Il y a les jours avec et les jours sans. Aujourd’hui était clairement un jour sans. C’était un de ces jours où, je ne sais pas pourquoi, ma colère battait son plein. Elle prenait d’assaut la moindre cellule de mon corps, de mon âme. Elle endormait le peu de bon sens que je pouvais avoir et elle se déchainait violemment. Très violemment. En bref, s’il est possible d’éviter de croiser mon chemin, faites-le sans aucune hésitation.
Seulement voilà, dans les grandes villes, il est impossible de repérer les fous de mon genre – ouais, je suis un fou qui ne s’ignore pas. Les gens sont bien trop enfoncés dans leur routine barbante, à la limite de l’insupportable, alors ils en oublient de lever leur nez pour essayer de voir un peu plus loin que leur nombril rempli de merde odorante. Et souvent, ils vous bousculent. Et moi, je les explose. Pour le plaisir de me défouler. Pour le plaisir de voir le sang couler sur des visages inconnus. Pour le plaisir de sentir des os se briser sous mes coups. Pour le plaisir de me sentir fort. L’adrénaline circulait dans mes veines à grande quantité dans ces moments-là. Mon cœur palpitait aussi rapidement que si j’avais fait un marathon. C’était un moment de jouissance purement et simplement. C’était un de ces rares moments où mes souffrances s’envolaient pour laisser place au vide. Plus de douleur. Juste de l’excitation. Puis pour y ajouter un peu plus de piment, je picolais. Et ça devenait plus intense puisque pour atteindre l’extase, il fallait que je donne plus de coups, que ce soit plus violent, que le sang coule à flot. Il fallait que ce soit plus. C’était comme ça. Ma colère et moi.
Je venais d’achever une deuxième personne. J’avais du sang plein mon t-shirt et je m’en foutais. Peut-être que j’en avais sur les mains aussi. Aucune importance. Mon regard croisa ceux de certains passants interloqués, effrayés parfois. Il m’arrivait de lancer un « bouh ! » de psychopathe juste pour le plaisir de voir des personnes se barrer aussi vite que si elles croisaient la faucheuse. Bande de cons. Tous des cons.
J’étais parti pour aller déglinguer un vendeur ambulant parce que l’exercice ça creuse et qu’en l’occurrence, je n’avais pas mangé depuis la veille au matin. J’avais plus de boulot donc plus une thune et comme il était impossible que le mec me donne à bouffer gratos, j’allai le déglinguer pour voler tout ce que je pourrai. Putain de vie de SDF de merde. Je me dirigeai droit devant d’un pas décidé, un peu au hasard, dans l’espoir de trouver ma prochaine victime assez rapidement parce que ma patience n’était pas de sortie aujourd’hui. Je me foutais du peuple, je poussais violemment tout ce qui pouvait éventuellement freiner ma course. Puis dans le lot, y a eu une tête beaucoup trop connue à mon gout qui était en train d’arriver en sens inverse. J’allai me le faire l’enculé. Suffisamment pour qu’il regrette d’être sorti de son lit ce matin. J’accélérai le pas et, lorsque je me trouvais assez près de lui, j’empoignai avec force sa gorge et, dans un mouvement brusque, je l’emmenai dans une ruelle perpendiculaire, à l’abri des regards indiscrets. Le spectacle n’allait pas être beau.
Je le plaquai violemment contre le mur, sans dire un mot. Je le fixai un court instant, espérant que le calme éteigne l’incendie de colère qui brulait mes entrailles mais il ne se passa rien du tout. En fait, le film passa en vitesse rapide dans mon esprit, ce qui eut pour effet de me donner envie de le tuer. Et je ne comptais pas me priver. Plus maintenant. Plus jamais. J’ai commencé par donner un premier coup de poing dans sa jolie petite gueule pour m’avoir lâché comme une merde. Un second pour n’éprouver aucune culpabilité. Un troisième pour m’avoir gâché la vie. Et ainsi de suite. Je voulais qu’il souffre comme je souffrais au quotidien. Il n’y avait aucune raison pour qu’il s’en sorte toujours indemne. Ce n’était pas juste.
