Le début des emmerdes Noah & Charlie ©Diie |
Je ne sais pas ce qui m’a réveillée, toujours est-il qu’il fait encore nuit noire et que je ne suis pas dans mon lit. Deux ou trois secondes pour remettre mes idées en place et je me souviens que je suis chez Noah. Ca ne fait pas très longtemps que je le connais, pourtant c’est déjà la troisième fois qu’on se voit, et j’avoue commencer à me poser des questions. Parfois j’ai l’impression qu’il me regarde un peu bizarrement. Oh je me fais sans doute des idées mais bon, chassez la paranoïa elle revient au triple galop ! Tout a été vraiment très vite. Tous les gens qui me connaissent vous le diront «Charline est une fille sérieuse». Je ne suis pas une sainte non plus, n’exagérons pas, mais j’ai toujours besoin d’un petit temps avant de sauter le pas avec un homme. Normal quoi.
Noah n’est pas un homme de mon âge, il est dans la trentaine bien tassée, et là encore c’est de l’inédit. Mais je ne me suis pas laissée freiner par ce détail, après tout, je ne prévoyais pas de l’épouser, alors qu’est-ce que ça pouvait bien faire ? Pour tout dire, le jour de notre rencontre quand j’ai accepté de le suivre tout en sachant comment les choses allaient se terminer, je pensais que ça allait être un coup d’un soir, qu’on n’allait plus se revoir ensuite. Pas de culpabilité dans un cas pareil, deux adultes consentants qui se plaisent et s’amusent, y’a pas de mal à ça. Pourtant il m’a rappelée, à ma plus grande surprise.
Là vous voyez, je me dis que trois fois, ça ne ressemble plus à un coup d’un soir. Pas que je ne sois pas dans l’envie de faire ma vie avec quelqu’un, mais il est évident que ce quelqu’un n’aura pas du tout le profil de mon amant du moment. Noah est... Trop fermé, trop mystérieux, par moments il me fout des frissons juste par un regard, et si désire il y a, c’est aussi parce qu’il me fout les jetons ! Lui et moi, il est évident que c’est juste sexuel, permettez moi donc de m’interroger sur la tournure que prennent les choses. Je n’ai parlé de lui à personne, déjà parce que je ne veux pas que cette histoire aille jusqu’aux oreilles de mon frère. Il n’a pas de leçon à me donner sur les plaisirs du sexe avec des quasi inconnus, mais j’aime autant le garder éloigné de ma vie sexuelle. Ensuite je sais que mon entourage ne verra pas d’un bon oeil le fait que j’ai eu ce genre de comportement. Ca va me faire des leçons de morale de partout, ça va me traiter de folle inconsciente (ils n’auraient pas tort remarquez), et je n’ai pas du tout envie d’entendre ça.
Je tourne la tête pour apercevoir l’heure. Quatre heures du matin, à quelques minutes près. Je baille et regarde du côté du lit où devrait être Noah, mais de toute évidence, il n’est pas là. Je me dis qu’il doit sans doute être à la salle de bains... Quant à moi, je meure de soif. Pas trop envie de quitter la chaleur du lit, mais je sais que je ne pourrai plus me rendormir si je n’étanche pas ça vite fait. Alors à moitié dans les vapes, j’enfile le premier t-shirt que je trouve par terre (et qui n’est pas à moi), et je sors de la chambre, direction la cuisine. Mais alors que je m’approche, j’entends la voix de Noah. Il parle à quelqu’un, et comme je n’entends pas la réponse de son interlocuteur, je comprends vite qu’il est au téléphone. Bon, OK, je reviendrai plus tard. Mais alors que je fais demi-tour, soucieuse de ne pas le déranger dans sa conversation, quelques bribes de celle-ci me parviennent, et on ne peut pas dire qu’il parle de la pluie et du beau temps. Mes yeux s’écarquillent quand je comprends de quoi il parle, et c’est totalement médusée que je fixe le dos de Noah, incapable de bouger.
Je ne peux pas m’être trompée, je n’ai pas compris de travers, même si j’essaie de toutes mes forces de repasser la bande dans ma tête encore et encore pour trouver une autre explication qui ne vient pas. Il me faut quelques secondes pour réaliser qu’il a raccroché et s’est retourné pour me découvrir plantée derrière le chambranle de la porte, blanche comme un cachet d’aspirine. Des tas d’images me reviennent en tête, dont la principale est celle de mon frère pris de convulsions sur le carrelage de son entrée. La drogue, j’ai ça en horreur, comme la guerre. La guerre m’a pris un frère, la drogue a bien failli me prendre l’autre. C’est une saloperie qui vend du rêve aux gens et les enlise irrémédiablement. Ceux qui vendent ça, ce sont des marchands de mort, des gens capables de foutre en l’air des vies, des familles, juste pour du pognon. J’arrive pas à le croire... Sans que je m’en rende compte, un air de déception se peint sur mon visage.
Comment tu peux faire ça ?La question sort de ma bouche un peu comme une interrogation intérieure, comme si je mettais mes pensées en paroles. Mais je sens le feu me monter aux joues et mes poings se serrent sous la colère que je ressens de plus en plus.
Tu te rends compte du nombre de gamins qui crèvent à cause de ta saloperie ? Comment tu peux vendre cette merde ?