J'adore emmerder Slim. J'ai envie de le frapper tout le temps. J'ai envie de le frapper si fort que sa tête ferait le tour de son orbite. Un putain de 360°. Ce serait épique. Le pauvre petit cœur. Il souffre tellement. Avec sa pauvre petite lèvre qui saigne. Ca me donne encore plus envie d'en rajouter. Ouais, il doit bien me détester. Comme 90% des personnes qui habitent Paris,  le reste me connait pas, et seulement une personne doit m'apprécier. Il me répond. Je hausse un sourcil. Il a un gosse ? Lui ? A nourrir ? Alors là j'en reviens pas. Je le voyais pas père de famille. J'le voyais branleur avec une bite-radar à vagin. « Toi ? T'as un gamin ? Bah putain, j'en reviens pas là ! Tu m'troues l'cul là ! ». C'est pas haineux. Ni une moquerie. Juste une sincère surprise aux vues du personnage. Je m'emmerde. Alors j'lui tend de la bouffe histoire de passer le temps. J'adore la bouffe. J'aime ça. J'pourrais en bouffer plein. Tout le temps. J'suis fan de la bouffe. Il en veut pas. Il veut même pas me baiser. Quel connard il fait. Je souris. « J'temmerde papa poule ! Je faisais un acte de charité. Ca m'arrive tellement rarement. Et je baise régulièrement avec tout un tas de mecs alors discutes même pas. J'suis sûre que tu baises même pas une fois par semaine. Ta queue doit être trop petite... Ou trop molle... Mon pauvre. Ca doit être dur d'être une couille molle... ». Je souris. Prend un chichi. Commence à le manger. Fait semblant de le sucer. Un regard de salope. Croque dedans. Souris. « Vas te faire foutre avec ton sourds et aveugle. J'suis pas une chienne. J'prend pas les merdes. ». Je hausse un sourcil. Bouffe mon chichi. Essuie le bord de mes lèvres. Soupire. Il commence sérieusement à m'emmerder. J'ai envie de le frapper. Ouais. J'pense que j'vais bientôt le frapper. J'sais pas quand. J'vais le frapper. « Sinon cerveau de poule... Quoi de neuf chez toi à part la croissance régulière de ta connerie légendaire ?  Ca doit être tellement dur de pas pouvoir épeler son prénom sans se gourer... ». Un large sourire aux lèvres. Je passe une main dans mes longs cheveux blonds. J'pourrais être baisable. Si il avait une utilité. Ou si il me voyait en sous-vêtements....

La musique autour d'eux se fait plus triste, comme pour les accompagner dans cette conversation.

- C’est… un problème ?
Oui, donc. Bleuenn demeure vierge. Comme lui. Quoi ? Elle ne compte plus. La fille. Elle n'est plus rien, physiquement parlant, et elle n'est plus rien, à côté de la grandeur mentale de Bleuenn. Virginité annulée.
Un grand sourire cherche à s'étendre sur les lèvres de Basile, mais elle continue sur sa lancée et il ne voudrait pas lui couper la parole d'un sourire trop large.
- C’est compliqué. Je suis pas de ceux qui attendent le mariage, mais… Je voulais pas faire ça avec n’importe qui, comme celui qui me laissera tomber le lendemain. Tu vois ?
Ce qu'il voit surtout : le tutoiement. Enfin, Bleuenn, enfin. Il est naturel, doux comme un oreiller qui caresse les oreilles de Basile. Elle a dit tu. Il autorise le sourire, cette fois.

Elle se tient si proche de lui. Sa bouche sur son oreille, tête sur épaule, mains enlacées. Si elle continue comme ça, elle va pas rester vierge bien longtemps. (Oh, Basile.)

Elle s'éloigne, mais reste proche de lui, leurs lèvres à quelques centimètres, prêtes à s'attraper. Elle grimace - il craint quelque chose de moche.
- Et puis, il y aura toujours l’ombre de l’affaire James pour aider.
Pauvre enfant.
Difficile de pas ressentir de peine pour elle maintenant qu'ils s'aiment d'amour.

Il voudrait qu'elle sache : lui, il partira jamais à cause de James. C'est peut-être mal, après tout ça, mais James, Wallis, c'est derrière eux, loin, bien loin.

Elle l'embrasse, et il le lui rend bien, en essayant de lui glisser ces mots en même temps qu'ils font leur affaire : je suis là.

Il rit, Basile.
- On fait vraiment un peu tout ... n'importe comment. On devrait essayer de ... tu sais. Faire le couple normal.

Couple.
Ouais. Bleuenn et lui, ils sont un couple.

