Boulot, boulot, boulot. J'ai beau adorer c'que j'fais, adorer avoir les mains dans les moteurs de voiture et tout, y a des moments où je préfèrerais quand même de loin être chez moi genre bien au chaud, sur le canapé avec une couette devant un film et avec une clope. Oh, le top. Mais pour l'instant il me reste une voiture à finir avant d'être tranquille. Bon ça va, ça passe vite. Super vite même, j'ai pas vu le temps filer, il est 18h et je quitte le garage. Parce que maintenant, c'est la meilleure partie de la journée qui va se jouer : la soirée. Et pas n'importe quelle soirée, c'est avec Anaëlle. C'est le meilleur, c'qu'y a de mieux au monde. Alors j'vais la chercher au lycée, et je l'attends hors de la voiture. Quand je la vois sortir alors qu'elle ne porte qu'un pull léger j'ai froid pour elle. Franchement, il doit faire facilement -15°C là. Bon, peut-être pas, mais quand même. Il fait froid. Elle sourit et sans attendre je me mets à sourire bêtement à mon tour. Elle m'a vraiment manqué, c'est dingue. Pourtant, on s'est vus hier, on a parlé par sms toute la journée, et je l'ai même appelée ce midi. Mais non, elle m'a quand même manqué. L'avantage avec Ana : pas besoin de cocaïne, j'suis déjà dépendant. Quoi que j'sais pas trop si c'est un avantage ou pas, puisque toutes les bonnes choses ont une fin, mais bon, c'est bien pour ça qu'il faut en profiter j'imagine. « Tu sais ce que mon prof de philo - et Alain - ont insinué ? » Je la questionne du regard. Franchement je me demande bien ce qu'elle va me sortir. Mais rien que de savoir qu'elle à parlé du prof de philo, là, ça annonce un truc assez étrange. « Que genre, mon chat n'avait pas de conscience... Bien sûr qu'il en a une ! » Bah voilà, fallait que je m'y attende hein. Je rigole alors qu'elle a l'air choquée. « En même temps, c'un être vivant, pourquoi il n'aurait pas de conscience ? » J'hausse les épaules alors qu'elle vient se caler dans mes bras. Ah, voilà, c'est évidemment de ça dont j'avais besoin. Anaëlle dans mes bras. Le summum. Le moment parfait de la journée. « Sinon, mis à part ton chat sans conscience, t'as passé une bonne journée ? » dis-je en la serrant un peu plus contre moi et déposant un baiser sur sa tête. On reste là quelques temps, sans bouger, beaucoup trop bien installés. En tout cas, pour ma part. Sérieusement, je suis tellement bien que je serais capable de lui dire de ne pas sortir ce soir et de se regarder un film à l'appartement. Mais bon, elle comme moi avons besoin de voir du monde. Et, soyons francs : on a des besoins naturels à satisfaire, hein.

Elle est là, dans mes bras, enfin. Depuis que je me suis réveillé ce matin, je n'attendais que ça : avoir fini ma journée de travail pour aller la chercher et la serrer contre moi. C'est horrible quand elle s'éloigne, j'ai l'impression chaque fois qu'on m'arrache une partie de moi-même, je me sens vide. Et je me demande comment on en est arrivés là, à être aussi attachés l'un à l'autre, à tel point qu'on n'arrive plus à se séparer longtemps. Mais alors, quand elle est de retour avec moi, que je suis à nouveau complet, plus rien ne compte autour de nous. Pas même son chat qui n'a pas de conscience. Je n'écoute qu'à moitié l'histoire de son chat qui n'agit que par l'instinct, mais j'ai l'impression qu'elle est en train de me lire son cours. Enfin, j'imagine, je ne sais pratiquement pas à quoi ressemble un cours de philo de toute façon. « Enfin... j'me fais peur là, alors on change de sujet, si tu veux bien ? » J’acquiesce et lui demande si elle a passé une bonne journée, en espérant qu'elle ne me dise pas que non, qu'elle se sentait pas bien et tout, parce que .. j'aimerais vraiment pas. Je déteste ça de toute façon quand elle me dit qu'elle ne se sent pas bien. « Ouais... Fin, comme une journée de cours quoi. Pas que ça m'intéresse pas, mais bon. Disons que je préfère largement être ici plutôt qu'en philo, tu vois ? » Ouf. « Oh oui, je vois.. » En même temps, toute ma deuxième année de terminale s'est passée comme ça, à préférer être à ses côtés que d'aller en cours. « Et toi ? » Woaw, bonne question. « Bah, j'me suis niqué en changeant un cardan, mais à part ça, oui. » Ouais enfin, en plus simple, j'aurais pu lui dire que j'me suis ouvert la main en démontant une voiture en fait .. Mais bon, j'y peux rien. T'façon, heureusement que je lui ai pas dit que je m'étais ouvert la main, elle se serait inquiétée pour rien, puisque j'ai plus rien maintenant. On reste quelques instants encore comme ça sans bouger, puis je la lâche doucement pour qu'elle rentre dans la voiture. Pas que je sois pressé de la lâcher ou de partir, mais bon, on ne va pas passer toute notre soirée devant le lycée non plus.

