Sephora était une jeune femme que j’avais rencontrée lors d’une soirée chez les amis d’un ami, qui avait un ami en commun avec elle aussi, d’où le fait qu’on se soit retrouvées là-bas. On avait commencé à discuter toutes les deux autour d’un – premier – verre et on s’était rendu compte qu’on avait un ami en commun sur Paris, Lucas, un des premiers potes que je m’étais fait arrivée ici. Du tout on avait passé une bonne partie de la soirée ensemble à discuter mais surtout à boire, plus elle était pompette (ce mot est moche ) plus je commençais à me poser des questions sur son orientation sexuelle, non pas que je prenne tout le monde pour homo mais bon, on sait jamais, et puis même au-delà de ça, y’a pas mal de filles qui pensent sérieusement à tenter une expérience lesbienne, alors si je pouvais aider pourquoi s’en priver ! =D De plus, et ça ne gâchait rien, Sephora était une fille vachement jolie et plutôt de mon goût en plus d’être sympa. Et puis il ne faut pas oublier que je suis un cœur à prendre je ne cherche pas non plus que des plans pas sérieux ! Seulement, lors de cette soirée je ne savais pas du tout où tout ça allait nous conduire, avec l’alcool on a un peu tendance à aller vachement vite et c’était un peu ce qu’il s’était passé. Je ne me souviens même plus vraiment chez qui on était, je sais juste que c’était une maison et que par conséquent il y avait des chambres, ça c’est sûr puisque après beaucoup beaucoup de verres de différents alcools, on avait commencé à s’embrasser fougueusement toutes les deux et on s’était retrouvées dans l’une des chambres à faire des choses pas très correctes... Très franchement je ne saurais même pas dire jusqu’où on est allées, c’est plutôt flou, je sais juste qu’on s’est réveillées plus tard dans la soirée, il y avait encore de la musique et des gens à faire la fête même si la majorité comatait. Je me souviens qu’après ce petit temps de sommeil on avait un tout petit peu plus les idées en place même si la mémoire ne nous était pas revenue, Sephora était allongée à côté de moi et je l’avais réveillée en rigolant et en lui faisant un bisou dans le cou – ce qui ne voulait rien dire de précis, c’est pas après une micro nuit de dépravation que je considère être en couple avec qui que ce soit, c’était plus pour rire, et heureusement parce que vu la tête de la miss à côté de moi, elle était pas trop du genre à être en couple avec une fille... Enfin bon, après cet évènement qui a eu l’air de légèrement la secouer on a discuté cinq minutes, le temps de se remettre en état pour partir, et je lui ai dit qu’il n’y avait pas de soucis et que si elle vouait, je n’en parlerais à personne, surtout pas à Lucas en fait. Ça avait l’air de l’arranger et avant qu’elle parte je lui avait proposé de la rappeler qu’on se revoit, en amies évidemment, et elle avait acquiescé avant de quitter la pièce. Depuis plus de nouvelles.

Une semaine plus tard j’avais essayé de la rappeler sans succès et puis j’avais réessayé encore deux fois par la suite sans plus de réussite. Commençant un peu à m’inquiéter je m’étais renseignée discrètement auprès de Lucas pour savoir si il avait de ses nouvelles et il m’avait dit que oui. Ensuite j’avais su qu’elle s’était installée chez lui, en colocation et histoire de savoir s’il y avait un souci avec moi, ou si quelque chose n’allait pas, je me décidais à me taper l’incruste pour allez chez eux, du coup en étant consciente tout de même que c’était un peu du forcing ! L’après-midi même j’y étais allée et, m’attendais à voir Lucas ouvrir la porte, je fus un peu surprise de voir Sephora derrière la porte. Elle n’avait pas l’air en super grande forme d’ailleurs et ses yeux s’écarquillèrent en me voyant, je n’avais pas l’air d’être une super surprise...

