Quoique l’on dise, quoique l’on fasse, quoique l’on puisse se promette, on finira par s’éloigner. J’ai cette mauvaise impression que nous sommes arrivés à notre limite, que nous avons vécu notre histoire avant même d’avoir été ensemble. J’ai envie de lui dire oui – non pas pour céder uniquement à son désir ou par pitié, mais bien par volonté commune – mais je fais soudainement trois pas en arrière au moment où ce « oui » s’apprête à franchir mes lèvres. En réalité, j’ai envie de lui dire oui depuis un paquet temps. C’est con, n’est-ce pas ? J’ai aussi envie de beaucoup de choses, comme me poser enfin. Jeunesse confuse, incertaine, perdue et ambiguë. Voilà comme résumer la fameuse génération Y à laquelle j’appartiens. Bref, j’ai cette stupide, étrange et horrible impression que rien ne se passera comme… d’habitude, au moins. Maudit sixième sens. J’éternue discrètement emmitouflée dans mon écharpe qui doit bien recouvrir la moitié du visage. Maudite grippe, aussi. Je frissonne et glisse les mains dans les poches de mon manteau. Je déteste l’hiver. Je déteste le froid. Je déteste attendre, également. Petite parisienne râleuse, j’assume. Je pourrai éventuellement m’installer à l’intérieur et l’attendre au chaud, mais je suis inquiète. Inquiète, si ce n’est d’avantage, par la façon dont il écrit ses derniers messages, la façon dont il devient un étranger pendant quelques jours, alors je retourne me morfondre en silence et prendre mon mal en patience non loin de la porte d’entrée. Cruelle et masochiste sentimentalement parlant, mais gentille dans le fond. Ouais, un truc dans ce style.

Il finit par arriver. Il est… Tay en version bien habillé, non pas qu’il soit du style mal fringué en temps, mais ce soir, il a sorti le grand jeu – renommée du restaurant oblige – le genre de tableau que je n’ai jamais aperçu de toute ma vie. Du genre à faire chavirer la tête de toutes les filles, la mienne comprise. Merci l’écharpe qui empêchera ce petit rougissement spontané de me trahir. Un sourire se dessine, mais il n’y verra que du feu. Et puis, il semble encore plus fatigué. Vraiment plus. Mon inquiétude refait surface en compagnie de ma très chère culpabilité, main dans la main ces deux connasses. J’ai un pincement au cœur de le savoir ici et pas au fond de son lit, assommé de je ne sais quelle façon. Sauf que dans le fond, je suis tout de même… épanouie de le voir ici. « Hey… » C’est tout ce que je finis par glisser à travers mon écharpe. En dehors de yeux grands ouverts qui me donnent l’air du chaton le plus adorable au monde – parce que mine de rien, je suis une fille assez niaise –, je ne sais pas quoi ajouter d’autre ou quel geste associer à ce salut. À vrai dire, nous ne nous sommes jamais retrouvés « en tête à tête » en public, dans mes souvenirs. Et puis, je doute qu’il apprécie la notion de partage de microbes, il doit certainement en avoir assez avec ses propres histoires. Chacun sa merde, il paraît.

j'culpabilise sans cesse de ne pas avoir le temps pour personne d'autre que moi-même. l'pire, c'est que je ne m'en rends même pas compte. le temps passe et j'ai l'impression que deux semaines équivaut à une journée. alors j'culpabilise, parce que j'ai l'impression que j'pourrai jamais faire passer le travail après la famille et .. les 'ami(e)s' proches. sinon j'lui aurais envoyé au moins un sms ces deux dernières semaines. mais non, rien, rien, rien, et ce, même si elle me manque. l'pire, c'est qu'elle ne me manque pas juste un peu. y'a des gens comme ça, qui nous manquent plus que les autres, même si on les voit beaucoup plus régulièrement que les autres. alors j'suis là, à perdre mon temps sur mon sofa avec mon portable, même si j'devrais me dépêcher pour pas être en retard. épuisé. j'me lève et j'vais dans la douche, j'sais que j'devrais pas perdre de temps, sauf que j'y passe une vingtaine de minutes. pas que je n'ai pas hâte, juste que ça m'stresse, quoi que j'suis stressé à rien ces temps-ci. j'sors finalement de la douche, j'consulte l'heure, j'panique un peu, mais j'arrive pas à me dépêcher. come on, tay, t'es jamais jamais jamais en retard. j'enfile un boxer puis j'prends un moment à trouver un habit classe. pire qu'une femme. je prends finalement une décision, j'finis de me préparer puis je vais finalement .. la rejoindre. pendant tout le trajet, j'pense à comment j'vais .. lui dire bonjour. haha. pas que j'me sens mal à l'aise, mais un peu. pas que j'lui ai pas donné de nouvelles depuis deux semaines, mais un peu. pas que j'ai flirté une autre fille pendant ce temps, mais un peu. j'me sens comme un traître, comme le pire ami 'plus plus' du monde, même si au fond, la seule fille avec qui j'voudrais réellement être en couple, c'est elle. elle, alias la fille qui s'trouve juste devant moi, qui semble combattre cette épreuve difficile qu'est .. la grippe. grippe ou pas grippe, elle reste magnifique, comme d'habitude, ou probablement encore plus qu'à l'habitude. « hey… » et il y a mon coeur qui commence à battre comme un imbécile. et j'souris .. timidement. parce que j'suis .. gêné, nerveux et .. voilà. bref, tout ce que je ne suis pas d'habitude. j'suis un petit peu en retard, mais c'est pas si pire. c'est juste très anormal venant d'moi. « t'aurais pas dû m'attendre à l'extérieur .. » j'prends mon courage à deux mains, puis j'la prends dans mes bras un bref instant avant de l'entraîner avec moi à l'intérieur. j'vois une fille qui me dévisage, j'sais pertinemment qu'elle sait qui je suis même si je n'ai aucune idée de qui elle est. j'lui lance un bref sourire, le genre de sourire hypocrite que je fais à tous les jours, générosité de mon super métier. on nous mène à notre table, j'tire la chaise de sephora question de maintenir mon titre de mec galant, même si j'trouve ça un tantinet ridicule. j'prends place à mon tour. j'me sens sérieux, peut-être trop sérieux, d'ailleurs. malaise. « toujours .. » aussi charmeur? « aussi belle? » en fait, c'est pas une question, c'est une constatation.

