Assis au fond de ton canapé, tu te relates les événements passés en essayant de comprendre. À commencer par le nouvel an. Il s'y est passé beaucoup trop de choses, dont une grande partie dont tu ne te souviens même pas vraiment, que des bribes, des flashs, des courts instants, rien de plus. C'est toujours la même chose de toute façon, tu ne te souviens jamais de rien de plus que de petits morceaux de soirées. Tu es toujours trop mort pour te rappeler de tout. À force, tous tes neurones finissent par être grillés, en plus. Et puis, il y a eu l'épisode de l'iPhone et ta dispute avec Ana. Puis ta réconciliation avec Ana. Franchement, on pourrait faire une série de ta vie. Dans le genre plus belle la vie mais qui se passe à Paris, pas à Marseille quoi. Enfin bon.
Cigarette à la bouche, tu caresses le ventre de Ganja qui est venue se réchauffer les poils contre toi, comme Scofield d'ailleurs, qui est de l'autre côté, et c'est pas de refus, parce qu'il fait quand même pas mal froid. La sonnette retentit. T'as failli pas l'entendre tellement le chien de Camel -dont t'as encore oublié le nom- ronfle fort. Sérieux, cet appartement est proche de l'animalerie à ce stade. N'empêche que, t'attends personne. T'aurais bien été tenté d'envoyer Camel ou Najia ou Wael ouvrir, mais aujourd'hui, y a personne. C'est bien une des rares fois où l'appartement est vide, tiens. "Ganja, va ouvrir.." Elle te regarde sans comprendre et se met à bailler. T'es pas le seul flemmard ici visiblement. "Faut tout faire soi-même ici.." Tu te lèves, va ouvrir la porte d'entrée et tombes nez-à-nez avec Sephora, une bouteille de vodka et ce qui ressemble à un jeu vidéo. La voilà ta sauveuse ! Cette rouquine dont tu adores te moquer, affectueusement, évidemment. Elle est là pour te sauver de l'ennui ! Tu te décales de l'encadrement de la porte d'entrée après l'avoir gratifiée d'un grand sourire, attestant de ta joie de la voir ici, pour qu'elle puisse entrer. Ce serait con qu'elle reste sur le palier quand même. "Installe-toi hein, tu fais comme chez toi." Tu fermes la porte et te diriges vers le frigo où tu attrapes deux bières. T'as pas oublié la bouteille de vodka, mais vous pouvez commencer plus doucement, aussi. Tu rejoins Sephora au salon, lui tend une bouteille et t'asseois. "Tu vas bien ?" Cigarette écrasée, tu portes le goulot à tes lèvres. "Que me vaut l'honneur de ta visite ?"

Je tourne en rond. Je vais craquer, pleurer. Comme une gosse. J'étais certaine d'être tombée sur la bonne personne. Sauf qu'entre les dires de Celim sur ce qu'il s'était passé au nouvel an et le silence qui s'en suivit... Mes doutes se sont avérés être vrai dans la journée. J'ai accroché une magnifique affiche NE PAS DÉRANGER sur la porte de mon bureau et j'ai fini par essayer de méditer dans un coin. Cela va passer. Tu peux le faire ma pauvre fille. Je n'ai jamais été aussi peu productive qu'aujourd'hui. Au final, j'aurai vidé je ne sais combien de boites de mouchoirs et j'aurai hésité à plusieurs reprises à appeler le psy de la famille. Question instabilité morale, je ne fais pas vraiment dans la dentelle ces derniers jours. Anaëlle et Tay. Tay et Anaëlle. Cela me semble être une évidence. Non, pas ce 'couple', je m'abstiens de tout commentaire. Cela me semble être une évidence que je dois en parler à Saad. Je n'ai jamais trop su ce qu'il en était entre lui et Anaëlle, mais tout ce que je sais c'est qu'ils sont proches. Je n'ai jamais claqué la porte de l'agence aussi tôt et réalisant un rapide détour par chez moi, je ne prends même pas le temps de savoir si Celim est rentré. Non, ni une, ni deux, j'attrape une bouteille ainsi qu'un jeu vidéo au hasard, priant pour qu'il s'agisse de Resident Evil afin de me défouler.

