J’étais assis sur mon canapé, le regard tourné vers mon écran de télévision bien plus grand que la moyenne des ménages français, un écran digne de ce nom, haute définition, de quoi regarder des films d’actions comme au cinéma. Friends repassait bien pour la dix millionième fois, mais je n’en avais un peu rien à faire, je connais tous les épisodes par cœur, c’est vraiment une série que j’apprécie. De toute façon, je connais pas mal de séries par cœur sans pour autant les apprécier plus que ça. Je peux prendre le temps de me consacrer à mes activités favorites, puisque, vous savez quoi ? C’est les vacances ! En général on pense d’abord aux élèves libérés de cette tension qu’est les cours pour deux petites semaines avant que cette pression ne reprenne jusqu’aux prochaines vacances, mais beaucoup moins aux professeurs, considérés par beaucoup comme des personnes fainéantes puisqu’ils ne travaillent même pas dix mois dans l’année pour un salaire au dessus du minimum requis par la loi. Mais il faut me croire, nous avons besoin de ces vacances ! Cela fait deux mois environ que je suis prof’ maintenant, ça fait bizarre de passer en si peu de temps de l’élève à l’enseignant. Je me demande si ma manière d’aborder les élèves est la bonne, je pourrais être moi-même, être comme je suis dans la vie de tous les jours, mais mon manque de confiance en moi fait que je serais sûrement l’un de ces professeurs en arrêt maladie pour dépression parce que les élèves l’ont malmené. Si je n’étais pas sadique et assez méchant, je dois le reconnaître, je pense qu’ils se sentiraient puissant et auraient le dessus sur moi. Il faudrait que je trouve un juste milieu, mais je ne peux pas, je préfère changer du tout au tout, plutôt que d’être à moitié moi-même, ce qui est assez bizarre il faut le reconnaître.

Je n’avais par pour objectif de bouger d’ici avant quelques heures, à moins qu’une envie pressante se fasse sentir. Mais la seule envie que j’eus à cet instant fut d’offrir quelque chose à quelqu’un, oui un élan de générosité soudain, je ne sais pas d’où ça vient. Je me lève, éteint la télé et regrette soudain ne me pas regarder la fin de l’épisode et de louper un énième baiser entre Rachel et Ross, mais ce regret fut bien vite effacé. Hier, j’ai cuisiné un repas, je ne sais pas pourquoi, sans doute les vacances qui m’avaient rendu d’humeur joyeuse et m’avaient donné envie de cuisiner. Toujours est-il que j’ai préparé un chausson aux légumes, enfin à ce que j’avais dans mon frigo, et que je n’ai pas tout mangé, car comme toujours j’en ai fait beaucoup trop. J décidais d’aller offrir les restes à quelqu’un, cela lui ferait peut être plaisir, ou du moins, cette personne n’aurait pas besoin de préparé le repas du soir. Je récupérais la boite en plastique transparente dans mon frigo, sortais de mon appartement et fermais à clef celui-ci.

Lorsqu’il s’agissait de nourriture, je savais tout de suite où me rendre, chez Albane, évidemment, ma voisine du dessous, avec qui je n’avais pas parlé plus de cinq minutes, à part lorsque je l’ai rencontré, au salon du livre. Comme toujours, lorsqu’on s’approche de son appartement, on peut sentir comme une odeur alléchante de pâtisseries en train de cuire, ce qui me donne toujours faim, en grand gourmand que je suis ! Je toque à sa porte. Je ressemble à un de ses voisins que l’on peut voir dans desperate housewives, sauf que moi ce n’est pas des muffins que j’apporte, mais des chaussons aux légumes pas trop cramés et pas immangeable. J’espère qu’elle ne va pas trouver ça étrange que je vienne lui apporter un tupperware à trois heure de l’après-midi, de toute façon je suis étrange.

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« Non... Non, Emma ! » Albane se précipita sur sa fille pour lui retirer un feutre à alcool des mains, puis la souleva pour la caler contre sa poitrine. La petite éclata de rire, apparemment ravie de la frayeur qu'elle avait faite à sa mère. Celle-ci poussa un soupir et fronça les sourcils. « Je t'ai déjà dit de ne pas essayer de manger les affaires de maman... Je sais que tu fais tes dents, mais quand même ! » Se penchant, elle la déposa dans son parc et lui fourra un hochet entre les mains, qu'elle s'empressa de fourrer dans sa bouche pour le mordiller, salivant à grande eau dessus. Enfin, la jeune femme se redressa et balaya d'un regard circulaire son salon. Qui était enfin rangé. Elle s'y était collée à peine son thé avalé et elle était plutôt fière d'elle. Depuis des semaines, des jouets d'enfant côtoyaient des verres sales remplis de pinceaux et des crayons sur lesquels on manquait souvent de marcher, et donc de se casser la figure royalement. Maintenant, on pouvait presque manger à même le parquet. Ne restait plus qu'à faire un peu de rangement sur la grande table qui lui servait de bureau et qui croulait sous les crayons, les feuilles et les ébauches de scénarios. Mais avant ça...

