La porte claque violemment dans le minuscule appartement. Elle fait trembler les murs et mon cœur. La porte claque et désigne la fin d'un chapitre. Le début d'une absence difficile. Le recommencement de quelques pages. Le regard de Soan se dirige vers moi, à la recherche de réponses. Les yeux explosés, c'est à peine si je comprends exactement ce qu'il vient de nous arriver. Siham a juste claqué la porte, ce doit être du bluff, elle va revenir, comme toujours. Elle va revenir et s'excuser d'avoir été si impulsive. On aura plus qu'à s'embrasser et repartir sur un bon pied. C'est toujours comme ça. Ou du moins, c'est ce dont mon cerveau tente de se persuader.
Les billets sur la table semblent pourtant me narguer. Ils sont là, au milieu des sachets vidés de leur coke. Ils pleurent eux aussi, l'absence de la jolie blonde. Qui aurait pensé que des feuilles de papiers puissent signer la fin de toute une histoire. C'est tellement pathétique, quand on y pense. Tellement peu pour toutes ces années. À moins qu'ils ne soient le fruit de mon absence et de l'intégralité de mes conneries. Il fallait, oui, que je pense un peu plus aux autres et moins à moi. Même ce soir, en ce milieu de nuit, je ne pense qu'à ma petite personne. Mes neurones se retrouvent grillés à l'idée d'avoir un môme sur les bras à longueur de temps. C'est pour ça, d'ailleurs, que j'me fous à courir comme un dératé derrière la voiture de Siham. Les larmes coulent même de mes yeux, comme un gamin qu'on abandonne. Comme un clébard qu'on laisse au bord de la route. J'la traite de salope, aussi, au passage. Le vide que j'ressens à ce moment là me donne la sensation d'être plongé au milieu de l'océan. Mes poumons me brûlent et mes yeux me piquent. J'ai beau remuer les bras, la bouée ne reviendra pas. C'est terminé les conneries Slim, terminé. Lorsque je tourne la tête en direction de l'entrée, c'est une petite silhouette en pyjama qui me fixe de ses deux grands yeux bleus. J'me surprends à vouloir le jeter au milieu de la route pour le laisser s'écraser comme une crêpe. J'ai pas envie, non, de devenir père. J'ai encore moins la force de réduire mes doses. Y a qu'à voir l'aiguille que je tiens entre mes bras. Si Siham n'avait pas débarquée, elle serait déjà dans mes veines à me rendre loque. Une larme coule sur ma joue lorsque la main de Soan se perd entre mes doigts glacés. J'ai beau tourner la tête de gauche à droite, il n'y a que le vide incessant et désagréable. Quand on y pense, c'est presque drôle de me voir dans cette situation. C'est un peu ce que l'on appelle une vengeance. Le retour du karma, qui t'fonce en pleine gueule et te casse les dents. J'ai du en avaler quelques unes, dans la précipitation.
Mon poing s'abat violemment sur la porte en bois. Il s'bat contre le bouclier. Mes doigts, curieux, appuient sur la sonnette à plusieurs reprises. J'ai l'air d'un con, là, à supplier Vadim. J'ai toute une foulée de sentiments qui me prend aux tripes. De temps à autre, je jette encore un regard au gamin. À c'gamin qui a toujours eu le don de tout gâcher. Peut-être qu'à cause de lui, le tatoué ne voudra plus de moi. Ouais, après tout, j'suis à l'abri de rien. J'ai bien abandonné Siham quand elle était en cloque de ce morveux. Ça n'arrive pas qu'aux autres, finalement. Non, ça arrive aux plus cons. Et dans ce domaine, j'crois bien que j'en suis le roi. Ma main rencontre la poignée de la porte, tente de l'ouvrir mais remue dans le vide. « Vadim, ouvre, putain c'est Slim ! Grouille, il caille dehors. » J'ai la voix brisée, qui le supplie de tout un tas de choses. D'autres insultes rencontrent l'air, s'échouent contre les murs. La main de Soan se resserre sur la mienne, lui aussi doit avoir froid. Un pyjama, c'est pas suffisant pour traîner dehors. Des chaussons non plus, il doit avoir les pieds trempes. Mais c'est fou c'que je peux en avoir rien à foutre sur le moment. Non, c'qui compte à l'instant présent, c'est certainement d'entrer dans ce foutu appartement et gueuler sur la terre entière. Montrer à Vadim comme les femmes peuvent être des putes. Comme la vie est une chienne à me foutre un gosse entre les bras. Puis surtout, éviter de pas craquer devant lui, de pas chialer comme un gamin et casser ses bibelots. Non, ce s'rait dégueulasse et ça sonnerait la fin de tout, certainement. Puis le manque, il est pas là pour aider, non plus. J'ai les muscles qui souffrent et les nerfs à vif. Une bombe à retardement.
