tu décides de partir de chez toi. Enfin, chez toi. Plutôt chez Cassandre à vrai dire. Tu lui expliques que tu aimerais bien te balader en ville, seul bien évidemment, le soir afin de faire un tour. Respirer, réfléchir, prendre l'air, ce genre de broutilles, conneries, pseudos-excuses qu'on donne à tout le monde. En réalité, tu te mets en quête de ruelles sombres. Non pas pour des putes, filles de joies ou autre machins de compagnie. Les dealeurs, c'est ce qui t'intéresse après tout. Et vu que Derp, dans un élan de générosité, t'a fié quelques billets, tu sais déjà que tu en dépenseras pour un sachet de cocaïne. Et après un long moment, tu arrives au centre-ville. Grand mot, terrible euphémisme. Mais Paris est éveillé h-24 après tout. La capitale ne possédait aucun répit et nuit et jour, elle demeurait active. Les gens normaux vivaient le jour tandis que les noctambules se plaisaient à faire les boites la nuit. Pénétrant dans une ruelle, tu scrutes chaque personne près de la boite. Un an que tu avais été sans domicile ; alors les rues, ça te connaissait maintenant. Avant ça, sûrement tu aurais eu peur des ruelles, mais là, tu es dans ton élément. Un gars est légèrement mal en point et tu l'abordes. « Hey man ! Ça va bien ? Tu ... fin, besoin d'aide ? » Et tu as ce visage familier qui se dresse devant toi.

Le mec te dit quelque chose. Il a un visage qui te rappelle quelqu'un. C'est sûr ! Quelqu'un de ton passé. Mais avant, tu ne connaissais pas le monde des racailles, des bad-boys trainant dans des quartiers malfamés. Alors, tu essaies de ne pas te concentrer sur les habits, essayant même de les effacer. Cependant, le mec a un air du genre, à vouloir être tout seul. Casse-toi, tu m'veux quoi. Rien. Rien. Aucun mal. T'es pas venu là pour t'embrouiller de toutes manières. Le mec t'inquiétait juste, son état n'était pas vraiment beau à voir. Et tu essaies de le regarder de plus près. Et paf ! Tu as une claque ! Tu le reconnais. Tu sais qui c'est. Merde. Oh my god. « P'tain ! Luka ? ... Luka ? C'est toi ? J'suis ... fin, c'moi, Justin ! Tu ... Oh p'tin ... » Cela te fait un choc tout de même. Retrouver Luka ici là, dans ce trou. Alors que ça faisait bien quelques années que vous vous étiez point vus.

Luka et toi, ça remonte à loin. En fait, c'est vos parents qui se sont rencontrés à l'une de ces fêtes de bourges et ils ont sympathisé. Et depuis, ils organisaient des diners d'amis. Alors soit Luka venait chez toi, soit c'était l'inverse. Tu ne le voyais qu'à cette occasion. Jusqu'à ce que Luka arrive en seconde et que toi en bon terminale, tu l'accueilles comme il le fallait. Cependant, le lycée mélangé obligatoirement à l'adolescence et tout ce surplus d'hormones avait fait que tu avais eu une certaine attirance à son égard qui tu t'étais forcé de cacher pour ne pas briser votre amitié. La bonne époque. « C'que je fous là ? Beh, j'me promène. Ouaip, y'a à voir dans l'coin. » Luka, c'était une sorte de bouffée d'air à tes yeux. Du moins à l'époque. Tu avais tellement envie de t'extirper de ce monde de bourges et lui à l'aise enchainait comme il le fallait ses conneries. Non pas que c'était un cancre, non, c'était une lumière. Il se faisait juste remarquer et il aimait ça. Mais le retrouver ici, alors que tu étais en quête de drogues te déstabilisait un peu. Il demeurait un potentiel obstacle et tu ne voulais pas qu'il ait une mauvaise image de toi. Tu l'as toujours apprécie et apparemment lui aussi. « Tu d'viens quoi ? »

Il ne savait pas ce qu’il devenait. Tu arquais un sourcil en guise de surprise. De fausse surprise. Car au final, tu t'y attendais à cette réponse. Luka n'est pas du genre à réfléchir à son avenir, ni même à tout faire pour décrocher un travail ennuyeux seulement pour gagner une tonne d'argent ; luka, il est plutôt du genre à prendre la vie comme elle se présente, à en prendre totalement un certain plaisir. Du moins, c'est comme cela que tu le voyais. Et dire que tu avais éprouvé une certaine attirance à son égard, et peut-être même que si tu avais cédé, tu aurais pu être le mec avec qui il a baisé dans les toilettes au lycée. Sa première sex-tape. C'était ce qu'il t'avait marqué chez lui. Sans honte et avec une certaine fierté, tu prononçais en arborant un air de je-m'en-foutiste : « j'me suis cassé d'chez moi y'a plus d'un an. j'ai fini à la rue, normal. Et y'a un mec qui vient de m'héberger y'a quelques jours. » Tu ne pouvais pas mentir à luka, déjà parce que tu ne savais pas lui mentir, à lui et parce que tu ne ressentais pas le besoin de cacher quoique ce soit.« Yep, j'suis pas fiancé, ni même avec un gosse comme avaient prédit mes idiots parents ... »