Sujet: KEEP CALM & COMMANDE UNE PIZZA Dim 19 Mai - 15:03
RAPHAËL &NATASHA
Il est aux alentours de 23h lorsque Raphaël Maurenge, assis sur son scooter, roule dans les rues tranquilles du XVIe arrondissement de la capitale. Les rues et les beaux bâtiments défilent, ce sont de magnifiques résidences, des hôtels particuliers luxueux, des appartements de standing. Il arrive devant une belle demeure et cherche la bonne sonnette, il sonne, on lui ouvre en précisant l'étage dans l'interphone et il s'engouffre dans l'habitation puis dans l'ascenseur. Il en profite pour retirer son casque qu'il accroche à son bras alors que ses mains tiennent les pizzas. Il sort de l'ascenseur et une lumière dans le couloir, une porte entre-ouverte lui indique le chemin. Il toque, la porte s'ouvre un peu plus et c'est une fille qui se présente à lui. Enfin, une femme plutôt. Il arque un sourcil, un peu perturbé de la voir car ce n'est pas la première fois qu'il la rencontre, mais ce n'est jamais au même endroit. Elle n'a pas l'air ravie de voir arrivée les pizzas. Il lui tend les boites avec le ticket de caisse. " 19,50€ ... " dit-il sans la quitter des yeux. Elle a l'air triste. Plus que triste et ce n'est pas la première fois. Il a l'impression qu'à chaque fois qu'il la croise, elle est un peu plus au fond du seau, qu'elle s'enfonce tous les mois un peu plus, et s'il n'est pas du genre curieux, ni même du genre à faire dans le social, ça lui rappelle cette fille Apolline qu'il avait aidé lorsqu'il était plus jeune. Et il a envie de l'aider aussi. Il a bien compris ce qu'elle fait, elle est toujours avec un homme différent, c'est toujours un nom différent qui commande les pizzas, toujours dans des endroits luxueux et quand ce n'est pas elle qui ouvre et qu'il la voit en arrière plan, c'est toujours un mec ultra riche qui ouvre. Il lui lance alors un regard insistant et lui souffle doucement, pour ne pas que quelqu'un d'autre qu'elle l'entende " Tu devrais t'en aller d'ici... Je peux t'emmener ailleurs. " il sait que c'est délicat et qu'elle peut lui claquer la porte au nez, mais peut être que comme lui, elle n'a rien à perdre et qu'elle l'écoutera ? " Tu mérites mieux. "
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Sujet: Re: KEEP CALM & COMMANDE UNE PIZZA Mar 21 Mai - 14:37
Il fait tard. Nuit noire. Combien de temps s'est-il écoulé depuis que je suis ... arrivée ici ? Une petite heure. Un peu moins, même. Je regarde maintenant la chambre de cet appartement ... C'est la première fois que je viens ici, tiens. C'est intéressant, étant donné que c'est loin d'être la première fois que Monsieur Schmitt fait recours à mes services ... Aurait-il donc plusieurs locaux ? Friqué comme il l'est, cela ne me dérange pas. Il est là, dans un coin ; je le vois. Que fait-il ? Il est au téléphone, le regard posé sur un objet quelconque situé à l'extérieur des fenêtres. Loin de moi et de mon corps nu. Heureusement. Je ne veux pas que ses yeux me regardent. Je ramasse d'ailleurs très vite le peignoir en soie qu'il a eu la gentilesse de me passer avant de se mettre en ligne. lui tournant rapidement le dos avant de l'enfiler. Pour moi, chaque baiser est violence ; chaque caresse, coup et blessure. Chaque regard, un viol. Je me retourne alors, en profitant alors pour faire replacer mes cheveux par-dessus le tissus. La porte sonne, signe qu'une tierce personne s'est présentée à l'entrée. Schmitt se retourne, me souriant et me faisant signe de la main que je pouvais aller ouvrir à sa place. Et j'ai mieux à faire que de refuser, étant parfaitement consciente de ce qu'il pourrait m'arriver si je le faisais. Une fois, on m'avait giflée, de plein fouet. Le visage, tout rouge, pendant une bonne journée. Depuis, plus jamais. J'avais appris que j'aurais mieux à faire que de refuser. Et si celui-ci ne semblait pas bien méchant méchant, contrairement aux autres ... S'il était assez jeune, quand même, en fin de vingtaine, quoi, et si ses sourires semblaient plus chaleureux que les mesquins rictus des autres, je ne voulais pas lui faire confiance. Avant que je ne sorte, il me lance un billet de cinquante euros. Il devait avoir très faim. Sans nul doute allait-il me proposer d'en prendre un peu, de ses pizzas. Mais je n'avais pas faim, ce soir. Ironique, n'est-ce pas ? Lorsque j'étais affamée, je n'avais pas de quoi me mettre quoi que ce soit sous la dent. Et lorsque l'on me proposait, par "pure gentilesse", la moindre bouchée ... J'étais incapable de manger. Je me détestais trop pour cela.