Dernière édition par Sid O'Leary le Mar 23 Juil - 0:10, édité 1 fois
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Sujet: Re: A l'ancienne {Slim} Jeu 18 Juil - 17:29
Sid est de retour sur Paris et lui aussi m'en veut. Il est de cette liste de personnes qui me pointent du doigt en gueulant. De ces personnes qui ne veulent pas me laisser vivre comme je l'entends. Je n'ai jamais compris ce principe. Je n'ai jamais rien compris aux autres d'ailleurs. Pendant qu'ils tentent de me mettre des chaînes, moi, je suis là, à les regarder se battre contre mes démons. Ce n'est pas à eux d'agir comme ça. Encore moins à eux de réfléchir à ma place. Le seul responsable de mes conneries … c'est moi. Moi et moi seul. Le pauvre gars à l'accent américain un peu trop prononcé. Incapable de se poser quelque part sans faire souffrir qui que ce soit. Je divorce de Siham parce que je me suis lassé de cette vie trop facile. De son amour donné gratuitement. J'ai abandonné Sid dans l'unique but de découvrir le monde ailleurs. J'aurais très bien pu l'emporter avec moi. C'était juste impossible. Je suis un oiseau libre, je vole seul, de mes ailes trop lourdes. J'ai pas envie de me retourner pour voir si la troupe me suit bien. Je veux avancer, et puis c'est tout. Ne pas avoir à dépendre de qui que ce soit. C'est juste une putain de connerie, tout ça. Personne n'a besoin de personne. Les gens grandissent avec cette idée en tête et la chérissent. Mourir seul est peut-être effrayant pour certains. Je n'attends que ça : disparaître dans un soupir, n'être qu'un vieux souvenir et non pas une tombe que l'on vient pleurer.
Le cœur lourd, l'envie de tout plaquer réapparaît. Elle renaît, là, sous ma cage thoracique, s'empare de mes organes comme une maladie. J'ai besoin de respirer, loin de mon divorce, loin de mon rôle de père, loin de mon amitié perdue avec Sid. Fermer une nouvelle fois les yeux sur mon entourage semble une solution. Pourtant, un poids accroché à mes chevilles m'empêchent de quitter la ville. Une espèce de connerie m'interdisant catégoriquement de fuir la fatalité. Mais merde, la fatalité, ça brise les os, ça détruit un cœur, ça ravage tout. Je n'en ai rien à faire de tout ça. Je ferme les yeux sur les larmes de Siham. Slim Curtiss en a tout simplement marre. Marre des gens. Marre des coups de gueule. Il est épuisé à l'idée de se faire agresser pour un oui et pour un non. Que toutes ces personnes le laissent crever dans son coin et puis c'est tout. Vous entendez ? Juste ça.
Je n'ai même pas le temps de me retourner qu'un bruit de pas rapides me saute littéralement dessus. L'agresseur place ses doigts au niveau de mon cou, m'empêchant ainsi de respirer correctement. Ce n'est qu'en ouvrant les yeux, au fond de cette ruelle que je le remarque lui. Sid. Lui, l'ami perdu. Puis retrouvé. Ce type face à qui je ne fais plus le poids depuis longtemps. La drogue vous rend loque. Elle combat la douleur à votre place mais ne combat pas l'être humain. Le premier coup part. Trop violent, trop haineux. J'encaisse difficilement, retenant les gémissements coincés dans ma gorge. J'en viens à me demander s'il ne serait pas plus simple qu'il m'achève. Je le laisse donc faire. Le voilà qui déverse toute sa colère contre moi. Je n'en ai que faire de ce liquide chaud qui coule sur mes vêtements. Je me fous de savoir ma gueule défoncée et parsemée de bleus. Ce sont des années de sentiments que Sid m'envoie en pleine tronche. C'est douloureux.
La souffrance en devient si insupportable que le bout de mes doigts s'accrochent fébrilement à son t shirt. Mon sang se confond à celui d'un autre. J'ai l'air d'un pauvre gamin en cristal. Ses coups me détruisent littéralement. Y a qu'à imaginer un verre s'écraser au sol. C'est à peu près le même effet sauf qu'ici, mon corps retient chaque parcelle détruite. Comme à mon habitude, j'enferme mes sentiments dans une bulle impénétrable. Je ne laisse rien paraître, si ce n'est la douleur physique. J'ai l'impression d'être une coquille vide. Rien, oh non rien ne peut faire renaître un homme. Le néant s'est emparé de mon âme et on ne peut plus rien contre ça.
L'enfant que j'incarne se recroqueville tout de même comme il peut, tente d'esquiver les coups mais rien n'y fait. C'est un tsunami d'agonie. « Sid arrête. » Ma voix est atrocement brisée. « J'sais que je t'ai fait du mal. Comme je suis un connard. » J'entoure mes bras autour de sa nuque pour ne pas m'écrouler sous sa violence et plaque mon front au creux de son cou, à la recherche d'oxygène. « Le mal est fait, ça aussi j'le sais. Je peux plus retourner en arrière, réparer ce que j'ai pu te faire. J'suis paumé. Tu m'rends dingue. Dis moi ce que j'dois faire parce qu'encore une fois je vais merder. » Du sang s'échappe de mes lèvres, s'échouent sur son t shirt. Je le recouvre de mon humanité en quelques secondes seulement. Je n'ai rien su dire d'autres qu'un tas de conneries. Sid va me tuer. M'achever. Et c'est bien fait pour ma gueule.