« Salut ! Je me baladais dans le coin je me suis dit que j’allais passer vous faire un petit coucou ! Je dérange pas j’espère ? »

Aller voir Sephora n’était peut-être pas la grande idée du siècle, seulement si j’avais pu avoir une vision de la tête qu’elle avait fait en me voyant, je crois que j’aurais carrément pensé que c’était une bonne idée de merde finalement. Enfin j’allais pas non plus l’agresser parce qu’elle ne m’avait pas rappelée mais franchement il fallait avouer que j’aurais pu réfléchir et me dire qu’elle avait peut-être juste pas du tout envie de me parler, et encore moins de me revoir. Mais dans tous les cas, mon but n’était pas d’entamer une relation avec elle, j’étais pas non plus tarée au point de la forcer à quoi que ce soit faut pas exagérer. Le truc c’est qu’avec le fait qu’elle ne m’ait pas rappelé du tout il y avait un peu matière à s’inquiéter – quand on est parano comme moi, oui ! – si ça se trouve elle avait chopé une MST ou une connerie comme ça ! Bon ok, c’était sûrement un peu con, à vrai dire j’avais un peu envie de la revoir aussi, ne serait-ce que pour discuter et aussi pour savoir si elle avait un peu plus de souvenir que moi. J’étais donc arrivée à l’improviste totale et j’avais frappé à la porte, la première chose que j’avais entendue c’était une voix, sûrement celle de Sephora, qui hurlait le prénom de Lucas. Hé non, c’était pas Lucas ! Je frappai de nouveau pour indiquer que ce n’était pas son coloc’ qui venait de rentrer, et finalement la porte s’ouvrit, laissant apparaître la miss, les cheveux un peu en vrac et l’air fatiguée et pâle, même si malgré ça elle était quand même jolie tout plein. Et c’est à ce moment-là qu’elle me dit une tête effarée, les yeux écarquillés et pour toute réponse elle s’écarte pour me laisser entrer, ce que je vis ; de toute évidence elle ne s’attendait pas du tout à me voir. Normal, elle ne savait pas que je savais qu’elle vivait ici. Quelques instants plus tard, Sephora finit quand même par lâcher un mot ou deux pour m’informer que Lucas n’était pas là.

« Oh bah tant mieux, je ne venais pas pour le voir, j’ai appris que tu t’étais installée chez lui alors je passais juste voir si c’était vrai ! »

Finalement, je devais faire un peu peur à débarquer à l’improviste comme ça, elle devait penser que j’allais limite l’agresser en lui demandant pourquoi j’avais pas eu de nouvelles, alors que non en fait c’était juste une visite amicale, si on peut dire. La pauvre Sephora avait l’air un peu perdue, surtout qu’apparemment je l’avais sorti du lit – ou du canapé tout du moins – vu les couvertures qui s’étalaient partout. Elle me proposa tout de même du café, juste après m’avoir fait confirmer que je m’appelais bien Loëva, mon petit esprit stupide se trouva vaguement déçu qu’elle se souvienne tout juste de mon nom, mais c’était pas bien grave au fond.

« Je veux bien du café oui merci. » Puis après une petite pause j’ajoutais : « Et sinon qu’est-ce que tu deviens depuis cette soirée ? T’as l’air un peu malade non ? »

Et même carrément blanche en fait, mais c’était encore pire depuis que j’avais prononcé le mot « soirée ». C’est bien ce qu’il me semblait, elle ne voulait pas en entendre parler, pour quelle raison je ne savais pas encore mais vu son comportement ça ressemblait bien à la fille qui avait un peu trop bu et qui n’assumait pas trop ce qu’il s’était passé, d’ailleurs c’était son droit, je ne venais pas ici pour lui faire la scène de la fille qui se sent trahie qu’on ait profité d’elle pour ensuite ne plus donner de nouvelles. C’était rien de sérieux tout ça.

C’était moi ou Sephora avait un ton un peu froid quand elle me parlait ? J’étais plus vraiment sûre de vouloir rester prendre un café après tout, mais c’était trop tard de toute façon puisque la jolie demoiselle était partie en remplir deux tasses avec lesquelles elle revint en me disant que ce n’était pas sucré. Ok... J’allais le boire comme ça alors, ça ne me posait pas de problème. Et apparemment il valait mieux pour moi que ça ne m’en pose pas. Je finis par me sentir mal à l’aise – ce qui était assez rare il faut l’avouer – mais Sephora relança un peu la conversation en répondant à ma question, apparemment il n’y avait rien de plus à raconter ce qui allait raccourcir le temps que je passerais ici, de toute évidence je n’étais pas une bonne surprise.

« Bah.. moi non plus pas grand-chose de nouveau, je continue ma petite vie aussi... » répondis-je.

Je portais la tasse de café à mes lèvres histoire de passer le temps et de combler le vide qui s’installait autour de nous, limite angoissant. Qu’est-ce qu’on allait faire maintenant ? Continuer à parler de tout et n’importe quoi en attendant qu’un temps correct passe avant que je me décide à partir ou bien briser la glace ? Finalement Sephora lança un petit peu le sujet en me parlant des appels que je lui avais passés et auxquels elle n’avait jamais donné suite, c’était sûrement ça le problème, elle devait se demander pourquoi je débarquais ici.