J'ouvre la porte, un regard vitreux collé sur mon visage, comme si je n'étais pas réellement dans mon corps ... Et il me faut quelques secondes pour comprendre, à travers la fatigue et la faim dormant en moi que ce n'est pas la première fois que je vois ce livreur.
- Oh ... avais-je répondu, simplement.
Il me dit le prix. Dix-neuf euros cinquante. Schmitt avait vraiment été trop généreux. Je me retourne un peu en arrière, pour voir s'il toujours au bout du fil. C'est que je ne savais pas, moi, combien j'avais le droit de lui laisser en pourboire. Je me doutais bien que je devais garder un peu du change, tout de même ... Mais combien ?
- Vous pouvez me rendre vingt-cinq. lui répondis-je alors dans mon français cassé, avec mon accent russe que j'abhorrais par dessus tout. Je vois bien, dans son regard, qu'il n'est pas convaincu, par ... quelque chose. Ma présence ici, sans doute, et le consenti que j'y porte. Je n'ai pas envie d'histoires. Je fais tout pour que ma situation soit le moins difficile possible. Alors, je souris en coin, comme pour faire la masquerade. Un sourire cassé pour une fille brisée. Son regard ... Son regard me fixe. Et me brûle. Il est difficile à affronter, ce regard. J'attrape les boîtes, et je me prépare à refermer la porte mais ... Mais son regard ne me quitte pas, bien au contraire, et sa bouche s'ouvre à nouveau. Et Schmitt serait furieux, je suppose, s'il me savait aussi malpolie. Donc je ne referme pas la porte, encore, mais je pose les pizzas sur la table à côté, là où il y a tous les magazines. Je comprends ses mots, avec difficulté. Avec les semaines, je me suis améliorée, en français. Le patron avait eu la "gentillesse" de me donner des bouquins pour apprendre les mots. Des dictionnaires franco-russes, des manuels de phrases toutes-faites à savoir ... Peut être qu'à Noël, il me donnerait même une radio avec des cassettes audio pour pouvoir apprendre à prononcer, qui sait ? Le monde était peuplé de miracles ... Ils m'étaient simplement rarement destinés.
Et pourtant ... Le garçon parle. Ce n'est pas un homme. Pas pour moi. Pour moi, un homme, c'est dangereux. Un homme, ça fait mal, avec son corps. Et lui, il ne ressemble pas à un homme. Quel âge a-t-il ? Je dirais le mien, environ ... Ou alors, à peine plus. Je n'étais pas très bonne, avec les âges ... Si ma "tante" ne m'avait pas rappellé le mien toutes ces années, je l'aurais vite oublié ... Il me dit qu'il peut m'emmener ailleurs, et, je souris, avec nostalgie. Ailleurs, peut être ... Mais où ? Comment ? Pendant combien de temps ? Il me dit que je mérite mieux, et j'en soupire, presque, amusée ? Pas amusée, non. Écoeurée. Qu'en sait-il, de ce que je mérite ? Il est un garçon. Il est sans doute en train de passer une mauvaise passe, là, s'il doit livrer des pizzas ... Pour financer ses études, je parie. Mais ça s'améliorera. Ça s'améliore toujours, pour les gens comme lui. Il a le choix. Il a la liberté. Lui, il est français ... Et puis, ça deviendra un homme. Les hommes sont faits pour marcher sur le monde, détruisant tout sur leur passage. Les femmes, elles, se contentent de regarder. Du moins, c'est ce qu'on m'a appris, toute ma vie. On regarde, on subit, on répare et on nettoie. Moi, je n'ai ni choix, ni liberté. Je suis une femme, je suis perdue. Je ne parle pas la langue d'ici, et je n'ai pas un centime en poche. Mais il ne semble pas l'avoir compris, ça. Je mérite mieux ? Qui est-il pour savoir ce que je mérite ? Je ne me rappelle pas beaucoup de mes parents ; je sais simplement qu'ils m'ont toujours dit que Dieu nous donnait toujours ce que l'on méritait. Et ce que j'ai, là, je l'ai depuis que je suis assez âgée pour m'en souvenir. D'abord servante, ensuite escorte. Ni plus, ni moins. Il est jeune, et plein d'espoir. J'ai vieilli en une nuit, à treize ans, et je n'ai plus le luxe de pouvoir espérer.