On est là, calés contre la voiture, elle contre moi, et j'me sens bien comme ça. Pourtant je sais que même si on va passer toute la soirée ensemble, dès qu'elle devra repartir, elle va de nouveau me manquer. Mais c'était pas prévu, au début de notre relation, que je m'attache aussi vite et aussi fort à elle. C'était pas dans mes plans, pourtant c'était inévitable. Et voilà à quoi j'en suis réduit, faible, à devoir passer un maximum de mon temps libre avec elle pour me sentir bien. Je ne saurais jamais dire lequel de nous deux tient le plus à l'autre. C'est sans doute un attachement équivalent. Et, de la même sorte, je ne saurais pas dire lequel de nous deux s'inquiète le plus pour l'autre. Bien sûr, j'ai mes raisons de m'inquiéter pour elle, elle étant malade. Mais elle s'inquiète beaucoup pour moi aussi, souvent inutilement. Comme maintenant. Je lui annonce nonchalamment que je me suis fait mal en travaillant sur une voiture, et la voilà tout de suite aux aguets. Elle relève sa tête vers moi, et je pourrais presque lire l'anxiété dans ses yeux. « Quoi ? » Je sens déjà la suite arriver, c'est gros comme une maison. Et si elle ne me passe pas au peigne fin maintenant, alors ce sera plus tard. « Tu t'es fait mal où...? » « T'inquiète pas, c'est rien. » Oui, bon, mes paroles ne changeront rien, mais l'espoir fait vivre. Je la relâche doucement pour qu'elle rentre dans la voiture et qu'on bouge enfin d'ici, elle s'exécute. Je rentre à mon tour, met le contact et démarre. Comme à chaque fois, Ana met la radio en route, ça me prouve qu'elle est vraiment de bonne humeur. C'est un des signes qui me permet, entre autres, de savoir si elle va bien ou pas : la radio. Drôlement pratique. « Tu me feras penser à envoyer un sms à ma mère ? Faut que je lui dise qu'on sort ce soir. » « Pas d'soucis, t'as encore de la batterie au moins ? » Non parce que, franchement, ça serait le comble je crois si elle devait prévenir sa mère alors que son portable est à sec. Et le pire, c'est qu'elle serait capable de me dire qu'il y en a encore alors que ce n'est pas le cas, par pure flemme de vérifier. « Et faut qu'on aille acheter une bouteille. A moins que t'en ai encore... » Je réfléchis quelques instants. Est-ce que j'en ai encore ? De toute façon, si ça se trouve, même s'il en restait la dernière fois, il ne doit plus y en avoir. Entre Camel et moi, un de nous deux, voire nous deux, avons dû y toucher. « Ah, ouais, faut aller en acheter, t'as raison ! » Du coup, je bifurque rapidement pour changer de direction et pars vers le supermarché auquel on est en quelques minutes seulement. « On est arrivé mademoiselle. » On sort à nouveau de la voiture que je ferme rapidement, et j'attrape sa main, prêt à partir à la recherche de la bouteille perdue. Qu'allons-nous acheter aujourd'hui ? Whisky, tequila, vodka, bière, rhum, pastis, liqueur ? Am, stram, gram, pic et pic et colégram, bour et bour et ratatam, am, stram, gram.