Je trépigne dans l'ascenseur, je trépigne jusqu'à ce quelqu'un se décide à ouvrir la porte. Saad en personne et cela semble plutôt calme à l'intérieur. Étrange, ma foi. J'arque un sourcil pendant qu'il me laisse accès à l'appartement. En dehors de tous les animaux (un jour, lui et Camel devraient penser à monter un refuge pour bestioles, soit dit en passant), on dirait qu'il était seul. Du coup, je lui épargne la petite question de politesse, à savoir si je le dérange ou non. Alors que j'ai le droit à un sourire en guise d'accueil, je suis incapable de faire de même. "Installe-toi hein, tu fais comme chez toi." Aussitôt dit, aussitôt fait. Ou presque. Je pose la bouteille et le jeu sur une table basse, mon sac au pied du canapé. Cependant, je reste debout. "Tu vas bien ?" Je hausse les épaules sans rien ajouter. Attrapant la bierre au passage. Pas bête de commencer doucement, par contre je vais être contrainte de lui demander où sont les toilettes. Cette boisson a toujours eu cet effet sur ma vessie, malheureusement. "Que me vaut l'honneur de ta visite ?" Je déglutis et finis par répondre à son interrogatoire, depuis le début. « On fait avec... Quant à toi ? » Maintenant que nous devons aborder ce que je pense être le sujet le plus délicat de la soirée, je sens que mes jambes ne sont plus capables de me porter. Du coup, je me laisse tomber sur le canapé au point de faire fuir un des chats qui dormait paisiblement. « Dis moi que tu as fait quelque chose d'autre qu'en dehors de regarder ton plafond... Comme... Voir ce que les gens peuvent dire sur facebook, par exemple. » Je jette un coup d'œil dans sa direction. Nouvelle gorgée de courage. « Ou alors, j'ai raté un épisode ? Tay et Ana... Il faut que l'on parle. Dans mes souvenirs, t'es le seul que ça pourrait... préoccuper. Et si toi, t'es capable d'en passer outre, pitié faut que tu m'aides à en faire de même. » Une boule de poils vient pousser ma main histoire de quémander un peu d'attention. À croire que même le second chat a senti ma détresse, alors que je n'ai pas encore fondu en larmes. « Du coup, ça te dérange si je reste ici ce soir ? J'ai pris de quoi faire passer le temps, je doute réussir à dormir dans l'immédiat. »

Après être allé chercher à boire pour Sephora et toi, tu reviens à ses côtés et c'est là que tu remarques qu'elle n'a pas vraiment l'air dans son assiette. « On fait avec... Quant à toi ? » Tu te demandes ce qui peut bien la mettre dans cet état, elle qui est toujours d'assez bonne humeur. De nature bonne vivante elle se retrouve à broyer du noir sous tes yeux. "Oh moi ça va, la routine tu sais.." Tu t'apprêtes à lui demander ce qui peut bien la tracasser à ce point, mais tu sais qu'elle ne va pas tarder à cracher le morceau quand elle se laisse brutalement tomber sur le canapé, faisant fuir Scofield. Tu t'installes à ses côtés et portes le goulot à tes lèvres, restant attentif à ce que Sephora va bien pouvoir te raconter. « Dis moi que tu as fait quelque chose d'autre qu'en dehors de regarder ton plafond... Comme... Voir ce que les gens peuvent dire sur facebook, par exemple. » Tu ne comprends pas vraiment où elle veut en venir. Enfin, c'est vrai que tu as plus passé tes dernières heures à regarder la peinture morne de ton appartement qui commencerait presque à te donner la nausée tant tu commences à arriver à saturation. "Ben.." Tu sors ton téléphone et commence à ouvrir l'application Facebook pour voir quelle est la grande nouvelle. Ça doit être un truc vachement important quand même. « Ou alors, j'ai raté un épisode ? Tay et Ana... Il faut que l'on parle. Dans mes souvenirs, t'es le seul que ça pourrait... préoccuper. Et si toi, t'es capable d'en passer outre, pitié faut que tu m'aides à en faire de même. » Ses paroles te filent une décharge soudaine. Comment ça Tay et Ana ? Tay, genre, le Tay à Sephora ? C'est quoi le rapport avec Ana ? Et pourquoi ça te préoccuperait au juste ? Tu farfouilles rapidement Facebook jusqu'à tomber sur LE statut. 