Un instant, je me mords la lèvre. J'hésite tout de même : c'est une proposition intéressante. Et puis, je vois, du coin de l'oeil, que Schmitt a fini son appel. Il se dirige d'ailleurs vers la porte pour voir ce qui me retient depuis aussi longtemps. Je ne veux pas qu'il le voie. Il est généreux, et il serait tenté de l'inviter à rester ... De lui offrir une fraction tout ce qu'il a, et même de ce qui ne lui appartient pas. Un frisson parcourt alors mon corps. Je ne veux pas qu'il me partage. Cette nuit, je suis sienne, et celle de personne d'autre. Je suis fatiguée, en plus, j'ai assez servi jusqu'à la prochaine fois. Mais surtout, je ne veux pas que le garçon sache ... Voie de ses propres yeux. Ce que je suis, pour lui, c'est sans doute une chimère. Bientôt, quand il aura grandi et qu'il fera autre chose, je ne serais plus qu'un souvenir lointain. Un fantôme du passé dont on ne parvient pas à se débarrasser. Un écho perdu, au fond de la vallée ... Et je préfère ça. Au moins, ce sera une expérience unique. Car je ne doute pas une seconde qu'il apprendra à me connaître, plus tard. Pas moi en personne, hein. Une autre moi, plus jeune, et pourtant, aussi détruite, avec la même lueur de désespoir dans les yeux. Et d'autres encore. Et je ne veux pas en faire partie ... Qui sait s'il n'a pas déjà commencé ?
- Merci. lui répondis-je donc avec difficulté, refermant rapidement la porte derrière moi avant de la verrouiller à double tour.
Schmitt est là. Il s'avance, il m'embrasse. Il fait glisser ma robe du haut de mon épaule. Je tourne un peu de la tête, comme tentative de résistance ... C'est tout ce que je me permettrais de faire. S'il insiste, je n'aurais guère d'autre choix que de céder. Dehors, il pleut, et je repense au garçon. Je me demande s'il allait rentrer trempé chez lui ... Chez sa petite amie, une fille qui l'aime réellement et que lui aime, tout court. Je l'espère pour lui : ce serait dommage qu'il attrape froid parce que je lui ai fermé la porte au nez ...
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Sujet: Re: KEEP CALM & COMMANDE UNE PIZZA Mar 21 Mai - 19:19
RAPHAËL &NATASHA
Il la trouve troublante avec sa voix suave mais il ne peut s'empêcher de lire en elle une espèce de détresse. Elle lui tend 50€ et lui demande de lui rendre 25. Il hoche la tête et cherche la monnaie dans sa sacoche, il lui rend et le type s'approche. Il est pas très vieux. Elle le remercie et referme la porte. Raphaël reste quelques secondes devant la porte, un peu penaud. Il essaye de ne pas s'imaginer ce qu'elle a bien pu faire avec ce type, et après dix secondes de bug intersidéral, il se tourne pour descendre et retourner à son scooter. Il descendre de prendre les escaliers plutôt que l'ascenseur et il descend d'étage en étage, il regarde curieusement les différentes portes aux différents paliers, et finalement il arrive en bas. Il fait le compte, regarde combien de pizza il lui reste à livrer. Encore deux, pas très loin d'ici, il jette un oeil à l'adresse puis il décide de prendre son temps, c'est sûrement ses dernières pizzas de la soirée, il n'aura pas le temps de refaire une autre tournée. Il déposera celle là, il donnera l'argent et il s'en ira. Raphaël soupire et jette un oeil à son téléphone, il envoie un message à un ami, lui demande s'il a des plans pour ce soir, puis il passe un coup de téléphone à Angeny, sa meilleure amie en quelques sortes. Il lui demande si elle aurait du matoss pour lui, il s'installe sur son scooter sans pour autant démarrer, il écoute Angeny lui dire qu'elle a une weed d'enfer, qu'il va planer à donf, qu'il pourra passer chez elle plus tard, qu'elle y sera sûrement, qu'il doit rappeler lorsqu'il arrive chez elle et qu'il doit lui ramener une pizza si il peut. Il l'écoute vaguement, lui demande si elle a d'autres plans pour ce soir, si elle compte rester chez elle ou si elle va sortir boire un verre. Il lui dit qu'il ne fait pas trop froid dehors et qu'il peut lui payer un verre. Elle hésite. Il discute encore avec elle, une minute peut être, et la porte de la résidence s'ouvre alors par réflexe il tourne la tête vers la porte d'entrée et c'est cette fille étrange avec son accent slave. Il raccroche le téléphone. " Je savais que tu résisterais pas. " dit-il alors avec un sourire, comme s'il l'avait attendu alors que pas du tout, il était simplement entrain de glander au lieu de travailler. " Alors, je t'emmène quelque part ? J'ai juste une dernière commande à livrer. Mais dit pas non. Tu m'as fermé la porte au nez avant, c'était pas sympa. Vraiment. Ça m'a vexé. " il lui raconte, apparemment de bonne humeur aujourd'hui, d'humeur sociable surtout. Il n'a pas de deuxième casque pour le scooter, alors il enlève le sien pour lui tendre. Il préfère que ce soit elle qui le porte. La galanterie.
