pas dire que non alors que ta face crie que oui, tu le suivais. Tu le regardes à nouveau. Tu prends son poignet l’entraîne dans un coin sombre, où personne ne semble passer et puis tu l'embrasses. Comme ça. Et tu te recules, désorienté. Merde, les papillons dans le ventre... Tu te racles la gorge. C'est contradictoire avec ce que tu es. Avec ce que tu es censé être. « Désolé, j'sais pas ce qu'il m'a pris. » T'essayes de convaincre qui là? Toi ou lui? Les deux surement.

Peu de personnes connaissent cette sensation. Être suivi par un inconnu était dérangeant et surtout des tas de questions venaient s’embourber dans mon esprit alors que j'étais parti courir uniquement pour me vider la tête. Que me veut-il ? D’où me connait-il ? Que va-t-il me faire ? Un nombre incalculable d'interrogations parsemait mon esprit tandis que je courrais toujours en tentant de la échapper. Il fallait dire que sur les bords du canal Saint-Martin, il était assez difficile de se faufiler pour se cacher d'un homme comme lui. Ainsi, et vu la carrure de mon inconnu, je me stoppais soudainement pour retourner et lui faire face. J'étais peut-être légèrement plus grand mais j'étais surtout plus costaud et j'avais appris à me défendre. Les cours de boxe n'était pas si loin et je pratiquais toujours ce sport malgré tout. J'étais prêt à me défendre en cas d'attaque.

Je serrais les poings. Cependant, lorsque mon regard azuré se posa sur mon inconnu, je constatais rapidement qu'il n'était si inconnu que je ne l'avais cru. Un patient. Je l'avais soigné, il y a peu aux urgences. Il m'avait fait rire. Il m'avait même amusé ce qui n'était pas le cas de toutes les personnes que je côtoyais là-bas. Il m'avait sorti de telles conneries que je me souvenais encore de lui et surtout (et c'était là le plus intriguant), il avait ouvertement flirté avec moi. Et surprise, il m'avait suivi dans la rue. Il ne me faisait pas vraiment peur mais cette sensation d'être suivi pour une raison que j'ignorais encore n'était pas agréable. Il souriait. Bêtement. J'avais l'impression qu'il se foutait de moi, que tout cela n'était qu'un jeu pour lui. Que me voulait-il ? Qu'avait-il en tête ? Je désirais connaître ses intentions car même si je pouvais avoir facilement le dessus, il y avait toujours une certaine appréhension sur cette rencontre non anodine.

Il me regardait et je le dévisageais. J'étais légèrement en sueur et il me tira par le poignet. Il m'entraîna dans un coin sombre et, comme un idiot, je me laissais faire. Je ne réagissais pas. Je ne le questionnais pas. Il m'embrassa. Surpris, j'écarquillais les yeux. Il se recula et je ne cessais pas de l'observer. Il semblait désorienté, perdu. « Désolé, j'sais pas ce qu'il m'a pris. » Mettait-il en doute sa sexualité ? Et pourquoi moi ? Qu'est-ce que j'avais de plus qu'un autre ? J'arquais un sourcil, soupirant avant de poser une main sur le mur pour m'appuyer. « Pourquoi t'excuser ? » Lui demandais-je sagement. « Assumes ton geste car c'est bien là ce que tu recherchais au départ, n'est-ce pas ? » Un baiser. Ce n'était qu'un simple baiser et pourtant, j'avais la nette impression que tout le monde que ce jeune homme s'était construit était en train de s'effondrer. Je repris alors plus calmement la parole. Le rassurer. C'était le plus adéquate à la situation. « Ce n'est rien. T'inquiètes pas pour ça. »

Il voulait découvrir sa sexualité. Il désirait connaître ses envies et voire ce qu'il ressentait avec ces nouvelles expériences qu'il menait. Sans le prévenir, je déposais mes mains sur ses hanches, collant mon torse au sien et je l'embrassais fougueusement. Sa langue passa délicatement les lèvres du jeune homme et s'amusa avec la sienne tout aussi posément. A mon tour, je me reculais, laissant ainsi de l'espace entre nous pour lui poser la question existentielle de l'instant. « Alors t'as ressentis quelque chose ? »

Kiss me hard.