Merci encore à l'écharpe de ne pas m'afficher, moi et ma bouche bée. Oh mon dieu, qu'ai-je fait pour rater une telle tenue depuis le temps. « t'aurais pas dû m'attendre à l'extérieur .. » Ça sonnerait presque comme une remontrance, sauf que j'ai passé l'âge. Si. Si. Si, je devais l'attendre ici et pas ailleurs. En dehors de ne pas vouloir un moment de solitude au chaud dans le restaurant, je n'avais vraiment aucune raison de rester devant la porte. Parfaitement saine d'un point de vue santé, je ne fume pas et je n'apprécie pas m'intoxiquer auprès des fumeurs. Je cligne des yeux plusieurs fois pendant qu'il me serre. Héééé surprise ! D'accord, les étreintes sont... 'autorisées', mais encore ? J'y songe pendant qu'un serveur nous conduit à notre table. Est-ce que j'ai le droit de glisser ma jambe contre la sienne ? Ouais, comme dans les films, plus cliché, tu meurs. Est-ce que j'aurai le droit de poser ma main contre, ou dans, la sienne pendant que l'on préparera notre plat ? Est-ce que... Est-ce que l'on partagera l'addition ? Est-ce qu'il me raccompagnera jusqu'à l'appartement où Celim attendra de pied ferme de l'autre côté de la porte ? Est-ce qu'il me demandera de prendre un 'dernier verre' chez lui après ? Est-ce que l'on se reverra ? À peine ai-je eu le temps de retirer mon manteau, pendant ce magnifique débat intérieur, que Tay tire ma chaise. Je n'ai donc plus qu'à... m'installer. Il a carrément sorti le grand jeu, ce soir. Et même si je suis issue d'un milieu social où la gente masculine tire la chaise de la gente féminine, et bien je ne m'y fais pas. Tay est mon ami 'plus plus et c'est super compliqué au point de ne plus être descriptible'. « toujours .. » J’arque un sourcil pendant cette seconde de réflexion, de blanc. « aussi belle? » Je feins plus qu'un sourire. Je sens comme une vague de chaleur remonter au niveau de mes joues. Non, je ne dois pas (encore) rougir. Je n'ai plus d'écharpe, plus de barrière physique derrière laquelle me cacher. Je jette un coup d'œil presque furieux au type qui à pris nos manteaux. Sa remarque me rendrait presque... toute chose ? Un peu dans ce style, mais ne poussons pas le bouchon une nouvelle fois trop loin, n'allons pas toucher le fond tout de suite. Après ces derniers jours où j'ai eu tous les commentaires du monde du genre rentre chez toi et va te coucher, va voir un médecin et je vous épargne le reste, je sur-apprécie même. Je pourrai lui répondre quelque chose de similaire, mais flatter son égo n'arrangera rien. Tay doit certainement signifier modestie en portugais. Je croise les bras sur le bord de ma table persuadée que ma mère, avec son horrible sixième sens, doit lever les yeux au ciel à l'instant même. « Toujours aussi... hyper occupé ? » Quelle question. Il me semble que nous avons mis les choses au clair et qu'il n'a plus de raison de m'éviter juste pour m'éviter, non ? J'espère au point d'en prier. Est-ce que ce sont nos échanges de messages qui l'ont frustré ? Ou... Non, Tay ne s'est jamais comporté comme une girouette dans mes souvenirs. À me faire croire qu'il m'attend pour passer à autre chose quelques jours plus tard... J'ai cette super manie à me faire au moins quinze mille scénarios, tous plus pessimistes les uns que les autres. Je vous épargne donc mes pensées sur le vingt et un décembre prochain. « Tu ferais presque peur à voir, alors que tu serais mieux au fond de ton lit avec une soupe. » Je culpabilise à mort. Je ne sais plus vraiment si je lui ai demandé explicitement de le voir, mais si ce n'est pas le cas, j'ai du le faire implicitement. C'est ma faute, ce qu'il fallait démontrer. Mais dans le fond, passer une nouvelle soirée en tête à tête avec ma boite de mouchoir, incapable de travailler – un comble ! –, c'était signer le début de la fin de mon existence. « Mais entre nous, le simple fait de te voir dans un cadre différent de chez toi ou du travail, ça en valait le coup. » Ma conscience semble faire des bonds de cabriole dans ma tête, comme si Tay était la énième merveille du monde. Je ne sais pas si c'est la fièvre qui me fait tout exagérer ce soir. Heureusement que le serveur fait son grand retour avec le menu. Une nouvelle barrière derrière laquelle je peux cacher ce maudit sourire... franchement niais, si ce n'est d'avantage. Mais le pire dans l'histoire, c'est que je n'ai même pas faim.