Il attrape sur la tête de quelqu'un qui passe par là une couronne en plastique. Pour la poser sur la chère tête de son amour.
- Tiens. Petite reine Lemoine.

Elle pourrait être jolie Nausicaa. Attirante aussi. Mais suffit qu'elle ouvre la bouche, qu'elle fasse un geste pour que la magie disparaisse. Ce doit être l'une des seules filles que je me permets de frapper sans regrets. J'me dis qu'elle mérite ce qu'elle a et puis voilà. S'il lui arrivait moins souvent de chercher la merde, on en serait pas là, tous les deux. Fin, au fond, c'est ce qui tient notre lien. Sans ça, on se regarderait certainement pas la gueule. Ne pas l'avoir dans ma vie ne me manquerait pas non plus. Seulement, Nausicaa est là, elle m'énerve, me rend dingue. Et j'y reviens quand même, parce qu'au fond, ça change des autres. Des autres qui sourient faussement. Des autres qui dépriment … juste des autres, en fait. La blonde s'énerve, toujours de façon aussi classe et perverse. L'effet Nausicaa quoi. Et moi je lui souris, je lui souris en l'écoutant déblatérer ses conneries. Mes poings se resserrent légèrement quand je l'entends me traiter de couille molle. « Nausi … la masturbation ça compte pas dans la baise. Le porno, c'est fictif, comme ta fameuse vie sexuelle. » On se bouffe le nez pour des conneries, toujours pour le même genre de futilités. Le temps passe quand même plus vite depuis que j'ai retrouvé ici. Et elle continue, de parler de ma bite. De sa taille, de sa performance. Ça m'emmerde, royalement. Alors, toujours aussi dégueulasse, j'attrape vivement sa main et la plonge dans mon boxer. « T'as gagné, j'suis mou. Elle veut pas bander pour toi. » J'empoigne son chichi, qu'elle vient de sucer et le termine. Juste pour l'emmerder, toujours tout pour la faire crier. Hurler. C'est tellement jouissif de la voir dans tous ses états, à cette fille. Dans ces moments là je la trouve plus attirante. Les pupilles dilatées, les poings serrés, les traits marqués par la colère. Je lâche enfin sa main pour lui rendre sa liberté. Je passe au dessus de sa blague sur ma connerie et lui réponds naturellement. « Oh bah comme tu l'vois, j'fais une pause entre deux voyages d'affaire. Demain j'pars pour la Chine, vois-tu. » Ironie, douce ironie. Je marque une pause, le temps de regarder la foule et poser à nouveau mon regard sur elle. La femme qui passe sa main dans ses cheveux. La blonde. La vipère. « Et toi, à part te la péter alors que t'as même pas de seins, tu fous toujours rien de ta vie ? » Ouais sinon, c'est à peu près ça, ma façon de prendre des nouvelles.

Je hausse les sourcils. C'est toujours comme ça avec Slim. J'ai envie de l'abattre. Il m’exaspère. Je l'exaspère trois fois plus. Et pourtant il continue de revenir. Je reste là sagement. Après tout, c'est toujours marrant de se faire frapper par un homme qui a peur. Il aime pas que je parle de ses performances sexuelles dans le mauvais sens. Ça l'énerve encore plus. C'est pour ça que je continue. Je hausse les épaules. Fait la sôte pour me foutre de sa gueule. « Si la masturbation compte pas alors comment tu comptes tes partenaires. Tu sais t'as qu'une main... Donc... Oooooh, mais ça fait qu'une personne ! ». Je souris largement. Me mord la lèvre. Lorsqu'il attrape ma main, j'ai presque le réflexe de lâcher les chichi. Puis me reprend. J'vais pas lui en foutre une tout de suite. Il la fourre dans son boxer. J'touche son membre. Hausse un sourcil. Je l'imaginais certes moins gros, mais ça change rien à ce que je comptais lui dire. Une femme nous regarde. Je la regarde. Me lèche la lèvre supérieure. Me mord l'inférieure sensuellement. Choquée. Elle part en grognant. J'me marre. « J'suis sûre que le jour où tu me vois entièrement nu tu banderas comme un taureau... Où juste quand j'aurais l'air d'une femme... Juste pour ça j'ai envie d'avoir l'air d'une putain de salope... ». J'souris. Le regarde. Il fini mon chichi. Je soupire. Il a toujours pas libéré ma main alors plutôt que de rien foutre. J'touche. J'en fais le long. Je passe le temps avec ce qu'on me donne. Il me rend ma main. Je souris. L'essuie sur mon pantalon. Reprend un chichi. J'suis du genre à rien en avoir à foutre de l'hygiène. Alors tant pis. Je croque dedans alors qu'il m'explique à quel point sa vie est pourrie. Je hausse une énième fois un sourcils. Comme si il avait des choses à foutre. J'aurais presque pu me marrer comme une truie ! Il en remet une couche. J'ai soudainement envie de le frapper. Alors je prend sa main à lui aussi. La passe sous mon t-shirt. La pose sur mon sein dénudé. Soupire. Presque exaspérée. « Ils sont assez petits pour toi ? Ou alors tu veux que je me les fasses refaire pour en avoir plus dans la main... Enfin d'après ce que je vois, t'en prends un en pleine main... C'est déjà un bon début ! Sinon j'fous toujours rien à part emmerder le monde entier. J'suis douée pour vous emmerder... ». Je souris. J'compte pas lui parler de Time... Ni de Sid d'ailleurs. Ni de ma mère. Il sait très bien qu'on a pas ce genre de conversation. Il sait même pas que j'ai pas de père...

