« Je doute que vous en avez quelque chose à foutre de ma date de naissance. Sachez seulement que je suis né en France, et que je vis à Paris depuis toujours. Ma vie aurait pu être génial : des parents plein aux as, un grand frère pour veiller sur moi, et un talent inouï pour le sport. Mais voilà, si d’autres pleurnichent d’être le vilain petit canard de la famille, moi je donnerais tout pour pouvoir l’être même un seul jour. J’ai un frangin, de deux ans mon ainé, avec qui j’ai toujours eu une relation houleuse. Bien qu’il soit plus âgé que moi, j’étais le gamin que tout le monde voyait comme un prodige. Bon à l’école, doué en sport, et un caractère qui passe pas inaperçu. Je faisais pas exprès d’attirer toute l’attention, au contraire j’aurais aimé qu’on me lâche les baskets. Moi, tout ce qui m’intéressait, c’était de pouvoir sortir dehors, courir sur un terrain et me défouler jusqu’à sentir mes chevilles céder sous mon poids et mon souffle brûler ma gorge. L’argent c’est cool, mais j’en avais strictement rien à foutre. Je déteste le fait d’être né avec une cuillère en or dans la bouche. Bien sur je vais pas mentir, ça m’a bien aidé dans la vie. Les filles étaient à mes pieds, j’obtenais tout ce que je voulais en un claquement de doigts. Mais où est le mérite là dedans ? J’ai pas envi de vivre la vie de mes parents, je veux vivre la mienne, et pouvoir être fier de ce que j’ai gagné.

A l’âge de 16 ans je me suis inscris officiellement dans un club de rugby. J’aurais pu choisir le football ou le basket, mais j’avais besoin d’un sport violent, avec du contacte. Même si j’ai pas la carrure d’un Chabal, jpeux vous assurer que j’avais le cran nécessaire. J’avais pas peur de rentrer dans le tas de mecs plus balèze que moi. J’avais du talent. Mais aucune ambition de devenir un sportif professionnel. Je jouais pour m’amuser, pas pour remporter des trophées et signer des autographes. Sans m’en rendre compte, je voulais l’exact opposé de ce que je possédais : la simplicité, l’anonymat et le mérite. Résultat, à 18 ans j’ai voulu m’engager dans l’armée de terre. Servir mon pays et vivre dans l’adrénaline, que demander de plus ? C’est exactement ce qu’il me fallait, ce dont je rêvais secrètement.

Mes parents sont tous les deux dans la mode. Mon père est un grand créateur de renom, et ma mère une ancienne mannequin qui est restée populaire. Moi, je déteste cet univers. Rempli de superficialité, de bourgeois, d’hypocrites. Vous vous imaginez donc le mal que j’ai eu à les convaincre de me laisser partir pour l’armée. Enfin, non, convaincre n’est pas le mot. Ils m’ont clairement dit que j’étais en plein rêve. Je comprenais mal le problème. Nathaniel , en tant que frère ainé, était là pour reprendre l’entreprise, alors pourquoi tout ce bazar ? C’est pas comme si ils avaient absolument besoin de moi. D’autant plus que j’estimais leur rendre un grand service. Je suis un fêtard invétéré. Quitte à avoir du champagne à volonté, autant s’en servir. Je vais pas non plus cracher dessus. Ya pas que des inconvénients à être un bourge. Malheureusement pour mes parents, mes frasques nocturnes se sont déjà retrouvées plusieurs fois en une de magazines people. Le fils cadet Delorme a encore foutu le bordel dans une chambre d’hôtel ! Ou bien : Bastien Delorme aux bras de deux jeunes inconnues. Si au début ça me faisait bien marrer, j’ai finis par m’en servir comme d’une arme. Vu que j’étais nocif pour leur business et leur réputation, c’était peut être mieux que je parte non ? Ca aurait pu marcher, si un événement n’avait pas tout bouleversé.

Pour tenter de recoller les morceaux avec mon frère, je lui ai proposé d’aller faire du vélocross. C’était peut être une tentative désespérée, mais ça me faisait néanmoins plaisir de pouvoir partager un peu de temps avec lui. Autant vous dire que j’ai vite déchanté. Nathaniel n’a jamais été passionné de sport, et encore moins de sport extrême. Et ce crétin n’a pas trouvé mieux que de déraper avec son vélo et de s’écraser sur un rocher. Je me permet de l’insulter parce que je sais bien que ça s’est bien terminé pour lui. Pour moi, c’est une autre histoire. Quand j’ai vu qu’il se relevait pas, j’ai couru vers lui. Le sang coulait le long de sa tempe. J’ai pris peur, pour la première fois de ma vie. Le terrain étant vague, j’ai du le porter sur mes épaules pour l’emmener aux urgences. J’ai toujours pris soin de garder le contrôle sur tout, de ne pas laisser les situations prendre le dessus sur moi. Mais là, c’était impossible. J’avais peur qu’il soit déjà mort, j’en savais rien. Alors j’ai couru, le plus vite possible, avec son poids sur mon dos. Et ce qui devait arriver arriva, j’ai trébuché. Mon genou est venu s’écraser avec violence contre le sol. J’ai pu le sentir se déboiter sous le choc, et j’ai hurlé. J’ai crié de toutes mes forces sous la puissance de la douleur. Mais je me suis relevé, et j’ai essayé de continuer à courir jusqu’à la route pour trouver du secours. Le poids de mon frère était de plus en plus difficile à supporter, et mon genou faisait atrocement mal. Mais j’ai réussi, j’ai rejoins la route et une voiture s’est arrêté pour nous emmener à l’hôpital. Il s’en est bien sorti, un léger traumatisme crânien. Plus de peur que de mal. Quant à mon genou, il était impossible de lui redonner son usage d’antan. Le poids de Nathaniel sur mes épaules ajouté à la course ont été les facteurs irrévocables des dégâts sur mon genou. Adieu l’armée. Et condamné à porter une atèle toutes les nuits jusqu’au restant de mes jours pour éviter qu’il ne se déboite à nouveau.

