Lexie

Onze heure. J’en peux d’jà plus d’être derrière le comptoir. J’ai chaud, y’a la masse de monde et surtout je bosse avec Victor, un vrai con ce type. J’ai sérieusement l’impression qu’il a un poix chiche dans la tête. Il faut tout lui dire et encore, il arrive à se tromper dans les commandes des clients. En plus de ça, il me parle de sa life sans arrêt dès qu’on a un moment de répit et autant dire que j’men bas les steaks. C’est cool, il a une copine et blablabla. Oh tiens ! Un rugbyman arrive. Je mise sur la pinte de bière. Bingo ! Sa copine se ramène et réclame un Sex on the beach. La chaudasse ! Dommage que Mr Muscle soit derrière elle. J’crois que c’était une des seules filles potables que j’ai vu de la soirée. Ah non ! Y’a une brune genre gothique pas trop mal qui se ramène. Sa tête me dit sérieusement quelque chose. Genre je dois la connaître. Merde, elle commence à passer commande auprès de Victor la vicoss’ ! Non ! Elle est pour moi elle. « Trouduc, y’a le pat’ qui te réclame. » Me voilà débarrasser facilement de mon con de collègue. Le temps qu’il se rende compte que le patron n’a pas besoin de lui, tout ça, j’obtiendrai ce que je veux : une conversation avec la br.. Oh bon sang ! Ca me revient. Je la connais vraiment. Et autant dire que j’attendais ce moment avec impatience. Petit rappel des faits : la bougresse m’a attaché avec des menottes au lit d’un inconnu lors d’une soirée bien arrosée et m’a planté lâchement alors qu’on était sur le point de baiser. J’me suis donc retrouvé comme un con, tout nu, pendant plusieurs minutes à attendre que quelqu’un ramène ses fesses. Une blonde assez moche m’a détaché si j’me souviens bien. Heureusement, elle n’a pas pris soin de me photographier. En revanche, j’ai quand même dû lui donner un baiser pour la remercier. Berk. J’suis pas du genre à embrasser les adolescentes pré pubères en manque d’amour. Voilà donc de nombreuses raisons de détester la brune en face de moi. Mais j’ai plutôt pour idée de me venger. Comment ? Telle est la question. « Bonjour, tu veux boire quoi ? » Pour l’instant, j’fais comme si de rien n’était. J’suis pas sûr que la jeune femme se souvienne de moi. En attendant, j’finis de préparer la commande du couple d’à côté. Bière done. Cocktail done. Addition pour eux. « Quinze euros et trente-deux centimes s’il vous plait. » Et j’fais péter le boitier électronique pour le paiement tout en réfléchissant à ma future vengeance envers la brune.

Il est grand temps que je me venge. Si la brune s’est pointé précisément dans mon bar et pas dans un autre, ce n’est pas pour rien, c’est l’destin. Peut-être une puissance supérieure style Dieu qui m’accorde le droit de donner une petite leçon à la jeune femme. J’sais pas mais faut que je le fasse. J’attends ce moment depuis bien trop longtemps. J’suis pas du genre à laisser une fille m’humilier. Donc je réfléchis à ce que je pourrai bien lui faire tout en finissant la commande du couple d’à côté. Evidemment, je prends mon temps pour trouver une idée potable en faisant durer le paiement électronique, tout ça. Et l’idée fut ! Je sais à peu près comment me venger. « Voilà, vous pouvez retirer votre carte. » Evidemment, l’gros costaud j’vais pas me permettre de le tutoyer. Le gérant nous demande de paraître cool auprès de la clientèle mais y’a des limites. Bon, maintenant, me reste plus qu’à mettre mon plan à exécution auprès de la jolie mécheuse. Elle veut savoir ce que je lui conseille de boire. Je souris, un peu forcé. Je me demande à cet instant précis si elle ne m’a pas reconnu. J’crois pas. Pour éviter cela, je baisse la tête le plus possible en débarrassant le bar des verres vides. « Je peux te servir ce que tu veux. Bière. Monaco. Shot de vodka, rhum, Teq paf. Whisky coca. Oh, je sais ce qu’il te faut ! Cocktail fait-maison. » En général, les filles adorent les cocktails donc il y a de très fortes chances pour que la jeune femme succombe. Et puis, j’suis du genre persuasif. « C’est ma spécialité, fais moi confiance. » Limite, j’lui laisse pas le choix. J’ai déjà choisis pour elle. De toute façon, elle semble d’accord. Ah ah. Je m’empresse suite à ses dires de préparer le mélange. Je commence à mettre la dose habituelle de vodka devant elle puis me tourne pour attraper du sirop de melon dans un placard ainsi qu’une bouteille de jus de cranberry et de vinaigre servant à nettoyer l’évier. Je fais bien gaffe à ne rien montrer de me préparation. Dos à elle, je verse ainsi du vinaigre dans la vodka, puis du sirop de melon et du jus de cranberry avant de me retourner vers elle pour placer un parapluie de décoration dans le cocktail. Cette vieille connaissance aura donc droit à un genre de Sex On The Beach remanié. « Tu vas adorer ! » Ouai, autant en rajouter. Ça risque d’être drôle. Je me tourne en attendant vers le prochain client afin de ne pas éveiller de soupçon chez la demoiselle. « Bonjour, je te sers quoi à boire ? » Je ne quitte toutefois pas la brune du regard et attend vivement sa réaction. Normalement, d’une seconde à l’autre, elle devrait se plaindre que sa boisson est dégueulasse.