On rentre dans le magasin main dans la main, et presque sans tarder, on se dirige dans le rayon alcool. De toute façon, ça ne sert à rien de tourner en rond, si on vient, c'est juste pour acheter une bouteille, rien de plus, alors autant ne pas perdre de temps. Au plus vite on prendra la bouteille, au plus vite on rentrera, et au plus vite je pourrais m'étaler sur le lit comme un gros tas pendant des heures à larver tranquillement. Le programme parfait. « Y'aura qui ? Parce que Benjamin et Audrey détestent le Whisky, donc s'ils sont là, vaut mieux pas en prendre. C'pas la peine de prendre du Jack s'il se boit pas. » Je soupire. Ils sont chiants tous, hein. C'est quoi ces gens, franchement, qui n'aiment pas le Jack ? C'est parfait le Jack, c'est magnifique, c'est goûteux, c'est.. j'en bave d'avance. Ouais, sauf que s'il y a Benjamin et Audrey, pas de Jack.. « Bah, sinon, je prend le Jack et je me le garde ? Je la bois tout seul la bouteille s'il le faut, non ? » Je sais déjà qu'elle va dire non de toute façon. Ana, me laisser délibérément boire une bouteille entière de Whisky ? Jamais. De toute façon, elle a déjà attrapé une bouteille de Vodka.. « Poliakov c'est ma copine... » Je rigole et hoche la tête. Non, non, ça va pas le faire, pas de la Vodka, j'ai pas envie de Vodka moi.. « Une pièce exceptionnelle... » Elle se met à me faire les yeux doux.. Non mais, ça va pas le faire si elle me fait les yeux doux.. Je résiste pas, moi.. Elle est mignonne quand même, comme elle me montre la bouteille. « Eh, on s'calme, c'est pas du Château Margaux, hein.. » Je regarde le rayon, j'observe.. J'hésite. J'attrape deux bouteilles et me retourne vers Ana. « Pas de Vodka. Non négociable. » Je la regarde d'un air désapprobateur. Sérieux, c'est moi qui paye de la bouteille, et j'ai pas envie de Vodka, alors non. « Mais. Je te laisse le choix entre de la Tek' et un bon Old Nick. Alors ? » Je le reconnais, c'est dur de choisir entre la tequila et le rhum.. Les deux sont si bons.. Mais les usages sont tout de même un brin différents.. Et comme je suis incapable de choisir, je lui laisse faire le sale boulot ! Mais parti comme c'est, je sens que je vais finir par acheter trois bouteilles au final : vodka, tequila, et rhum. Ouais, j'vais fournir tout le monde quoi.. « Si on prend de la tequila, faut que j'aille prendre des citrons.. Si on prend du rhum, j'irais prendre du jus d'orange.. Comme j'suis pas sûr que Thomas n'ait ni l'un, ni l'autre.. » En fait, je réfléchis carrément à voix haute le temps qu'elle se décide.

« Tu fais c'que tu veux, mais pas quand t'es en soirée avec moi... J'ai dit : pas de Jack. » La façon dont elle me parle, le regard qu'elle me fait, me donnent l'impression de retourner à quand j'étais gamin et que ma mère refusait catégoriquement de m'acheter le jouet que je voulais. Ouais, ça fait exactement le même effet, et très franchement, je ferais bien un caprice.. J'ai très envie de mon Jack.. Mais bon, je vais essayer de me tenir aujourd'hui, un minimum quand même. Du coup, elle insiste avec sa vodka qu'elle veut absolument. Et j'ai beau dire non, elle en rajoute une couche.. « Moi j'aime bien la Vodka sinon... » Je soupire, elle est pas possible cette nana.. « Ça va, j'rigole. Prends la Tek, c'est meilleur ! » Ah bon, elle a enfin réussi à se décider ! « Et j'prends aussi Poliakov, mais à mon compte. Faut bien que j'paye ma bouteille aussi, y'a pas d'raison. » Ben tiens, je m'y attendais à celle-là.. Si elle croit que je vais la laisser s'en sortir comme ça.. Mais je ne dis rien, j'attrape simplement sa main, la bouteille dans l'autre et on avance jusqu'aux fruits. Donc, du citron.. Quel citron au juste ? Il en faudrait un bien acide.. Citron vert ! Voilà. On se dirige vers la caisse. C'est bientôt notre tour, je pose ma bouteille et le filet de citron sur le tapis. Je suis curieux de voir comment elle va s'en sortir avec la bouteille et sa carte d'identité de mineure..