T'essayes de comprendre. Des frissons parcourent ta colonne vertébrale. Tes lèvres frolent les siennes, comme un automatisme pourtant tu sais très bien que ça devrait pas l'être. Surtout pas. Embrasser un mec, toi? T'es pas sérieux? Il t'arrive quoi là? Tu te sens rougir face à lui et tu t'aimerais pouvoir t'enfuir en silence, sans un bruit. Tu voudrais effacé ce moment là de ta mémoire. Tu ne sais pas pourquoi tu fais tout ça. T'essayes de te prouver que ses petits frémissements sont juste anodins pourtant tu as ressentit tout un tas de choses en même temps. T'es perturbé. Tu le regardes et tu rougis une fois de plus. Tu sais pas tellement pourquoi t'es là, tu sais encore moins quoi lui dire pour décoincer la situation qui semble horriblement coincée. Tu sais pas comment sortir de ce cercle infernal dans lequel tu viens de te jeter. T'es entrain de flipper. Les réponses que tu cherches, tu veux pas les entendre. Tu ne veux pas que tous tes idéaux soient bouleversés en un claquement de doigt. C'est trop stupide. Surtout là, maintenant, dans cette période de flottement que tu traverses. Où t'en es? Qui t'es? Bonne question. T'es une âme sans nom qui flotte, qui hante les rues d'Paname. « Pourquoi t'excuser ? » Pourquoi t'excuser? Bonne question. Pourquoi t'as fais ça après tout? T'es pas le genre de mec qui assume tout ce qu'il fait, d'ordinaire? Te voila confronter à une situation délicate dont tu ne sais pas comment sortir. T'es bloqué et le seul moyen de t'échapper c'est de t'excuser, toi le mec qui n'a jamais aucune sympathie envers personne, toi le mec trop fier de lui pour ce genre de futilité. « Ca fait con un peu quoi.. j'sais pas... Jte connais pas et ... Voila quoi, tu m'as compris. » Il ne t'a surement absolument pas compris. Tu t'embrouilles, cherches les mots juste. C'est tellement évident que tu ne comprend pas. « Assumes ton geste car c'est bien là ce que tu recherchais au départ, n'est-ce pas ? » Oui, non? T'en sais rien au fond. T'as agis sous une impulsion soudaine, comme toujours. T'es comme ça toi, t'agis sans réfléchir et tu te retrouves face aux conséquences de tes actes. Assumes, soit un mec et prends ta vie en main. Trop compliqué pour toi. « Ce n'est rien. T'inquiètes pas pour ça. » Un soupir. De soulagement. Tant mieux si c'était rien. Tu t'étais peut-être trompé sur le compte de cet infirmier aussi. Après tout, il ne devait pas être gay ou alors tout simplement pas attiré par les mecs. Tu sais pas, tu le connais pas. T'as juste supposé que si tu le faisais, il ne dirait rien. Tu t'es pas trompé. Tu souris, légèrement. Alors que tu t'apprêtes à le remercier, il t'embrasse. Ses mains sur tes hanches, son torse contre le tiens et vos langues qui s'amusent entre elles. Tu frissonnes, dans le moindre recoins. Tu te sens vacillé, tu sens le sol se dérobé sur tes pieds. Cette sensation... Des papillons s'envolent, te chatouillent le ventre. Tu cherches à te défaire de cette étreinte, à lui en coller une pour essayer de lui prouver que ce n'était absolument pas ça que tu recherchais alors que... Si. Au fond, tu voulais qu'il t'embrasse. Tu voulais ressentir ses picotements dans le bas du ventre. Mauvais signe putain. « Alors t'as ressentis quelque chose ? » Ton regard est égaré, ta respiration saccadée. Tu sais plus trop où t'en es. « Pas du tout. Absolument pas. » Mais quel piètre menteur tu fais. Tous les signes sont là et tu nies encore l'évidence. Ce type te fait de l'effet. Impossible... T'es pas homo, non, tout sauf ça. Tu cherches à t'en convaincre, tu te le répètes, encore et encore. T'y crois, au fond. Mais ton corps laisse penser le contraire, t'es déboussellé et ça se voit, se sent dans ta voix. « C'était stupide ahah. Je sais pas ce qui m'a pris. Faut que j'arrête d' fumer j'crois. » Tu souris. Un sourire horriblement faux. Ce type te fait d'l'effet. Dommage.