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Sujet: Re: A l'ancienne {Slim} Mar 23 Juil - 16:09
Habituellement, plus je donnais de coups, plus je me calmais. Ou au moins, je me lassais et j’allais taper ailleurs. Mais de voir Slim si impassible face à ça, face à moi, ça me dégoutait à un tel point que je m’énervais de plus en plus. Mes coups montaient en violence crescendo. J’étais si enragé face à ce spectacle morbide. Il pissait le sang et il manquait tellement d’air qu’il en était devenu bleu. Je n’arrêtais pas de me répéter que tout ça ne servait à rien mais mon besoin irrépressible de m’exprimer de cette mauvaise façon me poussait à agir. Pour qu’il ne m’oublie pas. Pour qu’il soit comme moi : empli de douleur. Sauf que contrairement à moi, ses plaies n’étaient que superficielles. C’est vrai que les saignements étaient impressionnants, mais avec le temps, son visage sera comme neuf. Avec le temps, mon cœur ne cessera de saigner, de pourrir. Et cette histoire de mariage, je vous jure que ça me tuait. Mon cœur était passé sous un rouleau compresseur puis réduit en purée dans un mixeur. C’était horrible. Chaque inspiration résonnait comme une pluie de couteaux plantée me transperçant de part en part. C’était une douleur psychique et physique. Le manque m’usait dans mon tout.
Je crois que Slim n’a jamais vraiment réalisé ce qu’il était pour moi. Non, en réalité, il s’en branle royalement. Tant que moi j’étais là pour lui, tout était normal. Attendre quoi que ce soit de lui reviendrait à du suicide social, mental. Il ne se sentait redevable de rien envers qui que ce soit. Il ne retenait que ce qu’il voulait pour être certain que les choses puissent se passer comme il l’entendait. Les autres, c’était des boulets, utiles de temps à autres, mais ça restait de gros boulets bien trop encombrants à ses yeux. Et je crois que je venais de comprendre que je ne me situais pas au-dessus du paquet. Loin de là. J’ai quand même continué de frapper. Sans raisons. Sans être capable de me calmer. La rage guidait mes gestes et une part de moi en était vraiment désolée.
Il a fallu attendre que Slim me somme d’arrêter pour qu’il y ait comme une sorte de souffle qui balaya instantanément toute la haine et les rancunes qui venaient de déborder de mon âme. C’était comme si quelqu’un venait de me donner une gifle qui me ramena à la réalité. Comme si j’étais un somnambule qui venait de se réveiller alors qu’il était en pleine crise. Horrible sensation. Culpabilité, honte et ridicule ont envahi les lieux. Qu’est-ce que je pouvais être con. A quoi je m’attendais dans le fond, que tout redevienne comme avant ?
Ce n’était pas en frappant qu’on fait revenir les gens, Sid. Faudrait le sucer lui, et encore, après t’avoir éjaculé en plein gueule il se barrera aussi sec pour retrouver son futur mari. Parce que oui Sid, ton cher Slim va se marier. Encore une fois. Tu ferais mieux de te jeter d’un pont. Ton corps pourrissant sera bien plus utile que tes 25 années de vie réunies. Ta gueule la conscience.
Paniqué, déboussolé, je me confondais en excuses à peine audibles. Je ne croyais pas un seul mot de ce qu’il avait pu dire – Slim était un moulin à paroles qui endormait constamment les gens. J’étais assez minable pour m’accrocher à lui si fort. L’hypothèse que quelqu’un ait pu ne serait-ce que le toucher me rendait fou – même si je sais que c’est arrivé de nombreuses fois, parce que Slim avait la queue frétillante. Je ne comprenais pas vraiment mon comportement. Cette folle envie de lui que j’éprouvais en ce moment. C’était bizarre. C’était malsain.
Mon énergie s’est fait la malle en une demi-fraction de seconde. Sans même prévenir. La main agrippée autour de son coup tomba nonchalamment. Et moi, je fermai les yeux, en espérant que les larmes cessent de couler. En espérant que tout s’arrête. Que tout ça ne soit qu’un foutu cauchemar qui prendra fin dès que j’ouvrirais les yeux. Mais rien. Tout est resté tel quel.
« Tu mens toujours aussi bien, Curtiss. Si je ne te connaissais pas, j’aurais pu y croire. Commençai-je, amer face à tout ça. »
Un léger rire s’échappa de mes lèvres. Jaune le rire. Je me reculai doucement pour le plaquer avec délicatesse contre le mur. Je ne pus m’empêcher de remarquer que je ne l’avais pas raté. C’était bien fait pour sa gueule.
