Allongée sur le canapé devant la télévision depuis le début de l’après-midi je ne m’attendais pas à entrevoir mon grand-frère traverser la pièce avec cet accoutrement que je trouvais ridicule. Pressant mon doigt sur le bouton de la télécommande qui entrainait un arrêt total de la télé et de l’émission de télé réalité que je regardais avec beaucoup d’attention comme toutes les filles de mon âge il me fallait peu de temps pour rejoindre la chambre à gauche du salon où mon frère se trouvait. « Tu sais qu’on est pas à Halloween ? Qu’est-ce que tu fais habillé en… Militaire ? » Il semblait à la fois surpris et heureux de me voir ce qui était très rare ces derniers temps, avec l’affirmation de mon côté superficiel je ne m’étais pas fait que des amis dans la famille. Cassandre me comprenait à peu près et jurait à tout le monde que je traversais ma période d’adolescence et de l’âge dite « con » mais les autres ne me soutenaient pas. « Ah t’es sûr ? J’étais pourtant persuadé qu’Halloween s’était en février. » Et il osait se moquer de moi en plus ? Il me souriait amusé et malgré ça je sentais qu’il était stressé, qu’avait-t-il à m’annoncer ? « Qu’est-ce que tu fais avec cet uniforme ? » Il baissait la tête, pas besoin qu’il ouvre la bouche pour savoir qu’il s’apprêtait à faire quelque chose que je refusais de cautionner, je sentais les larmes qui montaient, étrange pour quelqu’un de très insensible en général mais j’avais toujours été très proche de lui durant mon enfance. « Non… Tu plaisantes, t’as pas le droit de partir, de tous nous abandonner… De m’abandonner. » Mes yeux s’inhibaient de larmes, je ne voulais pas le laisser partir. Il s’approchait de moi et je me retrouvais en quelques minutes blottie dans ses bras musclés, il avait fait pas mal d’exercices physique ces derniers temps et je comprenais enfin l’objectif principal au-delà du fait de plaire aux pucelles du coin. Enfin je m’étais toujours dit qu’il n’était pas réellement intéressé par les filles plus jeunes que lui comme il le disait à qui voulait l’entendre lorsqu’on parlait de son évolution physique, il se cherchait juste une raison de ne pas prévenir tout le monde trop tôt. « Je suis désolé okay, mais c’est un devoir et il faut des soldats pour nous défendre… Défendre la population française. » Il reculait pour prendre son sac, je n’en revenais pas. « Attends, tu vas vraiment partir comme ça ? Sans dire au revoir à Cassandre ? Papa et maman ? » Je restais devant la porte de sa chambre, je refusais de le laisser partir. « Ils sont déjà au courant, ils m’attendent à l’aéroport. » Pourquoi avais-je cette désagréable sensation d’être brisée ? Personne n’avait trouvé bon de m’avertir ? Je sautais dans les bras de mon frère, plus rien ne pouvait le convaincre de revenir sur sa volonté.



Quelques mois étaient passés depuis que mon frère ainé était parti à l’armée, tout devait bien se passer pour lui puisque nous n’avions jamais reçu la fameuse lettre remise par un soldat qui annonçait que cette personne était morte au combat. Non, aujourd’hui pourtant je me sentais vaseuse, j’avais l’impression que quelque chose n’allait pas et je ne pensais pas avoir raison. La sonnette avait retentie et lorsque j’avais entendu des pleurs j’avais tout de suite fait le rapprochement, pas le temps d’aller voir à la porte que Cassandre entra dans ma chambre, l’observant j’attendais qu’il dise quelque chose. « C’était un militaire… » Ses yeux se noyaient dans les larmes, je savais bien qu’il n’allait pas me montrer ce qu’il ressentait, je me devais de faire pareil, être forte pour mes parents, pour lui… Le prenant dans mes bras je me mordais fort la lèvre inférieure pour ne pas éclater en sanglots, j’attendais simplement son départ pour me laisser aller.



Depuis cette fameuse journée sept longues années étaient passées, je n’oubliais pas mon frère mais ma vie avait repris, je me refusais catégoriquement à vivre dans le passé et je m’étais fait une promesse à moi-même, retrouver le sourire pour avancer et croire en mes rêves. Ma vie me plaisait où je vivais mais quelque chose me tentait beaucoup plus ces derniers temps, Paris. Surprenant venant de moi qui avait toujours clamé haut et fort que je comptais rester dans ma ville d’origine, Cassandre m’avait donné l’eau à la bouche et s’il s’y plaisait il n’y avait aucune raison que ce ne soit pas le cas pour moi. A présent je me trouvais dans l’appartement de mon frère, Paris était une ville fabuleuse et je comprenais pourquoi est-ce qu’il s’était installé ici, je ne comptais pas repartir, au contraire je me cherchais un appartement malgré mes difficultés à trouver celui de mes rêves, en attendant je vivais sur le canapé que Cassandre m’avait prêté… Enfin, c’est ce que je devais faire officiellement mais autant vous dire qu’il n’était pas rare que je passe la nuit dans ses bras, je m’y sentais en sécurité. La vie n’avait jamais été aussi belle pour moi et ce n’était que le début.

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