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Sujet: Re: embrasons nous. (vadim) Lun 11 Nov - 21:55
C'était un soir normal, un soir tranquille où on pique du nez devant la télé comme des vieux. J'avais pas eu le courage de faire quoi que ce soit, ni de bosser sur mes photos et sur mon site, ni de sortir me déchirer tout ce que je pouvais. Non j'avais eu le courage de rien faire. Alors vers minuit, je me suis réveillé sur le canapé, j'ai pris mes chats, et je suis allé me coucher, après avoir bien pris soin de me mettre à l'aise, en boxer. Les bras de Morphée nous avaient accueillis avec joie, moi et mes trois chats. C'était une nuit paisible, sans cauchemars, sans sommeil agité, sans chats qui font les cons. Du moins c'est ce que je croyais, jusqu'au moment où je me réveille en sursaut, et apparemment j'étais pas le seul puisque Vodka avait ses griffes plantées dans mon bras. J'ai poussé un grognement de douleur contenue en envoyant valser le chat à l'autre bout de la pièce. Puis j'ai réalisé que ce qui m'avait réveillé, c'était quelqu'un qui toquait à la porte. Slim. J'ai attrapé un T-shirt qui traînait par là, pour éviter de chopper froid, puis me suis rué à la porte, et bien sur dans la précipitation mon genou a percuté le coin de la table basse. Les mâchoires serrées, j'essaye de contenir ma douleur en articulant silencieusement des insultes envers cette chère table basse. Ça n'a pas aidé à me calmer, j'étais sur le pont de pousser la gueulante, d'enguirlander Slim bien comme il faut parce que, quand même, c'était quoi ce bordel, et puis, il était quelle heure d’abord? Les mains tremblantes de colère, de frustration et d'adrénaline, je tourne la clé dans la serrure tant bien que mal. La porte s'ouvre violemment et je m'énerve sans même chercher à comprendre ce que mes yeux me montrent. « Bordel Slim! Ferme-la un peu, j'suis pas tout-seul dans... » l'appartement? Le temps de finir ma phrase, mon regard a croisé le sien. Et ce que j'y ai vu a réussi à me calmer d'un coup. J'en oublie ma colère, ma douleur. Il n'a pas l'air perdu non, c'est pire que ça, comme si son univers venait de s'écrouler comme un vulgaire château de carte. Je suis resté là, pendant un moment, à me perdre moi aussi dans l'ouverture sur un immense vide qu'étaient ses yeux bleus.
Il est là Slim, devant moi, il tremble de froid, et moi je ne fais rien. Je reste planté là. Je mets une éternité à réagir, peut-être parce que je viens juste de sortir de mon lit, et que le réveil fut si brutal que je n'ai pas encore eu bien le temps d'émerger. Ou peut-être que parce que le voir dans cet état là m'a donné un coup sur la tête. Je finis par m'écarter et le laisser rentrer, et je me rends seulement compte qu'il n'est pas tout seul. Il tient la main à un gosse, qui a les mêmes yeux bleus que lui. Je l'ai déjà vu quelques fois Soan, mais j'ai l'impression qu'il pousse à une vitesse phénoménale. Et soudain tout s'enclenche dans ma tête, je comprends. Soan est sensé être plutôt avec sa mère, mais s'il est avec Slim au beau milieu de la nuit, c'est que Siham a pété un câble. Pire, elle est partie. Car pour que Slim semble autant dévasté, ça ne peut pas être qu'une simple dispute de couple marié. Elle les a laissé, tous les deux, ce qui est bizarre en même temps, car laisser un gosse à Slim n'est pas forcément une bonne idée. Je ferme la porte derrière eux. « Y a des couvertures sur le canapé si tu veux, pour le gosse. » J'essaye de pas parler trop fort, pour ne pas réveiller les gens qui dorment encore, même si, avec le boucan qu'a fait Slim, ça m'étonnerait qu'ils ne soient pas tous réveillés. Je prie juste pour qu'ils ne se ramènent pas au salon, ça me foutrait juste un problème de plus sur les bras. Je vais allumer la lumière, qui m'éblouit, alors je l'éteins pour en allumer une plus petite, posée sur un meuble à côté du canapé. Elle diffuse une lumière tamisée, un peu moins agressive, un peu plus apaisante. Je sais pas trop quoi dire alors j'attends, car je sens que Slim est prêt à exploser d'une seconde à l'autre. Oh oui, il va me dire ce qui ne va pas, il est même là pour ça. Et puis, je suis trop fatigué, là tout de suite, pour trouver les mots, pour faire des efforts. Alors j'attends que ça passe, et je le réconforterais ensuite, car il n'y à qu'à ça que je suis à peu près bon. Bref, je fais un piètre futur mari.