Je suis allée poser un truc chez une amie. Cette amie m’a poussé à rester chez elle, puis à l’accompagner danser. Tout ça pourquoi ? Pour me retrouver seule dans la foule au bout de… Deux minutes chrono en main. Elle était en chasse et je la gênais je crois. M’enfin je m’étais pas tellement décidée à rentrer chez moi, tout en n’étant pas vraiment à fond dans le mouvement. La musique était cool mais les gens trop relous. Je n’aimais pas la foule. Je me sentais étouffée, puis certaines personnes me regardaient d’un air lubrique sous peine d’avoir mis une robe, d’autres faisaient pas gaffe avec leur bière et en reversaient partout. OK, fallait que je rentre avant de tuer quelqu’un.

Je m’arrêtai net lorsque je reconnus une silhouette devant moi. C’était Slim, j’en mettrais ma main à couper. Il n’était pas seul. Alors peut-être que je devais passer mon chemin… Mais non. J’y suis allée parce que j’étais trop curieuse de voir avec qui il était – et éventuellement casser son coup. Ouais, il m’arrivait d’être peste parfois…

C’est donc en courant que je rejoignis Slim, bien contente de le retrouver – oui parce que je l’aimais ce crétin quand même.

« Sliiiiiiiim, tu me sauves ma soirée ! Hurlai-je avant de lui sauter dessus, de l’embrasser partout sans même prendre considération de la personne qui l’accompagnait. »

Oui, je m’étonnais moi-même de réagir de la sorte mais, ça faisait un petit moment qu’on ne s’était pas vu et le temps commençait à se faire long. Puis c’était Slim. M’enfin, tout ça aurait pu être fort sympathique si j’avais continué à ignorer l’autre personne. Non parce qu’autant dire que je venais de faire un petit tour dans l’insupportable ascenseur émotionnel quand je constatai, non sans dégout, que la personne en question était la frapadingue du 114. D’ailleurs, je n’arrivai même pas à cacher ma déception.

« Oh non, Slim. Pas toi. Pas elle, merde ! Lâchai-je tout en faisant la grimace tout en me décollant brusquement de Slim. »

Rien que de les voir là, ensemble, me donnait envie de rendre. Finalement, j’aurais mieux fait de tracer ma route. Rester là m’était trop insupportable. J’ai donc battu en retraite, sans même prendre la peine de dire au revoir. De toute façon, il valait mieux  ça que d’exploser cette fille – même si la deuxième option est largement plus tentante que l’autre.  

Quelque chose au fond de moi me hurle de laisser tomber ce chariot, que ça ne mérite pas toute cette obsession ridicule. C'est sans doute la voix de la raison, mais je ne l'ai jamais écoutée. Les mains crispées sur les bords du stand, je me sens près à en découdre. Je suis prêt à déclencher une bagarre pour un stand de barbe à papa. Mais pas n'importe lequel, c'est le mien. On me l'a donné, j'en suis responsable. Je n'ai pas baissé le regard une seule seconde depuis que j'ai parlé à l'autre débile d’exhibitionniste. Je tiens à lui montrer que j'ai du cran, que je me battrai jusqu'au bout, et qu'il aurait mieux fait de voler ce stand à quelqu'un d'autre. Je crée une atmosphère électrique à moi tout seul. C'est tellement risible, mais c'est mon esprit malade qui se montre au grand jour. Je ne suis qu'un gamin qui à ses caprices, et à qui on ne peut rien refuser. Je serre les mâchoires, sans pour autant décontracter mes mains. Je m'accrocherai à ce chariot toute la soirée s'il le faut. Un gars s'approche de nous, je ne le vois pas jusqu'à ce qu'il prenne la parole. « Dis voir, mon amour, je croyais qu'on se disait tout l'un à l'autre. Tu sais, si tu as besoin d'aide, je peux t'aider. Tu sais bien que je ferais tout pour toi. » Je tourne la tête vers lui, mon expression doit être comique car je ne m'attendais pas à ça. Tout ce que je parviens à sortir c'est un « Euh... Oui? » dénué de toute intelligence. Ce gars là doit avoir déjà bien entamé la soirée au vu de sa cravate nouée autour du crâne et ses lunettes plus que ridicules. Puis finalement, puisqu'il a l'air convaincu que nous sommes un couple, je me dis qu'il peut peut-être m'être utile. « Ce méchant gars que tu vois là, m'a volé mon stand, tu voudrais pas lui foutre une raclée pour moi? » Ma voix se fait gémissante pour l'attendrir, et si un mec bourré n'est peut-être pas efficace dans une bagarre, au moins il fait office de distraction.

