Enfance.

Avant toutes choses, je n'sais pas pourquoi ma mère a eu la folle idée de m'appeler Cerbère, j'dois avoir la gueule d'un clébard ... ou d'un psychotathe. Nan mais le plus fou la dedans c'est mon second prénom, Sitael, ouais ouais le nom d'un ange. C'est assez space et glauque je trouve. Ca fait un peu schyzophrène sur les bords. Autant je le suis sans le savoir, qui sait. C'est sur que durant toute ma vie ce prénom a été vachement lourd à porter déjà qu'on me voyait comme le sale gosse qui trainait dans de sales draps. J'ai pas envie de nier quoi que ce soit. Nan c'est juste que je suis moins horrible que tout le monde le pense.

J'aimais pas la façon que les voisins avaient de me regarder. Ils me désignaient du doigt parce que j'étais le fils de la putain du quartier. Le bâtard qui trainait dans les rues sans jamais dire bonjour. Personne ne savait qui était mon père, peut-être cet homme là-bas, plein aux as. Ou bien ce clochard qui fouillait souvent les poubelles ou tout simplement le photographe du coin. Si je retourne dans ma tête de ce gosse que j'étais, à l'âge de neuf ans, je garde un bon souvenir de ma mère. C'était le genre de femme à laisser son enfant trainer dans les rues de la ville que ce soit nuit ou jour. J'avais tord de penser qu'Angélique était une bonne maman. C'est vrai, quand on y pense, je pouvais faire ce que je voulais sans avoir peur de me prendre une claque en guise de punition. J'aimais courir en pleine nature, revenir le soir plein de boue avec des insectes dans une boîte, fier de ma découverte. Je n'avais peur de rien à vrai dire, je pouvais bien me noyer dans cette rivière sur laquelle je me penchais trop, faire une mauvaise chute de cet arbre sur lequel je grimpais. Ni chaud ni froid, j'étais un petit homme livré à lui-même en pleine nature. Un monde trop vaste dans lequel je tentais de trouver ma place, sans guide. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été quelqu'un d'éphémère. Je changeais toujours de groupe d'amis, je préférais découvrir de nouvelles choses, rencontrer de nouvelles personnes. Je partais du jour au lendemain, sans rien, tel un fantôme errant. Ma mère ne se souciait pas de moi, elle ne me disait pas que j'avais de mauvaises fréquentations comme le disent toutes les mères. Il y a des gamins qui se seraient pliés en quatre pour avoir un minimum d'attention. Vous savez le genre de délinquants qui sont mal dans leur peau et font des conneries juste parce qu'ils manquent d'amour. Moi, je ne ressentais pas ce vide, ou alors je le comblais avec les choses que la vie pouvait m'offrir. Je n'avais pas une main ferme pour me poser des limites c'est pourquoi j'en faisais toujours trop. Il m'arrivait de passer des nuits dehors, à dormir sous un arbre avec un chien errant que j'avais croisé. J'étais peut-être qu'un gamin mais je parvenais à comprendre pas mal de choses. Je me méfiais des personnes qui m'approchaient même si elles ne me voulaient pas de mal, j'avais toujours cette distance avec l'être humain. Une barrière de protection que je ne voulais pour rien au monde briser. Je ne me voyais pas comme eux. Je n'avais pas ce besoin permanent de vivre aux côtés de quelqu'un. Je n'étais pas le genre de vilain canard, à être rejeté des autres. Loin de là. J'avais plus le côté loup solitaire. Celui qui ne comptait pas sur les autres.

Adolescence.