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Sujet: Re: KEEP CALM & COMMANDE UNE PIZZA Mer 22 Mai - 5:24
Schmitt mange. À l'en voir dévorer cette première part de pizza ... Elle doit être bonne. Délicieuse, même. Je le regarde, avec mes yeux brisés ... Inexpressifs, qu'on me dit parfois. Je ne pensais pas qu'ils étaient si dénués d'expression que cela, moi ... Mais puisque c'est ce qu'on me dit, il faut bien le croire, hein. Il mange une deuxième part, maintenant. À ce rythme, il aura vite fini la tarte entière en une minute. Je me demande s'il sait ... S'il sait que je suis encore là. Mais quelque chose me dit qu'il ne s'empiffrerait pas avec autant de rapidité s'il ne l'avait pas oublié. Quoi que ... Je n'étais pas une femme, à leurs yeux. Pas une femme respectable. Avec moi, les manières, c'était une option, facultative, et utilisable à souhait. Lorsque ça leur chantait, quoi. Je retourne dans la chambre, soupirant, avant de m'asseoir sur le lit et de contempler mes vêtements chiffonés dans le coin. C'est alors que je me décide de me lever, et que je les revêts, un à un. D'abord, la lingerie de dentelle. Puis, le pantalon vert émeraude, et, pour finir, la blouse blanche de soie qui flotte sur mon corps avec élégance et fluidité. Je me regarde un instant dans le miroir, avec les faibles restes de mon maquillage quotidien et mes cheveux légèrement ébourriffés. J'ai l'air jolie, non ? Je suis bien habillée, et, d'ailleurs, des bottes brunes s'ajoutaient à ma panoplie pour compléter mon attirail. Je suis désirable, non ? Tant mieux, c'était l'effet escompté. Sinon, le patron n'aurait jamais accepté de me donner ces vêtements. Il les garde, d'ailleurs, lorsque je rentre. Il les fait laver, et il les garde, pour que je ne les salisse pas. Je dois avoir qu moins cinq tenues différentes, afin de cultiver l'illusion que je suis une femme tout ce qu'il y a de plus normal. Mais lorsque je ne travaille pas ... Lorsque je me promène dans la rue, je n'ai que mes deux jeans qui alternent quotidiennement, ainsi que trois tee-shirts de couleur unie, et un pull qui me tient du chaud, et à l'abri des autres regards.