'Anaëlle Chamblas est désormais en couple avec Tay Januario'. "EN COUPLE ?" Ta réaction est brutale. Tu n'y comprends plus rien. "Comment ça en couple ? Mais il est trop vieux, et puis.. Tay et toi ! Enfin.. OHW ! Elle est mineure, il fout quoi là ?" La colère ton monte au nez. Ça t'énerve vraiment. Tout arrive d'un coup. Tout. Pourquoi ? Pourquoi il a été la choper elle alors que Sephora l'attend sagement et désespérément depuis trop longtemps ? Pourquoi une mineure ? Puis, pourquoi Ana ? « Du coup, ça te dérange si je reste ici ce soir ? J'ai pris de quoi faire passer le temps, je doute réussir à dormir dans l'immédiat. » Tu te retournes vers Sephora. Ah ouais, c'est vrai qu'elle est vraiment pas bien à cause de ça. Normal en même temps. Du coup, t'insisteras pas, pas pour l'instant. "Non bien sûr, tu t'installes tranquille, comme chez toi !" Ouais, tu te répètes, tu lui as déjà dit de faire comme chez elle, mais vaut mieux deux fois qu'une. Au moins, peut-être qu'elle le fera vraiment. Tu bois une nouvelle gorgée de ta bière et observe Sephora. Elle a tellement pas l'air bien que t'as envie de la prendre dans tes bras mais d'un autre côté, t'es tellement pas doué pour réconforter les gens que tu n'sais pas si elle ne trouvera pas ça déplacé ou si ça va marcher.. Puis, si ça se trouve, rien que le fait de lui dire 'ça va aller' va lui déclencher un torrent de larmes.. Alors tu restes stoïque, à la regarder, à moitié compatissant, à moitié en colère, tu attends une réaction de sa part.

Je scrute l’appartement. Les banlieues et moi, ça doit bien faire dix. Pourtant, c’est dingue ce que c’est agréable d’être dans un endroit pas excessivement grand. Tourner en rond dans mon salon de la même façon qu’un poisson rouge me rend dingue à la longue. « Oh moi ça va, la routine tu sais… » Je hausse un sourcil. Si c’est la routine, il n’est encore au courant de rien. Ou alors il s’en fiche royalement, ce dont je doute dans le fond. Même s’il s’agit de se foutre de moi, de mon manque de connaissance en mécanique ou de ma maladresse, Saad est plutôt impulsif. Je ne regrette pas de m’être rendue chez lui, en particulier, je crains qu’il devienne dingue quand il se rendra compte de la situation. « Ben… » Je le regarde faire, sans rien ajouter. Je me mords juste la lèvre. J’essaye d’anticiper sa réaction, mais je suis également lasse et fatiguée de ses histoires. Ce n’est pas avec mes je ne sais combien de tête de moins que Saad que je serai susceptible de l’arrêter ou de le calmer de n’importe quelle façon que ce soit. « EN COUPLE ? » Donc… il ne s’agit pas d’ignorance de sa part. Il était vraiment à des années lumières que je lui fasse part de cette merveilleuse nouvelle. Entre nous, je n’aime pas jouer les oiseaux de mauvais augures. J’aurai préféré lui dire que justement tout s’était arrangé avec Tay. Mais non. « Comment ça en couple ? Mais il est trop vieux, et puis… Tay et toi ! Enfin… OHW ! Elle est mineure, il fout quoi là ? » Trop vieux ? Mineure ? Je suis ébahie sur mon bout de canapé avec ma bière et le second chat qui se tape l’incruste. Elles sont plutôt mignonnes ces bestioles quand il suffit de réconforter quelqu’un. Je soupire, ne sachant plus quoi répondre. Et dire que j’avais traversée la capitale ainsi qu’un morceau de la banlieue afin d’avoir son avis sur cette histoire et non pour fondre en larmes. Surtout pour ne pas fondre en larmes, en réalité. « Non bien sûr, tu t’installes tranquille, comme chez toi ! » Ce qui est déjà fait. Le pauvre, il doit être encore plus perdu que moi. J’ai déjà eu quelques heures pour digérer la nouvelle, bien que le temps passé me soit totalement abstrait. Je remets vainement mes pensées dans l’ordre. Il y a de tout et d’avantage de rien. Je tombe toujours quand j’y repense en me demandant quand est-ce que j’attendrai finalement le fond. « Ana est mineure ? Sans prendre sa défense, je doute qu’il soit au courant. » Je cligne des yeux. Je ne sais pas si c’est le coup de foudre, le grand amour ou littéralement du foutage de gueule. C’est dingue, je connais vaguement Anaëlle de part sa famille essentiellement, et Tay pour d’autres raisons bien plus personnelles, pourtant si je devais parler de ce « couple » je suis incapable de dire quoique ce soit. Après ce que je lui ai fait endurer l’année passées ou au Nouvel An, il a toute les raisons de me mettre sur la touche… Enfin non. Je n’avais pas eu l’occasion de tout lui avouer. La fameuse confession. « Mais étant donné que je suis ici pour me changer les idées et faire en sorte que tu n’ailles pas le frapper, vu ta réaction… On change de sujet ? » Je me lève et fais face à Saad. Faut qu’on se reprenne et que l’on se serre les coudes. Tous les deux. « Au passage, je ne tiens pas à pleurer une… énième fois. Alors pas de commentaire, je m’en remettrai, d’accord ? » J’acquiesce en même temps afin de le remercier pour l’absence de câlins et de mots soit disant réconfortants. « Tu comprends donc pourquoi je te proposes de boire plus qu’un coup entre amis et de tuer des zombies. » Enfin, s’il connaît une autre méthode pour se changer les idées, je prends. Mon foie et mes yeux sont à deux doigts de me dire toutes les insultes au monde. Ce n’est pas pour autant que je ne termine pas ma bière.

