tu soupires.
tu sors de l'hôpital, il fait déjà nuit. les mains au fond des poches tu te diriges vers le bord de seine. qu'elle est belle la seine, la nuit. il se met à pleuvoir mais tu ne te couvres pas de ta capuche, tu aimes tellement la pluie. et puis le son d'une voix s’extirpe de ton doux lointain.

les yeux dans le ciel. eclairée par les étoiles. enroulée dans son écharpe, cachée même. nastya marche. la pluie se met à tomber. la nuit et la pluie. la blonde est au paradis. elle s’élance quand même à toutes jambes pour rentrer. la pluie traverse ses vêtements pour lui glacer le sang. nastya marche sans regarder devant elle. elle rentre dans quelqu’un. « oh pardon. » elle dit en russe. elle se ressaisit. personne ne la comprend. elle se concentre sur son français. « je m’excuse. » elle dit, en articulant bien. elle baisse les yeux. elle a pas l'habitude de parler avec des gens. avec les autres. avec quelqu'un qui n'est pas feliks.

nastya s’apprête à reprendre sa route. et puis il la surprend. il lui parle. les gens ne lui parle jamais. elle a l’impression qu’en règle général les parisiens ne se parlent jamais. elle analyse les mots. elle essaye de les traduire. elle les remet ensemble dans l’ordre. elle comprend enfin. elle se dit qu’elle a l’air d’une idiote comme ça à jamais rien comprendre. elle se dit que féliks lui dirait de pas rester là. mais elle reste quand même. ce garçon a pas l’air méchant. elle sourit et hoche la tête. elle remet une mèche derrière son oreille. « oui. » elle répond doucement. elle réalise aussi dans la foulée qu’elle a pas la moindre idée de où elle est. bravo. « je me suis un peu… égarée… » elle dit tout haut.

elle a l'air de ne pas trop comprendre ce que tu dis
tu hausses les épaules légèrement et tu l'observes.
elle te dit qu'elle est perdue, ça se voit. mais elle s'est trompé de rue ou de pays?
et bien, nous sommes sur les quais de Seine et là, tu montres le magnifique bâtiment blanc de l'autre côté du fleuve, c'est le musée d'orsay. tu t'y retrouves?

déjà en russie, l’orientation n’était pas tellement le fort de nastya. même si elle s’y retrouvait dans ses ruelles sombres, la nuit. aujourd’hui, en france c’était encore pire. l’avantage c’était qu’il faisait nuit noire et que contrairement au commun des mortels, la blonde se sentait plus en sécurité la nuit que le jour. elle écoutait le garçon et suivait son doigt du regard. elle reconnaissait les noms. on lui en avait déjà parlé. il suffisait maintenant qu’elle les replace sur sa carte mentale de paris. nastya hochait la tête. elle aurait voulu lui faire des phrases de plus de cinq mots, il semblait gentil, mais elle ne savait pas faire. « merci. » elle dit. « je m’appelle nastya. » elle ajoute, en détachant bien ses syllables, mais en échouant à cacher son lourd accent.