Le seul bruit encore perceptible est celui de ma respiration. Sur un coup de sang, j'ai arraché le câble de la télévision. J'avais besoin de me poser au calme, pas d'entendre les conneries de Jacquouille la Fripouille. J'aurais aimé pouvoir dire que les dégâts s'arrêtaient à ça. Malheureusement, il m'était également pris l'envie de jouer au frisbee avec les assiettes. Hystérique ? Je le suis. J'avais toujours été du genre à projeter ma colère sur les objets qui me tombaient sous la main. Je préférais dépenser des fortunes en vaisselle plutôt que me retrouver derrière les barreaux pour m'en être prise à Soan. Ce dernier était accroupi dans un coin du salon, ses bras enroulés autour du coup de Zero. Le chien semblait plus effrayé que lui. Pas une seule larme n'avait coulé sur ses joues. Dans son regard ne subsistait que l'incompréhension. Je crois que j'avais zappé une étape de sa croissance. Quand est-ce que mon fils avait-il commencé à grandir ? Et surtout, pourquoi est-ce que je n'avais rien vu ? Epuisée, je me laissai tomber de tout mon poids sur le canapé et entrepris de me masser les tempes du bout des doigts. Soan se leva alors pour ramasser mon alliance que Slim avait laissée échapper. Cet anneau qui ne voulait plus rien dire, désormais. Il la glissa dans sa poche et s'approcha farouchement. Il fit une halte entre la table basse et moi pour s'emparer de mon téléphone portable qu'il me tendit, accompagnant son geste d'un faible sourire. Je compris directement où il voulait en venir. Sans piper mot, je composai le numéro de son géniteur et lui rendis le combiné. Le bip d'attente se fit entendre plusieurs fois pour finalement céder sa place à la voix de Slim. J'avais pourtant parié ma main qu'il ne décrocherait pas. « Papa ? » Soan cherchait ses mots. Il avait pas envie d'énerver son père plus qu'il ne l'était déjà. « Tu m'as pas dit au revoir. » Il devait sans doute paniquer à l'idée que sa figure paternelle puisse lui en vouloir. « Tu vas revenir, hein ? »
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Sujet: Re: appel de siham à slim Mer 17 Juil - 0:59
Mes pas traînent sur le sol. Ils sont nonchalants, reflètent colère et toute déception que je peux ressentir. Les paroles de Siham me reviennent en pleine figure de façon douloureuse. J'ai envie de retourner en arrière pour en rajouter une couche. La descendre plus bas que terre et la laisser seule, comme j'ai pu le faire trois ans plus. J'ai aussi envie de la rassurer, mais c'est juste impossible. Comme tout le reste. Alors, je continue d'avancer en direction de nulle part, à la recherche d'un dealer pour m'envoyer une nouvelle dose dans la gueule. Sentir mon cerveau se déconnecter totalement et oublier le visage de la blonde. Perdu dans mes recherches, je mets plusieurs secondes à sentir mon téléphone vibrer dans ma poche. Une remontée acide me prend aux tripes lorsque que le prénom de Siham s'affiche sur l'écran lumineux. Un profond soupir quitte mes poumons encrassés. J'suis tellement con de décrocher. Donnez moi des claques. Des putains de coups de poing dans la gueule, quelque chose. N'importe quoi. Mais pas ça. Un oui agacé vibre contre l'appareil.
« Papa ? » et là, plus rien. Juste de la honte. De la culpabilité. De la connerie. Adieu la haine. Adieu la rage. Bonjour tendresse. La voix de mon fils est si réconfortante que mon timbre se fait instinctivement plus doux. "J'suis désolé mon cœur, j'étais pressé, j'avais pas envie de rater mon bus, tu comprends ?" Je marque une pause, fronce les sourcils tandis que ma gorge serrée laisse à nouveau s'exprimer mes cordes vocales. "Bien sûr que j'vais revenir, pourquoi je reviendrai pas ? On ira au parc la prochaine fois, faire de la trottinette et chasser des pigeons, ça te dit ?" J'ai l'air con. Tellement con : ne pas dire au revoir à son propre fils. Père pitoyable.
