Les gens parlent énormément dans cette ville. Beaucoup trop, aussi. Que vous les connaissiez ou non. Mais savez vous que le monde est petit ? À peine vous rencontrez quelqu’un que vous ne cessez d’entendre tout un tas de choses à son sujet.

Sephora ne le connaît pas tant que cela, pourtant elle a eu le temps de s’y attacher. Il est comme la petite chose qu’elle se doit de protéger pour pas qu’il finisse plus mal qu’il ne l’est, pour qu’il cesse d’utiliser cette stupide facette de sale gosse, de mauvais garçon, de tout ce que vous voulez dans ce registre.. Pour on ne sait quelle raison, elle est persuadée que ce n’est pas sa véritable nature. Assise dans le métro au beau milieu de la nuit, la jeune femme écoute d’une oreille distraite deux gars qu’elle ne connaît ni d’Ève, ni d’Adam. Fermant de temps en temps les yeux, épuisée par sa journée à cavaler dans la capitale, elle se répète en boucle : « aller ma vieille, ne t’endors pas plus que deux stations. » Et finalement, c’est cette conversion qui la maintient éveillée. Il y a des noms que l’on ne peut oublier, même s’ils sont tout frais dans votre mémoire. Et la différence a beau être flagrante, il y a des personnes que l’on ne peut ignorer. C’est un peu la leçon que la rouquine a retenu lors de son retour. À l’avenir, elle se doit de ne plus oublier qui que ce soit, être moins égoïste. Se prendre une gifle par un membre de sa famille est une chose. Se faire plus ou moins rejeter par un de ceux qui vous ont toujours donné le sourire est une autre et c’est de loin la moins agréable à vivre.

Les secondes passent, les minutes aussi. Sephora est quasiment arrivée chez elle. Pourtant, elle a le pressentiment qu’elle doit se rendre ailleurs. Comme un devoir, une obligation. L’adresse ? Elle s’en souvient vaguement. Sur le quai et sans même jeter un coup d’œil au plan, elle fait un calcul rapide du nouveau trajet qu’elle doit prendre. Elle n’en a pas pour longtemps. Et dire qu’elle est sur le point de se mettre dans tous ses états pour un gars connu de vu dans un bar, il y a trois semaines de ça. Ne cherchez pas, il n’y a pas d’explication. Sur le chemin, la rouquine a tout juste le temps de se dire que de telles balades nocturnes dans Paris, tout en étant sobre, lui avaient manquée. Perdant la notion du temps au fur et à mesure, elle se retrouve sur le pallier de la porte. La jeune femme cligne des yeux étonnée par cette absence et tambourine comme une furie sur la porte, provoquant un ravissant vacarme pour quiconque souhaiterait dormir un tant soit peu. « Hadès, sale… gosse ! Ouvre moi cette putain de porte. » Peu importe ses éventuels colocataires. Peu importe l’éventuelle fille qui doit être dans son lit. Peu importe les voisins qui vont la prendre pour une dégénérée. Peu importe le reste du monde.

La crainte de se faire chopper. Un coin de rue de Paname, sombre, où même un chat ne s'aventure. Il te tend le paquet de poudre blanche, tu lui tends son fric. Echange basique, geste répétitif à force. Ca fait longtemps que t'as pas fais ça, que t'as pas eu l'ivresse de la situation. Tu sais très bien que c'est illégal c'te merde, en plus de coûter cher. C'est fou ce besoin que t'as d'en prendre, alors que tu sais que c'est pas bon pour toi. C'est bon pour personne. Pourtant t'en deviens accroc. Complètement. Tu remercies ton dealeur, avec une poignet de main banale alors que tu plonges le paquet dans la poche avant de ton jeans. Tu t'éloignes de lui le premier, les mains dans les poches, le regard perdu sur les pavés au sol. Tu fixes celui-ci et t'avances d'un pas assuré. Ca fait toujours suspect ce genre de comportement et tu sais que si un flic passe par là, t'es dans la merde. Ils savent ce qu'ils se passent dans cette rue, ils sont pas si cons que ça. Tu peux les dupés un temps mais ils finissent par se rendre compte des choses.