« Tu veux que je te dise quoi faire ? Pourtant, il n’y a pas dix mille possibilités envisageables il me semble, non ? »
J’essuyai d’un geste vif les sillons de mes larmes sur mes joues. Mon regard était accroché au sien. Ma culpabilité me rongeait, mais pas que. L’atmosphère était devenue étrange à ce moment-là. Très étrange.
« Tu continues à faire ta vie de futur marié et je me barre. Ou alors… »
Ou alors rien du tout. Slim et Sid, c’est du passé. Fous-lui la paix bon sang ! Tu comprends pas qu’il ne veut plus de toi ? Estime-toi heureux qu’il t’ait longtemps supporté. Ça n’arrivera plus. Pars crever dans ton coin, comme le chien que tu es. Ton père n’avait pas tort de te foutre sur la gueule. Avec un fils comme toi, il ne pouvait faire que ça. Il avait vu juste, t’es qu’une merde, pauvre Sid. Une merde.
« Laisse tomber. Désolé pour ça. Et pour tout le reste. »
Je l’ai laissé contre son petit mur, dans son petit monde joyeux où tout le monde œuvrait pour le ménager. Il fallait que je me fasse une raison. Tout le monde est passé à autre chose. Siham, et Slim. Ils ont fait leur vie sans se soucier de moi. Jamais. Alors je devais arrêter de m’accrocher à de vieux souvenirs périmés comme un gosse qui refuse de se séparer de son doudou dans l’espoir de ne pas basculer dans le monde des grands. Fallait que j’arrête d’espérer. Slim, c’était le mec que je pensais être mon ami et qui m’a bien comprendre que ce n’était pas le cas. Point final.
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Sujet: Re: A l'ancienne {Slim} Mer 24 Juil - 0:24
Dans ce chaos, c'est à peine si je parviens à parler. Ma gorge est douloureuse. Non, mon corps tout entier hurle à la liberté de ses coups. Mais il continue, toujours avec autant de vitalité et de haine. Sid me défonce la gueule comme il sait si bien le faire. Il a toujours été plus fort que moi à ce jeu là. J'suis rien de plus qu'une marionnette que l'on déchire en souriant. La vague de violence s'échoue sur ma peau, la recouvre de sang et d'hématomes. Les paroles ne suffisent plus à réparer les choses. J'ai plus la force d'aller lui décrocher la lune. J'ai plus la force de rien du tout. J'ai juste envie de vivre sans que l'on vienne sur mon chemin. Me marier avec Vadim et traverser un petit bout de chemin avec lui. Et ce, au risque de me mettre le monde entier à dos. De toute façon, si ce n'est pas pour ça, ce sera pour autre chose. Les gens viennent et repartent, c'est normal, après tout.
Et enfin, sa voix brise le silence. Ses coups cessent de s'échouer violemment contre ma chair. J'ai du sang sur les lèvres. Je ressemble à l'un de ces soldats blessés. Il rampe encore sur le champs de bataille. Son heure approche mais pour rien au monde l'homme ne baissera les bras. Mes yeux se plantent dans ceux de Sid. « Tu mens toujours aussi bien, Curtiss. Si je ne te connaissais pas, j’aurais pu y croire.» Il continue, dans la même optique de ne pas vouloir passer sur ce que j'ai pu lui faire. Au final, j'crois que j'ai même plus envie qu'il me pardonne. La gueule défoncée par sa faute, j'ai juste envie de le voir s'éloigner. Je veux que Sid me foute la paix. Qu'il arrête de se prendre pour un super héros en me pétant le nez. Me casser quelques côtes ne changera pas la face du monde. Son acte est aussi égoïste que mon départ, il y a quelques années de ça. Ça servait à rien de me retrouver pour faire ça. Ça servait à rien. Sauf peut-être perdre du temps. Et un peu de sang. Mes poings se serrent dans le vide sans réelle conviction. De toute façon, j'ai même plus la force de battre des paupières. J'ai l'impression d'avoir du coton dans les jambes. Un voile noir vient même me couper la vue. Le toxico que j'incarne a oublié de se nourrir ces derniers jours. La drogue est tellement plus nourrissante. Vieille amie.
