Je m'emmerdais. Cette journée ressemblait à un énorme emmerdement total. Les chiens pleuraient en observant dehors. Moi. J'bossais. Je bosse pas souvent. Surtout quand je m'emmerde. Ce qui fait que je bosse qu'en après-midi. Et seulement quelques heures. Le temps passe trop vite. Ils ont besoin de prendre l'air. De courir un peu. Ils étouffent. Je prends les laisses. Je prends les chiens. Je sors de l'appartement. Croise la vieille qui me tape la discute dans l'ascenseur. J'fais semblant d'en avoir quelque chose à foutre. On sort. On est enfin libre. Mes chiens sont jamais en laisse. J'ai juste à donner des ordres pour qu'ils m'écoutent. J'les ai dressés moi-même. J'suis douée pour dresser les chiens. On arrive au parc. Ils se mettent à courir. Ils le savent. Le parc est leur territoire. Ils font ce qu'ils veulent. Ils sont libres ici. Je sors une clope de mon paquet. La pose entre mes lèvres. L'allume. Et tire. J'ai tendance à aimer cet endroit. Les arbres ont l'air anciens. Ils ont l'air d'avoir eu une longue vie. Heureuse et pleine de choses géniales. Je regarde le ciel. Souris presque. La nuit tombera dans longtemps. J'attends la pluie. J'aime la pluie. Il va faire moche. Il va sûrement bientôt pleuvoir. Les nuages courent dans le ciel. C'est presque parfait. Tellement parfait que je me rend pas compte que j'avance. Tellement parfait que quand je rentre dans un parfait inconnu. Jm'en rend pas compte. Je manque de tomber. Je me reprend. Je m'éloigne. Fronce les sourcils. Je le connais. J'ouvre de grands yeux. Paul. Paul ? « Paul ? Mais qu'est-ce que tu fous là ? ». Alors là c'est la merde. Je suis dans la grosse merde... On s'était connu quand on était encore des gosses. Je le connaissais. Il me connaissait. L'ancienne Nausicaa. Celle qui portait des robes. Celle qui avait l'air d'une fille. Celle qui rigolait. Celle qui pleurait. Celle qui avait encore un père. Je soupire. J'ai l'air d'un monstre comme ça. Avec des bleus. Un perfecto. Un jean noir. Un t-shirt noir. Des boots. Des cicatrices. Non... Je suis totalement différente... Et j’espère qu'il ne réveillera rien en moi.

J'arrivais pas a y croire. Il était là. Paul. Mon amour de vacance. Mon seul et unique amour de vacances. J'avais envie de partir en courant dans l'autre direction. J'avais envie de savoir ce qu'il était devenu. Perdu entre deux envies. J'étais un peu dans la merde. Il avait presque pas changé. Juste grandi. Prit de la maturité. Ca lui faisait pas de mal tout ça. J'étais surprise. Réellement. Et c'était sûrement la première fois que je ne feignais pas un sentiment. Il me connaissait pas comme ça. J'étais une fille normale avant. Avec des robes, des talons. Des manières. J'suis devenue un dépotoir. Il le voyait. Il me reconnaissait même pas. J'pouvais pas lui en vouloir. Il aurait pas pu voir la fille en moi. Personne peut. A part peut-être Time. Et certaines connaissances. Je hausse les épaules. Passe une mèche de cheveux derrière mon oreille. Les chiens reviennent vers moi. « Nausicaa. Je... On s'est connu y'a des années. C'est normal. Tant pis... Désolée de vous avoir dérangé... ». Les clébards m'offraient une magnifique porte de sortie. J'avais réellement envie de la prendre. Alors j'me suis retournée vers l'autre côté. Avance. Si j'avais pu j'me serais mise à courir là. Mais les chiens se seraient senti pousser des ailes. Oh non. J'voulais pas qu'ils se poussent des ailes. Sinon j'aurais même pas pu arriver à la sortie.

HJ: désolée du retard, j'fais des horaires de malade en ce moment, c'est horrible  

Paul Lacoste a écrit:

« Nausicaa. Je... On s'est connu y'a des années. C'est normal. Tant pis... Désolée de vous avoir dérangé... » Elle était plantée devant moi, remettant une mèche de ses cheveux, sans aucun doute excessivement gênée. Je maudissait ma mémoire de me faire défaut juste à ce moment là. Nausicaa, Nausicaa, un prénom pourtant si rare, si il était passé dans ma vie devrait me revenir très vite. Ses chiens revenaient vers elle, suivis de Lennon, enfin, j’imaginais que ce devait être les siens. Je repassais ce prénom dans ma tête et le son de cette voix. Pourtant à l'oreille, cela m'était familier mais la sensation n'allait pas avec la personne qui était devant moi. Petit à petit, alors que Lennon venait me sauter dessus et que je rattachais sa laisse, des images, des flashs, refaisaient surface. « J'ai connu une fille qui avait le même prénom que vous, il y a très longtemps, en vacances dans le sud-est de la France ... » Il était impossible que ce soit-elle. La fille de mes souvenirs était une ex, un amour de vacances, elle avait six ans de moins que moi et nous avions été un couple adorable quand j'avais vers les vingt ans. Je crois que j'avais eu une peine de coeur quand le troisième été, je ne l'avais pas revu et que cela avait plus ou moins scellé le contrat tacite de notre relation. Je l'observais, certain de mon erreur sur la personne.

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Mes lèvres se pincent. Il avait trouvé. Il avait trouvé qui j'étais. A l'époque, j'étais folle amoureuse de lui. Il était beau. On était en vacances. J'avais l'air d'une fille normale. J'avais mes longs cheveux blonds. Des maillots de bain deux pièces. Des jupes. Des robes. Des choses féminines plein mon placard. Le pauvre, il allait jamais me reconnaître. Ca faisait tellement longtemps. J'avais peur. Peur qu'il soit déçu de me retrouver et que je ressemble à un tel dépotoir. Je l'assumais cette apparence désastreuse. Mais tout de même. Il faisait partie de mon passé. Un passé que j'avais du mal à apprécier. Et s'il évoquait mon père. J'pense que je le frapperais. Je décide de me retourner. Passe une mèche derrière mon oreille comme je le faisais quand j'étais gamine. Hausse les épaules et regarde mon allure. « C'est ça... C'est moi... Nausicaa des vacances. Ca fait longtemps... Très...Très... Trèèèès longtemps. On a pas mal changé. J'ai pas mal changé surtout parce que toi t'es toujours pareil... A par les fringues. ». Je me rapproche. Les chiens me suivent. Ils sont sûrement curieux comme jamais. J'dois être devenue une putain d'attraction. Ils se foutent de ma gueule. Je le regarde. « T'es devenu quoi alors ? T'as sûrement trouvé un super boulot et un super appart à Paris... ». Je savais pas du tout quoi faire à cet instant... Il me faisait peur. Il me terrifiait. Gênait.