Voilà comment je me suis retrouvé coincé ici. Ca a été un tournant dans ma vie. Après cet événement mes parents ont vu en moi un homme responsable et mature, et ils m’ont placé en deuxième position dans l’entreprise de mon père. Rôle qui aurait du revenir à mon frère. Il voulait ce poste, moi non, alors pourquoi ? Parce qu’ils ont toujours fait selon eux, et non selon nous. Je les déteste. Et je déteste mon frère aussi. C’est à cause de lui si jsuis à moitié infirme, et si j’ai pas pu foutre le camp d’ici pour faire ce qui m’intéressait. Au fil des années je suis devenu de plus en plus froid et distant avec les gens. De plus en plus cruel. Ma frustration s’est multipliée depuis ce jour, et mon respect pour les autres a diminué. Je suis jaloux de mon frère, lui est jaloux de moi, notre relation n’a jamais été aussi difficile à vivre. Parfois, je me surprends à penser que j’aurais du le laisser se vider de son sang.

En ce qui concerne les femmes, on peut pas dire que je sois un gentleman. Je les prends, et je les jette. De temps en temps j’ai une petite amie pour faire bonne impression, et puis je la jette aussi. Les femmes de ce milieu sont toutes des poupées Barbie superficielles et sans cervelle très faciles à obtenir. Alors quand j’ai croisé le regard d’Odelia lors d’une soirée organisée par nos soins, j’ai vu l’occasion de m’amuser un peu. Une bimbo de plus à ajouter à ma liste ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que je lui ai sorti le grand jeu. Femme qui rit à moitié dans ton lit, celui qui a inventé cet adage ne pensait pas si bien dire. Du romantisme en veux-tu en voilà, des sourires de charmeur à la pelle, un brin de galanterie pour saupoudrer le tout, et voilà comment j’ai récupéré une énième conquête. C’était tellement facile que j’ai hésité à me la faire. Mais bon, elle était canon, ça m’a convaincu. Bien qu’elle ne parle pas français je suis parvenu à la faire rêver. J’admets qu’être à Paris à beaucoup aidé. Les étrangères baiseraient n’importe qui, du moment que c’est à Paris. Je pouvais lui raconter n’importe quoi, elle me regardait avec des cœurs dans les yeux. Un peu écœurant c’est vrai, mais le soir approchait, et on allait enfin pouvoir passer aux choses sérieuses. Une fois dans la chambre, ni une ni deux je lui ai sauté dessus. J’avais plus de temps à perdre.

Le lendemain matin jsuis allé prendre le brunch avec ma petite amie officielle et ma famille. Je vous raconte pas ma surprise quand j’ai vu ma conquête de la veille débarquer en peignoir dans le salon. J’ai rarement vu un spectacle aussi lamentable. Et au lieu de compatir à son humiliation, j’ai enfoncé le clou en explosant de rire. Bah oui, mettez vous à ma place. Il n’en a pas fallu plus pour que mon frangin se mette à jouer les chevaliers servants. Il pouvait pas la laisser rentre toute seule comme une grande, non, monsieur a voulu la raccompagner. Et à mes dépends, j’ai participé à la formation de ce nouveau couple.

Un couple qui m’horripile au plus haut point. Ils sont tellement … pathétiques. D’un côté ils se sont bien trouvés. Dans le genre couple mielleux ya pas mieux. Moi jaloux ? Bien sur ! Depuis quand c’est mon frère qui se tape la fille canon ? Pourquoi il est heureux d’être mariée avec elle alors que moi je dépasse pas le mois de relation ? Me remettre en question ? Jamais. Odelia j’aurais du l’avoir. C’est avec moi qu’elle était en premier, et il n’y a aucune raison pour que ça soit Nathaniel qui l’obtienne. Je sais pas si je la veux parce que lui l’a, ou si j’ai développé des sentiments étranges à son égard. Toujours est-il qu’il est parti et qu’il m’a confié la garde de son précieux amour. Si il savait à quel point il me facilite la tâche. A son retour, il sera célibataire. Parole de Delorme.