« Tu continues à faire ta vie de futur marié et je me barre. Ou alors… » Ma vie de futur marié ? Mais putain, elle vient foutre quoi ici ? Ça le regarde pas, rien ne le regarde de ma nouvelle vie. C'est rien de plus qu'un ancien pote maintenant. Un ancien pote qui préfère me foutre sur la gueule que de comprendre la situation. Je baisse alors les yeux pour ne plus croiser son regard et chercher un peu de force sur le goudron. S'il me lâche, mon corps viendra s'échouer sur le trottoir, vidé d'énergie. Je me remémore une nouvelle fois sa phrase et retiens un rire amer. Sid, aussi égoïste que moi. Le premier à me pointer du doigt. Le premier à reproduire des erreurs similaires.
« Laisse tomber. Désolé pour ça. Et pour tout le reste. » Sid me lâche, comme ça, après m'avoir fait passer un mauvais quart d'heure. Son désolé résonne dans ma tête comme une énième provocation. C'est à se demander s'il n'est pas bipolaire ou une connerie dans le genre. Mes ongles s'enfoncent nerveusement dans le mur pour ne pas laisser mes jambes me lâcher. Mon regard se fige sur la silhouette de l'homme qui s'éloigne d'un pas lent. C'est au fil des secondes que renaît une flamme. Celle d'une colère fondée et dissimulée depuis trop longtemps déjà. Ma voix s'élève, tremblante de rage. « Écoute moi bien Sid. Écoute moi au moins une fois dans ta putain de vie. » Je m'approche d'un pas, pose ma main sur son épaule pour l'obliger à se retourner vers moi. « Je t'ai jamais demandé de te pointer ici, à Paris. Je t'ai jamais dit de venir me casser la gueule. Ça servait à rien de me retrouver pour me faire tout un tas de reproches qu'on m'a déjà fait des centaines de fois. » Je marque une pause, avale difficilement le sang de ma bouche. « Arrête de te plaindre en disant que je t'ai abandonné à New York. Arrête. À mon mariage avec Siham ça te faisait royalement chier. Je l'ai vu, ça s'voyait à des kilomètres même. Dés que j'ai eu le dos tourné t'as pas pu t'empêcher de sauter MA femme. Chez moi. Dans notre propre appartement. J'espère qu'elle t'as bien sucé au moins ? » Mes paroles sont amères. Lui, toucher Siham. Ma femme. La mère de mes enfants. « T'espérais que ça putain, que je me casse. T'espérais la voir seule pour te la faire. T'es qu'un putain de connard. Viens pas me faire tes grandes leçons sur l'amitié alors que t'es le premier à te comporter comme un crevard. » Ma gorge se serre, tendue par la colère. « T'as pas le droit de te pointer ici et m'imposer le choix entre Vadim et toi. » Vadim, il doit plus se souvenir de son prénom mais j'm'en balance, il fera bien le lien. « Y a même pas de choix à faire. A moins qu'encore une fois ça te fasse chier de me voir heureux. Mais tu sais, Sid, à la base, c'est un peu le principe des amis. Ils t'enfoncent pas comme toi t'as pu le faire. Comme t'es encore en train de le faire. Alors, vazy, dégage, je te retiens pas. Dégage. T'es beaucoup trop pour moi. »
Ce doit être la première fois que je lui balance tout ce que je peux avoir sur le cœur. J'ai envie de me tirer une balle, de lui tirer une balle. J'ai envie de disparaître. Mon corps glisse contre le mur. J'ai le cœur qui bat trop vite. Mes muscles sont si tendus que c'est à peine si je parviens à respirer correctement. La rage est si forte que mes os semblent se briser, là, sous ma cage thoracique. C'est dans toute cette merde que je répète une nouvelle fois un « Dégage, fous moi la paix, laisse moi crever. Dis plus rien, tu me donnes envie de gerber. » Laisse moi, putain.
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Sujet: Re: A l'ancienne {Slim} Ven 26 Juil - 2:30
J'étais parti pour dégager définitivement de la vie de Slim. De Paris aussi. Ouais, j'étais bien décidé à retourner faire le guide touristique dans les Everglades. J'avais pigé le message. Sid, t'es qu'un indésirable ou/et un con qu'on voudrait bien utiliser une nouvelle fois. Comment j'ai pu croire que j'avais une place dans la vie de Slim et Siham ? J'ai toujours été le bouche trou. La pièce de trop. La putain de pièce de rechange, tout au plus. Mais rien de gratifiant en somme. Rien de clair, net et précis. Rien de sein. Puisque Slim ne voulait plus entendre parler de moi, j'allai m'évaporer comme il l'avait fait auparavant. Ce n'était pas bien compliqué quand on savait ce qu'on voulait. Moi, j'espérais un truc meilleur et il était à présent certain que ce n'était pas aux côtés des personnes qui m'étaient chères dans au passé si peu lointain que j'allai l'obtenir. C'était ailleurs. Il restait à trouver où, mais à la limite c'était bien moins compliqué que de me dépatouiller de cette merdasse qui me collait aux basques. A mon cœur. Ça m'avait fait mal mais j'en avais redemandé comme un con. M'enfin, tout ça était déjà derrière moi de toutes façons. Je m'étais timidement excusé de ce que j'avais fait, de bout à bout de l'histoire, et puis voilà. La page était définitivement tournée.