La petite brune déposa les crayons qu'elle avait encore dans les mains avant de s'emparer d'un torchon propre et se dirigea dans sa cuisine. Une délicieuse odeur de chocolat flottait dans l'air. Ouvrant son four, elle vérifia la cuisson du gâteau qui reposait dans son moule et sourit avec satisfaction. Elle éteignit le four, sortit la pâtisserie et entreprit de la démouler après avoir noué un tablier blanc autour de sa taille. Ses journées se résumaient à s'occuper d'Emma, dessiner... et faire des pâtisseries dont profitait tout l'étage, voire tout l'immeuble. Elle en faisait toujours trop. Heureusement qu'Emma était maintenant en âge de manger des aliments solides en plus de son lait et sa mère ne se gênait pas pour la gaver de tartes diverses et de gâteaux tous plus sucrés les uns que les autres. Bref, une fois la base démoulée, elle entreprit de le couvrir de glaçage blanc avant de l'agrémenter de vermicelles colorées... Et ce fut à cet instant que la sonnette retentit. « Tiens ? » Elle n'attendait aucune visite, pourtant. Elle n'avait pas appelé Cassandre pour qu'il vienne s'occuper d'Emma, elle n'avait pas vu Sephora depuis quelques jours et Camel appelait toujours avant de débarquer. Peut-être un voisin.

Albane essuya machinalement ses mains, observa un instant son oeuvre avant de se décider à aller ouvrir, cueillant une Emma rouge vif au passage. Elle lui retira son hochet qu'elle fourra dans la poche de son tablier et, enfin, déverrouilla sa porte d'entrée pour découvrir Soren sur son palier. Son voisin d'au-dessus. Un peu surprise, elle haussa un sourcil. Ils n'avaient pas dû se parler pendant plus de cinq minutes en tout et le seul moment où ils avaient vraiment discuté était pendant le Salon du Livre, où elle était présente pour faire la promotion de sa bande dessinée qui venait tout juste de sortir. « Salut ! C'est pour quoi ? » finit-elle par demander avec un joli sourire et un air vaguement intrigué. Ce n'était pas tous les jours qu'on voyait débarquer son voisin chez soi... et encore moins avec un tupperware dans les mains. Plutôt étrange. Assez pour titiller sa curiosité légendaire, d'ailleurs.

Je devais avoir l’air terriblement ridicule avec ma boite entre les mains à attendre que l’on m’ouvre, on pourrait même penser, si nous sommes dans une comédie sentimentale que je cherche à me faire pardonner ou si nous sommes dans un film d’horreur ou d’action, que je cherche à tuer la personne qui se trouve derrière la porte. Bien sur, ce n’est ni l’un ni l’autre, je n’ai rien à me faire pardonner, et je ne compte pas tuer Albane, c’est vrai elle est tout à fait sympathique, enfin avec moi elle l’est, et puis je ne suis pas tueur, ça se saurait, ou justement non, enfin bref, passons à autre chose. J’aurais sûrement du rester chez moi, regarder la fin de friends, zapper sur une autre chaîne pour tomber sur how i met your mother, et ainsi de suite jusqu’à ce que la nuit tombe, que j’attrape mon manteau pour sortir un peu dans le froid de début novembre. J’aime beaucoup sortir dans Paris à la nuit tombé, je trouve cette ville beaucoup plus intéressante une fois les écoliers, les vieux et leurs poireaux rentrés chez eux. Il y a une certaine féerie, un certain romantisme à se balader, même seul le long du canal saint-martin, et encore plus en hiver, lorsqu’il neige un peu et que notre seule envie est de rentrer à la maison pour boire un bon chocolat chaud et manger des bonbons.

De toute façon, il fallait bien que je me bouge, je ne peux pas rester toute une journée devant la télé, devant un ordinateur, en train de parler avec ma guilde, oui, mais pas devant la télé. J’aime bouger, sortir, voir de nouvelles choses, je ne peux pas rester comme tous ces gens ordinaires chez eux à rien faire. J’aime à la fois rester chez moi, mais aussi sortir, je suis terriblement contradictoire. Pour me comprendre il faut être un véritable génie, et pour me suivre aussi. Je suis étrange, mais je l’assume assez je dois bien le reconnaître, de toute façon à quoi bon être normal et monotone, suivre un quotidien inchangé depuis des années ? Aucun ! C’est pour ça que je n’ai pas de quotidien, pas de routines, je vis au jour le jour, tel un aventurier, un Indiana Jones !