Elle attrape ma main, comme ça. La pose sur sa poitrine. Tout naturellement, je palpe un peu la marchandise. Ses seins sont plus gros que je ne le pensais, certes. Ma fierté est juste trop démesurée pour se l'avouer. Alors, une grimace se dessine sur mon visage, puérile, gamine. Je me répète une nouvelle fois qu'elle est conne. Que cette fille aurait mérité de finir dans une capote. C'est peut-être dégueulasse de penser de telles choses, j'en sais rien, je m'en fous. J'ai jamais été réputé pour mes valeurs morales. Ma mère disait souvent qu'il ne fallait pas souhaiter le malheur des gens parce que c'est moche et complètement con. Moche et con, bien à la hauteur de la blonde. L'idée même de calmer le jeu ne me traverse pas l'esprit. On a vu pire que toucher les seins d'une meuf en public. Ses paroles acides sont aussi ironiques que les miennes. A se chercher, on finit toujours par se trouver. Si elle aimait pas ça, elle partirait t'façon. Mais non, Nausicaa est toujours là, à chercher le dernier mot. « Tellement douée que tu nous ferais presque pitié. Ta mère a pas arrêté de te battre durant ton enfance, c'est ça ? Ouais hein, c'pour ça que tu fais chier le peuple, pour te venger. Vu l'être abject que t'es, je la comprends. J'crois même que j'aurais pas hésité à t'abandonner à l'orphelinat. Dis toi que t'as été chanceuse. » Parler du passé, de la famille, c'est certainement pas le genre de chose à faire. C'est un peu comme poser les mains sur la flamme en sachant qu'elle va brûler. J'ouvre une nouvelle fois la bouche, prêt à attaquer et en rajouter une couche. Sauf qu'à la place de ça, des bras entourent mon cou. Je sursaute légèrement, me retourne vivement et souris lorsque le visage d'Ina m'apparaît. Suffit de plonger mon regard dans le sien pour effacer la blonde de mon esprit. La blonde et ce que j'ai pu lui dire. Tout naturellement, mes lèvres se posent sur sa joue, pour la saluer et lui prouver mon affection. « Ina tu fous quoi ici ? » ouais, ça m'étonne de la voir à la fête de la musique, elle, la coincée, la sauvage. Ina quoi. J'ai pas le temps de faire les présentations qu'elle se casse déjà, en furie. En fait, j'crois même qu'elle connaît déjà Nausicaa. D'ailleurs mon regard se pose sur elle, un instant, je lui vole un chichi, toujours souriant. « Te suicide pas, j'reviens. » A ces mots, j'accélère le pas pour rattraper Ina par le bras. « T'es pas sérieuse à me laisser en plan comme ça ? » Je suis même pas énervé, loin de là. Ça fait juste longtemps longtemps que je l'ai plus vu et elle s'casse déjà. « J't'ai pas remplacé hein, t'es toujours la femme de ma vie. » Beau parleur, beau parleur. Sans crier gare, mes mains attrapent son visage pour le rapprocher du mien et l'embrasser fougueusement. « Reste avec moi, en plus t'as rien à foutre chez toi. Sauf peut-être nourrir ton chat mais il peut attendre. » Ouais hein, il peut attendre, non ?