« T’inquiète pas y’a pas de problème, et je te rassure je suis pas venue ici pour te faire le coup de la fille trop dégoûtée de pas avoir de nouvelles de sa copine hein ! Je me demandais juste si t’allais bien et si j’avais fait un truc qui fallait pas c’est tout... »

Pourquoi il fallait que je tourne cette phrase si bizarrement, ça sonnait comme si je pensais avoir merdé et qu’elle voulait plus me voir pour ça... J’étais conne parfois !

« Enfin bref... Je considère pas qu’on est en couple si c’est ça que tu craignais ! » clarifiais-je.

Il fallait peu de choses pour tenir une conversation parfois, et d’autres fois c’était le parcours du combattant. Dans le cas présent, on était dans la deuxième version et je n’aimais pas ça. Sephora non plus apparemment puisqu’on était mal à l’aise toutes les deux ce qui rendait la situation un peu comique malgré elle. Mais heureusement, et contre toute attente, je finis par trouver les bons mots pour rassurer Sephora et, même si au mot « copine » que j’avais prononcé par inadvertance, elle avait eu l’air pétrifiée sur place, son visage finit quand même pas se détendre lorsque je me rattrapai en lui disant que cette soirée ne faisait en aucun cas de nous un « couple » à proprement parlé. Heureusement d’ailleurs parce que dans ce cas je sortirais en même temps avec plusieurs filles...

Sephora avait l’air de trouver comme moi que la situation était débloquée et me lança, avec un vague air super soulagé, qu’elle n’avait pas du tout cru que je nous pensais officiellement ensemble. Je me demandais si c’était vrai parce qu’elle avait l’air quand même vachement mieux depuis que je l’avais dit clairement. Elle glissa au passage qu’elle ne se souvenait plus du tout de la soirée en question, ça non plus je ne pouvais pas déterminer clairement si c’était du bluff mais au moins elle mettait les pendules à l’heure : elle était dans un état d’ébriété assez avancé ce qui pouvait clairement me laisser penser que ce petit moment qu’on avait passé ensemble n’était qu’un petit délire pendant un petit moment alcoolisé, tout à fait légitime, j’estimais pas qu’elle avait profité de mon corps de rêve ( héhé) juste pour le plaisir de me jeter après. Un sourire s’afficha sur mon visage en même temps que je ressentis un petit sursaut intérieur au moment où elle avait posé sa main sur moi, décidément elle était trop mignonne cette fille, dommage...

« Y’a aucun problem tout va bien, je t’avoue que je suis surtout venue ici pour ça en fait, ça commençait un peu à m’inquiéter ce truc, et puis je voulais pas que tu te fasses des idées bizarre sur moi, surtout après que je t’ai appelé plusieurs fois.. ! » dis-je en souriant.

Qu’est-ce que ça faisait du bien d’avoir tout éclairci ! Elle comme moi on était vachement mieux et surtout plus coincées à rien avoir à se dire, une vraie conversation démarra finalement, commencée par la demoiselle, qui avait l’air très bien et même un peu moins malade maintenant, et qui m’avoua ne jamais être tombée amoureuse d’une fille et qu’elle m’avait effectivement fui pendant ce temps.

« J’étais pareille que toi la première fois que j’ai été avec une fille. Oui parce que moi du coup j’ai continué à sortir avec des filles après la première. À priori je pense que toi tu vas peut-être pas recommencer vu ta réaction avec moi déjà ! Mais je t’en veux absolument pas évidemment. »

J’eus un léger rire avant de m’asseoir à côté de Sephora qui m’y invitait.

« Et pourquoi c’est compliqué sentimentalement ? Un méchant garçon est derrière tout ça je parie ? » souriais-je.

Après réflexion j’avais bien fait de venir voir Sephora, la conversation tournait plutôt bien et elle était très sympa, une fois le problème résolu et l’abcès crevé tout allait bien et on arrivait même à trouver que la situation avait été marrante tout compte fait. Sephora m’affirma qu’elle répondait rarement au téléphone, même quand elle voulait pas spécialement éviter la personne qui l’appelait – même si dans mon cas elle devait avoir encore moins envie de répondre. La prochaine fois je saurais. Je ris quand elle s’auto-qualifia de buisness woman.

« T’as un emploi du temps si chargé que ça alors ? » dis-je avec un sourire en coin.