Me voilà donc lancé dans la préparation d’un cocktail empoisonné ou du moins imbuvable. Un genre de Sex On The Beach avec du vinaigre. Berk ! J’ose même pas imaginer le goût du mélange. En même temps, la jeune brune l’a bien cherché. Si j’ai pour réputation d’être un connard fini et blablabla, pour le coup, c’est elle la salope qui m’a attaché nu aux barreaux d’un lit alors qu’on était sur le point de s’envoyer en l’air. A la limite, je l’aurai mieux pris si c’était une personne que je connaissais qui m’avait fait ce coup là pour se venger. Mais même pas. La gothique, mécheuse ou je-ne-sais-quoi n’avait aucune raison de me laisser en plan et m’humilier. En somme, cela ne présage rien de bon pour elle. La jeune femme ne sait probablement pas à qui elle a à faire. J’suis pas du genre à laisser couler ce genre de chose. On me fait une crasse, je la rends en pire et je fais en sorte qu’on ne m’en fasse plus jamais. Pour l’instant, la seule chose que j’ai trouvé pour me venger c’est de lui concocter un cocktail dégueulasse. Pas bien méchant mais embêtant. Payer sept euros cinquante pour rien, c’est tout de même rageant. En plus de cela, j’imagine que le goût âpre du vinaigre lui restera en bouche durant quelques heures. Mais déjà, il faudrait qu’elle boive le liquide. Et pour l’instant, ce n’est pas gagné. J’observe du coin de l’œil la jeune femme tout en m’occupant du client d’à côté en attendant. Ah mince ! C’est que j’en ai oublié l’addition. Il ne faudrait pas qu’elle parte sans payer, ce qui risque fort d’arriver si elle vient à goûter l’immonde cocktail préparé à son effigie. Je reviens aussitôt devant elle pour prendre l’addition. « Ça fait sept euros cinquante. » La chieuse me donne un billet de vingt et m’oblige à faire le compte. Je lui rends donc un billet de dix et deux euros cinquante en pièces. « Voilà. » J’vois bien qu’il y a quelque chose qui gêne la jeune femme. MERDE ! Elle se souvient. Ça se voit à son sourire forcé et à son air pressé. D’ailleurs, à peine je me retourne vers mon idiot de collègue qui revient au bar pour, je pense, me demander des explications, que la demoiselle s’évapore dans la salle en laissant son verre sur le comptoir. Non, non et non. Ça ne se passera pas comme ça. Je décide de sortir du bar aussitôt en ignorant les propos de mon collègue. « Attends ! » que je crie, le verre de la jeune femme en main tout en m’avançant vers elle dans la salle. Evidemment, la demoiselle m’ignore et fonce vers la sortie. « Attends ! T’as oubliée ton porte-monnaie ! » Ouai, bon, c’est faux mais ça marche toujours. La jeune femme s’arrête net et m’attends, sans même vérifier si elle possède son porte-monnaie dans son sac ou non. « Et ton verre par la même occasion. » De là, je lui tends son verre. « Visiblement, tu n’avais pas toute ta tête. » Je fais mine de rigoler, ce qui paraît au final naturel. Ouai, j’suis un bon acteur. Si bien que là, la demoiselle doit se dire que je ne l’ai peut-être pas reconnue enfin de compte. « J’ai laissé ton porte-monnaie à mon collègue au bar. » Quel beau mythomane je fais là. Et hop, j’embarque la jeune femme en direction du comptoir sans lui laisser le temps de vérifier son sac. « Dis, j’ai l’impression de t’avoir déjà vu quelque part. On se connait ? » Au moins, là, tous les soupçons de la brune se seront dissipés. Maintenant, j’attends de voir ce qu’elle a à me dire. J'imagine qu'elle ne m'avouera pas la vérité.