J’étais vraiment énervée. Enervée et très déçue. De quoi, je n’en savais trop rien mais le résultat était là : j’avais les nerfs en pelote et fallait que je rentre chez moi pour me calmer à grands coups de poings sur mon punching ball en imaginant la tête de l’autre conne. Elle n’avait pas le droit de me pourrir la vie à ce point-là. Elle me faisait suffisamment les peu de fois où j’avais le malheur de la croiser. Elle ne pouvait pas en plus s’incruster dans ma vie d’une manière ou d’une autre. Encore moins en grattant l’amitié avec Slim. Cette fille mériterait de vivre seule, avec sa connerie. Peut-être que, maintenant qu’elle m’avait vu, elle allait tout faire pour me pousser à bout la conne. Et si elle racontait de la merde sur moi pour mettre Slim dans sa poche ? Et s’il me lâchait à cause de ça ? Il en serait capable. Slim était capable de tout. J’accélérai le pas. Fallait vraiment que je rentre chez moi. Et vite.

Je fus arrêtée dans ma course. Quelqu’un m’empoignait le bras. Ce n’était pas le moment de me gonfler, mais alors pas du tout. C’était Slim.

« Fiche-moi la paix ! Dis-je tout en dégageant mon bras pris en otage. »

Je voulais ajouter que c’était qu’un foutu baratineur de merde et qu’il ferait mieux de me laisser partir, mais le fourbe avait déjà ses mains sur mon visage. Il m’a embrassé comme je ne sais pas quoi. Je détestais quand il faisait ça. J’étais pas sa copine, merde ! Puis ça me gonflait parce que ça avait toujours tendance à m’apaiser. Et là, maintenant, de suite, ce n’est pas ce que je voulais. Retrouver mon chez moi à taper comme une dingue sur un sac de sable, c’était ça que je voulais. Mais voilà, après ce baiser, je me sentais ridicule. Comme toujours. Et comme d’habitude, Slim pouvait me demander ce qu’il voulait, je le ferai. Quelle conne je faisais, tiens !

« Merci de me rappeler que j’ai une vie sociale pourrie, Slim. Commençai-je, un tantinet énervée. Et arrête de dire que je suis la femme de ta vie, y a toujours eu que ton cul qui éveille ton intérêt. Oh et, dernière petite chose, la prochaine fois que tu m’embrasses comme ça… Attends-toi à ce que je te viole. Terminais-je, un petit sourire pervers sur les lèvres. »

J’entourai mes bras autour de sa nuque, déposant un doux baiser sur sa joue avant de loger ma tête dans au creux de son cou.

« Je l’aime pas cette fille, Slim. Me demande pas de rester avec elle s’il te plait, ça va mal finir. Je n’ai pas envie que tu me vois sous mon plus mauvais jour. »

Un trop plein d’affection pour te réconforter.
Message reçu, cinq sur cinq.

« On fait vraiment un peu tout … n’importe comment. On devrait essayer de … tu sais. Faire le couple normal. » Couple… Aoutch. C’est vraiment étrange d’entendre ce mot pour vous désigner. Ça t’en donne des frissons.

Tu réfléchis, longuement. Parce qu’en dehors de la différence d’âge assez… importante et des conséquences qui en découlent (ne pas pouvoir vous voir quand vous le souhaitez, éviter les gestes affectifs dans des zones où l’on pourrait vous reconnaître, etc.), vous vous en sortez pas trop mal à ton avis. Il est vrai que tu n’étais pas réellement sortie avec qui que ce soit avant Basile. Au lycée, c’est surtout pour s’afficher avec quelqu’un d’autre. Du moins, en ce qui te concerne, ce fut le cas. C’est triste quelque part, certes. Alors cette définition t’échappe.

Quand il te parle de faire n’importe comment, tu es à des années lumières de votre image : il y a des filles – parfois de ton âge – qui tombent enceintes avec le premier venu. Case mariage, dès qu’elles le peuvent, pour des formalités administratives, il parait. Ou une connerie dans le genre, pour faire « normal ». Après quoi, ils finissent par tomber amoureux. « Tiens. Petite reine Lemoine. » Tes joues reprennent cette teinte vive et tu articules tout juste un petit « merci ». En contre partie, tu n’as pas grand chose à lui offrir. Pas de seconde couronne en plastique en vue. Dommage. Un roi sans couronne, ce n’est pas normal. « Alors monsieur Tiersen, que fait un couple normal ? Parce qu’on en est pas vraiment un, à la base. » Tu as pu observer tes parents, mais ce n’est peut-être pas le bon exemple d’un couple normal. Pas toujours. Ils s’aiment. Ils ont tout un tas de gestes affectifs. Mais ils sont tombés dans cette foutue routine : boulot, dodo, disputes et réconciliation (à coup de fleurs, de restaurants ou dans des draps pour les cas les plus extrêmes). Dans un monde idéal, dans un monde selon Bleuenn, tu bannirais les disputes.