Je ne sentais plus rien. Ni à l'intérieur, ni à l'extérieur de mon être. Cet énième souffle de haine avait tout balayé sur son passage. Mes joies, mes peines. Tout ce qui pouvait bien constituer mon âme. Même la douleur que je ressentais constamment n'était plus là. Elle qui avait tapissé mon cœur depuis des années, je ne la sentais plus. J'aurais pu m'en réjouir mais ce n'était pas le signe que tout allait bien. C'est vrai qu'en cet instant, j'étais soulagé d'en finir avec Slim. Après tout, il n'était qu'un tas d'emmerdes ambulant qui se plaisait à s'acharner sur moi. Ce n'était qu'un connard, et je l'aimais, mais pas suffisamment pour le supporter. Je crois que j'avais atteint mes limites apparemment. Ça faisait un poids en moins sur la conscience. Un problème en moins à gérer. Néanmoins, me concernant, je n'étais pas naïf au point de croire que la douleur ne reviendrait plus jamais. Ce n'était qu'une question de temps avant qu'elle ne reprenne les clés du domaine avec une puissance accrue. Ce n'était qu'une petite question de temps. Peut-être qu'elle se ramènera une fois que je me perdrais dans la masse, ou lorsque ma solitude nocturne me poussera à boire comme un trou pour combler le vide, le manque de tout. C'était fort probable que le répit ne soit que de très courte durée et je crois que ce n'était pas plus mal dans le fond. Je n'aimais pas la sensation d'être une coquille vide. D'être las de tout et de tout le monde. Le peu de vie que j'avais résidais dans la douleur alors, quand bien même ce n'était pas la meilleure alliée espérée, je ne pouvais que m'en accommoder. C'était comme ça, un point c'est tout.
Les choses auraient pu s'arrêter calmement là. J'aurais voulu que ça se termine de cette façon-là. Je n'avais pas envie d'aller au conflit. Plus maintenant en tout cas. Mais c'était mal connaître Slimane que de penser ça. Je savais qu'il allait sortir tout ce qu'il avait dans les tripes pour ne pas me laisser sortir indemne de cette altercation. J'avais les poings, lui les mots. Bizarrement, il était bien plus violent que moi. C'est donc sans grande surprise que Slim la ramena. Il m'a sorti le grand jeu et je ne pouvais en espérer peu de l'animal. Pourquoi se contenter de me balancer quelques insultes alors qu'il avait les moyens de me faire passer pour le pire ami de la planète. J'aurais pu sortir de mes gonds, mais je venais de définitivement jeter les armes. Alors il m'était inutile d'agir avec passion, avec mes poings. J'ai écouté le fabuleux destin du pauvre Slim qui s'est fait voler sa femme par son larbin de l'époque. Je l'ai regardé avec de la pitié, un sourire mesquin accroché à mes lèvres. Plus il débitait, plus je me rendais compte que je n'avais absolument rien en commun avec ce type. J'en étais presque dégoûté. Slim osait me prendre limite de haut alors qu'il se comportait comme un con. Franchement, il n'y avait que les vestiges de notre amitié qui m'empêchait de lui cracher à la gueule.
« A toi de m'écouter attentivement, saloperie. Je vais remettre les pendules à l'heure parce que, comme toujours, tu as une vision plus que déformée de la réalité. Et ça en est devenu pathétique. Je marquai un court arrêt avant de reprendre de plus belle. Ouais, même moi, le petit con alcoolique te trouve pathétique, pour te dire que t'es au fond de tout. Comme d'hab' en fait. »
Je n'avais absolument pas apprécié la manière dont il avait osé parler de Siham. Il parlait d'elle comme d'un pantin qu'il avait regretté de balancer et qu'il comptait récupérer à tout prix. Grand bien lui fasse, de toute façon, Siham n'attendait que ça je parie. Mais je refusais avoir le mauvais rôle dans l'histoire. J'avais des défauts mais fallait pas déconner non plus.