Tu te retrouves en plein centre ville. Les odeurs nauséabondes de la circulation t'envahissent et tu grimasses. Tu te frayes un chemin par les passants, tous plus pressés les uns que les autres. A croire que les gens ne savent plus vivre, prendre leur temps, dans cette ville. C'est bien dommage. Ralentir la cadence est pourtant tellement agréable. Ne rien foutre de la journée. C'est le pied complet. Oui, il faut bosser pour gagner sa vie. T'as 18 ans, tu vis chez quelqu'un que tu connais à peine, tu vas limite en cours. Ta vie serait telle définitivement gâchée? Tu sais même pas où tu trouves ce fric pour te payer ta poudre magique. Tes parents y sont peut-être un peu pour quelque chose, t'as quand même un compte en banque. Certes, presque vide, mais t'en as un. Tu bouscules quelques vieilles qui discutent et rient. Elles se retournent et t'insultent, te gueulent tout les noms insultants possible et inimaginables, t'y fais pas gaffe. Tu te retrouves bientôt dans la rue de ton nouveau chez toi. L'endroit où tu squattes, en gros. Alaska est bien gentil de te laisser dormir ici, prendre même possession de cet appart. Tu pousses la porte, aucun bruit. Tu dois être seul, tant mieux, t'as pas besoin de spectateur quand t'as de la coke sur toi. Tu fermes la porte à clé, au moins personne ne te dérange. Tu vas t'asseoir sur le canapé, t'installes tout. Tu plantes ton doigt dans le sachet avant de le mettre dans ta bouche. Ta lange essuie cette poudre blanche qui entoure ton doigt. Tu t'allonges et pose le paquet sur la table avant d'attraper une clope qui traîne par là. Tu la pinces entre tes lèvres et tu l'allumes. T'aimes bien ses moments de solitude où tu peux faire tout ce que tu souhaites sans que personne n'ai à dire quoi que ce soit. Tu tires doucement dessus avant de lentement souffler la fumée en l'air. Tu t'amuses à faire des ronds de fumée avec un léger sourire aux lèvres. Tu fermes les yeux. Pourquoi pas une sieste? Ouais, bonne idée. Pioncer. « Hadès, sale… gosse ! Ouvre moi cette putain de porte. » Quelqu'un gueule et tambourine à la porte. Tu grognes légèrement. « Allez vous faire foutre. » Tu t'étires légèrement avant de te péter la gueule du canapé. Les tambourinements ne cessent pas, alors tu vas ouvrir. T'as pas franchement envie de voir des gens, là tout de suite. Tu tournes la clé dans la serrure et ouvre. Tu découvres alors Sephora, cette fille qui s'est foutue en tête de te faire aller bien. Tu soupires. « Qu'est ce que tu veux? » Ton sec, froid. T'es pas d'humeur, voilà tout. Certes, t'es pas souvent d'humeur.

Fatiguée, la jeune femme se frotte les yeux, les tempes, puis reprend son vacarme priant pour qu’il se bouge le plus vite et surtout pour qu’il ne soit pas dans un coin de cet appartement à agoniser. « Allez vous faire foutre. » Bon une chose est certaine, monsieur est vivant, conscient et de mauvaise humeur. Tout lui indique qu’elle aurait mieux fait de rester sur le chemin de chez elle et dormir la conscience plus ou moins tranquille. « Qu’est-ce que tu veux ? » Mais qu’est-ce qu’ils ont tous dans cette ville à ne pas dire ‘bonjour’ ou ‘bonsoir’, un minimum de courtoisie. Inspire. Expire. Et ne t’emballe pas, ma petite. Elle déglutit, lève les yeux au ciel, pas vraiment prête à lui balancer tout ce qu’elle doit lui dire et pourtant elle le doit. Question de conscience, vous voyez. Jouer les grandes sœurs un peu étouffantes sur les bords, ça a toujours été son truc, que ce soit avec ses proches comme Albane, ou de presque inconnus, attachants à la fois, comme Hadryin. « Ça explique les sautes d’humeur et tout ce que j’ai vu l’autre soir. Dis moi que j’ai mal entendu. » Toujours sur le pas de la porte, les bras croisés sur sa poitrine, Sephora se rend compte que toutes ses paroles n’ont ni queue, ni tête. Elle parle bien de ce qu’elle a entendu quelques minutes plus tôt dans le métro. Et sans même savoir si elle était invitée ou si elle allait se prendre la porte au nez dans les secondes qui suivent, la rouquine s’incruste dans l’appartement à la recherche d’indices. Un sachet. Des traces. La chose la plus infime fera l’affaire. Son regard se pose finalement sur le sachet plein de… la preuve dont elle a besoin. C’est juste parfait. Elle a désormais toutes les bonnes raisons pour ne plus se retenir, parce qu’il a pas à s’infliger ça. Non, pas lui. « T’es défoncé, c’est ça, hein ? C’est ton truc à toi aussi l’auto-destruction ? » Sephora finit par s’agripper à lui afin de pouvoir le fixer dans les yeux au cas où ses idées ne soient pas très claires dans son esprit. Elle finit même par le ruer de coup, enfin façon de parler, ce ne sont pas ses petits points innocents qui lui provoqueront une quelconque douleur. « Tu gâches ta vie… Irresponsable, inconscient. Y a des gens qui tiennent à toi. » Épuisée rien qu’à l’idée de s’énerver contre lui ou de se prendre la tête, la jeune femme pose sa joue sur l’épaule d’Hadryin sans pour autant le lâcher, sans lui laisser l’occasion de la repousser, si jamais l’envie de s’échapper lui passerait par la tête. « Je m’inquiète pour toi, par exemple. », murmure-t-elle. Ouais, il y un truc qui ne tourne pas rond dans sa tête en s’attachant et poussant une crise d’hystérie chez un gars croisé quelques jours plus tôt, et à plusieurs reprises, dans le même bar suspect de la capitale.