Après réflexion, tu te dis qu’un couple normal passe du temps ensemble. Loin d’ici, une fois le bac passé, ce sera certainement chose possible. Sans Léonie dans vos pattes – aussi adorable est-elle, c’est gênant à tes yeux. Sans tes parents. En attendant, vous devez faire profil bas. Tu ne veux pas lui créer de problème. « Ven… Viens, allons écouter quelque chose de moins triste. » La main toujours dans la sienne, tu le traînes un peu plus loin. Une autre scène. Uh, cette fois ça bouge de trop. Et puis, il y a un type qui traîne avec son… crocodile, alligator… Whatever. C’est super bizarre et effrayant pour le coup.
Suivante.

Rien à ton goût ce soir. Tu es vachement occupée, préoccupée par ce que font les couples normaux. Qu’est-ce qui lui a pris de te mettre cette idée dans le crâne ? Pleine d’interrogation, tu le fixes de nouveau.

Elle dit merci, la mignonne, et elle arbore sa couronne presque avec fierté. Il voudrait rectifier l'appellation : elle est reine Tiersen. On jette Lemoine à la poubelle, maintenant, c'est sa petite Tiersen.

Mais la grande question :
- Alors monsieur Tiersen, que fait un couple normal ? Parce qu’on en est pas vraiment un, à la base.

Il rit un peu. Un couple normal.

- Je sais pas, j'imagine qu... qu'ils ... vont au cinéma et au restaurant ... ? Et qu'ils vont voir leurs amis. Et boire des verres et tout.
Là, il rit franchement. Il les imagine plutôt, Bleuenn et lui, caché derrière un arbre, lisant Vian, Malzieu, résolvant des équations mathématiques.

La fête de la musique, c'est vraiment un truc de couple normal.
Et pour eux, ça fait très certainement bizarre.

Être au milieu de la foule. Et savoir que les gens peuvent les voir. Le prof et l'élève. Savoir que n'importe qui du lycée pourrait les surprendre, là.

Il vient de brusquement prendre conscience de leur drôle de situation illégale.

- Ven… Viens, allons écouter quelque chose de moins triste.
Gêne. Il a envie d'aller se cacher.
- On pourrait aussi rentrer ? ... Je ... Pardon de faire le rabat-joie. Reste, si tu veux.

Fiche-moi la paix !
Oh bah, au moins, ça c'est fait. Ina me demande de la laisser seule. J'aurais très bien pu le faire si j'étais moins têtu. Malheureusement -ou heureusement- pour elle, je suis de ce genre de gars qui ne laisse pas tomber l'affaire aussi facilement. Comme si ce simple baiser, ce contact de nos lèvres allaient suffire à la faire rester. L'idée est bercée d'espoirs. Pas impossible. Juste naïve. Impuissant, je plante tout de même mon regard dans celui de mon amie. Ce genre de regard la suppliant de ne pas me laisser seul avec Nausicaa. Nausicaa que je n'ai jamais su supporter. Nausicaa et tous les autres d'ailleurs. Vadim a disparu de mon champs de vision depuis un moment. Sinon, je ne connais personne. Le clampin avec l'accent américain et l'air complètement perdu, c'est bien moi. Slim Curtiss et sa folie légendaire. Que certains nomment de connerie. Mais ces gens là n'y connaissent rien. Ce sont seulement de pauvres abrutis. Oui, tous des abrutis. Ce doit être pour ça que je m'efforce de retenir Ina à la fête de la musique. Elle est de ceux qui ne se sont pas arrêtés à ma gueule de toxico dépravé. C'est tellement dégueulasse et cliché comme image que cette idée suffit à me donner la nausée. Même les coquilles vides peuvent avoir à offrir des choses. Ok, peut-être pas des vacances de luxe ou des conneries du genre mais juste un peu de bonheur. Comme ça, éphémère, mais du bonheur.
Du bonheur désespéré. Le bonheur artificiel que les camés côtoient chaque jour.
Il ne vaut pas moins que les autres. Ni plus. Du bonheur.

