« MARS & LUBIN » Come around

Jeudi 1er Mars 2012 ; 03h57 ; -1°C.
Un rire bruyant s’échappe soudainement des petites ruelles huppées de Paris. Il titube, trébuche, se met à parler aux lampadaires. Une sorte de petit lutin semble lui marteler le crâne. Il ne comprend plus rien. Il ne sait plus parler. Ni même penser. Il avance péniblement sous la pluie, le sourire pendu aux lèvres, les pupilles complètement éclatées, le teint blafard au possible. Sa lèvre saigne. Sa pommette droite est griffée. La chaire de ses poings est déchirée. Il rit de nouveau, avant de tousser sèchement. Le ciel lui semble avoir pris une couleur rosée. Serait-ce l’aube qui pointe le bout de son nez ? Non. Ce sont ses micro-vaisseaux sanguins aux yeux qui ont pour la plupart explosés. Il a trop forcé sur la dose. Ouais. Mais ça le fait rire. Bêtement. Amèrement. (Un temps). Il force péniblement la serrure, y laissant même un petit bout de peau. Il traverse un petit couloir, étroit, puis ouvre une porte en ferraille, entièrement taguée, et bouffée par la moisissure. Maladroitement, il descend les longues marches, à l’aveuglette, tout en faisant glisser ses mains sur les rambardes poussiéreuses. Son rire s’est changé en gloussement stupide. Il sait qu’il ne doit pas faire de bruit, mais il s’en amuse encore plus. Sa chaussure grince, il pouffe. Comme deux gamins réunis qui joueraient à espionner leurs parents. (Un temps) Nouvelle et dernière porte. Il la pousse brusquement avec son épaule, puis pénètre les lieux. Odeur d’humidité, de pourri, mélangé à un désodorisant de sous-marque. Machinalement, sa main s’écrase sur l’interrupteur. La lumière saute, grésille, puis se manifeste enfin. « Haaan salope de mmmhhh…Mes yeux putain ! Ca me brûle comme du bacon ! » Un nouveau rire bruyant s’échappe d’entre ses lèvres gercées par le froid. « Mars ! Mars ! Hé ! Tu dors ! Tu dors hein ?! Halo ! À l’Huile ! Coucou ! Chérie je suis rentré ! » Il nage en plein délire. Et de nouveau, une toux violente s’empare de lui, pour mieux lui enflammer la gorge. Il se pli en deux, crache ses poumons un bon coup, puis vient se jeter sur l’unique lit du squat. « Viens m’faire un câlin, bichette. Il fait super froid dehors ! Ouais ouais. J’vais m’chopper la crève, c’est drôlement con. Hé, réveille-toi chaton ! »

« MARS & LUBIN » Come around

Non de dieu que c’est pas vrai.

Adossé contre le mur délabré et humide de la cave qui lui servait accessoirement d'appartement, à lui et à Lubin, Mars se laissa bercer par les intempéries violentes qui sévissaient à l'extérieur. Depuis le matin, il pleuvait des cordes, et ça ne risquait pas de s'arranger. L'air était chargé d'humidité, il suffoquait presque, crachant des poumons comme une vieux fumeur. Jurant à tue-tête, il se laissa glisser au sol, se remémorant avec amertume la journée pourrie qu'il venait de passer. Il était tombé sur des clients de merde, et il ne s'était pas privé de les envoyer chier dans d'autres chiottes. Du coup, il s'était fait taper sur les doigts par sa patronne, accessoirement sa tante, cette vieille harpie qui préparait de si délicieuses tartes flambées. Salope! « Conneries! » Un coup d'oeil vers sa montre lui indiquait minuit passé. Il était claqué, mort, crevé, desséché...Et demain s'annonçait laborieux. Tel un automate, il se hâta machinalement jusqu'à une étagère bouffée par les mites et la poussière, et sur laquelle reposait une de ses boites de médicaments. Il s'empara de la petite boîte rouge au capuchon noir et s'enfila trois grammes de Dafalgan, pour chasser ses migraines trop fréquentes et s'octroyer une bonne nuit de sommeil, une histoire de quelques heures. « Pffffft dodo! » Ni une, ni deux, il se laissa tomber sur l'unique lit de la pièce, qui ne manqua pas de grincer sous sa mince corpulence. Si ce n'est l'odeur de moisi qui se dégageait fortement du matelas, et de l'inconfort de son coussin, c'était presque parfait. Un soupir de bien-être franchit la barrière de ses lèvres alors qu'il se laissait rapidement gagné par les bras de Morphée. (...) Du genre gros dormeur, ce n'est pas la lumière qui avait réveillé en sursaut Mars mais son petit connard de colocataire qui avait fait une entrée soignée. « P'taiiiiiiiiiiin LUBIN! J'vais te TUER!» Sous l'excès de colère, il l'envoya valser hors du lit, le regardant s'affaler au sol avec une intime satisfaction. « Enfoiré d'sa race! T'sais pas c'que c'est la DISCRÉTION? J'pieutais merde! J'me suis shooté au Dafalgan pour pouvoir dormir tranquillou, sans qu'un lourdingue comme toi ne vienne troubler mon sommeil.» La tête dans le cul, Mars tenta de sortir du lit, histoire d'aller se rafraîchir les idées, mais c'est sans compter le cachalot qui séjournait au pied du lit, et sur lequel il trébucha. Bim Bam Boum ça fait des chocapics. Mars se retrouve au sol, à moitié affalé sur l'autre benêt shooté. « Et merde! Tu t'es pissé d'ssus ou quoi? T'es mouillé comme pisse-chatte! T'es vraiment qu'un gros déchet d'la société, t'le sais ça? » Et PAN dans les dents! S'il y avait bien une chose qui rendait Mars encore plus exécrable, c'était qu'on trouble son sommeil. Il avait déjà du mal à s'endormir le pauvre petit...

