► Dieu est un fumeur de havanes.

J'ouvre les yeux sur le plafond blanc de mon appartement, il fait déjà bien jour à travers le rideau. Mais j'me rends compte que je ne suis pas dans ma chambre. Tu m'diras, j'ai l'habitude de dormir sur le canapé, ça m'arrive de temps en temps quand je m'y endors parce que j'ai pas eu la force de m'traîner jusqu'à ma chambre. C'est que les jambes sont lourdes quand il faut porter tout un corps alors qu'on vient de s'injecter une dose plus grosse que soi dans l'sang. Mais là, pas question de drogues en tout genre, si j'ai dormi sur le canapé cette nuit c'est parce que j'ai laissé une fille dans mon lit. Ouais, une fille que j'ai même pas touchée, une fille que j'pourrais pas offenser, si c'est pas malheureux à dire. Je me lève et je vais voir si elle n'est pas morte étouffée dans les draps, parce que j'dois dire qu'elle est rentrée dans un état un peu second la pauvre. Bon, au moins elle pourra s'réconcilier en se disant que quelqu'un a pris soin d'elle, c'pas tous les jours non plus que ça m'arrive, mais j'dois avouer que je l'aime bien, cette petite. Elle me fait rire, avec toutes ses histoires de Dieu, de prières, de messes, de choses qu'on fait quand on est croyant. J'respecte ça, bien sûr, cependant j'reste persuadé qu'elle va s'demander pourquoi elle a attendu si longtemps pour perdre sa virginité le jour où un mec lui fera vraiment prendre son pied. Ahlala, toute une histoire ! J'arrive dans la chambre, elle est encore enroulée dans les draps. Moi j'suis torse nu, en boxer, et je m'assieds au bord du lit, près d'elle. Faut croire que ce fut le mouvement qui a fait la transition entre sa phase de sommeil et l'éveil, et voilà que maintenant une paire d'yeux rougis me fixaient d'un air un peu questionneur. Voyant qu'elle me regardait comme si je venais de trancher la gorge de sa mère, j'apaisais quand même ses craintes. « Ne me regarde pas comme ça, ma petite sainte, c'pas comme si on avait couché ensemble la nuit dernière. », soufflais-je, mesquin mais amusé. Je me pose tranquillement à côté d'elle et m'allonge sur le matelas, jetant un œil à la jeune femme avant de laisser mon regard s'égarer dehors à travers la fenêtre.

« Allez, il est presque midi, il faudrait penser à bouger maintenant. Petit dej' ? », lui proposais-je. J'étais à un stade où je n'avais plus envie de rester posé à faire la loque, et j'attendais bien que ma camarade en fasse autant. Alors je forçais un peu les choses et retirais carrément toute la couette, d'un seul coup, laissant la fraîcheur tomber sur les épaules de la belle endormie. J'avais pour habitude de ne pas dormir énormément, et j'avais encore le culot de réveiller les personnes qui, encore, étaient plongées dans leurs rêves.

Hier, j'ai carrément déconné. Et je peux presque jurer – même si ce serait une forme de blasphème, sans doute – sur Dieu que c'est la réalité des choses. Mais ce n'est que lorsque je sors de mon pays imaginaire – qui n'est en fait qu'un rêve, par l'intervention de Manech que je m'en rend pleinement compte. J'ouvre les yeux en mettant un petit temps parce qu'il fait jour et que la lumière agresse profondément mes pupilles. Et mon dieu, que j'ai mal de tête ! Je lève les yeux, parce que je suis quelque peu nez à nez avec le boxer de Manech, ce qui, soit dit en passant, est légèrement bizarre. Pour moi, en tous cas. Et ce que je vois ensuite n'est pas beaucoup mieux parce qu'il est torse nu et a plutôt l'air bien réveillé. Je ne me rend compte qu'après quelques secondes que je lui jetais un regard lourd des soupçons que j'ai en tête lorsqu'il me dit d'un air tout à fait mesquin mais avec tout l'amusement du monde : « Ne me regarde pas comme ça, ma petite sainte, c'pas comme si on avait couché ensemble la nuit dernière. » Bon, je dois bien avouer que ça me rassure un peu. Pas que perdre ma virginité avec lui ne m'enchante pas – enfin, ça ne m'enchanterais pas mais y'a pire. Mais j'ai quand même envie de la garder jusqu'au mariage que j'attends depuis déjà vingt deux longues années, avec le prince Charmant, le carosse et tout le fatras qu'il y a avec. Oui, je crois au prince Charmant et je sais que celui avec lequel je m’unirai – et dans tous les sens du terme, sera le bon. Et pendant que je remets mes rêves en place dans ma tête, Manech s'allonge à côté de moi comme si c'était la chose la plus naturelle à faire. Je fronce légèrement les sourcils et décide de prendre la parole pour lui répondre. « Tu me rassures... Un peu. » dis-je. Avant de continuer, avec un « Oh et j'ai un mal de crâne... J'ai fait quoi cette nuit ? », parce que je m'en souviens pas vraiment. Et j'espère qu'il pourra me renseigner, parce que si j'me suis faite violée par Tim, j'aimerai quand même être au courant. « Allez, il est presque midi, il faudrait penser à bouger maintenant. Petit dej' ? » dit-il, avant de joindre le geste à la parole et de se lever afin de m'arracher la couverture. Je pousse un grognement qui exprime mon mécontentement. Surtout que comme j'ai pas de pyjama, je me suis couchée en sous-vêtements et que donc... j'ai froid, premièrement une. Et puis, il n'est pas habilité à me regarder dans cet accoutrement ! Je me redresse, mets instinctivement mes bras devant ma poitrine, bien que cachée par un soutien-gorge et je regarde Manech avec un air outré. « Ptit dej', mais t'as pas... j'sais pas... un vieux t-shirt, un truc...? » J'ai pas envie de me rhabiller avec mes affaires de la veille, et encore moins pour prendre mon petit déjeuner. J'aimerai quelque chose qui puisse être une sorte de pyjama improvisé. « Hum ! On s'fait un brunch plutôt ? » Oui, parce qu'il est midi et que je suis à cheval sur ce genre de point essentiel.