Je ressors de la chambre, mes talons claquant contre le sol. Schmitt relève des yeux, et je sens ... Je sens une déception dans son regard. Ah ça non, hein. Il n'allait pas me faire me déshabiller alors que je venais de me revêtir, hein. Maintenant, c'est trop tard. Et pourtant, le voilà qui parle :
- Tu pars ?, qu'il me demande. Je le regarde, désespérément. Je n'ai pas vraiment mon mot à dire, moi. C'est lui qui décide de si je pars ou non. Lui et personne d'autre. Le sait-il ? Il le sait. Il compte s'approcher de moi, je le sens, pour m'embrasser ... Mais le téléphone sonne à nouveau. Ouf. Sauvée. Parce que sa pizza, là, je suis certaine qu'il y a des oignons, dedans. Ça sent les oignons à plein nez. Et je peux vous assurer qu'embrasser un homme qui vient de manger des oignons, c'est guère apétissant. Il repose sa part de pizza, et j'en profite pour contempler les restes se cachant dans la boite. Il en reste un peu plus de la moitié ... Je ne me remettrais visiblement jamais de la rapidité à laquelle les hommes mangent, moi. C'est qu'on ne m'avait pas prévenue, qu'ils mangeaient vite comme ça. Il se met à hurler, au bout du fil, et je me mets à marcher, vers la sortie, en douce, discrètement ... Et c'est alors qu'il se retourne, et me regarde, surpris, avant de ramasser de ses doigts farineux les vingt-cinq euros du livreur et de me les poser entre les mains. Heureusement que la blouse cachait mes poches arrière, sinon, j'étais persuadée qu'il ne se serait pas gêné pour me les claquer dedans. Il se retourne alors, se disant qu'il n'a plus besoin de s'occuper de moi. Moi, je me demande pourquoi il me paie. Le patron fait toujours régler ses clients dès le départ, pour s'assurer qu'il n'y ait pas de vol ... Quant aux commissions, il me les reprend, à chaque fois. Je rentre, et il me prend tout, même les vingt-cinq euros que j'ai payé de mon corps. Et je me retrouve toujours au point de départ : perdue, sans un centime en poche.
Je ferme doucement la porte derrière moi, avant de marcher vers l'ascenseur, mes talons annonçant avec une fierté insolente mon arrivée. Je détestais les talons. C'était peu pratique, ça me faisait mal, et je manquais de me casser la gueule une fois sur deux. Mais bon. C'est le client qui est roi, et les trois-quarts d'entre eux désiraient des talons. J'appuie sur le bouton, le visage grave. Solennel, même. Je descends au rez-de-chaussée. Les portes s'ouvrent, je sors, et j'essaie d'ignorer tant bien que mal le regard averse de perversité du gardien de sécurité. Ces hommes, ils sont tous les mêmes. Qu'ils soient ceux dans la chambre, où ceux qui me regardent marcher dans la rue, ils se croient tellement forts ... Tellement intelligents. Ils nous voient pour tout sauf ce que nous sommes réellement. À leurs yeux, nous apparaissons comme ... Des chiennes. De vulgaires putains aux libidos enflamées et intarissables. Ils ne semblent pas comprendre, eux. Ils ne semblent pas avoir compris qu'entre une putain et une actrice de film X, la seule différence, c'est la caméra. Qu'il n'y a rien de glamour. Que presque aucune d'entre nous ne désire sa position. Plus que tout, ça fait mal. Je ne parle pas de douleur physique. Elle, on s'y habitue, tant bien que mal, avec le temps. Non, moi, je parle de la douleur psychique ... La torture de l'âme. De se sentir violée, à chaque rapport. De se sentir souillée, à chaque contact. De se sentir davantage détruite lorsque l'on dispose de nous. Et si c'était ça, l'amour, je lui tenais une profonde aversion. Car rien ne me repoussait plus que ces sensations là.
Dehors, il fait nuit noire. La pluie s'est arrêtée, heureusement, bien que le tonnerre gronde encore dans les cieux. Comme pour m'annoncer qu'il fait tard ... Et que la nuit peut être dangeureuse. Comme pour m'ordonner de rentrer tout de suite. En temps normaux, je me serais promenée, un peu. J'aurais tenté d'oublier, en regardant les étoiles, les lumières, et les femmes heureuses qui auraient peuplé ma trajectoire ... Mais ce n'était pas un temps normal. Je m'avance, avec hésitation, dans la pénombre. Je sais que je suis seule, là, dehors ... Et pourtant, quelque chose me dit que non. C'est alors que j'entends une voix ... Sa voix. Il me dit qu'il savait que je ne résisterais pas, un sourire aux lèvres. Ses dents blanches, ses perles luisantes brillent grâce aux rayons de la lune, et, je me demande s'il s'agit de l'éclairage, ou d'autre chose ... Mais en lui, je vois alors le reflet d'un homme. Résister. Un mot qui me terrorise, jour et nuit. Que j'aimerais pouvoir résister ... Que j'aimerais en avoir le choix. Mais non.