Si tu t’étais douté que ce soir-là, tu allais apprendre des choses bien plus.. révoltantes que tu ne peux l’imaginer, tu aurais sans doute fait en sorte de te rendre sourd dans la journée. Et puis aveugle, aussi. Enfin, tu ne t’attendais en tout cas certainement pas à une telle nouvelle de la part de Sephora. Bon, tu te demandais bien ce qui pouvait l’amener chez toi sans prévenir avec un jeu vidéo et un air dépité, bien qu’elle ne te dérange aucunement, mais tu ne te serais jamais imaginé qu’elle allait t’annoncer ça.. La mise en couple de Tay et Ana.. Tout sauf ça ! Ce que tu ‘redoutais’ le plus, qu’Ana se mette avec un type bien trop vieux pour elle. Certes, tu savais qu’elle finirait par le faire, puisque, quoi que tu lui dises, elle en fait toujours sa tête et ne t’écoute jamais –surtout quand il s’agit des mecs– mais quand même ! Surtout sachant l’histoire qui a lié Tay et Sephora. Et sans doute est-ce pour ça qu’elle est venue te voir avec la nette intention de se bourrer, et faire autre chose que pleurer. Et ça, des idées pour faire autre chose que pleurer, t’en as à la pelle. Des sympas, des bizarres, des originales, des kiffantes, et des idées de bourré. Pas mal, ce sera à lui proposer. « Ana est mineure ? Sans prendre sa défense, je doute qu’il soit au courant. » Elle commence mal pour se changer les idées, en tout cas. Et sa réflexion t’énerve un peu. Pas énervé contre elle, –enfin, un peu– mais plutôt contre la situation entière, qui fait que la moindre parole te met encore plus en colère. "Oui, elle est mineure, et là, tu prends clairement sa défense ! Il a pas d’excuse, il avait qu’à se renseigner avant !" Tu souffles un grand coup et avales une gorgée de ta bière, te retenant par la même occasion de proférer des insultes à l’égard de Tay, que Sephora risquerait fortement de ne pas apprécier. « Mais étant donné que je suis ici pour me changer les idées et faire en sorte que tu n’ailles pas le frapper, vu ta réaction… On change de sujet ? » Aller le frapper.. malheureusement, c’est sans doute inévitable. C’est certain que tu vas aller lui faire comprendre qu’il a commis une énorme erreur. Peut-être pas ce soir, ni demain, mais tu le feras, c’est certain. "Ouais, on change de sujet, d’accord.." Ça vaut mieux, c’est sûr. Sage décision, Sephora. Avant que l’un d’entre vous pète un plomb, ce qui risquerait de ne pas tarder à arriver. Elle se lève et se poste devant toi. Tu relèves la tête pour pouvoir la voir. Tiens, ça fait bizarre, pour une fois que ce n’est pas l’inverse. « Au passage, je ne tiens pas à pleurer une… énième fois. Alors pas de commentaires, je m’en remettrai, d’accord ? » "D’accord" De toute façon, tu ne sais pas faire de commentaires réconfortants. Tu risquerais juste d’accélérer la chute de ses larmes, alors il vaut mieux éviter. « Tu comprends donc pourquoi je te proposes de boire plus qu’un coup entre amis et de tuer des zombies. » Oh oui, tu comprends. T’as un peu la même envie, actuellement. Tu acquiesces et lui souris. Allez, fini les têtes d’enterrement, faut sourire maintenant ! Tu finis ta bière d’une traite et te lève prendre deux verres, qui ne seront peut¬-être pas utiles, mais on ne sait jamais. C’est parti pour commencer la vodka ! Tu prends au passage une bouteille de jus de pomme, au cas où, on ne sait jamais, encore une fois. De nouveau aux côtés de Sephora, tu poses tout sur la table et lui tends la bouteille. "À toi l’honneur !" Entre temps, tu sors les manettes, allumes la télé et xbox et mets le jeu dedans. C’est parti pour se défouler un bon coup. Les zombies n’ont qu’à bien se tenir !

