L'air tiède qui souffle sous sa robe. Le portable auquel elle jette un oeil compulsivement toutes les trente secondes. La cigarette qu'elle a presque du mal à fumer tellement elle a chaud. Le gargouillement de l'eau le long des quais. La péniche en vue à quelques mètres. Le filet de mélodie qu'on distingue mal, au loin. Le soleil qui s'est depuis longtemps couché. Ses cheveux qui se collent à son visage. Et sa tête qui est ailleurs, probablement dans ses bouquins. Et enfin. Le Henjo.

Elle s'octroie une soirée bien méritée dans la chaleur vespérale de Paris. Demain elle revêtira de nouveau l'uniforme noir bien trop moulant et se fondera dans les meubles de la bibliothèque nationale. Habitude. Elle aura certainement une migraine puisqu'elle prévoit pour ce soir une grosse cuite. Elle s'énervera encore en silence contre la mégère qui lui fera des réflexions. Elle y pense en s'arrêtant devant la plateforme du Henjo. Elle a prévenu à peu près tout le monde. Elle ne sait seulement pas si "à peu près tout le monde" est à Paris. Elle attend quelques minutes avec le secret espoir que quelqu'un qu'elle connait va arriver dans la seconde. Espoir déçu. A l'abordage. Seule, Béatrice montre patte blanche à l'entrée et se faufile entre les corps chauds des premiers arrivés. Le beau Paris est là. Chacun se presse contre l'autre dans une tentative un peu lourde de rapprochement. Le bar n'attend qu'elle et elle retient ses manières médiévales - à boire tavernier! - pour demander un mojito bien corsé. Et voilà qu'elle sirote en guettant quelqu'un qu'elle connaitrait, ou qui la reconnaitrait.

Une nouvelle fois encore, j'ai quitté le métro pour retrouver Siham. À croire que ces derniers temps, cela était devenu une habitude. En plus de travailler de temps en temps pour elle, cette femme était de loin l'une des plus agréables compagnie de Paris. C'est donc, comme ça, sur un coup de tête, à la dernière minute, que je me suis jeté chez elle pour l'emporter avec moi. Une fête sur l'eau. J'sais absolument pas le genre de personnes que l'on risque d'y rencontrer. Au final, je crois que je n'en ai rien à faire, l'essentiel étant de passer un bon moment avec la blonde. Sourire aux lèvres, mes doigts attrapent vivement la main de la jeune femme pour l'inciter à s'avancer un peu plus vite en direction de la péniche. « Il nous restera plus rien à boire ! » Mes yeux se posent sur le ventre encore plat de la vétérinaire. Personne au monde ne pourrait croire que sous sa peau grandissent deux nourrissons. « Fin, tu m'diras, j'sais pas si les gens y viennent pour boire du jus d'oranges. » Un clin d’œil accompagne mes paroles tandis que la musique du Henjo résonne dans l'air.

Accoudé au bar, la fameuse 'save the last dance for me' prend à présent place sur la péniche. À l'écoute de celle-ci, un large sourire s'accroche à mes lèvres humides. « Elle est pour nous, celle là. » ça doit faire des années que j'ai plus dansé. Encore moins avec une fille du calibre de Siham. Mais c'est sans importance, parce que ce soir, je lui ai promis une soirée qu'elle n'oublierait. pas Le genre de soirée qui respire la bonne humeur et la détente, pour lui faire oublier tout ce qui peut lui tomber dessus ces derniers temps. Mes doigts se lient à ceux de Siham pendant que mon autre main se perd au bas de son dos. « Tu crois qu'on va se marcher sur les pieds combien de fois ? » Nouveau rire, léger, délicat. Un peu comme nous deux : heureux.

Sans trop savoir pourquoi, Théo avait décidé d'aller à cette soirée. Il en avait entendu parlé et Théo avait très longtemps hésité à se rendre là-bas. Ce genre de soirée n'était pas de celles qu'il avait l'habitude de fréquenter. Ça lui semblait trop branché, trop chic. Pourtant, il était en route pour la péniche.
Au loin, il voit déjà de la lumière. Il ne distingue personne, alors il attend. Théo allume une cigarette et contemple la Seine, et Paris, de ce qu'il en voit depuis les quais. Il commence à faire un peu moins lourd, maintenant que le soleil se couche. Théo a passé la journée à dormir pour ne pas se faire bouffer par la chaleur ambiante. Tout ce qu'il aurait été capable de faire, c'était se rendre dans un bar, sur une terrasse brumisée et boire des bières. Mais il aurait été tout seul, et c'était pas vraiment son truc de s'alcooliser seul...
Là sur les, quais, il fait « presque » frais. Théo voit qu'il a bientôt terminé sa cigarette, il jette un nouveau coup d'oeil vers la péniche. Il voit des gens, maintenant il peut y aller alors. Il jette sa cigarette dans la Seine, alors qu'il maudit les gens qui font ça habituellement.
La musique résonne, instinctivement Théo cherche le bar ou un buffet, des yeux. Et il le trouve. Il se dirige vers lui, où une jeune fille vient déjà de commander quelque chose. Le barman se dirige vers lui, par réflexe, Théo dit. « un demi. » Et il jette un regard sur le reste de l'assemblée. Il fait une petite grimace, comme il s'en doutait, il n'est pas de ceux qui vont à se genre de soirée d'ordinaire.