Je ne dis rien, et j'avance, tranquilement. Je fais mine de l'ignorer. Cela vaut mieux pour nous. Il continue de parler, et j'en ai des crampes dans le ventre ... Comme un mauvais pressentiment. Je savais ce qu'il arrivait aux filles qui acceptaient qu'un simple inconnu les "emmène quelque part". Elles étaient retrouvées, le lendemain matin, dans le caniveau ... Violées. Assassinées. J'étais déjà violée. On m'avait tuée avec la mort de mes parents. Mais mon corps avait perduré, et je ne voulais pas le perdre, lui aussi. Car après, il ne me resterait rien d'autre que mon esprit ... Et c'était trop peu pour moi. Je tente de l'ignorer, mais, apparament, il croit que je viens vers lui, parce qu'il me tend son casque. Et je ne sais pas pourquoi, mais je m'arrête alors. Je pose mes yeux dans les siens, je le regarde, un temps. Il ne m'a pas l'air bien dangereux, pourtant ... Mais on me disait souvent que les apparences étaient trompeuses. Je suis perdue. Je suis fatiguée. Je ne sais pas quoi lui répondre.
- Pourquoi insistez-vous tant pour m'emmener ? lui demandais-je alors, inquiète. Peut être que je n'aurais pas du parler. Mais c'était trop tard, maintenant, de toutes façons ... C'était toujours trop tard, de toutes façons.
Dernière édition par Natasha K. Belskaia le Jeu 23 Mai - 13:30, édité 1 fois
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Sujet: Re: KEEP CALM & COMMANDE UNE PIZZA Mer 22 Mai - 16:57
RAPHAËL &NATASHA
Elle tente d'abord de l'ignorer mais il continue, parce qu'il veut attirer son attention, parce que c'est la seule façon d'en apprendre plus sur elle et il sait d'une certaine façon qu'avec un peu de chance, même si elle s'en va encore une fois et bien il la recroisera sûrement, encore dans un de ces beaux appartements, ou dans une chambre d'hôtel luxueuse, où elle sera avec un autre homme. Bizarrement il ne ressentait aucune attirance physique pour elle, enfin, elle était jolie, et elle le serait sûrement plus si elle n'avait pas ce regard triste et torturée, mais il connaissait ce genre de fille là. Il en avait connu une quand il était plus jeune, une fille triste et désespérée dont il avait pris soin parce qu'il l'aimait et il l'avait aidé. C'était peut être ce qu'il faisait de mieux, aider les gens.. Ou les aimer ? Pourtant ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas réellement été amoureux, il y avait eu Angeny certes, mais c'était justement car ils étaient beaucoup trop "amis" que ça n'avait pas pu fonctionner. Raphaël ne sait pas pourquoi il tient à parler à cette fille à ce moment là et il se retrouve légèrement désarçonné lorsque justement, elle lui pose la question, elle lui demande pourquoi il insiste mais il sait qu'il ne doit pas laisser paraître d'hésitation, parce que ça pourrait peut être l'effrayer ou la faire fuir. Il croise son regard un instant et à nouveau, il lui adresse un de ses sourires innocents, presque enfantins dont il a le sourire. Un sourire qui n'a aucun rapport avec le sourire pervers et dégueulasse que pouvait avoir ce type riche dans la chambre avec elle, parce qu'il n'a pas envie d'elle. Il n'est pas stupide et il a bien compris ce qu'elle fait, son métier, une espèce de prostituée, avec un accent russe en plus. C'est effroyablement cliché mais d'une certaine façon il lui trouve quelque chose, ou bien c'est le fait de l'avoir vu plusieurs, d'avoir croisé son regard torturé, de voir qu'elle n'a aucune envie d'être là et de se dire que le gros porc avec elle la paye, qu'il se goinfre de pizza et probablement d'autres choses, et qu'elle, elle n'a pas grand chose. Peut être qu'elle n'a rien du tout même. Il n'a pas trop fait attention à ses vêtements, il n'est pas là pour l'emmener afin de profiter d'elle, au mieux il voudrait peut être discuter un peu ou simplement boire un café, ou un chocolat chaud.. Comme elle voudrait. Il la trouve froide mais vulnérable. Il a envie de l'enrouler dans une grosse couverture et de lui dire que ça va aller, qu'elle n'a pas besoin d'y retourner, mais au fond qu'y est-il pour se proclamer sauveur de l'humanité ? Ou des prostituées ? Ou de cette fille ? " Parce que j'ai absolument pas envie de coucher avec toi. Et qu'on pourrait boire un café ou n'importe quoi... Ce qui te ferait plaisir. Juste comme ça. " Il ne sait pas si il est convaincant, si elle va le croire, mais il n'a probablement pas le profil du genre de mec qui l'accoste généralement pour demander ses services alors peut être qu'elle le croira. Parce qu'il est sincère et qu'il n'attend rien d'elle. " Tu fais bien pire que ça tout les jours alors t'as rien à perdre. "