Tu la comprends pas des fois. Tu comprends pas ses meufs qui veulent t'aider, qui veulent t'apporter quelque chose alors que t'as besoin de rien. Elles disent qu'elles veulent t'aider. Si elles restaient loin de toi, là elles t'aideraient. Sephora, tu l'as rencontré dans un bar, y a quelques semaines, une rencontre sans grande importance. Elle a décidé de te faire sortir de ton trou, de ta pseudo "dépression". T'as pas besoin d'elle pour t'en sortir. Mais ça, elle veut pas l'comprendre. Elle fait l'flic, elle vérifie le moindre de tes gestes. Tu te sens opprimé limite. Tu quittes tes parents pour te retrouver avec une meuf qui fait tout pour te remettre dans le droit chemin. Pourquoi s'obstiner? Personne n'y parvient. Tu te lèves à contre coeur, le regard encore endormi. Tu la jettes limite à peine la porte est ouverte. « Ça explique les sautes d’humeur et tout ce que j’ai vu l’autre soir. Dis moi que j’ai mal entendu. » Tu fronces les sourcils sans piger. Tu la vois croisé les bras sur sa poitrine. Elle va finir par partir. Ou alors elle va camper sur l'pas de ta porte jusqu'à ce que tu décides de faire quelque chose. Finalement, tu la vois se faufiler entre toi et la porte et tu réagis. « Eh ! Putain, Sephora, sort de là ! » Tu la vois s'approcher de ta table basse. Tu savais bien que t'avais oublié un détail. Le sachet est bien en évidence au centre de la table. Elle le fixe. Tu soupires. Et puis merde, tant pis. T'as rien à te reprocher dans tous les cas. Tu fais ce que tu veux. T'es assez mature pour savoir ce qui est bon pour toi ou pas. En l’occurrence, c'est pas vraiment bon, c'est plutôt une nécessitée. « T’es défoncé, c’est ça, hein ? C’est ton truc à toi aussi l’auto-destruction ? » Auto-destruction? D'où c'est ça? Non, elle se fourre le doigt dans l'oeil. Elle s’agrippe à toi sans que tu puisses y faire quelque chose et elle te balance ses petits poings un peu partout après s'être mise à te fixer droit dans les yeux dans l'espoir de te sonder, surement. Tu soupires alors que tu roules des yeux. N'importe quoi. Elle avance des trucs sans savoir la véritable réponse. Elle te saoule. « Ca fait quoi si j'suis défoncé sérieux? J'ai 18 piges, je me démerde encore, merci maman !» T'essayes de se défaire de ses mains de fer. Tu veux qu'elle te foute la paix, qu'elle parte et te laisse faire ce que tu souhaites. Tu veux te défoncé encore et encore. Tu veux pouvoir planer. « Tu gâches ta vie… Irresponsable, inconscient. Y a des gens qui tiennent à toi. » Tu te mets à rire. Ca semble tellement ironique tiens. Des gens qui tiennent à toi? Où ça? Tu veux bien les rencontrés. T'en connais pas qui seraient tristes d'apprendre ta mort ou une connerie du genre. Ils ont mieux à foutre que s’inquiéter pour un type comme toi. « Je gache ma vie si j'veux tu sais? C'est la mienne, j'en fais ce que je veux. Et des gens qui tiennent à moi, l'jour où t'en trouveras, tu m'appelles. » Elle pose sa tête contre ton épaule et te bloque, pour t'empêcher de bouger. Tu cherches à t'en défaire, le plus discrètement possible mais c'est impossible. Elle s'accroche. « Je m’inquiète pour toi, par exemple. » Un nouveau rire s'échappe de ta gorge. « Tu me connais pas et tu t'inquiètes pour moi, sérieux Sephora, arrêtes. je suis le moins clean de nous deux et on dirait une... Je sais pas, je saurais pas dire ce à quoi tu m'fais penser. J'ai pas besoin d'une sauveuse, j'me démerde, je suis grand. » Faux. T'as besoin de quelqu'un pour te lancer une bouée et te sortir des immenses vagues qui te terrassent.

