Un verre vide devant lui, délicatement posé sur le bureau à côté d’une pile de copies d’étudiants ignorants qui faisaient médecine car ils se croient tous supérieurs aux autres étant donné qu’ils sont à l’Université de Médecine. De l’autre côté du verre, une pile de dossier qui commençait à prendre la poussière. Des dossiers de patients décédés qu’il devait classer comme finit avant de les envoyer dans les archives de l’hôpital. Il prit un dossier, les yeux remplis de larmes et il l’ouvrit. Saquer ses étudiants n’avait en rien apaisé l’ouragan qui dévastait ses entrailles depuis maintenant presque six heures.
Une journée qui avait pourtant débuté sous les meilleurs hospices quand le jeune homme était arrivé à son bureau, enfilant sa traditionnelle blouse blanche. Il s’était assis à son bureau pour siroter son café tranquillement quand on était venu frapper à la porte. Une infirmière qui était entrée dans son bureau avec des radios. Un patient qui était atteint d’un cancer de la prostate et qui était venu à l’hôpital trois mois plus tôt. Il avait eu le droit à la totale, chimiothérapie, opérations, injections, ponctions, transfusions… Enfin bref, une terrible épreuve pour un homme d’un certain âge, des épreuves dont personne ne se remet jamais en temps normal mais cet individu avait fait preuve d’un courage et d’un mental d’acier qui payait rarement mais que Liam aimait plus que tout. Car tout était bien plus simple. Cette catégorie de personnes donnait tout sans réfléchir, ils acceptaient chaque décision sans se demander si cela allait marcher ou non, sans s’interroger sur la question de la douleur… Ils n’avaient rien à perdre et ils remettaient leurs vies entre les mains de leur médecin. Voilà, Liam avait eu sa vie entre ses mains. Il avait fait de son mieux, il avait donné toutes les forces de son corps et de son âme, il avait fait des nuits blanches à réfléchir, à tourner et retourner les problèmes dans tous les sens… Même les moments d’amour avec les femmes n’avaient plus la même saveur. Il n’en sauvait pas beaucoup, mais des personnes ainsi méritaient de vivre et sauver leur vie était un don et il avait la chance de pouvoir s’en vanter. Et oui, pour une fois, la vie avait donné un cadeau à Liam, sa collègue d’infirmière était venue le voir avec un sourire resplendissant. Il avait pris le dossier qu’elle lui tendait et il observa les radios sur l’écran ainsi que les résultats des examens. Une fois qu’il avait compris les mots écrits sur le papier, il referma le dossier en s’enfonçant dans son fauteuil. Au final, un petit sourire finit par arriver sur ses lèvres et il finit par se lever d’un bond, emportant les analyses et il quitta son bureau au pas de course. Il était allé voir ce patient et il lui avait annoncé la bonne nouvelle. A soixante et un ans, il avait encore le loisir de profiter de sa vie, de ses petits-enfants… Les risques de rechute étaient quasiment inexistants pour le moment. Son patient, quant à lui, était resté calme contrairement aux membres de sa famille. Il avait simplement demandé de confirmer les analyses par de nouveaux tests. Liam l’avait fait et les nouveaux résultats étaient tout aussi probants. Et là, il avait reçu le plus beau des cadeaux qu’un patient pouvait lui donner. Pas le merci chaleureux de sa part et de celle de sa famille mais le simple fait de le voir quitter l’hôpital avec sa famille était à ses yeux la chose ayant le plus de valeur. Il était ensuite retourner à son bureau et avait continué le travail… Un patient de sauvé mais cent autres qui devaient encore se faire soigner. Et puis après ce moment de joie folle, tout avait dégénéré à cause de ce petit Jonathan, sept ans, atteint d’un cancer du rein… A priori rien de bien terrible, il suffisait de l’ouvrir et de le transplanter. Liam s’était battu comme un beau diable pour obtenir un rein mais des gens un peu plus friqués que la famille de ce malheureux gamin avait pris la tête de la liste des personnes dans l’attente d’un rein. Liam était entré comme une furie dans le bureau du directeur, criant, hurlant, vociférant… Vingt minutes d’échange assez violent ou il avait sans doute outrepassé ses compétences et son rang dans l’échelle de l’Hôpital mais il ne lui en avait pas tenu rigueur. Il avait même réussit à calmer Liam avec sa foutue compassion de merde ! Mais rien n’allait changer. Aussi, Liam avait quitté le bureau et là… il avait aperçu l’organe qui se rendait au bloc opératoire. C’était traditionnel, l’organe allait dans le bloc avant le patient pour être préparé. Alors il avait tout simplement échangé les salles de son patient et du destinataire du rein… Quinze minutes plus tard, il était en train de transplanter son patient. Il venait de recoudre l’enfant et il avait fait les radios de confirmation quand une masse d’une tonne était tombé sur sa tête. Le cancer s’était métastasé et avait attaqué le second rein… Il avait volé un organe pour le transplanter à un patient condamné… Quand il annonça cela aux parents, il s’était pris une droite… Puis son collègue qui devait transplanter le riche homme d’affaire à qui il avait piqué le rein était également venu lui mettre son poing dans la figure, comme le fils de l’homme en insuffisance rénale. Il s’était ensuite rendu dans son bureau la bouche et la blouse en sang. Puis c’était au tour du directeur de défoncer presque sa porte en hurlant contre lui qu’il allait le virer et le tuer de ses mains, suivit des avocats de l’hôpital et du patient à qui il avait volé le rein. Si le patient mourrait, il serait poursuivi pour homicide volontaire avec préméditation. Une fois qu’ils furent sortit, Liam vit le jeune enfant emmené au bloc pour se faire retirer le rein volé et il sortit un verre qu’il posa sur son bureau entre une pile de copies et une autre de dossiers.
Les larmes aux yeux, il sortit une bouteille de whisky et il remplit son verre. Il le prit dans la main avant de le porter à ses lèvres. Mais soudain, il se rendit compte qu’il agissait en alcoolique et ce n’était pas lui. Il se releva en hurlant et il balança son verre à travers la pièce.
ARGH !!!
Il envoya tout valser, les copies, les dossiers, le bureau, ses diplômes, les meubles… Un vrai carnage et au final il envoya son poing dans le mur. Sa main devint bleue mais il avait trop de peine pour sentir la douleur. Il finit par se relever, quitta sa blouse, et sortit dehors sous la pluie. Il laissa ses pas le guider mais il était complètement perdu. Il leva les yeux au ciel avant de partir en direction de chez Maëlys. Il eut un petit soupire une fois devant sa porte mais il finit par sonner. Il était couvert d’eau, sa main était sans doute légèrement fracturée et il n’avait plus aucun espoir pour l’avenir… Il avait besoin de Maëlys. Il eut un long soupire en attendant. Pourquoi chez elle ? Il n’avait qu’elle…