« Pour ce qui est de Siham... Tu savais que j'avais craqué pour elle dès le premier jour où je l'ai vu ? Bien sûr que non. Tu l'avais déjà baisé salement dans les chiottes d'un restau indien. Alors ouais, j'ai vraiment été le plus horrible des potes en ne m'interposant pas entre elle et toi, d'être le témoin de votre mariage alors que j'en crevais à l'intérieur parce qu'à mes yeux, tu n'allais pas faire grand-chose pour elle, si ce n'est de l'emmener au fond du gouffre. Tu l'as engrossé vulgairement et tu t'es barré. Alors je pars du principe que du moment où t'as même pas été foutu de respecter tes engagements de mari - tu sais le fait de soutenir ta femme dans la richesse et la misère et tout, ça te parle ? - t'as pas le droit de te prévaloir d'un quelconque droit. Une alliance ne sert à rien si c'est pour que tu te tapes tout le monde alors que ta femme galère avec sa grossesse. »
Je savais bien au fond que tout ce que je pouvais bien dire n'allai absolument pas le toucher. Mais j'ai trouvé ses mots si durs et si injustes à mon égard que je me sentais obligé de rétablir la vérité. Ne serait-ce que pour moi. A défaut d'être entendu, je pourrai me vanter d'avoir clamé cette putain de vérité.
« Et quand à mon histoire avec ta « femme », ce n'est pas moi qui lui aie sauvagement sauté dessus comme une brute. En fait, c'est elle qui est venue me pleurer dans les bras et qui a commencé à me déboutonner le jean parce que, je cite, « Slim n'est plus là pour assouvir mes besoins de femme ». Ouais, le plus con dans l'histoire, c'est que j'en sois tombé encore plus amoureux. »
En y repensant, j’avais toujours cette sensation désagréable d’avoir été le dindon de la farce.
« Enfin rassure-toi, je ne l'ai pas baisé. Je lui ai fait l'amour à ta chère et tendre. Et je me suis bien occupé d'elle puisque, visiblement, ça a l'air de grandement te préoccuper. Et puis jubile, c'est elle qui m'a plaqué du jour au lendemain. Elle t'aime. Moi j'ai été la roue de secours. Une erreur selon elle. »
J'avais une folle envie de rendre et de disparaître rien qu'en admettant ça.
« Enfin peu importe, t'as raison sur un point : je ne suis personne pour te faire la morale. Tu n'entendras plus jamais parler de moi si ça t'inquiète tant que ça. Par contre, que les choses soient bien claires Slim, ne songes même pas à revenir comme un chien. »
Ouais parce que c'était bien le genre de Slim de souffler du froid puis du chaud. Je ne compte même plus le nombre de fois où on s'est brouillé et qu'il revenait avec un air de chien battu en guise d'excuse. Et je ne compterai pas non plus le nombre de fois où je suis tombé dans le panneau, pensant que les choses changeraient.
« Sur ce, je dégage. Je fis une petite révérence. Longue vie à toi et Dame Vadim. Que votre mariage soit rempli de bonheur, mon bon Roi ! Conclus-je d'un ton fort sarcastique. »
Il valait mieux que je prenne les choses avec le sourire. Puis de toute façon, ce mariage sera comme le précédent : un bel échec. Dommage que je ne puisse pas voir ça.
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Sujet: Re: A l'ancienne {Slim} Dim 28 Juil - 17:31
Et maintenant que je lui ai lancé toutes ces saloperies à la figure, le voilà qui s'éloigne. J'espérais quoi au fond ? Qu'il me saute au cou et me demande de tirer un trait là-dessus ? Peut-être. J'en sais rien. Mais une chose est sûre : mon cœur se serre à cette idée. Nos années d'amitié se cassent la gueule. Nos souvenirs s'envolent dans le vent. Y a plus rien, l'empire se prend un coup de pied dans la gueule. Non, une rafale de coups de pieds. Je suis de ceux qui détruisent cette forteresse, à la simple force de ma connerie. Sid va se barrer et je vais m'en mordre les doigts. Je vais me retrouver comme un pauvre con. Un peu comme il y a trois ans, avant d'arriver sur Paris. Avant de retrouver quelques repères. J'étais paumé. L'idée de faire marche arrière m'a traversé l'esprit. Sid et Siham restaient mes deux seuls repères. Et je les avais laissé tomber. Le revoir à la fête de la musique m'a donné l'impression de me recevoir un de mes plus grands échecs à la figure. Quitter Siham et abandonner Sid, c'était débile. Pourtant, aujourd'hui, je ne parviens pas encore à la regretter totalement. C'est un peu comme un instinct de survie, quelque chose qui vous vient et vous lâche plus. Un truc dont on ne veut pas se défaire. Une envie presque détestable de tout foutre en l'air pour mieux recommencer en l'air. C'est tellement jouissif de n'appartenir à rien ni personne. Pas de chaînes aux pieds. Pas de chaînes aux mains. Pas de sentiments. Juste la liberté.