« toujours aussi... hyper occupé ? » j'sens comme .. un fond de rancune dans cette réplique. mauvais pressentiment? j'en sais rien. pour la première fois d'ma vie, j'suis .. trop occupé, en effet. et pour la première fois d'ma vie (tant qu'à être dans les premières), j'voudrais peut-être .. avoir une petite pause. juste une journée à rien faire. qu'une seule. regarder des émissions insignifiantes à la télé, prendre la peine de me faire un truc rapide et pas nourrissant pour manger, parler avec ma soeur, m'engueuler avec ma soeur, ne pas répondre au téléphone, ne pas prendre mes courriels, ne pas sortir de l'appartement, bref, la liste est longue. « plus que jamais. » j'suis trop sérieux. habituellement, j'aurais placé un sourire de type qui fait d'la télé, un truc du genre, sauf que rien, rien, rien. peut-être parce que j'fais tellement l'hypocrite pendant la journée avec les gens du boulot que lorsque j'arrive avec quelqu'un qui me connaît réellement, j'suis incapable d'agir comme quelqu'un que je ne suis pas. c'était pas clair clair comme théorie, mais j'me comprends, han. j'suis saturé. c'est tout. « tu ferais presque peur à voir, alors que tu serais mieux au fond de ton lit avec une soupe. » oh, merci, quel charmant compliment. je baisse les yeux puis j'fixe la table. « arrête, t'es trop gentille. et j'te préfère à la soupe. » la soupe n'est pas aussi sexy que toi, haha. et bon, moi, mon lit, et une soupe .. ou bien, moi, mon lit, et sephora .. l'choix est pas très difficile, même si j'sais que la soupe ne prendra jamais d'photo de moi endormi le matin, la bouche ouverte. bref, passons. « mais entre nous, le simple fait de te voir dans un cadre différent de chez toi ou du travail, ça en valait le coup. » j'souris, et j'suis heureux d'enfin briser la petite couche de glace qui recouvrait mon esprit il y a .. deux secondes de ça. « si je comprends bien, à tes yeux, j'suis actuellement un zombie classe. ça me va .. » puis j'ris. à noter que c'est un rire sincère. petit, mais sincère. puis j'la regarde, et .. hm. all i want for christmaaaaaas iiiiiis youuuuuuu. haha. bref. sephora dans un cadeau géant qui m'dit qu'elle veut bien être ma copine, haha. bref.² alors j'pourrais lui prendre la main sans me soucier qu'on m'harcèle par téléphone le lendemain pour savoir si j'ai une copine. le serveur nous donne finalement nos menus, puis j'lance un regard à sephora. « tu devrais peut-être .. prendre une soupe. » clin d’œil. n'empêche, j'suis peut-être cruel, mais elle est mignonne en mode grippe. j'pense à anaëlle et j'me sens soudainement très mal. troll brain. non, vraiment, j'passe toutes mes journées à penser au boulot, puis lorsque j'suis avec sephora, mon cerveau m'fait penser à anaëlle juuuuste pour que je culpabilise? le pire, c'est que .. je ne suis qu'aller dîner avec cette fille. rien de plus. alors pourquoi j'me sens mal à ce point? parce que. je n'arrive même plus à me comprendre. j'fais comme si je regardais le menu, mais au final, j'lis rien. et j'regarde rien. j'fais que fixer un point, puis j'pense à autre chose. « tu passes noël chez ta famille? ou avec celim? »

« si je comprends bien, à tes yeux, j'suis actuellement un zombie classe. ça me va .. » Grand sourire où je me mords un peu la lèvre. Heureusement qu'il ne se vexe pas toujours pour un rien. Évidemment, ça lui arrive, mais pas toujours... Ouais, un zombie classe, voilà un bon résumé de la situation. Sauf q'il s'agit de Tay dont on parle tout de même, soit du top du top, la crème de la crème, la version premium, haut de gamme et tutti quanti, je vous épargne tous les autres compliments que je pourrai faire sur sa petite personne. Bref, je m'égare bien trop loin une nouvelle fois. Je retourne à l'étude du menu, mais je ne suis toujours pas plus inspirée que cela. « tu devrais peut-être .. prendre une soupe. » C'est pas bête comme une idée, mais la soupe c'est un truc que je garde lorsque je suis en tête à tête avec ma télévision ou du moins seule chez moi, même Celim n'est pas autorisé à voir un tel... spectacle. S'il y a bien un plat que je ne sais pas manger en toute discrétion, c'est bien celui là. Le bruit quand tu aspires, la possibilité d'avoir une petite goutte qui s'égare sur son trajet et qui coule sur tes lèvres... non merci. Bref, la soupe en public, on va éviter ce soir et on repassera plus tard pour le cours de bonne conduite. « tu passes noël chez ta famille? ou avec celim? » Entre nous, j'aurai peut être préféré passer Noël avec Celim. Les fêtes de fin d'années sont une période horrible dans les agences, un peu de calme aurait été bienvenue. Sauf que nous avons chacun nos projets. Ma famille a réussi à me convaincre de les rejoindre quelques jours. « Avec ma famille... du genre le déjeuner qui commence à midi et qui finit en fin d'après midi, si ce n'est plus tard, avec en prime un interrogatoire sur pourquoi je vis avec un garçon, alors que nous ne sortons pas ensemble, pourquoi je me plonge corps et âme dans mon travail ou encore pourquoi je ne suis pas l'exemple de l'aînée qui réussit aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Les histoires classiques auxquelles je ne peux pas y échapper, en somme. » Je finis par le fixer les yeux dans les yeux. J'aime bien le défier du regard, mine de rien. « Et toi ? Tu passeras les fêtes de fin d'année avec ta sœur ? Ou... » J'hésite à continuer sur ma lancée. Est-ce une bonne idée ? Ou est-ce tout simplement une 'bonne' façon de précipiter les choses. J'ai la sensation de tout faire de travers. Lui dire non, mais d'un autre côté lui proposer