Albane s'étira un long moment et fit craquer légèrement ses cervicales, tout en observant d'un oeil critique la planche de croquis qu'elle venait d'achever. Elle n'y arrivait définitivement pas. Avec un soupir, elle envoya balader la feuille sur un coin de son bureau et se leva de sa chaise en étirant ses jambes mises à mal par plusieurs heures en position strictement assise. Elle commençait à se demander si cette idée de se lancer dans la bande dessinée était une réelle bonne idée. Elle avait le scénario, les personnages - du moins leurs noms, leurs caractères et leurs histoires - mais elle était incapable de faire un dessin potable pour le moment. Merveilleux.

Elle grimaça en sentant ses jambes protester mais fila dans la chambre de sa fille pour la récupérer. Ses pleurs étaient discrets mais elle avait appris à les repérer, même quand elle dormait. Délicatement, elle souleva Emma et la cala contre sa poitrine pour la bercer doucement. La petite s'arrêta net de pleurer mais ne se rendormit pas, aussi sa mère décida-t-elle de l'emmener avec elle dans le salon. Elle la déposa doucement dans son siège. « Alors, bébé, on pleure pour rien maintenant ? » La gamine se mit à gazouiller de façon purement innocente et la sonnette retentit dans tout l'appartement, captant immédiatement son attention. Albane poussa un soupir mais se décida à aller ouvrir en laissant la petite bien accrochée dans son siège... et bugua littéralement quand elle reconnut l'homme qui lui faisait face. « ... Camel ? » De toute façon, difficile de ne pas le reconnaitre avec son mètre je ne sais plus combien. « Qu'est-ce que tu fous là, l'asperge sur pattes ? »

Deux semaines, quinze heures et trente huit seconde, c'est le temps approximatif depuis lequel je suis revenu sur paris, à redécouvrir son métro aussi dégueulasse que bondés et cette putain de chaleur qui m'insupporte toujours autant. Deux semaines que j'ai passé à m'noyer dans le boulot, les clopes et les soirées arrosé. L'atmosphère de Londres et ses dandy déshabillé me manque presque mais je ne peux pas éternellement échappé aux potes que j'ai laissé derrière sans leur donner pratiquement aucune nouvelles de moi. J'ai entendu à tas de choses de chez les anglophones. Des décès, des disparitions, rien de dramatique pour moi, paris semblait s'être nettoyer de tout les enfoirés qui m'avaient tapé sur le système par le passé. Mais il y a deux filles pour qui ces mecs comptaient et je ne me sens incapable d'en rire devant elles. Je n'allais pleurer ni pour cesar, ni pour jéricho. Les savoir sous terre, grouillant de vers me fait un effet aussi brûlant qu'une dose trop forte d'alcool dans le sang, savoir qu'albane avait souffert et que je n'ai pas été là pour l'épauler me refroidissais aussitôt. J'écrase sous la semelle de ma chaussure la cigarette que j'venais de finir, donnant un léger coup pour l'envoyer valser dans le caniveau alors que je pénétre dans l'immeuble. J'me souviens à peine de son étage. Mes yeux se posent d'un air soucieux sur les portes à chaque fois que je passe un palier avant de m'arrêter, fixant l'une d'entre-elles comme si elle allait s'ouvrir d'elle-même. J'suis nerveux, elle m'a manqué, profondément manqué mais je n'étais pas sur de pouvoir la consoler si jamais elle venait à chialer sur mon épaule la mort de l'autre bâtard. je la savais forte mais mon séjour à londres semblait m'avoir fait perdre quelques neurones et deux-trois doses de savoir vivre. je me décide à taper, reculant de quelques pas avec que je claquer frénétiquement sur ma cuisse. il m'aura fallut à peine quelques secondes pour entendre le bruit étouffé de pas et apercevoir la silhouette d'albane, apparemment choqué, à l'encadrement de la porte maintenant grande ouverte. je l'observais, notant un quelconque changement avant de sourire, claquant ma langue contre mon palais. "tu sais c'qu'il te dit l'asperge sur patte meuf ?" je m'approche d'elle, embrassant doucement sa joue avant de m'inviter dans son appartement, allant directement à la recherche d'un quelconque bébé. sa môme doit bien trainer quelque part, je n'ai jamais eu l'occasion de la voir. Ca fait aussi parti de ces trucs que je regrette "...tu m'as manqué. j'suis rentré depuis deux semaines mais je n'ai pas eu le temps de venir avant." je souffle, doucement. "j'suis désolé" je m'arrête dans le salon pour observer, fière de ma trouvaille, la petite qui me faisais face sur son siège. " c'est elle emma ? elle est plus canon que toi." c'est effrayant comme elle semble minuscule à côté de moi. Je m'accroupis légèrement, penchant la tête pour la regarder avant d'approcher ma main pour effleurer sa joue. j'ai peur de lui faire mal. c'est fou. sa présence prouve bien que je suis parti pendant longtemps, mais j'ai l'impression que dans le fond, rien n'a changé. j'ai repris mes marques en quelques instants, balayant mes frayeurs de tout à l'heure d'un coup de manche. Pourtant, l'absence de cesar est un fait. Rien n'est pareil. Je me relève pour me tourner vers albane, m'approchant d'elle avant de tendre les bras. "va pas m'dire que je ne t'ai pas manqué, je serais vexé."