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Sujet: Re: embrasons nous. (vadim) Mer 20 Nov - 17:24
La porte s'ouvre et les nerfs se relâchent un peu. Soan quitte mes doigts et s'agite jusqu'au salon. J'me sens respirer, à nouveau. Au fond de moi, un démon remue toujours, celui de la colère, de la haine sans nom. Siham, cette salope, abandonner son fils. Mes pupilles dilatées se posent sur le visage de Vadim, lui adressent tout de même une étincelle de calme. J'ai les poings qui se serrent dans le vide. C'est à peine si j'ose faire un pas de plus, par peur d'exploser au milieu de son appartement. Par crainte de faire une connerie et de le voir me foutre à ma porte. C'est vrai, au fond, même Ina a plié bagages. J'me retrouve seul, comme un pauvre idiot incapable de prendre soin de lui. Faut dire qu'un appartement pleins de scorpions est pas vraiment le meilleur environnement au développement d'un gosse mais qu'importe. Qu'importe puisque je n'ai jamais demandé à être père. Soan, il est un peu comme moi, au fond, une erreur de la nature. Un quelque chose dont on ne veut pas mais qui nous tombe quand même sur la gueule. Un profond soupir quitte mes lèvres asséchées lorsque, enfin, mes pas me guident sur ceux de Vadim. Vadim et son air fatigué, peut-être agacé. J'me dis encore une fois qu'il serait préférable de faire machine arrière mais le gamin est déjà installé dans le canapé, prêt à dormir. « Bordel Slim! Ferme-la un peu, j'suis pas tout-seul dans... » Sur le coup de la colère, c'est à peine si je parviens à relever le sens de ses paroles. Nan, sur le moment, j'reste juste concentré sur Siham. Mais sa phrase, sa foutue phrase, elle reste quand même gravée dans ma mémoire. Les questions viendront plus tard, quand l'esprit aura retrouvé un semblant d'ordre. J'me contente de froncer les sourcils, toujours les mains tremblantes et le coeur au bord de l'explosion. Paris prend soudainement des airs de New York, le même bordel qu'avec mes parents. Le même bordel lorsque je vivais dans la rue. Cette folie dans laquelle j'ai pu vivre depuis des années me retrouve soudainement. Et la claque, elle n'a jamais été aussi grosse qu'aujourd'hui.
Les jambes en coton et les chaussures pleine de plombs, je me laisse tomber sur le canapé, à mon tour. « Y a des couvertures sur le canapé si tu veux, pour le gosse. » mais le gosse s'est déjà installé, comme s'il était chez lui, prêt à passer la nuit ici. J'ai pourtant envie de le secouer, de le remuer comme un chiffon pour lui montrer le bordel qu'il a pu provoquer. C'est dégueulasse d'en venir à détester son propre gamin mais les sentiments se contrôlent pas. Et ce soir, la dégoût est plus fort que jamais. Mon visage plonge entre mes mains, comme pour chercher un point d'équilibre, un quelque chose capable de me rendre un minimum de calme. Mais sur l'moment, y a rien qui vient, alors j'reste comme ça, comme un gamin. J'attends, un peu perdu, que les mots viennent tout seul. J'en ai tellement sur l'âme qu'ils ne peuvent que s'extérioriser à un moment ou un autre. Je finis quand même par relever les yeux, la peau du visage transpirante. Le manque me tord l'estomac, à deux doigts de me faire vomir mes tripes sur son canapé. « Siham s'est barrée en m'laissant juste un peu de fric. J'sais pas où elle est, elle reviendra pas. J'veux pas de ce gosse, regarde moi, j'pense juste à me trouver une dose là. Pas à lui mettre des vêtements plus chauds. » C'est fou c'que je peux paraître pathétique mais au moins … au moins j'suis sincère. J'ai l'impression de sentir la marée monter. Tous les débris qu'elle contient terminent sur le sable. « J'voulais pas venir te faire chier, j'suis désolé. C'était débile de ma part. J'vais rentrer et puis toi tu vas oublier c'passage bidon. J'sais juste pas quoi faire. Puis … » Ma voix se coupe tandis que je regarde tout autour de moi, à la faible lueur de sa lampe. « T'as pas un truc pour me dépanner ? Parce que j'en peux plus, ma tête va exploser. » Il est beau le futur mari, à demander d'la coke et être incapable de s'occuper de la marmaille. On lui donne combien ? Un mois avec Soan ? Ouais et c'est encore beaucoup. Mais allez, un mois avant que les services sociaux ne le lui prennent. Lancez les paris.