de passer Noël à mes, enfin nos, côtés. D'autant plus que mon idée de cadeau va totalement à l'encontre de la distance que j'essaie de garder entre nous. « Est-ce que tu aimerais te joindre à nous ? » Tay, c'est loin d'être le type qui déteste le peuple. Et je suis certaine qu'il s'en sortirait avec brillo face à mes parents plus que protecteurs, ma sœur et tout le reste de la clique d'Abzac et compagnie. Mes nièces sont même dingue de lui... C'est déjà dans la poche d'une certaine façon. Et puis, c'est peut être pas con de présenter le très très potentiel petit ami avant que le tout finisse par être... officialisé, non ? Je suis encore persuadée que ce jour arrivera. Ce qui va suivre est le reflet de ma perte de confiance post-Gaël. Je lui attrape discrètement la main, sur la table, comme si de rien n'était, tout naturellement en fait. J'ai besoin de toucher pour... comprendre. Et même si je vais vous donner l'impression d'être sur le début du chemin de la vieillesse, la vue et l'ouïe ne me suffisent pas toujours. J'ai besoin de toucher pour savoir s'il compte se dérober à mon invitation ou pas. S'il rompt le contact, je me poserai d'avantage de question. Je caresse doucement le dos de sa main avec mon pouce. Je suis la fille ultra tactile en fait, loin d'être si méfiante, bien que je reste sur mes gardes quand je suis sobre, mais mon sixième sens me donne la sensation qu'un truc ne tourne pas rond, à moins que je sois en plein délire hallucinatoire. Entre nous, il ne manquerait plus que Tay se volatilise dans un nuage de fumée et que je sois nue dans ce restaurant, seule. Si seule, dans le fond. Le serveur revient pour prendre nos commandes, j'opte pour du risotto et un vin blanc. « Enfin si tu n'as pas de plans de prévus... évidemment. Il ne manquerait plus que je te tienne à l'écart de tes obligations. »

« et toi ? tu passeras les fêtes de fin d'année avec ta sœur ? ou... » ou .. ? ou passer les fêtes de fin d'année à bosser? oui, probablement. j'sais pas de quoi aurait l'air un noël entre januário, pour être honnête. enfin, juste moi et ma soeur, pas mes parents. nous sommes tellement différents que j'sais même pas c'que je devrais lui offrir pour noël. on ne se parle que très rarement, d'ailleurs, vu nos deux rythmes de vie très .. très très différents. quand on se parle, souvent, c'est parce qu'on s'engueule. je ne la supporte pas, elle ne me supporte pas, mais c'est quand même ma petite soeur et j'préfère qu'elle habite avec moi plutôt qu'avec une traînée. pour être honnête, noël m'embête. j'crois que j'vais juste tenter d'oublier cette journée et me proposer si gentiment pour remplacer quelqu'un au boulot cette journée-là. noël à la radio avec januário. hahaha. forever alone. « est-ce que tu aimerais te joindre à nous ? » un peu plus et je m'étouffe avec ma salive. sincèrement? t'es sérieuse, sephora d'abzac? j'sais plus du tout quoi dire, plus du tout, et j'suis extrêmement mal à l'aise. passer noël avec elle signifie passer noël avec sa famille. « je .. » ne m'attendais pas du tout à ça. maman, papa, voici .. un ami! elle m'attrape la main, je cherche encore mes mots, et elle ne m'aide pas .. pas du tout. long silence. j'pense un petit instant à ma soeur, j'me demande ce que serait sa réaction si je la laissais seule pour noël. j'sais qu'elle ne m'apprécie pas particulièrement, mais noël, c'est tout de même un truc familiale. le serveur arrive, je n'ai même pas jeté un coup d'oeil à mon menu. alors que sephora commande, j'suis encore perdu dans mes pensées et j'suis limite gêné lorsque c'est mon tour parce que j'sais encore pas quoi prendre. donc, plutôt que de le faire revenir, j'me contente d'un ce sera la même chose pour moi, merci. j'regarde sephora de nouveau. « Enfin si tu n'as pas de plans de prévus... évidemment. Il ne manquerait plus que je te tienne à l'écart de tes obligations. » j'souris puis j'baisse les yeux. wow, ce qu'elle est belle, la nappe. haha. j'ai envie d'me foutre la tête contre la table, comme un enfant, et d'lui demander pourquoi elle m'fait sentir comme ça. comme ça, genre, très niais. parce que mine de rien, sa proposition m'fait plaisir. ça me donne l'impression que cette relation très instable va peut-être un jour devenir stable. le gros espoir 2012, genre. alors c'est à mon tour d'lui caresser la main, puis après ce silence interminable, j'fais un homme de moi puis je réponds, tout simplement. « j'suis ton .. ami .. sephora. » j'sens mon coeur se serrer et j'ai limite honte. j'ai l'impression qu'ça fait encore plus mal de le dire. « et .. les amis .. ne s'accompagnent pas dans les .. réunions de famille .. » puis j'la regarde avec ce regard, ceeee regard. limite désespéré. non, désespéré tout court. « et ce n'était pas un moyen de pression pour faire .. avancer les choses plus rapidement. ce n'est qu'une constatation. » puis je lâche finalement sa main, tranquillement. fatigué du boulot, mais très fatigué de ça, surtout. j'prends même pas la peine de faire un faux-sourire. j'suis vide, c'est tout. « donc j'vais fêter noël avec ma soeur. ou j'vais juste pas fêter noël, c'est tout. » mais j'voudrais tellement y aller, dans ta famille, sephora. tellement. en fait, j'voudrais juste être avec toi, pas forcément avec d'autre gens. c'est simple à ce point. « j'croyais pas que ce serait aussi difficile de jouer le rôle de l'ami .. mais puisque je dois le faire. » et j'pourrais me la jouer compréhensif et dire mais je comprends, c'est bon. sauf que le problème, c'est que je ne comprends pas. pas du tout, même. j'voudrais lire dans tes pensées.

