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| Sujet: LES CHOSES ONT LEURS LARMES. (ARLIE) Mar 29 Oct - 21:42 | |
| Pourtant je n'ai pas un détecteur d'âmes en perdition. Mais ce garçon, il traversait la rue et son sourire était tellement plein de désespoir que les autres ne sentaient pas qu'il a fallu que j'aille lui parler. Pourtant je ne parle jamais aux inconnus. Arlie, Arlie, ça sonne de désillusion, comme Basile il y a quelques mois encore, avant tout ça, avant Bleuenn. Voilà un garçon qui aurait besoin d'une Bleuenn. Je lui au couru dessus, il a eu peur, ça se voyait. Ce devait être un de ses moments où j'ai la tête du mathématicien fou, réincarnation d'Einstein en plus brun, plus jeune, un minimum plus lucide. J'aurais été le garçon, je me serais frappé, moi, cet inconnu, à courir à lui pour lui dire ces mots-là précisément : - Laisse-moi t'aider avec ton malheur. J'en prendrais un petit kilo histoire de te décharger un peu. Il a fui, je l'ai suivi. Ai débité à toute vitesse mon numéro de téléphone quatre fois, me suis trompé une. N'utilisant jamais cette petite machine à touches. Café Marly, quand tu veux, j'ai répété. J'ai pris congé. Et maintenant je tapote nerveusement sur le bois d'une table de ce café. Il a dit ces mots-ci : « je viendrai », mais ça ne veut pas dire qu'il viendra. Certains dépressifs croient joliment qu'ils sont heureux. Paradoxe poétique. Et musique exécrable en fond. Quel était ce café avec le jukebox, et Simon & Garfunkel dedans ? Ce café où Bleuenn et moi nous sommes souris pour la première fois. Pour la première fois, cassées les barrières de froideur entre nous. Puis reconstruites. Et enfin démolies à coup d'amour. C'est ça qu'il faut à Arlie. Une fille, un garçon avec qui construire un mur de haine réciproque, détruire le mur, se faire du mal, et puis l'aimer de tout son être. Comme moi. Mais avant Arlie doit prendre conscience de lui-même. Ils étudient ça, à l'école non ? Arlie qui entre dans le café et fait ralentir la musique de mes ongles sur le bois. Arlie est là. Fidèle à lui-même : sourire plaqué sur le visage, baluchon de malheur traîné derrière lui. Il cherche des yeux le fou dans la rue au numéro de téléphone qui commence anormalement par 07, je fais un signe de la main. Viens par là, c'est moi. - Tu veux un café ? C'est la seule parole qu'on échangera. Après, on parle dépression. Et jolies choses de la vie, tu verras.
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