tu sais c'qu'il te dit l'asperge sur patte meuf ? C'était bien lui, son sourire et sa voix. Un genre de poids quitta soudain les épaules d'Albane, un poids qu'elle n'avait pas vraiment conscience de porter jusque là. Dire qu'il lui avait manqué était un véritable euphémisme, dire qu'elle avait eu besoin de lui en serait un aussi. Si elle lui en voulait ? Elle lui en avait voulu, ça oui, mais elle avait changé, et elle en avait assez d'en vouloir au monde entier. Elle était juste fatiguée. Elle referma doucement la porte derrière lui et le suivit dans le salon, un peu hébétée, la tête penchée sur le côté. ...tu m'as manqué. j'suis rentré depuis deux semaines mais je n'ai pas eu le temps de venir avant. j'suis désolé. Elle agite vaguement la main devant son visage. C'est rien. J'suis pas mal occupée aussi, alors... C'est vraiment pas grave, t'excuse pas. Il s'arrêta devant Emma, la petite lui renvoya un regard terriblement sérieux avant de lui adresser un grand sourire humide. c'est elle emma ? elle est plus canon que toi. Albane fit une petite moue. Je sais. Elle a que trois mois mais j'me dis que je vais devoir la garder sous clef quand elle sera ado. La gamine fronça le nez et essaya d'attraper ce doigt qui lui chatouillait la joue pour le fourrer dans sa bouche. Mais il se redressa et se tourna vers la petite brune avant de lui tendre les bras. va pas m'dire que je ne t'ai pas manqué, je serais vexé. Elle sourit. Et se jeta littéralement à son cou, sautant presque pour effacer les trente centimètres qu'il avait de plus qu'elle. Evidemment que tu m'as manqué, espèce de con. Voilà qu'elle avait des trémolos dans la voix. Elle décida de s'écarter bien sagement avant de fondre en larmes et tenta un petit sourire un peu piteux. Après quoi elle frappa légèrement son torse. Plus jamais tu te barres sans prévenir. Sérieusement. Je... Gros soupir. C'était dur. Tout ce bordel... Y'avait toujours Aaron mais... Elle se pinça les lèvres et eut un sourire un peu plus gêné, cette fois. C'était pas la même chose et j'ai fini par faire la conne de toute façon. Bref. Elle secoua la tête et cueillit Emma dans son fauteuil pour la caler contre sa poitrine, s'attirant un gazouillis ravi. Comment tu vas, sinon ? Depuis le temps... Combien ? Quatre ? Cinq mois qu'ils ne s'étaient pas vus ?