Un conseil, même lorsque vous avez une confiance infinie en votre potentiel de persuasion, évitez de vous aventurer sur des terrains inconnus. On tombe toujours de haut dans ces situations. « j'suis ton .. ami .. sephora. » Pas qu'un ami. Tout est subtil. L'ami avec qui j'ai envie de passer le réveillon. L'ami à qui tu donnes discrètement ta main quand vous êtes placés à côté. L'ami à qui tu déposes le café tous les matins depuis un moment déjà. L'ami qui te fait sentir bien en temps normal. Cette petite phrase n'annonce rien de bon. C'est moi ou ça commence à sentir mauvais dans le coin ? « et .. les amis .. ne s'accompagnent pas dans les .. réunions de famille .. » Vrai, mais non. Rien n'est impossible, n'est-ce pas Tay ? T'es bien tombé amoureux de ma pauvre petite personne. Non pas que je remette ses goûts en matière de filles en question, mais ce n'est pas mission impossible de m'accompagner là bas. Et là, tout de suite, il ne manque plus que l'ensemble des protagonistes de glee et high school musical qui vont chanter autour de la pauvre fille. Quoi concrètement ? Aucune idée. Un truc qui sonne dans le style 'everything is gonna bel alright, ça finira bien par passer tôt ou tard'. Ça je le sais bien, merci. En attendant, je ne rétorque rien pour autant et j'encaisse sa réponse en silence. « et ce n'était pas un moyen de pression pour faire .. avancer les choses plus rapidement. ce n'est qu'une constatation. » C'est un gros coup de pression en fait. J'en ai besoin, encore et toujours, mais là c'est une situation critique. Cela revient un peu à faire tourner le couteau dans la plaie. Je déprime littéralement à l'idée de ne toujours pas être capable de faire mieux. Pourtant, cette incertitude me laisser autant. Je sens sa main quitter la mienne et déglutit. « donc j'vais fêter noël avec ma soeur. ou j'vais juste pas fêter noël, c'est tout. » Ne pas fêter Noël ? C'est juste inconcevable. Je suis très niaise et très gamine, les fêtes de fin d'année j'y tiens presque autant que Celim et donc bien plus que mon anniversaire, par exemple. Je ne compte pas annuler mes plans avec ma famille pour autant afin de rester avec lui. Tay trouvera certaine une nouvelle excuse pour décliner la proposition, mes parents ne sont pas le problème, je le suis : à tous les coups, monsieur évoquera la pitié. C'est entièrement ma faute, mais s'il savait à quel point c'est Bagdad dans ma tête. Pouvoir lui dire oui, c'est limite le genre de vœux que je ferai à la première étoile filante dont je croiserai le chemin incessamment sous peu. J'assume en rien cette situation, parce que je suis très loin d'en être fière, mais j'en suis parfaitement consciente et je l'accepte, mal certes. « j'croyais pas que ce serait aussi difficile de jouer le rôle de l'ami .. mais puisque je dois le faire. » Il ne me reste plus qu'à ravaler ma fierté, sauf que j'en suis incapable. Les serveurs reviennent déjà pour déposer nos assiettes sous nos nez et le vin. J'ai l'appétit plus que coupé désormais. J'ai... j'ai besoin de descendre un verre pour masquer ma honte, prendre l'air, m'isoler aux toilettes. J'ai également besoin de me caler dans mon lit, avec un vieux pyjama moche qui réconforte, manger de la pâte à tartiner au chocolat à même le pot. Ça m'a foutu comme un sacré coup au moral. « Je ne te forcerai donc pas la main. » Je ne l'envoie pas chier comme le font les sales gosses dans les films. Parce que je ne sais pas être méchante. Déjà que jouer le rôle de la fille indifférente sonne faux... Et puis, c'est pas comme s'il était en âge de faire ses propres décisions, mais si justement. Je ne cherche pas à me montrer sèche non plus, je ne vois pas quoi lui dire non plus. Je me mords les joues pour ne pas fondre en larme sous ses yeux. Ce n'est pas un caprice ou un supplice pour qu'il vienne, mon humilité et ma fierté en ont pris un sacré coup sans s'y attendre. Je suis à deux doigts de sangloter, alors j'évite tout contact visuel et ramène enfin ma main non loin de mon assiette. « En tant qu'amie. » J'ai l'impression de mettre une distance entre nous. Comme si je ne passerai plus pour mon rituel quotidien. Comme s'il ne me ferait plus rire dans le futur. Comme s'il allait pouvoir se trouver une fille. Comme si je tournais une page désormais. Sauf que je suis tout sauf soulagée de le faire. Je ne suis pas têtue. Je suis sentimentalement incapable. Et je sens que je vais le regretter amèrement. « Bienvenue à quel est le plus con de ces deux là », votre nouvelle télé-réalité.