« Ouais, même moi, le petit con alcoolique te trouve pathétique, pour te dire que t'es au fond de tout. Comme d'hab' en fait. » Un rire nerveux s'échappe de mes poumons. Ma main passe sur mon visage pour y enlever le surplus de sang et l'essuyer sur mon t shirt déjà sali à l'extrême. Je me relève finalement, plus facilement que je ne le pensais. Pathétique. Je le suis, je le sais, depuis toujours. Depuis que je suis né dans cette famille à mon image : dégueulasse d'emmerdes. Gamin déjà on me pointait du doigt. J'étais de la famille Curtiss, ça signifiait tout. Et là, aujourd'hui, je retourne quelques années en arrières. Mon gêne de cas social est plus fort que jamais. Pourtant, j'ai encore la prétention de relever le menton et le prendre de haut. Mais c'est trop tard, Slim, t'as déjà trop creusé. T'es une grosse merde, même à ses yeux. Aux yeux du monde. Un profond soupir quitte mes lèvres tandis que Sid me lance ses quatre vérités à la figure. Les points de vue divergent. Au final, qui croire ? L'alcoolique ou le toxicomane ? Les deux se sentent trahi. Les deux sont cons. Nous sommes paumés, comme au premier jour, sur ce trottoir au milieu de New York. On baignait dans notre malheur. On s'y baigne toujours.
C'est dans toute ma connerie que je parviens à lui lancer un « Fallait me le dire, on aurait fait un plan à trois. » Accompagné d'un rire moqueur. J'sais même pas comment je fais pour rester aussi détestable dans cette situation. À croire que mon âme est si grise qu'elle ne parvient plus à ressentir quoi que ce soit de réel. Tout est mort. J'ai beau tenter de retourner à la vie rien ne vient. Tout est noir. Tout est sale. Tout m'exaspère. L'envie d'être là pour Soan est pourtant parfois présente. Suffit d'un rien pour que tout bascule dans mon esprit. D'une simple fraction de seconde pour que mes sentiments changent du tout au tout. J'dois, je sais pas, avoir le cœur en miette. Et ce sont ces miettes qui bougent et me rendent si dingues.
Et là, entendre Sid me parler de cette façon ne fait que m'enfoncer un peu plus. Il veut disparaître. Il le dit à voix haute. Le voir partir est une chose, le laisser m'abandonner à tout jamais en est une autre. J'suis le seul apte à faire ça. Mon cerveau ne supporterait pas une telle chose. J'ai pas les épaules à me retrouver seul. Suffit que la solitude me prenne pour que je devienne la pire des loques. J'ai tout un tas de substances illicites qui n'attendent que mon organisme pour faire effet. J'pourrais très bien toutes mes les envoyer dans les veines. Agoniser de leur bonheur et finir par m'éteindre dans la médiocrité d'une overdose. Ouais, c'est une solution. Et elle paraît belle, rassurante.
« Sur ce, je dégage. » Mon corps s'active instinctivement à cette phrase. J'pourrais très bien le laisser partir, comme j'ai pu lui demander cinq minutes auparavant. Ouais mais j'y arrive pas. Comme si je prenais soudainement conscience de tout. C'est juste une illusion. Une pulsion parmi tant d'autres. Lunatique et trop instable, ma main s'accroche désespérément à son bras. J'ai la gorge serrée et envie de lui en foutre une. Il a pas le droit de me balancer tout ça à la gueule et de me laisser comme un chien galeux. « Pourquoi t'es revenu ? » Mon regard se plante dans le sien, le soutient. « Si tu me détestes, pourquoi t'as essayé de me retrouver ? » Le bout de mes doigts se posent sur son torse pendant qu'un silence délicat se dessine entre nous. « Sans toi, à New York, j'serais mort. Je le sais, j'te dois beaucoup. » Mes doigts se resserrent sur le tissu de son t shirt pendant que mon front se perd dans son cou. « J'ai jamais cessé de penser à toi. Quand je t'ai vu la dernière fois, j'ai joué au con parce que j'savais pas comment faire. C'est vrai, tu débarques comme ça, j'm'y attendais pas. » Manipulation ou vérité ? Même moi j'en sais rien, j'me perds dans mon jeu. Je suis l'un de ces pauvres soldats amochés qui ne sait que faire pour quitter la guerre. Même quand il tente de se battre, il ne fait qu'empirer les choses. « J'ai pas changé, Sid, j'suis le même qu'à New York. Peut-être en plus pathétique comme tu l'as dit. » Mes mains se perdent au bas de son dos pour plaquer son corps avec insistance contre le mien. « C'est trop con de partir alors qu'on s'retrouve à peine. » J'le serre tellement contre moi que je dois être en train de l'étouffer. Tant pis, si c'est le seul moyen de le garder un peu plus longtemps.