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Sujet: Re: KEEP CALM & COMMANDE UNE PIZZA Ven 24 Mai - 19:54
Il semble insistant ... J'en ai une boule au fond de la gorge. Des sensations étranges ; parce que souvent, lorsque les hommes insistent, ils savent pertinemment ce qu'ils veulent, et ne reculent devant rien pour l'obtenir. Et souvent, ils veulent tous la même chose ... Une chose que je ne désire jamais leur offrir. Jamais. Je continue donc ma route, comme si de rien n'était, mais, il est plus rapide. Il m'interromp, il me tend son casque, avec son beau visage qui pourrait presque m'induire en confiance ... Presque. Parce que des garçons, comme lui, j'en avais vu d'autres, et, s'il m'avait semblé tout jeune, innocent, et prometteur d'un bel avenir, auparavant, ce n'était que dans la pénombre que j'avais pris conscience du réel danger qu'il pourrait présenter. Quelque chose me dit que dans un autre monde, dans une autre vie, je n'aurais pas été insensible à ce beau sourire charmeur idéal pour les publicités de dentifrice, ainsi qu'à ce visage agréable au regard ; mais ce n'est pas une autre vie, ni un autre monde. Il est toujours ici, et, jusqu'à preuve du contraire, moi aussi. Et je ne sais pas être sensible aux charmes des autres, parce que pour moi, le charme n'existe plus. Plutôt qu'un sort ensorceleur et magique, il s'agissait, en mon cas, d'une malédiction ravageusement destructive. J'avais été contrainte de m'en méfier, jusqu'à ne plus savoir l'identifier comme tel ... Jusqu'à en perdre la notion de charme en elle-même.
Les autres filles semblent mieux s'être habituées, à notre situation, d'ailleurs, que moi. Je ne sais pas m'y habituer. Je ne dirais pas que ce n'est pas faute d'avoir essayé, étant donné qu'essayer ne m'avait même pas intéressé, à premier abord. Je me retourne, doucement, voyant les lumières de chez Schmitt s'éteindre subitement ... Et je me mords la lèvre, me disant que je n'arriverais décidemment jamais à m'y faire, à ces sensations. La douleur, la tristesse ... L'abandon. Je me sentais seule, tellement seule. Perdue au milieu de nulle part. Et voilà qu'un parfait inconnu était venu jouer les sauveurs. Et évidemment, c'était à moi, qu'il parlait. Je lève alors les yeux vers la lune, avec un regard d'incompréhension. Alors, comme ça, on me mettait dans la merde, et ce, pendant treize ans, malgré toutes mes prières ? Et ce n'est que lorsque l'espoir est reparti, épongé par les larmes et la douleur, tordu en chiffon bon pour la poubelle et étouffé par le silence, qu'une réponse s'offrait à ces dites prières ? Oui, mais non, je n'y croyais pas. La vie n'était pas belle, le monde pullulait d'ordures, et rien n'était aussi simple ni ... Évident. Cela empestait le coup-fourré à plein nez.
Le livreur de pizzas - c'est quoi son nom, d'ailleurs ? Ce serait peut être utile de le connaître, non ? - se met à sourire, à nouveau, tandis que son regard croise le mien ... Et immédiatement, je me sens contrainte de baisser des yeux vers le sol, incapable de maintenir le contact. Et cela me destabilise, car en temps normal, je n'éprouve aucune difficulté à fixer les autres dans le blanc de l'oeil, sans cligner d'une paupière ni battre d'un cil. On m'avait appris que les yeux étaient les miroirs de l'âme, et, toute ma vie, je m'en étais servie à mon avantage ; car il ne pouvait exister d'âme plus battue, tourmentée et détruite que la mienne, et toutes les souffrances infligées par tous les hommes du monde semblaient enfin valloir le coup lorsque leurs pupilles se plongeaient dans les miennes afin d'y contempler la destruction semée par leur zêle. Mais si mes yeux étaient jusqu'aujourd'hui ma plus grande arme, il s'avérait qu'ils pouvaient, également, se montrer être l'une de mes faiblesses. Traîtres. Car si mon âme était reflétée via ceux-ci, je voyais mon propre reflet dans ceux de ce garçon ... Ou plutôt, je voyais le regard qu'il pouvait avoir d'une fille comme moi. Une catin. Une moins que rien. Et ce regard suffisait à me brûler, car jamais n'avais-je désiré être perçue comme telle, ou traîtée de ces noms. Jamais n'avais-je eu le choix de me plonger dans telle ou telle vocation, ou de suivre telle tracée de carrière. On ne m'avait rien demandé, à moi. On s'était contenté de me jeter sur un lit et de laisser les hommes mettre leur sale empreinte sur moi à vie, car la crasse dans laquelle je me retrouvais à présent plongée ne pouvait être nettoyée avec tous les savons du monde.