Il y a des jours où Sephora est comparable à une véritable sangsue. Toutefois, elle est étonnée à l’idée de se savoir encore accrochée au garçon. À peine a-t-elle une idée en tête que la lui faire oublier relève presque de l’impossibilité. Adorable, oui. Obstinée, têtue, aussi. « Ça fait quoi si j’suis défoncé sérieux ? J’ai 18 piges, je me démerde encore, merci maman ! » Se démerder ? C’est pire que ça. Si seulement il se rend compte dans quelle merde il s’enfonce. Elle hausse les épaules, se demande que faire de lui sans l’étouffer… La jeune femme ne va pas l’abandonner dans son coin en charmante compagnie de sa poudre blanche et de toute autre substance que l’on peut encore trouver dans cet appartement. « Je gâche ma vie si j’veux tu sais ? C’est la mienne, j’en fais ce que je veux. Et des gens qui tiennent à moi, l’jour où t’en trouveras, tu m’appelles. » Il ne fait pas le modeste, ça se voit. Et c’est surement ça qui est triste dans l’histoire. Il est le gosse perdu qui semble se débrouiller au jour le jour. Elle est la fille qui a surement grandi trop vite, notamment avec cette histoire de mariage. Alors, la rouquine est peut être devenue ennuyeuse à la longue, mais jamais elle n’a cherché à s’amuser de cette façon. Et puis en quoi est-ce drôle de ne pas avoir conscience de cet acte si l’on est encore capable de faire quoi que ce soit. « Tu me connais pas et tu t’inquiètes pour moi, sérieux Sephora, arrête. Je suis le moins clean de nous deux et on dirait une… Je ne sais pas, je saurais pas dire ce à quoi tu m’fais penser. J’ai pas besoin d’une sauveuse, j’me démerde, je suis grand. » Troublée. Alors comme ça elle est la plus cinglée, la moins sur Terre des deux. Une furie. Voilà ce qu’elle est, en réalité. Une furie qui s’emballe. Comme d’habitude. Elle assume. Autant être cela qu’une fille invisible. « Je sais que je dois sembler être folle, c’est vrai nous nous sommes seulement croisés que quelques fois. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi je suis comme ça… Il suffit que je m’attache un peu pour me montrer possessive, protectrice, voire jalouse. » La jeune femme le fixe, les yeux dans les yeux. Soyeux, un peu sérieux, ça ne fera de mal à personne. Car, si Hades tient à se débarrasser d’elle le plus vite possible, elle ne rigole pas à ce sujet. « S’il devait t’arriver quoique ce soit, si l’on devait retrouver ton corps à la surface de la Seine par exemple, je crois bien que je m’en voudrai de n’avoir rien essayé… Quitte à t’enfermer dans un placard, les toilettes ou un centre spécialisé s’il le faut. » Elle soupire, la dernière chose que Sephora tient à lui dire ne va la faire remonter dans l’estime du garçon. « Je suis pas ta mère. Ce n’est pas de la pitié, mais tu vas devoir t’y faire, car si ça n’arrive pas aujourd’hui, je ne te lâcherai pas, Searl. » D’accord, elle ne joue peut-être pas le rôle de la mère de substitution surprotectrice, mais elle s’apparente à peu près à la grande sœur surprotectrice. Ce n’est guère mieux, je vous l’accorde.

Pour une fois dans ta vie, quelqu'un s’intéresse à toi et qu'est ce que tu fais? Tu la repousses. Le plus long possible. T'instaures cette distance modérément grande entre vous. Pas d'attaches, pas de possibilité d'atteindre le coeur qui bat au creux de ta poitrine. Tu veux qu'elle dégage de ton appart avant de te percer à jour. Tu veux pas que tu n'es qu'un adolescent faible qui se prend pour grand que lui alors qu'au final il est perdu dans le monde auquel il appartient. Elle est beaucoup trop gentille pour toi, tu ne peux pas te permettre de la laisser s’immiscer dans ta vie dans rien dire, sans te soulever pour gueuler à quel point elle t'emmerde. Tu l'aimes bien pourtant. T'aimes savoir qu'une personne extérieure à ta famille ne te cherche pas que du mal. Au fond, tu vaux peut-être quelque chose pour cette fille. Un vilain petit canard boiteux à sauver dans l'espoir de voir apparaître le cygne qu'il se doit de devenir. T'es loin d'être cet animal majestueux à plumes. T'en es très loin. Tu lui craches des horreurs à la gueule, c'est plus fort que toi.C 'est ta méthode de survie. Insulter les gens, leur montrer qu'ils n'ont pas une grande importance pour qu'ils dégagent, te foutent la paix. Ca ne marche absolument jamais. Tu passes juste pour un emmerdeur de première. Comme toujours. « Je sais que je dois sembler être folle, c’est vrai nous nous sommes seulement croisés que quelques fois. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi je suis comme ça… Il suffit que je m’attache un peu pour me montrer possessive, protectrice, voire jalouse. » Tu ne dis rien mais t'en penses pas moins. Quelqu'un de protecteur envers toi? T'es entrain de rêver? Non. Elle est bien là, devant toi, tu entends parfaitement bien sa voix, tu sens encore tes membres. Tu as beau être légèrement défoncé, tu gardes le sens de la réalité. Ses prunelles se plantent dans les tiennes, te sondent. Ton coeur loupe un battement. C'est pas franchement rassurant ce genre de regard, surtout pour toi. Cette impression horrible d'être ouvert, complètement délaissé par ta carapace te prend les tripes. « S’il devait t’arriver quoique ce soit, si l’on devait retrouver ton corps à la surface de la Seine par exemple, je crois bien que je m’en voudrai de n’avoir rien essayé… Quitte à t’enfermer dans un placard, les toilettes ou un centre spécialisé s’il le faut. » A ce moment précis, ta soeur te manque. Tu sautes, je saute. Tout un tas de promesses à la Titanic. Tu regardes Sephora et un léger sourire se dessine sur tes lèvres. Comme si t'avais envie de te foutre en l'air. Tu tiens beaucoup trop à la vie pour songer ne serait-ce que quelques secondes à te noyer dans la Seine. Tu survis après tout. Sur les rotules, certes. « Sephora, j'ai pas de tendances suicidaires. Je te rassure. Et si j'ai envie de me foutre en l'air, c'est surement pas en me jetant dans la Seine. » Rassurant toi? Surement pas. Tu t'enfonces surement pas mal,mais t'y peux rien. Ton franc parlé est tout ce que tu peux avoir d'assez bon en toi. Même si il peut se révéler assez... Battard par fois. « Je suis pas ta mère. Ce n’est pas de la pitié, mais tu vas devoir t’y faire, car si ça n’arrive pas aujourd’hui, je ne te lâcherai pas, Searl. » Heureusement qu'elle n'est pas ta mère tiens. Tu l'aurais foutu dehors depuis bien longtemps. Tu lui aurais gueuler d'aller baiser l'autre con et t'aurais claqué la porte. Oui, tu lui en veux encore à ta mère. C'est pas prêt de changer. « Très bien d'Abzac. Tu veux te foutre sur cette voie? Très bien. Je te promet de n'être pas tendre avec toi, jusqu'à ce que tu comprennes que j'ai pas besoin de toi. » Menteur. T'es l'un des pires joueurs de poker. Tu l'attrapes par la taille avec une facilité infantile et tu la balances en douceur sur le canapé avant d'aller t'asseoir près d'elle et de la chatouillée. T'es un gamin. C'est ton nouveau jouet. Tu t'approches du sachet posé sur la table et tu le saisit. Tu t'amuses à l'observer, sans grande prétention, juste pour le regarder. « Y a pas de mal à se faire planer Sephora, faut pas croire. C'est bien. Ca te fait oublier l'reste. » T'es un mec contradictoire. Y a quelques secondes t'étais entrain de lui dire que tu voulais pas d'elle et là.. Tu baisses les armes.

Elle cligne plusieurs fois des yeux en le voyant sourire. What the fuuuuuuck ? Non sérieusement, est-ce un mauvais signe ? Y-a-t-il quelque chose à comprendre derrière ce tableau ? « Sephora, j’ai pas de tendances suicidaires. Je te rassure. Et si j’ai envie de me foutre en l’air, c’est surement pas en me jetant dans la Seine. » Elle ne parle pas forcément de tendances suicidaires. Vous savez quand vous n’avez pas conscience de vos actes, les drames ne sont jamais bien là. Cependant, la fin de sa phrase ne la rassure absolument pas. Loin de là. La jeune femme pourrait en devenir livide, mais frissonne tout juste au final, ce qui est suffisant entre nous. Cette conversation tire au glauque. Non, non. Elle ne veut pas savoir quels seraient ses plans. Elle ne veut pas d’image. Alors qu’elle s’apprête à lui dire quelque chose d’adorable pour repartir chez elle de la même façon qu’elle est arrivée, Sephora se fait rattraper par une triste réalité, celle d’une distance voulue et imposée par le gamin de service. C’est dingue comme les bonnes choses ont une fin. Toujours. C’est bien triste même. « Très bien d’Abzac. Tu veux te foutre sur cette voie ? Très bien. Je te promet de n’être pas tendre avec toi, jusqu’à ce que tu comprennes que j’ai pas besoin de toi. » Malheureusement, tout le monde finit par avoir besoin de quelqu’un un jour ou l’autre. Qu’on connaisse l’autre personne ou pas. Qu’on lui fasse confiance. Hades parvient enfin à lui arracher un petit sourire accompagné d’un éclat de rire en la chatouillant. Un de ses points faibles. Et c’est de nouveau terminé. Comme quoi avec lui, les choses pourraient être encore plus éphémères qu’en tant normal. « J’attends de voir ça, tu sais. » Après tout, il ne semble pas bien méchant, même s’il se la joue froid aux abords, même s’il fait deux bonnes têtes de pus que la rouquine, même si encore tout plein de petites choses dans ce registre. « Y a pas de mal à se faire planer Sephora, faut pas croire. C’est bien. Ca te fait oublier l’reste. » Soupirer. Lever les yeux au ciel. Cela devient un nouveau rituel dans cet appartement, dans cette pseudo amitié de protection. Oui, la jeune femme est particulièrement têtue, oui elle a décidé qu’il serait son nouveau protégé jusqu’au jour où il reprendra enfin sa vie en main. Il n’est pas (encore) une cause perdue, elle en est convaincue. Certes, ce ne sera pas la tâche la plus facile du moment, mais ouais, elle y parviendra. « Sauf à devenir aliénés dans quelques temps parce que les choses ne fonctionneront plus comme il le faut… ma foi, je te ferai la guerre s’il le faut. Essaye l’adrénaline, le saut en parachute ou à l’élastique, je ne sais pas. » Toujours avachie dans le canapé comme un invertébré, Sephora lui jette un coup d’œil en coin guettant la prochaine réaction du garçon.