Je grandissais et les années me séparaient de plus en plus de ma mère. J'avais quinze ans, quinze foutues années à trainer dans les rues en se méfiant de toutes ces personnes. Il s'en était fallut d'une pour que je tombe à la renverse. Je me souviens très bien de ce passage de ma vie, il m'a marqué, m'a brûlé les neurones. J'étais encore jeune et innocent lorsque j'ai fait la connaissance de Grégory. J'me sentais vachement seul et j'avais envie de changer d'air. Ce putain d ejour où je l'ai rencontré a marqué ma mémoire. Je venais de quitter la maison en claquant violemment la porte derrière-moi. Une engueulade de plus avec ma mère. Ma mère que j'appelais Angélique et non pas 'maman'. Ca sonnait faux quand je l'appelais comme ça. Je n'étais pas le fils de cette pute. Parce que pour moi ce n'était pas une trainée, juste une pute. Elle méritait toute la merde qui lui claquait à la figure. J'allais rarement en cours, préférant trainer avec les caïds d'Athènes. L'enfant sauvage s'en était allé laissant alors place à l'adolescent en quête de lui-même. J'étais influencable et puis j'aurais fait n'importe quoi pour aller au delà de mes limites. Je brisais enfin les chaines, à la recherche de la liberté. Cette foutue liberté que tout le monde espère. Ce qui me travaillait le plus était de ne toujours pas trouver ma place dans la société. J'étais comme tous les ados, incompris, rejettés et toutes les conneries dans le genre. Crise existentielle. A bout de nerfs j'étais allé au bord de la rivière pour verser quelques larmes de haine. Un homme, plus vieux que moi était arrivé les mains dans les poches. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais eu directement confiance en lui, le genre de confiance que deux frêres s'offrent. J'étais seul, mon père s'était fait la malle à ma naissance et ma mère ne s'occupait guère de moi. Je n'avais personne sur qui reposer mes épaules, ou bien avoir exemple. Grégory avait cette confiance en lui que moi je n'avais pas. Il n'était pas mon total opposé, juste la maturité que je n'avais pas encore gagnée. j'avais à l'égard de cette personne une sorte d'admiration qui ne s'expliquait pas. Je passais mes journées avec lui, je ne rentrais même plus à la maison préférant passer la nuit dans son studio. Il m'apprenait tous les bons plans. C'était le roi de l'arnaque. Il me disait souvent que je ne devais faire confiance en personne. Tu sais Cerbère. Seules la trahison et l'illégalité peuvent vaincre. On vit dans un monde sale. Et il m'emmenait alors avec lui, il trempait dans la drogue et les affaires pas nettes qui suivent. J'avais cette impression d'être un minimum important, je passais mes journées avec Grégory. Je dealais ave clui jusqu'au jour où moi aussi j'ai craqué face à la drogue. Nous étions dans un autre monde, on flottait dans l'atmosphère. J'étais un putain de dêchet dans l'espace. On sait tous que le bonheur est éphémère. Notre a basculé d'une seconde à l'autre à cause de la drogue. Je venais d'avoir 18 ans et j'avais quitté la maison depuis bientôt un an. Il faisait nuit, Grégory tremblait et j'avais beau essayer de lui demander ce qui n'allait pas. Il ne cessait de me me dire.

- Gamin, c'est délicat. Promets moi de partir si ça tourne mal.

Mon esprit refusait de croire que ce que nous avons construit allait se détruire. Grégory m'avait apporté tellement de choses. C'était le type qui m'avait fait ouvrir les yeux sur le monde. Je n'étais plus le même depuis que je l'avais rencontré. Tout le monde lui jettait des pierres en l'accusant de m'avoir fait plonger dans la drogue. Je m'en balançais parce que de toute façon j'étais le type le plus heureux de la terre à ses côtés. J'crois bien que je l'aimais. Ouais c'était de l'amour. Je voulais pas que ce soit réciproque, tant qu'il me portait un minimum d'attention j'étais satisfait. Je n'aimais pas le voir avec toutes ces filles, je n'étais pas jaloux, j'avais juste peur de le perdre. Peur de le perdre. Un jour, alors que son téléphone sonnait à plusieurs reprises il est allé voir un de ces types qui trainait jamais sans un flingue dans la poche. Il m'a dit de ne pas venir mais j'ai pas écouté. Alors j'ai commencé à la suivre jusqu'au moment où un coup de fusil a retentit dans la nuit. Je me souviens encore de la façon dont mon coeur s'est contracté. J'étais mort de trouille, les larmes aux yeux j'ai hurlé pour faire partir ces connards qui venaient de le flinguer. Je n'en revenais pas. Je me suis baissé en sa direction. Sa main faible s'est alors faiblement refermé sur la mienne.