On est à la caisse, et j'attends de voir comment elle va s'en sortir, quand je remarque qu'elle se retourne vers le mec derrière elle. « Hum, excuse-moi... J'peux te demander un service ? » Non mais elle est sérieuse, là ? Je l'écoute faire son petit manège sans me retourner. Je me retiens d'intervenir quand même, c'est vachement tentant. Son frère ? Et je tiens à c'qu'elle paye sa bouteille ? Eh bah putain. Elle ment bien, visiblement. C'est bon à savoir ça, j'crois. En tout cas, elle a l'air de bien plaire au mec, il accepte directement, et ah ouais, il lui demande son numéro, carrément. Et elle lui donne ? Elle se fout de ma gueule ou quoi ? Ce mec est trop vieux pour elle, et elle le sait très bien en plus. Non mais sérieux, elle joue à quoi ? Après avoir fait son petit cinéma, elle se retourne vers moi, toute contente. Tout ce que je rends à son sourire, c'est un regard froid et dur. Quand c'est à mon tour, je paye ma bouteille et mes citrons. Je jette un regard de serial-killer au type qui s'est cru en été, avant de lâcher un « Je t'attends à la voiture. » à Ana, sèchement. Qu'elle fasse ses affaires tranquillement surtout, j'voudrais pas la retenir. Je sors du magasin et me dirige vers ma voiture qui m'attend toujours au même endroit. Elle, au moins, ne me cause pas de problème. Elle est belle, gentille, et elle me rend l'amour que je lui porte. Mon petit bijou, ah.. Je mets mes courses sur la banquette arrière et m'installe au siège conducteur avant de m'allumer une cigarette. Musique en route et à fond, j'attends qu'Ana veuille bien se décider à venir. Quand elle rentre enfin dans la voiture, quelques minutes plus tard, j'arrête immédiatement la musique. « Tu l'fais souvent c'coup-là ? Puis ça va, t'as pris ton temps avec ton Louis. » J'appuie bien sur les deux derniers mots, je n'sais même pas pourquoi. « T'as pas l'impression qu'il est un peu trop vieux pour toi ? » Je démarre directement après le moteur, et je regarde derrière pour vérifier que je puisse bien reculer tout en tirant une dernière latte sur ma clope. Oh, mais, qui est derrière ? La voiture de Louis ! J'avoue que je suis tenté de lui rentrer dedans, là.. Ouais mais, non, j'vais abîmer mon pauvre bébé.

J'attends Ana patiemment dans la voiture, la radio en route. J'me dis qu'elle va sans doute prendre son temps avec ce type, et franchement, ça me fout en rogne. Non seulement qu'elle ait le vice de manipuler les gens pour obtenir ce qu'elle veut et en plus, qu'elle se retrouve devant les chiottes avec ce mec. Franchement, la prochaine fois tant qu'elle y est, elle a qu'à lui proposer de la sauter en échange, ça ira plus vite. Elle lui a déjà donné son numéro de toute façon, alors peut-être bien que c'est ce qu'il va finir par se passer. Ma cigarette au bec, je tapote le volant en signe d'impatience, quand elle rentre enfin dans la voiture. Il était temps, quand même. « Saad, sérieusement... J'suis restée 30 secondes avec ce type, me sors pas que j'ai prit mon temps. Et puis, il doit pas être si vieux que ça. » C'est trente secondes de trop déjà, j'ai envie de lui dire.. « Pas si vieux que ça ? Il est déjà largement plus vieux que moi, et t'sais déjà c'que je pense à ce propos. Mais mon avis n'change rien, apparemment. Pas d'soucis. » Oui, je râle. Non, je n'boude pas. Quoi que.. si, un peu quand même, en fait. On commence à partir du parking, j'écrase ma cigarette et jette le mégot par la fenêtre. « Et puis, on s'en fout de toute façon... J'vais jamais le revoir. » Ouais, 'fin, ça, c'est c'qu'elle dit. Entre c'qu'elle dit et c'qu'elle fait, j'sens qu'il y a une grosse marge, étrangement. « Non mais tu peux bien l'revoir t'façon, on s'en fout. » Ok, je boude carrément, là. Je sors une cigarette, une autre, déjà. Hum. Peu importe, c'est pas comme si ça allait me tuer. On roule pendant quelques minutes encore, dans le silence le plus mortel qui soit, avant de se garer en bas de l'immeuble. Sans un mot, je coupe le contact, récupère mes affaires, et ferme la voiture une fois qu'elle en est sortie. Bon, on a fait nos courses, c'est bien beau, mais maintenant, il faut se préparer. J'en ai pas franchement envie, mais.. c'pas comme si j'avais le choix, dans le fond. J'entre dans l'appart, Ana à ma suite. Pas de trace de Camel. J'sais pas c'qu'il fout, peut-être qu'il rentrera plus tard, peut-être pas ce soir. T'façon, j'suis pas son père, il fait ce qu'il veut. J'pose mes affaires sur le plan de travail de la cuisine, et je pars m'affaler sur le canapé. Un peu de repos après cette journée à bosser et courir au supermarché, ça fait du bien. Franchement.