Tu te sens de bonne humeur. Tu sourirais presque. Un vrai sourire sincère pour une fois. Ca fait longtemps que tu n'as pas ressentit cette chaleur au creux du coeur. Serait-ce possible que tu sois heureux? Juste un tout petit peu, certes, mais le nez sortit de cette putain de déprime dans laquelle tu t'es plongé. La présence de Sephora fait comme l'effet d'un jour de grand soleil ou d'un jour de neige pour un gosse. T'es aussi surexcité, fasciné et impatient de voir ce que tout ça va donner. Pour une fois qu'une chose plutôt positive t'arrive. T'essayes de cacher cette excitation derrière ce visage d'éternel insatisfait mais au fond, t'es plutôt content qu'elle s'accroche. Tu vas t'amuser, le plus possible, tu vas la faire tourner en bourrique pour mieux la serrer contre toi une fois que les conneries dont tu es capable seront faites. Tu sais que tu vas lui en faire voir des vertes et des pas mures et c'est surement cette idée qui t'enchante le plus. Enfin quelqu'un pour être à tes côtés, même si tu es le type le plus insupportable qu'elle ne connaisse. Tu vas lui faire regretter d'être venu à ton secours tout en lui montrant quel bien ça peut te faire. Tu seras de plus en plus en forme pour faire chier les gens, quoi de mieux? C'est la seule chose que tu arrives à correctement faire. Leur faire péter un cable. Tu es doué pour ça. Depuis que t'es gosse d'ailleurs. A croire que si tu te retiens de faire ça, tu perds une immense partie de ta personnalité. Et puis merde, les gens ils t'aiment comme t'es ou ils dégagent. Y en a pas mal qui ont déserté. « J’attends de voir ça, tu sais. » Tu souris en quoi avant de la jeter sur la canapé, de t'installer. Après tout, autant ne pas lui faire de cadeaux. C'est pas l'habitude de la maison d'être tendre avec les êtres humains. « Sauf à devenir aliénés dans quelques temps parce que les choses ne fonctionneront plus comme il le faut… ma foi, je te ferai la guerre s’il le faut. Essaye l’adrénaline, le saut en parachute ou à l’élastique, je ne sais pas. » Tu joues avec le paquet de poudre entre tes doigts. l'idée d'arrêter de te foutre en l'air ne t'enchante pas. Elle n'y parviendra, personne n'y arrivera. C'est comme ça. Tu peux pas t'en passer. Certains c'est le chocolat, toi c'est la beuh, la coke et toutes ses conneries. Il faut bien se trouver un remontant dans la vie. Tu poses tes yeux sur elle. « Jsuis sur que j'me ferais dessus. Non, c'est mieux ça. Et puis si j'dois me niquer la santé, c'est pas grave. Faut bien mourir de quelque chose tu crois pas? » Tu appuis ta tête contre le canapé, les yeux posés sur elle. « Tu veux pas essayer? Ca pourrait être drole. Aller, on s'défonce et on picole! » Autant profiter de votre jeunesse après tout. Tu te vois difficilement dans l'avenir, mais encore moins un joint coincé entre les lèvres et une bouteille de jeans sous le bras. Tu files dans la cuisine, choppe deux trois bouteilles de vodka et revient. Tu installes tout sur la table, en ouvre une et en boit plusieurs gorgées de suite. « T'en veux? Remarque, t'es peut-être une sainte. Attention, l'alcool c'est pêché! Aller Sephora, bourre toi la gueule avec moi. » Tu lui tends la bouteille en lui faisant les yeux doux. Ca promet d'être une bonne soirée en fin de compte.

