Le jardin sent la pluie, la terre et le caoutchouc humide. Lulu glisse un léger regard à l'extérieur et observe le pelage de Lucy qui refuse d'entrer. Elle espère dévorer le ciel et le claquement de sa mâchoire résonne presque aussi fort que le tonnerre qui gronde aux abords de la ville. Elle va tomber malade elle aussi. Alors il siffle, doucement et plante son regard sur ce point blanc qui s'agite comme si tout allait. Fleury inspire longuement. Son coeur a l'allure d'un naufrage ces derniers temps. Son père a laissé au moins dix messages sur le répondeur. Plus les mots passent et plus sa voix baisse, comme une tempête qui s'atténue de lassitude. Les insultes du premier laissent place au regret du dernier et Lulu sent ses yeux qui piquent et flanchent. Et tendit qu'il écoute, sur le perron et dans l'air en même temps tout se mélange là haut.

-Je ne comprend pas.
-C'est écœurant.
-Et puis comment ?
-Décroche.
-On doit parler.
-Moi aussi je suis bouleversé tu sais.
-Je t'ai jamais dis 'disparais'.
-Je peux pas.
-T'es mon fils pourtant.

Lucy observe le sol et s’allonge brusquement, le museau reniflant l'air. Elle a ce petit air de tout va bien qui le pousse à envier sa vie. Alors Lulu délaisse le répondeur et claque à nouveau la porte, son jean s'humidifiant par petit points. Il ferme les yeux et inspire doucement. L'eau glisse contre ses joues, c'est si froid et doux qu'il en vient à sourire, d'une grimace amer qui le réchauffe à peine. Il a toujours voulu être sincère et fier. Il s'était alors dit que ce serait bien de confier une vérité ou deux à son père, comme ça, au détour d'une discussion assez douce et complice pour ne pas s'effriter trop rapidement. Il n'a jamais eu peur Lulu. Tout petit déjà, il sautait de deux mètres avec l'espoir brûlant de pouvoir voler. Même avec un plâtre, une joue rouge et le visage de sa mère en panique, il n'a jamais compris: Il faut avoir peur dans la vie. C'est comme ça qu'on avance, qu'on surmonte et qu'on grandit.
Peut être qu'il aurait du comprendre.
Tout serait moins douloureux maintenant.

-J'aime un garçon.
La claque.
-Et moi je ne t'aime plus.
La claque.


Chaque jour à la même heure son père sonne à sa porte, des poches si sombre sous les yeux qu'il semble porter en lui le poids du monde entier. Lulu ne lui ouvre jamais. Il fait la sourde oreille, installé contre le canapé de sa tante. Les mots de haineux de son aîné tournent plus vite dans son crâne que ses je t'aime désespérés. Qu'est-ce qu'il y peut ? Cela semble être marqué à vif contre sa peau. Alors ding, Alors ding. Ça sonne encore et son regard se volatilise. Lorsque le noir se présente à ses pupilles Lulu ne voit plus que son visage déformé par le dégoût et son poing serré jusqu'au sang. Les sourires ont disparus si vite qu'il n'y croit plus. Pour les gens, Lulu ne fait qu'attendre un signe de sa part. Lorsqu'il lui a demandé de partir, ses amis lui ont dit d'attendre, que tout la haine finira un jour par disparaître. Un peu comme s'il avait pour rôle de supporter ses mots en attendant que le géniteur découvre que son fils se cache sous celui qui aime un autre. Personne, personne n'a prit la peine, ne serais-ce qu'une fois de comprendre ce que, lui, ressent.
Peut être qu'il n'en veut plus de son amour.
Peut être qu'il n'en veut plus de son pardon.
Il n'a jamais rien fait de mal après tout.
Il ne fait qu'aimer lulu, tout le temps, depuis qu'il est petit.

-J'aime un garçon.
La claque.
-Et moi je ne t'aime plus.
La claque.
-Alors qu'est-ce que je fais encore ici ?

La claque.

But until that morning
Honey, n-n-nothing’s going to harm you now,
No, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no
No, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no, no
No, no, no, no, no, no, no, no, no,
Don’t you cry,
Cry.