Les paroles d'Ina caressent mon cerveau sans y pénétrer mes pensées. J'essaie de me persuader qu'elle rit et ne pense pas réellement tout ça. J'ai jamais vraiment eu à lui prouver quoi que ce soit jusqu'ici. Alors, au final, elle a le droit de me désigner comme un égoïste. Et pour une fois, je ne rechigne pas à ces paroles. J'attends seulement qu'elle déballe son sac. Quitte à rendre les choses plus difficiles. La dernière note qu'elle m'offre semble pourtant positive. Ses bras s'accrochent même à mon cou. Instinctivement, je l'enlace donc de mes bras ruinés et la serre contre moi en souriant. « Tu sais bien qu'avec une victime consentante, on appelle pas ça un viol. » Ma bouche est si proche de son oreille que je prends même le temps de lui mordiller celle-ci. J'sais très bien qu'elle n'aime pas que je la tripote et j'en fais des tas. Peut-être pour tester nos limites, j'en sais trop rien. Mais une chose est sûre : je mordille son oreille en l'enlaçant. Au diable les regard posés sur nous et les pensées qui en découlent.
La frigide, en couple avec le toxico, vraiment ? Et même bien plus que ça.

Je prends enfin le temps de reculer mon visage du sien et la fixe longuement. « J'te demande pas de l'apprécier ou je ne sais trop quoi. » Je marque une pause, passe ma main dans son longue chevelure et l’entraîne avec moi vers la foule. « J'ai juste envie que tu restes avec moi, qu'on danse jusqu'à transpirer comme des porcs. Ensuite, en rentrant, tu me désinfecteras la tronche parce que c'est dégueulasse. Le programme te va ? Parce que je compte pas le modifier pour toi. » Et Nausicaa dans tout ça ? Ah oui, elle saura se débrouiller sans moi. Au contraire, je lui rends même service, à l'abandonnant de son côté. On était à deux doigts de se foutre sur la gueule, de toute façon. J'ai autre chose à faire, moi, que de taper dans la fiente. Alors, l'idée de passer un moment avec Ina me plaît bien plus. Beaucoup plus.

« Je sais pas, j’imagine qu… qu’ils … vont au cinéma et au restaurant … ? Et qu’ils vont voir leurs amis. Et boire des verres et tout. » Boire des verres, en ce qui te concerne, c’est mal parti pour le faire en public. Du moins sans risque, c’est comme traîner autour du lycée, main dans la main. Pas tant que tu serais mineure et scolarisée là bas. Et les amis… Encore une chose à remettre à plus tard. Ton visage s’illumine, malgré tes tristes pensées. « On peut toujours essayer, le cinéma, par exemple… Ou s’en aller loin d’ici, tiens ! » Prendre le train. Partir s’en prévenir. Vers l’ouest, l’est, le sud. Peu importe la direction. Du jour au lendemain, avec uniquement le strict minimum. Main dans la main. Profiter de l’été où tu n’aurais pas d’obligation scolaire, où tes parents vaqueraient de leur propre côté, par exemple.

Tu es comme ça, petite Bleuenn. Tu as toujours été responsable, parfois, tu es peut-être la plus responsable de vous deux. Après tout, c’est Basile t’a donné confiance pour accepter ces sentiments étranges, tout drôles. Et il y a ces quelques secondes où tu veux être libre, où tu veux votre bulle, où tu veux te sentir préservée. « On pourrait aussi rentrer ? … Je … Pardon de faire le rabat-joie. Reste, si tu veux. » Tu clignes des yeux. Il est étrange, dans sa voix, dans sa réaction. C’est quoi ce revirement de situation ? « Je te raccompagne. De toute façon, j’ai perdu Lilith et Leho et pas l’envie d’être seule. » Tu continues de marcher, droit devant toi, une main toujours dans la sienne, l’autre sur ta couronne pour qu’elle reste sur le sommet de ta tête. C’est trop mignon pour un premier présent, pas question de la perdre. Et puis tu t’arrêtes sans prévenir. Il vit où, au fait ? « Ça ne va pas ? » Tu veux savoir ce à quoi il pense, exactement, en attendant qu’il vous dirige vers le chemin, jusque chez lui.
Tu rêverais d’avoir accès à sa tête dans ce genre de circonstances.

Slim était un peu trop tactile - je le soupçonnai de tester mes limites d’ailleurs. Du coup, je crois que les gens pensaient qu’on était en couple. Un couple bizarre qui plus est. Mais à la limite, je me fichais bien de ça. Des gens. Ils ne comprendraient pas ma relation avec Slim même s’ils tentaient de le faire. Juger c’était bien plus facile. Enfin bref, je me foutais bien du reste du monde.
Il y avait juste Slim me mordillant l’oreille et moi, pendue à son cou.