Par contre mon sourire diminua un peu lorsqu’elle m’affirma qu’elle n’avait aucun souvenir de la soirée qu’on avait passé ensemble, j’aurais eu du mal à raconter tout ce qu’il s’était passé du début à la fin mais je me souvenais au moins pourquoi on avait fini dans le même lit. Apparemment, elle s’en rappelait pas, tant pis pour moi. Mais je sentais que la situation allait repartir en cacahuète quand elle me demanda si je lui disais s’il s’était passé quelque chose ce soir-là. « Quelque chose » dans ce contexte ça voulait clairement dire « coucher ensemble ». Je baissais la tête pour cacher mon étonnement et aussi pour reprendre une respiration, s’il fallait que je lui dise ça clairement on allait pas être dans la merde... Et mentir c’était pas du tout mon fort non plus, j’avais pas de raison de le faire. J’avais des tas de raisons... Avant de lever les yeux vers Sephora je lançais un regard oblique vers mon portable, l’idée de simuler un appel ou de balancer une banalité comme « Oh la la il est déjà cette heure-là ?! Il faut que j’y aille !! » me passa en tête mais ça aurait été débile. Finalement je levai la tête et affrontai le regard de plus en plus suspicieux de la demoiselle en face de moi.

« Heuu.. quand tu dis que tu te rappelles de rien c’est genre... ? » Regard super interrogateur et stress qui monte. « Tu te rappelles qu’on s’est réveillées côté à côté dans le.. même lit ? » Regard MÉGA interrogateur.

Est-ce qu’il fallait que je développe à fond ou elle avait compris ? Partie comme j’étais je sentais bien qu’il fallait que je déballe tout. Je sortis malgré moi un petit rire totalement débile et nerveux.

« Bah ouais, j’crois bien qu’on a... »

En guise d’aveu je fis une grimace entre le sourire et le haussement de sourcil raté, avec une expression angoissée en plus. Merde pourquoi il avait fallu qu’on replonge là-dedans, dans cette ambiance stressante. C’était pas la mort ce qu’il s’était passé, moi qui pensait que tout était clair entre nous, bah je me mettais le doigt dans l’œil bien profond.

« T’aurais pas du venir !! ». Mon cerveau n’arrêtait pas de me lancer cette information et je commençais à me dire qu’il avait bien raison. J’aurais mieux fait de laisser la situation se tasser un peu plutôt que de faire ma chercheuse de problème, c’était tout moi ça... Il fallait avouer que ça m’embêtait de ne plus avoir de nouvelles de Sephora, parce qu’elle avait été sympa et que faire d’autres soirées avec elle ça m’aurait plût – seulement pour les soirées, pas nécessairement pour finir comme la précédente. Je n’aimais pas être dans une situation comme ça, bloquée et stressante, et là je l’avais provoquée et je m’étais jetée dedans les yeux fermés, il fallait être stupide. Sephora m’indiqua qu’elle se souvenait qu’on s’était retrouvées dans le même lit toutes les deux, youpi c’était un bon début... Je finis donc par lui dire qu’il me semblait bien qu’il s’était passé quelque chose et je vis son visage qui avait reprit des couleurs, les perdre de nouveau, j’espérais qu’elle n’allait pas tomber dans les pommes. Mais elle parla finalement.

« Heu bah je dirais pas que je crois, je dirais que je suis sûre. »

Sephora eut l’air d’avoir un léger temps d’arrêt sans vraiment retrouver de couleur, s’en suivit un petit blanc quelques secondes et qui eut l’air de durer environ dix ans. C’était pas la première fois qu’il se passait ce genre de truc en soirée mais c’était bien la première fois que ça posait tant de problème.

« Mais bon, c’est rien de grave quoi. Enfin.. Sephora, si ça t’embête tant que ça, on en parle plus et personne sera jamais au courant de ça. Ça s’est fait comme ça, on avait trop bu toutes les deux et puis ça s’est terminé comme ça. »

Je tentais de la rassurer et par la même occasion de me rassurer moi-même parce que c’était pas mon genre de baliser pour si peu et son stress déteignait sur moi. Peut-être qu’il y avait une raison précise au fait que ça lui fasse un tel effet, ou alors c’était juste le fait de coucher avec une fille qui l’horrifiait tant, mais cette hypothèse me semblait peu probable, l’alcool n’avait quand même pas le pouvoir de modifier la personnalité de quelqu’un à ce point. Quoi que...

« Est-ce que t’es en couple ? Ou y’a autre chose ? Parce que si ça a causé de tord à personne je vois pas pourquoi tu t’en fais tellement. »