L'impartialité n'a jamais été mon fort, même quand j'en veux à la terre entière, même lorsque j'en veux à Tay comme jamais. Toujours trop impliquée émotionnellement parlant et ce depuis toujours. "Oui, elle est mineure, et là, tu prends clairement sa défense ! Il a pas d’excuse, il avait qu’à se renseigner avant !" Je me mords la lèvre aussi tôt et baisse les yeux, de la même façon qu'une enfant venant tout juste de se faire engueuler, gardant pour moi un « mais non je ne prends pas clairement sa défense, mais c'est que... » C'est que Saad n'a pas tort dans le fond, mais si Anaëlle est allée lui mentir, elle n'est pas aussi innocente qu'elle le prétend. Toutefois, je vais vraiment garder cette réflexion pour moi-même. Penser avant de l'ouvrir, ce ne serait pas si mal pour une fois dans ma vie. Ce soir, j'ai besoin d'un ami, de ma changer les idées, pas dit que je m'en remette si Saad et moi nous prenons également la tête. Il ne manquerait plus que je finisse dans un bain à écouter la voix d'Adèle avec pour seule compagnie une bouteille de vin et des mouchoirs. Vous imaginez un peu le délire ? "Ouais, on change de sujet, d’accord.." Je cligne des yeux pour le remercier. De toute façon, je suis certaine qu'il restera calme uniquement ce soir. Cette histoire semble le tenir à cœur, tout autant que moi. Lorsque j'aurai de nouveau franchi la porte d'entrée pour retourner m'isoler chez moi, aucun doute qu'il finira par céder à sa colère. Je soupire rien qu'en y pensant. « Je savais que je pouvais compter sur toi. » J'hésite à poser mes mains sur ses épaules, pour une fois que notre différence de taille est à mon avantage. J'hésite sérieusement à m'effondrer, une bonne fois pour toute. J'ai également cette difficulté à tenir bien des promesses. Comme la promesse de ne pas pleurer de la situation. Comme la promesse de continuer ma vie comme si de rien n'était. En ce qui concerne de me rapprocher de Saad, je me reprends de justesse. "D’accord" Nouveau sourire. Pas besoin d'ajouter quoique ce soit. Je me retourne vers les spiritueux que Saad a déposé. Par quoi commencer. Je songe quelques secondes à prendre la bouteille de vodka et démarrer cul-sec, mais cela ferait de moi une parfaite alcoolique en manque. Cliché, en somme. Évitons. "À toi l’honneur !" Je m'exécute. Malheur à lui, je n'ai jamais su correctement doser. Toujours trop de ceci et jamais assez de cela. À vous de voir quoi, désormais. J'attrape deux verres et nous sers on ne peut plus correctement. « Ça ne te dérange pas si je mets de la musique ? » Je n'attends même pas qu'il me réponde et allume la chaîne qui règne dans la pièce. C'est bien une autre chose dont j'aurai besoin pour me concentrer, bien que nous n'ayons certainement pas les mêmes goûts. « Prêt à te faire laminer par une demoiselle ? » Se faire laminer ? J'avance là une grande idée. Le jeu, j'y ai rapidement touché il y a quelques jours. Mais autant vous dire qu'il est aussi neuf qu'un autre tout juste sorti d'une usine. Cependant, les traits de mon visage continuent de faire croire que je suis persuadée de ce que j'avance. Une gorgée de ma préparation. Si je ne finis pas un jour avec une cirrhose, soyez certain que j'aurai un problème d'ulcère. Je pose le verre, attrape une manette et jette un coup d'œil provocateur à Saad.