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Jeudi 1er Mars 2012 ; 04h00 ; -1°C.
Il tourne, tourne, tourne, puis chute brutalement. Son crâne se fracasse contre le sol bétonné. Son corps est complètement moue. Il est aussi lent qu’une grand-mère de quatre vingt dix piges. Il reste sans expression, une seconde, deux secondes, trois secondes, le regard presque livide. Des papillons le ramènent à la réalité. La lumière jaunâtre l’éblouie presque. Il éclate de rire. Encore. (Un temps). Ce genre d’absence là, il en a de plus en plus souvent, et de plus en plus longtemps. L’héroïne, l’alcool, les coups dans la tête, en sont certainement les principaux moteurs. Mais qu’importe, il en fait complètement abstraction. (Un temps). Une masse lui paralyse violement la moitié du corps. Un énorme boum lui écorche les tympans. Il tourne la tête, analyse brièvement la situation, puis pouffe. Mars, c’est ce con de Mars. « C’est Paris qui pue la pisse, j’y peux rien ! Et j’ai paumé mon parapluie au bar ! J’te jure ! Non attends…C’est ma veste. Mais j’crois que j’avais un parapluie ! Et lui on a du me le voler ! J’te dis pas, t’avais des japonais, genre regard noir et tout. C’étaient les fils de Bruce lee, ils dansaient et tout…Enfin j’sais plus. Mais c’était vachement drôle. Et toi ? Tu faisais quoi ? Et pourquoi t’as laissé la lumière allumée ? Il fait jour dehors ! C’est mal de gâcher l’électricité ! M’zelle Eifel en bouffe déjà bien assez ! Ahhhh…La salope. » Petit hoquet, puis de nouveau, monsieur pouffe. L’une de ses mains vient pincer l’arrête de son nez, puis glisse sur son front et vient rabattre ses cheveux en arrière. Son sourire se fige. Il ferme ses paupières. Quelques secondes, puis tourne la tête vers Mars et entre-ouvre les yeux. « Hé, arrête de bouger, ‘faut s’détendre…J’te vois tout flou tellement t’es rapide. Avoue, tu m’as toujours caché tes supers pouvoirs. J’ai tilté quand on a matté X-men l’autre jour. Tah tah tah. Gros menteur. Tu mériterais qu’on te pende par les couilles. Ou non, avant tu passerais devant un tribunal de pingouin, et une conne de juge qui te foutra en taule parce que ta tête lui revient pas et que t’as osé regarder ses putains de burlés affreux qui dégoulinent de tous les côtés. » Illogique totale, nous l’avons perdu. Delorme part dans son monde. Une baffe siouplé ?

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Non de dieu que c’est pas vrai.