Je n’eus pas très longtemps à attendre seul sur la paillasson devant une porte fermée. Elle m’ouvrit assez vite. Je fus content de remarquer son sourire qui était assez joli, je dois bien le reconnaître. « Salut ! C'est pour quoi ? » me demanda-t-elle. Qu’est-ce que je peux bien lui dire sans que ça fasse trop bizarre et qu’elle me prenne pour un fou. D’habitude, quand nous nous voyons, c’est quelque chose du genre « t’aurais pas du sucre ? » ou « tu peux pas m’aider à faire ça ? », enfin des trucs de routines que tous les voisins se demandent. De toute façon, j’ai l’habitude qu’elle m’apporte ses délicieuses pâtisseries et j’ai l’habitude de lui apporter quelques trucs à manger. « salut. Hier j’ai cuisiné un chausson aux légumes et il m’en reste, alors je te l’ai apporté, enfin si t’en veux. J’en ai mangé et je suis encore vivant, c’est plutôt bon signe, non ? » dis-je en lui tendant la boite en plastique. Je crois que la prochaine fois je dirais juste : je t’ai fais un chausson aux légumes, ce sera mieux que ce charabia qui donne pas très envie de manger le contenu de cette boite.

Il n'avait pas l'air très à l'aise. C'était vrai que, dans un sens, ils ne venaient se voir que pour des petits dépannages entre voisins, comme du sucre, du sel ou même des allumettes, et il était plus fréquent qu'Albane vienne lui apporter des pâtisseries diverses plutôt que l'inverse. Aussi le regard vert de la jeune maman se posa un instant sur ce tupperware que Soren tenait entre les mains avant de remonter sur son visage. Curieuse. « Salut. Hier j’ai cuisiné un chausson aux légumes et il m’en reste, alors je te l’ai apporté, enfin si t’en veux. J’en ai mangé et je suis encore vivant, c’est plutôt bon signe, non ? » Sa tirade aurait pu le faire passer pour une sorte de taré pas très net mais Albane se contenta de se mordiller la lèvre inférieure pour ne pas éclater de rire sous son nez, malgré le sourire amusé qui flottait sur ses lèvres. C'était presque... mignon. Un peu comme un enfant qui ne sait pas trop comment se justifier. « Merci... C'est gentil. » finit-elle toutefois par répondre en s'emparant du tupperware, tout en retenant tant bien que mal Emma qui s'agitait un peu trop contre elle, à moitié penchée vers leur visiteur inattendu. « Bon sang Emma... » Coinçant le tupperware sous son bras tant bien que mal, elle tira de la poche de son tablier une des fameuses Sophie la girafe pour la caler dans les mains de sa fille ; celle-ci fourra presque immédiatement une des pattes de la dite girafe dans sa bouche, la mordillant furieusement en produisant un couinement particulièrement agaçant.

L'attention d'Albane se reporta finalement sur Soren, toujours planté face à elle, et elle prit une décision tout aussi soudaine qu'un peu inattendue. « Vas-y, rentre ! Je vais pas te manger. » Elle s'effaça du passage et, sans prendre la peine de vérifier s'il la suivait à l'intérieur de l'appartement, elle alla déposer le tupperware dans la cuisine avant de remettre la petite dans son parc malgré les gémissements de protestation que le geste lui attira. Elle commençait à avoir mal au dos, à force de la porter. Enfin, elle se tourna vers Soren. « Fais comme chez toi, je t'en prie. » C'était assez étrange de le voir chez elle, d'un coup. Ils avaient plus l'habitude des discussions sans intérêt sur le palier ou dans l'ascenseur quand ils s'y croisaient. La situation avait quelque chose de presque irréel. Elle hésita un instant, se mordilla l'ongle du pouce. « Reste ici, je reviens tout de suite. »

Déjà, elle filait dans la cuisine, sans attendre de réponse. Elle prit le temps de déposer le tupperware dans le frigo en se promettant d'y faire un sort le soir même - ce qui l'arrangeait, dans un sens, puisqu'elle avait une flemme monumentale de se faire à manger - puis posa son regard vert sur le gâteau qui trônait toujours sur son plan de travail, avec son glaçage blanc et ses vermicelles colorés. C'était dommage de l'abîmer aussi tôt, mais elle y coupa deux bonnes parts qu'elle fit glisser dans deux petites assiettes, avant de sortir une paire de petites cuillères d'un tiroir et de revenir dans le salon après s'être débarrassée du tablier qui enserrait sa taille. « C'est, euh... disons, un moyen de te remercier. Donnant donnant. » Et puis, elle savait qu'il appréciait ses pâtisseries. Déposant les assiettes sur la table basse, elle retourna chercher Emma avant de s'asseoir sur le canapé, la petite sur ses genoux. « Alors... Comment tu vas, depuis le temps ? »