La jeune femme tourne le problème dans tous les sens. Priver un alcoolique de sa boisson. Ce n’est pas une mission facile. Priver un toxico de sa drogue. Ce n’est pas mieux. Alors imaginez que vous devez raisonner un adolescent perdu qui boit, fume et se met tout un tas de poudre dans le nez. Sephora s’est mise dans une sacrée merde. Pourtant, un je ne sais quoi me pousse à dire qu’elle est convaincue de réussir. Il n’est pas un vilain petit canard, ni même une cause perdue. Bon, c’est certain qu’elle n’en fera pas un ange. Il ne faut peut être pas poussé. « J’suis sur que j’me ferais dessus. Non, c’est mieux ça. Et puis si j’dois me niquer la santé, c’est pas grave. Faut bien mourir de quelque chose tu crois pas ? » Tout de suite les grands mots. Mourir. Il ne doit pas avoir plus de vingt ans, ce serait presque triste. Elle grimace et prend un coup de vieux. Elle s’allonge à moitié et pose sa tête sur les genoux d’Hades. Elle sera là. Elle ne le lâchera pas. « Tu veux pas essayer ? Ça pourrait être drôle. Aller, on s’défonce et on picole ! » Elle s’en fait la promesse qu’elle l’aidera et ne le laissera pas tomber, contrairement à ce qui pourraient prétendre être « amis » avec lui. Toutefois, la jeune femme ne se laissera pas entraîner dans son délire alcoolique et compagnie. Son silence étant assez explicite à son goût alors qu’elle lève les yeux au ciel, elle se passera donc de lâcher un non. Gaspillage de salive et flemmardise, quand tu nous tiens. « T’en veux ? Remarque, t’es peut-être une sainte. Attention, l’alcool c’est un pêché ! Aller Sephora, bourre toi la gueule avec moi. » Elle rit. Il aurait au moins réussi à faire ça. « Ouais, Sainte Sephora, tu connais pas ?! » Un grand sourire s’étire sur ses lèvres. Pourtant, elle est bien loin d’être une sainte. Elle a pêché par le passé. Et même si Hades semble plus « expert » qu’elle à ce sujet, elle ne souhaite pas qu’il continue sur cette voie. Enfin, si ça ne pouvait être que de l’occasionnel à la place de quotidien, ce serait alors une grande victoire pour la demoiselle. Après quoi, la rouquine lui tapote le bras, résignée à ne pas se laisser faire, à ne pas le laisser faire et sombrer non plus. « Non sérieusement, c’est plus vraiment mon truc tout ça, je suis passée à autre chose, du genre plus jamais d’alcool parce que je regrette plus tard, et je pense que d’une façon plus générale, on regrette tous un jour ou l’autre. » Sephora passe la main sur le visage de son protégé, soupire et reprend. « Et tu as entièrement le droit de dire que je suis ennuyeuse, parce que tu vois, je ne tiens pas non plus à te regarder faire ou te ramasser à la petite cuillère toute à l’heure et je ne m’en irai pas pour autant. T’as franchement pas autre chose comme occupation ? »

La langue bien pendue, toujours un mot à répondre, à enchaîner. T'as toujours réponse à tout. Depuis que t'es gosse, tu t'amuses à répondre, à être agressif, à être ironique dans tes paroles. Tu te fous des conséquences. Tu ne cherches pas l'amour, tu cherches l'inverse. Tu préfères te faire détester plutôt d'être aimer par des gens qui seraient capables de te faire des coups de pute dans le dos. T'as confiance en personne. Ou alors, en très peu de personnes. Tu n'es pas un de ses mecs qui a besoin d'attention. Non, t'es un homme, un vrai. Tu te démmerdes. Dieu t'as filé 10doigts, c'est pas pour qu'on t'aide à te débrouiller dans la vie. Tu peux le faire seul. Tu n'es pas si idiot que t'en as l'air. Sephora elle va s'heurter à un mur. Un énorme et grand mur. Tu n'es pas du genre à laisser les gens s'immiscés comme ça dans ta vie, tu lutes avant qu'ils fassent leur trou, qu'ils laissent une trace dans ton coeur. T'as pas besoin qu'une femme de plus s'incruste dans ton coeur pour qu'elle s'échappe de ton étreinte, qu'elle s'enfuit loin de toi. Tu les fais toutes fuir, même si tu fais pas exprès pour une fois. Toutes celles qui se risquent prendre une place auprès de toi pour t'aider à surmonter les épreuves que la vie t'impose finissent par fuir. Ta soeur est partie loin de toi alors qu'elle était la seule à avoir réussi à survivre à tes combines, à ta connerie maladive, depuis des années. « Non sérieusement, c’est plus vraiment mon truc tout ça, je suis passée à autre chose, du genre plus jamais d’alcool parce que je regrette