Spoiler:

« je ne te forcerai donc pas la main. » inutile de préciser que j'suis encore plus mal à l'aise. l'assiette étant tout juste devant moi, j'suis incapable de manger. je ne bronche pas, j'me demande bien s'il ne vaudrait pas mieux que je quitte. « en tant qu'amie. » je ne lève pas les yeux, j'regarde toujours et encore mon plat jusqu'à ce que la mort nous sépare. c'est mon domaine, moi, les silences qui durent une éternité. j'tente de trouver un moyen de changer de sujet, mais c'est légèrement pas possible, alors je m'arme de ma fourchette pour faire mine de peut-être bientôt manger. je n'ai toujours pas levé le regard, question d'éviter un éventuel malaise. je me demande en silence ce que ça changerait que j'sois son petit-ami puisqu'on fait déjà beaucoup d'trucs que les couples normaux font. cependant, rien n'est simple, et encore moins dans notre situation. j'ai juste envie d'arrêter de réfléchir, alors .. c'est c'que je fais. « si t'as envie d'agir comme si on était ensemble, c'est ton choix. si tu veux que je t'accompagne pour noël, j'vais venir avec toi, quitte à me faire envahir de questions par les membres de ta famille. ça va m'faire plaisir, même. » vino. vinooooo. j'plonge enfin mon regard dans le sien, comme pour montrer que j'suis sincère, parce que le 'ça va m'faire plaisir' était limite forcé. mais j'suis vraiment sincère. j'préfère carrément passer noël avec elle qu'avec quelqu'un d'autre, et j'espère qu'elle le sait. « j'suis un homme soumis. » et j'me permets de sourire en coin, commmmme si ça allait peut-être détendre l'atmosphère. qui ne tente rien n'a rien. j'attendrai le temps qu'il faudra, malgré mon impatience. j'sais, de toute, qu'aller voir ailleurs ne changera rien, même si je l'ai presque peut-être déjà fait. j'sais que ce ne sera jamais la même chose avec quelqu'un d'autre, la même relation, la même .. fille, tout simplement. « .. et si tu es totalement désintéressée par une éventuelle relation avec moi, si tu penses que ça ne fonctionnera jamais et que tu ne fais que prendre par pitié ma pauvre personne, alors là, faudra m'avertir .. » deuxième sourire en coin pour lui montrer que j'ai tout de même plus confiance en moi que ça et que j'rigole, entre autre. j'espère quand même au plus profond d'moi que pour elle, il ne s'agit pas 'd'un jeu'. mais j'connais assez sephora pour savoir qu'elle est sincère. enfin, j'espère. si un jour elle m'dit enfin oui, j'pourrai dire à mes enfants quand j'serai vieux -et ratatiné- que j'aurai beaucoup travaillé pour obtenir ce que je voulais. en même temps, j'ai cette affreuse impression d'être beaucoup trop insistant. j'ai peur qu'elle se tanne, au final, et pourtant j'ai cette impression que c'est encore très loin d'être terminé. déjà, j'croyais jamais devenir aussi proche d'elle un jour. j'croyais pas, au départ, qu'on allait finir par agir comme un couple à ce point sans être réellement ensemble. et surtout, lorsqu'elle m'a dit qu'elle n'était pas prête au tout début, j'croyais pas que ça prendrais mille ans avant qu'elle le soit. et j'suis encore là, à attendre désespérément qu'elle veuille bien, absolument convaincu que tout ira mieux une fois que 'ce sera fait', comme s'il s'agissait d'une étape importante de ma vie. en fait, ce n'est pas qu'un comme si, c'est la réalité. j'suis célibataire depuis longtemps déjà, parce que j'refuse d'avoir de relation sérieuse. et pourtant, j'veux que ça avec sephora. plus qu'une promotion, plus que n'importe quel foutu cadeau d'noël, plus que tout, j'oserais dire. j'aurais peut-être l'impression d'avancer dans la vie, comme tous les autres. d'évoluer. je prends ma première bouchée du repas, discrètement. pas que je n'ai pas très faim, mais je n'ai pas très faim. en fait, ce soir, je n'avais pas .. tellement imaginé ça comme ça. de toute, rien n'arrive jamais comme je le prédis.

Ça me fait vraiment tout drôle de me retrouver dans cette situation. Un bon gros moment de solitude. Non prévu. « si t'as envie d'agir comme si on était ensemble, c'est ton choix. si tu veux que je t'accompagne pour noël, j'vais venir avec toi, quitte à me faire envahir de questions par les membres de ta famille. ça va m'faire plaisir, même. » C’est ton choix ? Ça va m’faire plaisir, même ? Tay, j’ai l’impression que t’es pas sincère. Je déglutis, mais je suis incapable de rétorquer quoique ce soit. Je ne détache pas mon regard du sien, mais je ne suis pas présente pour autant. Partagée entre la sensation qu’il se force ou que cela puisse réellement lui faire plaisir. Comme il l’a dit, nous ne sommes pas ensemble, il n’a pas à être présent, à se faire cuisiner par ma famille. Je vois déjà ma mère me prendre entre quatre yeux, à part, dans la cuisine pour des explications. « j'suis un homme soumis. » Je reprends mes esprits. Perfect timing. Donc, l’idée ne lui plait pas. Bien qu’il y ait un sourire à ce moment. Se retrouver ici et l’inviter pour les fêtes étaient surement des mauvaises idées, mais j’y tiens, je ne suis pas logique et l’irrationalité ça me connaît bien quand il s’agit de lui. « .. et si tu es totalement désintéressée par une éventuelle relation avec moi, si tu penses que ça ne fonctionnera jamais et que tu ne fais que prendre par pitié ma pauvre personne, alors là, faudra m'avertir .. » Désintéressée ? Est-ce qu’il me voit comme une fille qui joue avec ses sentiments ? Moi aussi je veux lire dans tes pensées, parce que là je ne te saisis pas. Je ne veux pas lui parler de mes sentiments, lui demander d’attendre (encore) un peu pour finalement lui annoncer que je suis désintéressée ? Je suis même certaine que ça en vaut le coup. J’essaye de faire tous les efforts au monde afin d’être prête, à la hauteur, loin d’un tas d’incertitudes pour ne pas reculer au moment ultime. « Tay, je ne veux pas que tu te forces dans le seul but de me faire