- Gamin fais gaffe à toi. Tu sais que les gens ne sont que ce qu'ils sont.

J'voulais le traiter de tous les noms, lui exiger de ce relever mais je l'ai pas fait parce que je venais de comprendre que je l'avais perdu. J'ai attendu que son coeur lâche avant de fuir à mon tour. Après celà je ne me souviens d'absolument rien. Je me suis juste réveillé le matin sous un pont. C'était la fin. La fin d'un chapitre.

Après la fin.

Ravagé par la mort de Grégory j'étais complètement paumé. Je ne savais plus où aller et quoi faire alors je suis retourné chez ma mère qui m'a foutu dehors à coups de pieds en voyant ma sale gueule de drogué. J'espérais rien de sa part, j'voulais juste passer une nuit dans un lit. Ne pas avoir mal au dos et puis aussi avoir froid et me réveiller au moindre petit bruit. Même le mouvement d'une feuille m'effrayait. C'est alors que j'ai quitté Athènes, je suis allé dans une autre ville. J'ai passé plus de dix ans à ne rien foutre de ma vie. Je me bourrais la gueule, finissais dans le lit d'une blonde pulpeuse avant de repartir le matin. Je touchais toujours à la drogue parce que j'étais plus accro que je ne le pensais. J'avais des dettes chez tous les dealeurs du coin. J'crois juste que j'attendais qu'on me flingue. Je voulais voir apparaître dans les journeaux, sur une page, écrit en petit, un article sur ma mort. Je voulais aussi qu'Angélique s'en morde les doigts, j'voulais qu'elle se fasse bouffer par les remords. Je n'avais pas de domicile fixe, je trouvais juste de quoi vivre grâce à quelques boulots que je faisais de temps en temps. Bien sur je me faisais toujours virer à cause de retards, de vols ou bien de manque de respect envers le patron. Un matin j'ai eu un déclic. J'en avais marre de me voir comme une loque humaine. J'allais bientôt avoir trente ans, il fallait que je me bouge parce que sinon j'allais finir par en crever. Ces filles d'un soir, cet alcool dégueulasse, je n'en voulais plus. Je ne devais pas me laisser abattre par la mort de Grégory parce que s'il était encore vivant il n'aurait espéré que du bonheur pour son 'gamin'. J'ai économisé pendant des mois pour quitter le pays et laisser cette vie derrière moi. Il était temps pour moi de changer d'air. Direction Paris.

Paris.

C'est durant le trajet pour Paris que j'ai rencontré un homme. Simba. Le courant est de suite bien passé. Superbe coïncidence, lui aussi déménageait sur Paris. Chacun de notre côté avons commencé une petite vie sans jamais se perdre de vue. J'ai recommencé avec des boulots que j'enchaînais. Puis, il y a quelques mois de cela j'ai postulé en tant que croque-mort. J'ai eu le poste. Ca peut parraître dégueulasse mais moi j'aime bien ça. Les morts ne nous emmerdent pas, on leur parle, ils nous écoutent sans jamais juger. Paris n'a bien sur pas réglé toutes mes conneries. J'ai toujours des problèmes avec la drogue, je tente de me soigner, de stopper un peu mais j'y arrive pas. Je me sens juste renaître sur cette ville alors pourquoi chambouler ma nouvelle vie en tentant de changer quelque chose ?

Je vis dans le futur, un futur plus proche qu'on ne le croit.