«  Du calme Mars, inspire, expire, inspire, expire...Maman a toujours dit qu'il fallait pas frapper les handicapés. Pssschtt!» Drogué = handicapé? Oui, quand on parlait de Delorme. Dès que cet enfoiré sniffait, il était encore plus cinglé qu'il ne l'était déjà, complètement illogique, irrationnel. Il nageait dans un monde de bisounours psychopathes qui découpaient les bébés en petits morceaux avant d'en faire un barbecue. Le pire, c'est qu'il était shooté H24 sur H24. Horreur! Damnation! Tiens, ce zigoto n'arrêtait pas de glousser depuis tout à l'heure. Personnellement, il ne voyait rien de marrant dans la situation actuelle. « Atta...Le parapluie noir? MON parapluie! T'abuses mec! J'vais devoir faire trempette ttleur en allant bosser! Et crotte! Tu m'saoules putain! Fuck, t'as perdu ta veste? T'es trop un looser! T'étonnes pas si t'as la crève après! Et compte pas sur moi pour te servir de bouillotte... » Il préférait le mettre en garde, ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'il servait de "radiateur" à ce glaçon sur pattes. Attendez...Pause. Il lui parlait de quoi là? D'yeux bridés à la con? « Arrête de regarder des films d'arts martiaux...ça te réussit pas, sérieux! Laisse-moi deviner, ils t'ont menacé de mort et tu les as buté à coup de bite? Et connard, c'toi qui a allumé la lumière T'es Alzheimer ou quoi? » Mars se releva dans un bond, soupirant de tout son être. Cette nuit promettait d'être longue, et maintenant qu'il était pleinement réveillé, il n'avait plus envie de dormir. Génial. « Oué c'ça, tu m'as grillé! Superman et spiderman, c'la crevette à côté d'moi. J'peux atomiser une personne à coup de couille, sans bouger d'un poil pubien. T'imagines le truc de ouf? J'pourrais même te couper les burnes sans avoir à user de mes mains...Juste une pensée, et Quick! Bye bye la progéniture ratée! » Ce con lui donnait envie de s'enfiler une clope. D'ailleurs, il ne tarda pas à s'en allumer une, avec un besoin pressant d'évacuer toute cette tension générée par ce cornichon. « j'vais adopter un pingouin...Je l’appellerai "Morve"...ça te branche? » Tant qu'il était dans ses délires, autant en profiter. Mars se plaisait à débiter des conneries, surtout avec un Lubin crasseux comme la chatte d'une pute du dix-huitième siècle. Il s'installa sur le lit moisi en fumant avidement sa clope, un pied posé distraitement sur l'abdomen de Lubin qui résidait toujours au sol. « Tu ferais une moquette parfaite tu sais? Reste comme ça, t'es bien là... »

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Jeudi 1er Mars 2012 ; 04h08 ; -1°C.
Mars parlait, parlait, parlait. Et tout ce qu’il pouvait dire se traduisaient en d’inlassables blablabla dans la tête de notre cher Lubin. Dès lors, son cerveau fusait de miles pensés inutiles. Il s’imaginait seul dans le noir, entrain de planer, avec des milliers de pins Rolling stones entrain d’agiter leur langue devant ses prunelles éclatées. Il gloussa de nouveau, faisant vibrer malgré lui le pied de Godzilla, fraîchement posé sur son estomac. D’ailleurs, il s’en rendit compte à ce même moment, et haussa un sourcil. « T’as cru qu’la vie c’était un pingoui ? » Et allez ! Fou rire ! Sa propre connerie l’entraîne. Il glissa maladroitement sa main sur le mollet de son cadet « Putain, c’que t’es poilu ! » et en choppa un poil, avant de le tirer distraitement. « ‘Faut t’épiler mon chat ! » Et hop ! Coup de latte dans l’bras. ‘Fallait s’y attendre hein. Delorme pouffa, puis daigna enfin se redresser. Tel une sorte de bambin géant, il rampa sur le cul, à petit taton, de manière à loger ses grandes guiboles sous le lit et poser ses coudes sur le matelas. Ce, juste à côté de Mars. Visage à demi enfoui, et ce brave Lubin toisa, paupières à demie-close oblige, le jeune parisien. « T’as vraiment une tronche de Babybel ! » …Pourquoi pas. « Mais t’es mignon. …Mignon…Ron ron…Petit patapon. » Gloussements. (Un temps). Au bout d’une ou deux interminables minutes à toiser le pauvre Belge, Lubin entreprit de retirer ses fringues détrempées. Tel le galérien moyen, il quitta son t-shirt (oui oui, il était bien en t-shirt par -1°C dehors) avant de se relever péniblement pour faire de même avec ses vieilles tennis trouées et son jean délavé. Une fois presque à poil ? Il alla tout naturellement se glisser derrière Mars pour gagner son côté du lit (ouais ouais, comme dans un couple ! XD) tout en s’enfouissant sous la couette. Puis… ? « Bon, sinon, on baise ? » …humhum !

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