plaisir… » Me faire plaisir ? C’est peu de le dire. Ma conscience s’est prise pour une gymnaste digne des Jeux Olympiques, là à faire des bonds de bonheur dans tous les sens, dans ma petite tête. La pauvre, elle ne va pas s’en remettre. « T’es pas soumis, mais amoureux, nuance. » C’est un peu mon cas tu vois. Mine de rien, nous sommes dans le même bateau. « Quant à moi, je suis l’horrible sorcière qui te torture et te demande beaucoup d’effort. En temps voulu, sache que je ferai tout pour me faire pardonner… Tout. Vraiment. » Je ne me vois pas d’une autre façon et ce depuis pas mal de temps. Tout vouloir, mais tout remettre à plus tard. Demain ? Dans une semaine ? Encore un mois ? Je me sens un peu plus prête chaque jour, mais avec un peu toujours aussi importante, faut pas chercher à comprendre. In vino veritas, il paraît. De toute façon, ce n’est pas mon genre de mentir. J’avale une gorgée. « Désintéressée ? Jamais. T’es… Tu comptes beaucoup. Dès lors que je serai capable de te dire oui, sache aussi que ce ne sera pas une amourette de passage. En ce qui te concerne, je m’imaginais plutôt… un plan sur le long terme, voire le très long terme. Tu vois… Sauf que je te fais un vieux teaser là, parce que tu n’étais pas censé être au courant maintenant. » Je finis par sourire aussi. C’est petit, certes, mais c’est un début. Je soupire et me détends presque capable d’avaler quelque chose désormais. Je sens la première larme glisser sur ma joue. Faites que ce soit aussi la dernière. Je la sèche aussi vite avec le dos de ma main. « J’ai la sensation qu’il y a autre chose qui te tracasse. Quelque chose de différent, nouveau. Pas nous, pas le travail. Je me trompe ? »

« tay, je ne veux pas que tu te forces dans le seul but de me faire plaisir… » me forcer? non. même si j'sais pertinemment que mon orgueil va souffrir dû au fait que j'serai présenté en tant qu'ami et non en tant que petit-ami. avec un peu de chance, l'année prochaine, j'serai invité de manière .. différente. to be continued, oserais-je dire. autrement, je n'ai jamais eu de mal à rencontrer de nouvelles personnes, et je ne vois pas en quoi ce serait si différent avec l'entourage de sephora. « ça ne m'embête pas, j'te jure. » comme si jurer allait la convaincre davantage. « t’es pas soumis, mais amoureux, nuance. quant à moi, je suis l’horrible sorcière qui te torture et te demande beaucoup d’effort. en temps voulu, sache que je ferai tout pour me faire pardonner… tout. vraiment. » .. et moi, j'suis l'horrible tay impatient qui acte la victime. mais justement, j'joue trop à la victime pour lui avouer. j'me sens aussi horrible de faire tout en mon pouvoir pour l'attirer à moi davantage, alors que j'pourrais être compréhensif et tout simplement l'attendre. j'ai toujours eu tendance à forcer les choses pour que tout se déroule plus rapidement. parfois, c'est une qualité, comme au boulot. parfois, c'est un défaut, comme en amour. un jour, j'imagine que je comprendrai que tout ne tourne pas qu'autour de moi. on dit que rien n'arrive en vain, dans la vie. j'imagine que sephora est là pour m'faire comprendre le mot patience, entre autre. « désintéressée ? jamais. t’es… tu comptes beaucoup. dès lors que je serai capable de te dire oui, sache aussi que ce ne sera pas une amourette de passage. en ce qui te concerne, je m’imaginais plutôt… un plan sur le long terme, voire le très long terme. tu vois… sauf que je te fais un vieux teaser là, parce que tu n’étais pas censé être au courant maintenant. » et lorsqu'elle me dit des choses comme celles-là, j'me comprends d'être impatient. j'ose un sourcil, sourire aux lèvres, puis je prends une gorgée de vin. le .. très long terme? pour toi, c'est cinq, dix, vingt, cinquante ans? l'attente en vaudra la peine, c'est le point positif de l'histoire. « si j'avais imaginé une relation de quelques mois seulement, j'aurais abandonné depuis longtemps déjà. » parce que j'suis pas du genre à tourner en rond, puis encore et encore et encore pour une fille. perte de temps. et pourtant, je n'ai pas l'impression que cette fois c'est une perte de temps. peut-être que si, en fait, mais .. l'amour -ce genre d'amour- est une sensation assez rare chez moi. j'ai cette sensation d'avoir l'assurance d'être heureux si j'passe ma vie à ses côtés, et j'imagine que ce n'est pas le genre de sensation qu'il faut sous-estimer. « je n'étais pas censé être au courant maintenant? » sourire. « j'suis soulagé de maintenant savoir à peu près le fond de tes pensées, disons. » je lève mon regard vers elle, puis j'vois une larme couler sur son visage. j'arrête de sourire instantanément. qu'est-ce qu'elle a en tête? j'ai dit un truc qui ne fallait pas? « j’ai la sensation qu’il y a autre chose qui te tracasse. quelque chose de différent, nouveau. pas nous, pas le travail. je me trompe ? » j'croyais m'être comporté presque normalement, pourtant. et maintenant, januário, qu'est-ce que je fais? j'sais pas si je devrais tout simplement esquiver. après tout, anaëlle n'est pas ma copine, et j'comprends pas ce qui m'a poussé à faire ça, aussi. et pourtant, j'continue. faire naître une quelconque jalousie en sephora? ou bien combler la possible solitude que j'ressens ces derniers temps? pouvoir dire à mes potes que j'ai enfin une copine, et qu'en plus, elle est canon. t'es con, tay. vanité, vanité, vanité. montrer aux autres que ça m'arrive d'avoir une vie sentimentale. j'sais plus les motifs de mes actes, je m'y perds. j'sais pas si je dois l'avouer à sephora, ou non. j'sais pas si c'est mal. oui, j'le sais. c'est mal. c'est tout. « je .. j'ai rencontré quelqu'un. » t'aurais dû fermer ta gueule, vraiment. et maintenant, t'es dans l'obligation de t'expliquer. comme c'est classe. alors j'baisse les yeux, et j'attends de passer à a) l'interrogatoire, b) le meurtre de moi-même, c) toutes ces réponses.