Il me dit alors ... Il me dit alors des belles choses. Comme tatie m'avait dit, elle aussi, lorsque le patron était venu me chercher, à mes dix-huit ans. Elle avait joué la carte de la fausse-comédie un peu trop, néanmoins, à la limite de l'abus, ce qui avait contribué au fait que je n'avais pas su croire en ses belles paroles. Néanmoins, le discours était similaire. Les promesses d'un meilleur lendemain ... "Tu seras belle, Natasha. Tu seras la plus belle femme de tout Paris, et tu auras tous les hommes à tes pieds, grâce à ce monsieur. Tu verras." Et je me suis retrouvée aux pieds de ces hommes, perdue à leur merci, plongée au fond d'un gouffre sans fin dont la seule issue semblait être la mort ... Et d'une manière assez masochiste, je refusais de sombrer, de tomber au fond du trou. Je m'accrochais aux parois, bien qu'elles semblaient écorcher mes mains et les mettre en sang, et je tentais de grimper, à nouveau, vers le haut. Et son discours, à ce garçon ... C'est le discours de quelqu'un qui veut plonger sa main dans ce gouffre pour m'aider à en sortir. Mais je suis méfiante. Je me demande s'il ne veut pas me faire croire qu'il va m'en sortir simplement pour m'y rejeter avec violence et cruauté, encore plus profond qu'avant. Donc je reste sur mes gardes.
Il me dit qu'il ne veut pas coucher avec moi. Immédiatement, des frissons parcourent mon corps entier. Je n'aime pas ces choses, j'aime encore moins en parler, et, davantage, encore, si c'était possible, d'un ton aussi désinvolte. Comme si ce n'était pas grand chose. Mais pour les hommes, quelque part, ce n'était pas grand chose. On couchait à gauche à droite, une nuit sur deux, avec une fille différente, à chaque fois ... Sans se soucier du lendemain, ni des conséquences. Je les connaissais, ces filles, moi. J'en faisais partie, même. Et l'une des autres avait dû avorter avec les moyens de bord, parce qu'elle avait "couché" avec quelqu'un. Nous, on ne couchait pas. On se couchait sur un lit, mais on souffrait le martyr. Si eux ne songeaient pas au lendemain, nous, y songions de deux façons : soit en se disant qu'il ne pouvait pas être bien loin et en l'attendant d'un espoir insolent, le regard rivé vers le blanc immaculé du plafond, soit en se disant qu'il ne viendrait jamais et que la douleur nous emporterait décidement pour de bon une bonne fois pour toutes.
Mais non. Il veut boire un café. Je cligne des yeux, pour la première fois. Et cette fois-ci, j'affronte son regard. J'ose, parce que j'essaie de voir, dans ses yeux, si j'arrive à discerner une quelconque intention dissimulée dans son discours. Avait-il des motifs ultérieurs ? Me mentait-il ? Mais je ne voyais que le reflet de ma propre image. Je ne voyais pas clair dans son jeu ... Peut être parce qu'il ne jouait pas à un jeu. Ou alors, pas aux jeux que je connaissais à présent.
- Juste comme ça ? avais-je presque craché, incrédule. Les hommes ne font jamais rien "juste comme ça". Il y a toujours une raison. Toujours. Alors je t'écoute. Si tu ne veux pas de moi, de cette façon, que me veux-tu ?
Mon regard s'était fait dur ... Ferme, presque, car je ne bougerais pas tant qu'il ne m'aurait pas répondu. Il pouvait sembler aussi sincère qu'il le voulait. Des hommes, j'en avais vu, j'en avais connu ... Et nombreux étaient ceux qui avaient tenté de me berner. Plus jamais. Plus jamais ne me laisserais-je avoir. C'est alors qu'il parle à nouveau, et que malgré mes tentatives de sembler forte, je perds contrôle, quelque peu, de mes paroles.
- Rien à perdre ... avais-je soupiré malgré moi en écho à ses derniers mots.