Ca blague eu le mérite de me faire sourire. Je me doutais bien que si je lui faisais du rentre dedans, il y répondrait que par l’affirmative. Non, en fait je dis ça mais je n’en étais absolument pas certaine. Disons que je ne voyais pas Slim comme un partenaire sexuel. C’était mon partenaire de vie, mais ça s’arrêtait là. C’était un bel homme, un peu trop rongé par la drogue hélas, mais il n’en restait pas moins agréable à vivre… Avec moi en tout cas, il l’était. Alors non, je ne lui ai jamais fait un quelconque rentre dedans, même si mon inconscient devait grandement le désirer.
Pour moi, il représentait ma bouffée d’air pur dans ce monde trop fou pour moi. Il était là et sa présence me faisait oublier tout le reste. C’était pour ça que j’avais tant plaisir à l’enlacer – et que je le faisais de plus en plus souvent – moi, la fille un peu froide qui ne supporte pas que les gens la collent un peu trop. Comme quoi rien n’était définitivement établi.

Les paroles de Slim, mon cerveau ne les enregistrait pas tellement. J’écoutais à peu près – la musique à fond n’était pas vraiment pour communiquer – mais ça n’allait pas plus loin. Aucun traitement des infos. Puis j’étais calmée et Slim pouvait me demander tout ce qu’il voulait, je le ferai sans broncher. Alors je me suis contentée d’acquiescer, même si je ne savais pas du tout ce qu’il comptait faire. J’espérai juste qu’il ne retourne pas voir l’autre folle auquel cas je prendrais mes jambes à mon cou. Une fois encore. Mais j’ai été rapidement soulagée de voir qu’il m’emmena vers la foule dansante.

Je ne sais pas combien de temps on est resté, à danser comme s’il n’y avait pas de lendemain. On s’est littéralement vidés de toute énergie mais on a ri comme jamais aussi ! Slim avait la fâcheuse tendance de me coller dès qu’un homme s’approchait trop près de moi. Du coup, j’en faisais de même lorsqu’une personne s’approchait trop près de lui. Je le voulais que pour moi ce soir. A un moment, on est parti dans un bar et là, à ma grande surprise, c’était de la musique bien de chez moi qui tournait en boucle ! Du coup, j’en profitais pour initier le petit américain aux danses traditionnelles de chez moi.

« C’est un bon début. Dis-je presque impressionnée par sa performance. »

Ok, ce n’était pas encore ça, mais il se débrouillait plutôt bien pour quelqu’un qui n’y connaissait rien. Bon, je ne me suis pas gênée pour me moquer un peu de lui tout au long de la soirée.

Puis on a fini par être vraiment fatiguée, en sueur. Une douche s’imposait grandement.

« Il se fait tard. Je pue. Tu pues. Tu viens dormir à la maison ? Même que tu pourras prendre un bon bain ! »

Avec le ton mielleux que j’avais utilisé et mes yeux suppliants, il n’a pas su refuser mon invitation et j’en étais bien contente. Je n’allai pas dormir seule ce soir.

Ils vont au cinéma.
Il a un petit sourire, malgré la gêne nouvelle. Pendant un instant, il cesse de regarder avec paranoïa autour d'eux, il arrête de soupçonner n'importe quel badaud d'être un élève de leur lycée, un flic sous couverture.
Aller au cinéma, ça peut se faire.

Mais caché dans le noir, il aurait probablement plus envie de l'embrasser que de suivre le film à l'écran.

À moins que ce soit un film du grand Refn.
Mais là, il faudrait cacher les petits yeux de la Bleuenn, la violence choquerait cette petite fleur.

- Je te raccompagne. De toute façon, j’ai perdu Lilith et Leho et pas l’envie d’être seule.
Petite Bleuenn décidée.
Raccompagner jusqu'où ?
Il sait pas, il se tait. Reprise de la paranoïa. Il regarde très vite, ne s'arrête sur aucun visage, puisqu'il ne les connaît pas.
Mais il a peur. D'un démasquage. La couronne tomberait de la tête de Bleuenn, et leur amour, lui, tomberait de haut.

Stop.
Basile, dans son désir pressé de rentrer, bascule un peu.
- Ça ne va pas ?

Il réfléchit deux petites secondes.
Ils sont un couple. Ils sont un tout, un je. Basile n'a pas à tout garder pour sa petite personne. Mais en même temps, t'es l'Homme, Baz. À toi de cacher les détails sordides de votre relation à la jolie Bleuenn.

- Si. Si, ça va.
Ils sont arrivés à l'extrémité de la place, les festivités derrière eux.
Il appelle un taxi.
- Je te laisse ici. J'habite pas loin. (Il farfouille dans ses poches dont il extrait deux billets.) Tiens. Pour le taxi.
Un taxi et une couronne. Le Tiersen se fait généreux, ce soir.
Puis les lèvres se retrouvent. Elles se réclamaient depuis un bout de temps déjà.

C'est un baiser qui brise le cœur - un baiser d'au revoir.