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Sujet: Re: embrasons nous. (vadim) Ven 29 Nov - 11:32
Mes yeux s'attardent sur Soan. L'espace d'un instant, je me vois en lui, en son expression. Cette expression qui veut tout dire, l'expression d'un gosse paumé qui se demande qu'est-ce qu'il a bien pu faire de mal pour que ses parents ne veuillent plus de lui. Alors, comme une vague qu'on se prend en pleine gueule, les souvenirs refont surface, ceux que j'essaye désespérément d'oublier. Et j'me rends compte que Soan, il mérite pas une telle vie, il mérite pas de finir comme le mec misérable que je suis. Il mérite pas non plus d'être abandonné, et alors pour lui, et pour Slim, j'veux bien faire un effort. Je m’accroupis près du gosse, souriant. Il se perd dans la contemplation de mes tatouages comme si c'était Disneyland. « Hé Soan, tu veux voir mes chats? » J'ai toujours adoré les gosses, j'avais une espèce de don avec eux, puisque Soan souriait déjà un peu mieux. Il saisit ma main pour que je l'emmène, je le dirige vers la chambre où les chats sont couchés sur le lit. « Sois gentil avec eux, d'accord? » Il hoche sérieusement la tête, et grimpe sur le lit, s'assied près d'eux et commence à les caresser. Je soupire, un problème de réglé. Maintenant le plus important, Slim. Je retourne au salon, où il s'est échoué sur le canapé. Naufragé d'une vie désordonnée comme une mer en furie, je suis peut-être le seul rocher auquel il puisse encore s'accrocher. Je m'assis près de lui, assez proche pour que nos cuisses se collent. « Siham s'est barrée en m'laissant juste un peu de fric. J'sais pas où elle est, elle reviendra pas. J'veux pas de ce gosse, regarde moi, j'pense juste à me trouver une dose là. Pas à lui mettre des vêtements plus chauds. » Mon regard se pose sur la porte de ma chambre, là où se trouve Soan, et mes traits se font tristes et soucieux. Soucieux pour Slim, soucieux pour le gosse. La vérité c'est que je crois que je serais prêt à m'en occuper. Mais Slim? Slim il devrait le voir tout le jours, et tous les jours sa tronche lui rappellera celle de Siham. J'veux pas qu'il souffre toute sa vie parce que j'ai pas voulu laisser un gosse avoir la même vie merdique que celle que j'ai eue. « J'voulais pas venir te faire chier, j'suis désolé. C'était débile de ma part. J'vais rentrer et puis toi tu vas oublier c'passage bidon. J'sais juste pas quoi faire. Puis … » « Non, s'il te plaît, reste. » J'attrape sa cuisse en prenant un air suppliant. « Je veux pas que tu te balades dehors ce c't'état là, ça m'empêcherait de dormir de toutes façons. Je préfère que vous soyez là cette nuit, j'pourrai vous surveiller et vérifier que vous faites pas de trucs débiles. » Je retrouve le sourire, ce sourire de gosse qui veut faire croire que tout ira bien. « T'as pas un truc pour me dépanner ? Parce que j'en peux plus, ma tête va exploser. » Je frotte son dos pendant quelques secondes puis me lève et vais chercher un sachet de coke dans la cachette au fond d'un des meubles de la cuisine. Et je découvre qu'il ne reste qu'une seule dose. Je soupire. Qu'est-ce que je ferais pas pour ce mec. Thomas va surement me tuer pour avoir pris la dernière mais j'm'en fous. S'il est pas content, il pourra toujours gueuler, mais je lui expliquerais que c'était une urgence. Je suis un peu déçu, je voulais me défoncer avec lui, l'accompagner dans ce voyage. A la place j'rammène avec moi la bouteille de vodka qui traine dans le frigo. C'est toujours mieux que rien. Je retourne au salon et reviens m'asseoir près de lui, en lui tendant entre le doigt et l'index le sachet de poudre blanche. « C'est la dernière que j'ai, alors profite bien. » lui dis-je avec un léger sourire en coin. J'attrape la bouteille, et, faute de verre, avale une gorgée par le goulot. Elle descend, brûlant tout sur son passage. Je me laisse tomber au fond du canapé en soupirant. La vie est vicieuse, de s'attaquer à ceux qui sont déjà brisés. Slim n'avait pas vraiment besoin de ça, moi non plus. C'est comme si on en avait pas assez d'être dans la merde jusqu'au cou, qu'il fallait qu'on se noie dedans, qu'on la bouffe et qu'on la vomisse avec nos tripes.