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Sujet: Re: appel de siham à slim Mer 17 Juil - 1:59
J'suis désolé mon cœur, j'étais pressé, j'avais pas envie de rater mon bus, tu comprends ? L'oreille de mon fils est tellement collée au téléphone qu'on pourrait croire qu'on lui à greffer sur la tête. Rien qu'à le regarder, je comprends que son cerveau tourne à plein régime. Sans perdre un seul mot de la conversation qu'il tient avec son père, il analyse la situation de son point de vue. « Si t'es rentré en bus, alors pourquoi ta trottinette est plus là ? » Soan, ou le meilleur détecteur de mensonges connu à ce jour. Si je n'étais pas sa mère, j'aurais juré qu'il était le fils caché de Sherlock Holmes. « J'ai eu peur parce que t'as laissé tes clefs sur la table. C'était stupide de ma part. » Il sait qu'il a raison, mais il ne veut pas jeter de l'essence sur le feu, alors il abdique. Son visage reprend vie lorsque les mots trottinettes et parc sont énoncés. Dieu seul sait à quel point il aime les entendre. « Et c'est d'accord, pour le parc. Je vais te montrer c'est qui le plus fort, une fois encore! » Son bonheur a le don de me calmer, de m'irradier. J'en oublie presque la raison de mon énervement. Inconsciemment, je passe ma main dans ses cheveux en souriant. Comme quoi un sourire en entraine un autre. Ah, ce que je peux l'aimer, mon petit rayon de soleil. « J'te passe maman. Bisous, je t'aime. » Prise au dépourvu, je lui fais signe de raccrocher. J'ai absolument rien à lui dire. Mes mots se sont fait la malle en même temps que lui. Et pourtant, pourtant, je me retrouve là, à lui parler comme une adolescente qui a le béguin. Pathétique. « Je vais pas m'excuser parce que j'estime que ma réaction était justifiée mais cela n'empêche que j'aurais pas dû t'expédier comme ça. Encore moins devant le petit. C'était puéril et inutile. » Je m'arrête brusquement. Jette un coup d'œil à la pagaille que j'ai semée autour de moi. L'ouragan Siham a frappé, une fois encore. « Faut juste que la pilule passe. Et là, je crois que je l'ai carrément avalée de travers. » Ou que je me suis carrément étouffée avec. « Je passerais déposer le papier signé dans ta boite aux lettres demain matin. Ca ira pour toi ? » J'arrive pas à croire que je viens de lui dire ça sans perdre mon calme. Il doit certainement se poser des questions, lui aussi. « Pas de coup de pute en perspective, j'te le promets. » C'est le moment choisi pour raccrocher. Pourtant, je suis toujours au bout du fil, à prier pour qu'un miracle se produise.
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Sujet: Re: appel de siham à slim Mer 17 Juil - 2:29
Je reste silencieux aux paroles de Soan. Parce que ce gamin a raison et que je passe mon temps à lui mentir. J'ai plus la force de poursuivre plus loin ce mensonge. Alors, je me la ferme. Pour lui faire oublier que son père n'est qu'un connard. Je tiens fébrilement le combiné et laisse s'échapper un « Je t'aime aussi. » entre mes lèvres encore asséchées par la colère. J'ai l'impression d'avoir avalé des morceaux de verres tellement ma gorge est douloureuse. La voix de Siham se fait à présent entendre. Je ferme les yeux, persuadé que celle-ci m'enverra une nouvelle dose d'insultes à la gueule. Bizarrement, la colère semble avoir quitté son âme, comme un démon exorcisé. Mes nerfs à vifs se calment en entendant ses paroles. Et comme un pauvre con que je suis, je reste silencieux. Je ne la coupe pas pour lui dire qu'elle a raison. Je ne dis rien. Rien du tout. C'est tellement plus facile d'écouter. De toute façon, je suis incapable de rajouter quoi que soit au sujet de cette histoire. Le mariage aura lieu, point. Il n'y a pas à pleurer. Il n'y a pas à gueuler. Il n'y a pas à insulter. Slim Curtiss a pris sa décision.
« Je passerais déposer le papier signé dans ta boite aux lettres demain matin. Ca ira pour toi ? » Enfin, mes cordes vocales se décident à vibrer. « C'est ok pour moi. » Ok, rien que ça. Je trouve rien de mieux à lui dire. « Pas de coup de pute en perspective, j'te le promets. » Mon cœur rate un battement à cette phrase. La mâchoire serrée à l'extrême, mes doigts se resserrent d'avantage sur le téléphone. « J'espère … merci, en tout cas. » Le timbre de ma voix est dépité. Trop blasé pour m'appartenir. « à bientôt, Siham. Prends soin de toi. » Et c'est comme ça, sur cette phrase si simple que je raccroche. Pas encore apte à prendre une décision quelconque. Tout est encore trop frais. Trop douloureux. Trop brûlant.