J’ai eu une de ces chances qu’elle ne me claque pas la porte au nez. C’est vrai, tout ce que je viens de lui dire n’est pas très rassurant. Je lui ai dit qu’elle pouvait manger le contenu de la boite parce que je n’en étais pas mort, c’est plutôt mauvais signe. Quand on offre quelque chose à quelqu’un en général on essaye de faire un minimum la promo’ de son truc, mais moi, non, ça ne m’étonnerait pas qu’elle le mette à la poubelle sans l’ouvrir vu comment je lui ai présenté le truc. Elle finit par dire « Merci... C'est gentil. » je pris ça pour de la simple politesse, histoire de ne pas passer pour une femme totalement impolie, mais en aucun cas je pensais que son compliment soit sincère. Sa fille, que j’avais vu à quelques reprises, mais sans plus, s’agitait dans ses bras. C’est normal pour une fille de son âge, je trouvais ça vraiment trop mignon. J’aime bien les enfants, bon je n’ai pas comme projet de devenir père tout de suite, surtout que je n’ai pas de personne avec qui créer cet enfant, ce qui, soyons honnête, est un peu dérangeant. « Bon sang Emma... » j’aurais bien voulut l’aider, mais je ne savais pas trop comment m’y prendre. Bien que j’adore les enfants, je n’ai jamais eu à m’en occuper, ayant coupé les ponts avec ma famille un peu trop tôt pour ça et n’ayant pas beaucoup « d’amis » qui en ont. Enfin, à vrai dire, j’ai bien quelques fois gardé ma sœur ou mon frère, mais ce n’était qu’à de très rares occasions, et puis se sont mes frère et sœur, ce n’est pas pareil. Enfin soit, passons. Albane arriva à coincer le tupperware sous son bras tout en tenant sa fille dans ceux-ci.

Je la regardais sans rien dire, ce qui était assez bizarre, on dirait un psy. Il vous écoute, vous regarde faire vos petits truc mais ne dit rien, à part « ça fera 45 euros » à la fin de la séance. Je n’aime pas trop les psy. C’est sûrement dut au fait que mes parents, pendant m’ont adolescence ont voulut que j’en consulte un, car d’après eux, mon rêve de tour du monde était bien trop fou, et que donc, j’avais besoin de voir un psy. « Vas-y, rentre ! Je vais pas te manger. » me dit-elle. Je fus surpris, d’habitude nos conversations étaient l’historie de deux minutes sur le paillasson à parler du temps qu’il fait, puis chacun rentrait dans son appartement. Mais là j’entrais chez elle, nous avons franchit un cap, nous ne sommes plus les deux voisins qui s’échangent paquet de sucre et bons services, mais des connaissances. J’hésitais un moment, qui fut très bref, puis j’entrai. C’était un très bel appartement, en tout cas mieux que le mien, ce qui n’est pas dur ; mieux rangé aussi, enfin en partie. Il avait l’air chaleureux et accueillant un peu comme la maison des grands-parents lorsqu’on est enfant. Et puis il y a cette odeur de gâteau qui me fait terriblement envie. Je ne pense qu’avec mon ventre. Elle me dit de me mettre à l’aise, mais si je fais vraiment comme chez moi, son appartement sera un bazar monstre dans deux minutes. Lorsqu’elle partit dans la cuisine, je regardai sur mon portable si je n’avais reçu aucun message, sait-on jamais. Non. Je checkais mon facebook et twitter histoire de voir si la troisième guerre mondiale avait débuté, rien. Je le remballais lorsque je la vis revenir avec deux grosses parts de gâteau. Elle lit dans mes pensées c’est pas possible. « C'est, euh... disons, un moyen de te remercier. Donnant donnant. » dit-elle avant de déposer les assiettes sur la table basse et d’aller chercher sa fille pour la poser sur ses genoux. « tu sais, tu n’as pas besoin de me remercier. Avec toutes les pâtisseries et gâteaux que tu m’apportes, je te valais au moins ça ! » mais je n’allais pas non plus renier son cadeau, j’attrapais l’une des assiettes et avalait une bouchée du délicieux gâteau. « je suis en vacances, alors ça va et puis avec ton gâteau ça va encore mieux et toi ? »