plus tard, et je pense que d’une façon plus générale, on regrette tous un jour ou l’autre. » Elle tend sa main et caresse ton visage en soupirant. Regretter? T'as déjà regretter toi dans ta vie? Surement pas. T'assumes tout. Ou presque tout. Tu caches beaucoup de choses oui, mais ce n'est pas parce que tu regrettes, bien au contraire. C'est juste un trop plein de fierté. T'es qu'un mec après tout. Tu changeras pas. T'es comme tous les autres quoi. Tu es fier comme un boeuf, tu gonfles le torse et gueule plus fort que tu mords. T'arrives pas à l'imaginée boire ou même se défoncée comme tu peux le faire toi. Elle n'est qu'une ancienne débauchée qui a perdu le gout à cette habitude de vie. C'est pas prêt de t'arriver. Malheureusement pour tous ceux qui souhaiteraient que tu te calmes et que tu te poses. T'es sur que ta soeur aimerait que tu reprennes les cours, que tu passes ton bac et que tu te trouves un boulot. Mais c'est pas ce que toi tu veux faire. Tu veux profiter. « Et tu as entièrement le droit de dire que je suis ennuyeuse, parce que tu vois, je ne tiens pas non plus à te regarder faire ou te ramasser à la petite cuillère toute à l’heure et je ne m’en irai pas pour autant. T’as franchement pas autre chose comme occupation ? » Tu secoues tout simplement la tête. Un geste habituel presque. Non, t'as rien de mieux à foutre. Jamais. Tu regardes Sephora avant de passer un bras autour de ses épaules pour l'attirer contre toi. « Tu sais, c'comme ça que j'm'occupe. J'suis bon à rien d'autre. Enfin si, mais j'pense que t'aimerais pas non plus. » Un sourire en coin, t'attrapes ta bouteille de vodka et porte le culot à la bouche avant d'avaler plusieurs gorgées d'affilées avant de la reposée sur la table basse devant vous. « Bien, puisque qu'on a rien de mieux à faire, parle moi d'toi. Que je te connais quasiment pas. »

Bien qu’elle rêve de lui donner une gifle pour qu’il se réveil, ou du moins ouvre les yeux sur la réalité, Sephora se blottit contre lui. Question de chaleur humaine et de ne pas se battre avec lui. « Tu sais, c’comme ça que j’m’occupe. J’suis bon à rien d’autre. Enfin si, mais j’pense pas que t’aimerais pas non plus. » Elle arque un sourcil et grimace. Autre chose ? La jeune femme croit avoir eu son lot de surprise pour aujourd’hui. Elle finit par soupirer, confrontée à son horrible curiosité et hausse un peu le ton. Ouais, il s’agit bien du retour de la pseudo grande sœur sur les bords. « Ne me sors pas l’histoire du vilain petit canard, on a passé l’âge, quoique je te considère encore comme un gosse, mais le truc c’est que je ne crois pas aux causes perdues. » Sephora sait très bien de quoi elle parle à ce moment. Son air angélique, ses situations professionnelle et familiale ne laissent rien paraître de ce qu’il s’est passé l’an dernier, mais si ces proches, amis et quelques inconnus n’avaient pas pointé leur nez dans sa vie, elle n’aurait peut être jamais remonté la pente et serait devenue une mauvaise habituée des bars, une vieille aigrie alcooliques en somme, la vingtaine tout juste entamée. Et alors qu’elle a la terrible envie de lui donner la fameuse gifle, elle commence à être fatiguée physiquement par sa semaine ou moralement par la soirée passée en la compagnie d’Hades, toutefois la rouquine est bien décidée à ne pas lâcher l’affaire, quitte à s’endormir sur place en marmonnant on ne saura plus trop quel reproche. Elle tient à aider cet inconnu, de la même façon que les autres l’ont aidée il y a quelques mois. Sainte Sephora, priez pour nous. « Bien puisque qu’on a rien de mieux à faire, parle moi d’toi. Que je te connais quasiment pas. » La jeune femme hausse les épaules. Si elle devait lui dire des anecdotes personnelles, comme la raison de sa venue ce soir là, jamais il ne la croirait. Quant à mentir, elle n’est pas si bonne actrice que cela. « [color=indianred]En dehors du fait que je suis la fille qui compte te tenir éloignée de tout ça un jour ou l’autre, y’a franchement rien d’utile à savoir. Je sais que je n’ai pas de leçon à te donner. Je ne suis pas parfaite, juste une fille banale, comme les autres, j’enchaîne les désastres amoureux par exemple, tu vois. » Sephora se redresse l’instant de lui lancer un regard interrogateur. « Et toi alors ? » pense-t-elle tout fort. Réponse sincère attendue, évidemment.