Le trajet est long, genre, très long. Peut-être trop, même. La raison, le silence. C'est trop silencieux. J'ai pas l'habitude de ça. En même temps, dans l'fond, j'peux m'en prendre qu'à moi-même, c'est moi qui fait la gueule, pas elle. J'reconnais que la raison pour laquelle j'fais la gueule est absurde, c'est vrai. Mais ça, j'le reconnais que dans ma tête. J'ai trop d'fierté pour le dire à voix haute et m'excuser. Le jour où ça arrive, c'est qu'c'est une situation d'crise, j'pense. Fierté mal placée, il paraît. J'en ai rien à foutre. Là, j'veux juste me poser au canapé et plus bouger, c'tout. Me détendre, me reposer. Et puis m'préparer au dernier moment. Ce que je fais, de toute évidence. J'entends Ana ranger les bouteilles au frigo. J'avoue qu'j'y pense jamais, à ça. C'pas forcément une évidence pour moi, puis, c'pas comme s'il faisait 20 degrés dehors, alors c'pas important. J'ferme les yeux, j'espère m'endormir un peu, même juste une demi-heure, ça serait pas mal, franchement. Mais Ana se poste, enfin non, se jette sur le canapé, et je sens son regard me scruter. J'aime pas quand elle fait ça. Et elle le sait, en plus. Elle m'fait un bisou sur la joue, je bronche pas, toujours les yeux fermés. Mais quand elle soulève mon t-shirt, j'arque un sourcil. « Enlève ton t-shirt, s'te plait. J'voudrais pas que tu cries au viol. » Elle m'fait quoi, là ? J'ouvre les yeux, elle sourit. « Et souris, merde ! » Elle m'fait des chatouilles pour m'faire rire, mais ça marche pas, elle a dû oublier que j'crains pas, ça. Mais j'souris quand même. Parce que sa tentative est carrément tombée à l'eau, et qu'elle reste là, comme une idiote, et qu'c'est plutôt drôle comme situation. C'marrant d'voir sa tête quand elle se rend compte que ce qu'elle fait ne marche pas comme elle le voudrait. « Tu veux dire, un sourire, comme ça ? » Pour appuyer mes mots, j'place mes index aux commissures de mes lèvres et tire dessus pour faire dessiner un sourire sur mon visage, qui doit être absolument affreux, avant d'me mettre à rire, pour de bon. Qu'est-ce que j'peux détester le fait qu'elle arrive toujours à m'faire craquer. À part si c'est vraiment grave, j'arrive jamais à lui faire la gueule bien longtemps. J'enlève mon t-shirt, comme elle l'a demandé avant, alors que je n'sais même pas pourquoi je l'enlève en fait. Peut-être qu'elle a juste envie que j'me trimballe torse-nu. Pourquoi pas, si y a que ça pour lui faire plaisir. « Et voilà le corps d'Apollon de ton bg de meilleur ami, tu t'sens mieux ? » Et puis je m'allonge sur le canapé, les bras en étoile, trop fatigué. Qu'elle fasse de moi ce que bon lui semble.