Je retourne m’occuper de mon verre de vin qui doit commencer à se sentir seul, tout comme mon plat. « si j'avais imaginé une relation de quelques mois seulement, j'aurais abandonné depuis longtemps déjà. » Un sourire discret contre le bord du verre. J’ai des étoiles plein les yeux, du moins c’est ce dont je me persuade, puis des rêves plein la tête. Je l’aime. Il m’aime. On s’aime. Et ni l’un, ni l’autre ne souhaite une histoire de quelques mois. Le monde est presque parfait. Exception faite que je suis une pauvre petite conne. Encore. Et encore. « je n'étais pas censé être au courant maintenant? » Non pas vraiment. On dirait un discours typique pour l’inciter à rester. Je ne cesserai jamais de me contre dire. Un truc féminin, il paraît. Au moins, il y a bien un domaine en dehors de mon travail dans lequel j’excelle. Pas très avantageux, mais je prends tout de même. « j'suis soulagé de maintenant savoir à peu près le fond de tes pensées, disons. » J’arque un sourcil. Qu’est-ce qu’il pouvait bien croire d’autre ? En dehors d’une histoire de quelques mois et de quelque chose sur « le long terme »… J’ai beau me creuser la tête, ça me faciliterait la vie d’avoir parfois une sorte d’accès à ses pensées, du moins à celles qui pourraient me concerner éventuellement. Et alors que je suis retournée honorer ma pauvre assiette, la sentence tombe. « je .. j'ai rencontré quelqu'un. » Et mon monde est sur le point de s’écrouler d’un instant à l’autre. La phrase tourne en boucle dans ma tête. Il y a comme un écho à ce moment bien précis. Je sentais bien un truc qui ne tournait pas rond ce soir, mais jamais je ne me serai imaginé quelque chose d’aussi important. Tay est important dans ma petite vie. Je suis… choquée. Dégoutée. Dégoutée de moi-même. Dépitée. Apeurée. Je le perds. Je l’ai certainement perdu en fait. Alors pourquoi tout ce discours ? Pourquoi m’annonce-t-il qu’il tient aussi à quelque chose de sérieux ? Quelque chose qui tient plus à quelques mois… J’avais fini par y croire aussi jusqu’à il y a quelques instants. « Je… » Je déglutis, toujours aussi confuse. « Je me sens un peu idiote de t’avoir dit tout ça. » Si ce n’est pire. Toujours indécise, j’ai essayé de le pousser à voir ailleurs tout en lui montrant mon affection et mon attachement ainsi que mon indisponibilité sentimentale. Je n’ai plus qu’à m’en prendre à moi même désormais. En réalité, « contradiction » doit être mon réel nom. « Mais je suis contente pour toi, si tu finis par être heureux avec elle. » Oui, après toutes les allusions que j’ai pu faire par le passé, je doute qu’il annonce être gay tout compte fait. Quoique, on n’atteint jamais le fond. Je tente un sourire. C’est sincère, mais franchement pas évidant à annoncer. De toute façon, nous ne sommes qu’amis, n’est-ce pas ? « Du moins, c’est tout ce que j’ai toujours espéré pour toi. Être heureux. Tu me promets de l’être ? » Il n’a fait qu’une rencontre et moi, je me fais peut être des conclusions trop hâtives. Dites moi que oui... Pitié. Au moins, je suis quasiment préparée à la pire des annonces. « Parce qu’on ne pourra plus être très aussi proche, alors je ne pourrais m’en assurer. » Je grimace. Mon sourire est parti et des sanglots ne vont pas tarder à faire face à ce rythme. Chassez le naturel, il revient toujours au galop. Je suis une fille bien trop sensible. J’essaye franchement d’agir comme une amie, mais ce n’est pas simple de ne plus pouvoir faire allusion à mes propres sentiments. Sauf qu’en y repensant… Je n’ai jamais vraiment considéré Tay comme un ami. Ça devrait fonctionner comme avec les autres, mais… mais je n’y arrive pas encore ou alors je m’y refuse tout simple. « Mais vas y, dis m’en plus sur elle. » Et là, j’ai tout un interrogatoire en tête. Qui est-elle ? Comment s’appelle-t-telle ? À quoi ressemble-t-elle ? Est-ce que je la connais ? Depuis combien de temps ça dure ? Quand l’a-t-il rencontrée ? Je me mords la lèvre pour me retenir. Il ne manquerait plus que je l’agresse maintenant alors que je souhaite tout simplement son bien. Je croise les bras sur la table. Sourire pincé. Toute ouïe, comme la meilleure amie au monde qui soit ou qui essaye vainement.