« De toute manière tu ne seras jamais bonne à rien ! ». Hermione baissa la tête pour cacher les larmes qui la gagnaient. Elle n’avait que neuf ans, il était normal qu’elle ne soit pas aussi douée que sa sœur aînée, par aussi intelligente que son frère et pas aussi serviable que son autre sœur. C’était une petite pile électrique, une enfant qui aimait courir partout en criant pour prétendre qu’elle était poursuivie par un horrible dragon qui voulait sa mort parce qu’elle était une princesse. Elle aimait monter sur son vélo et pédaler aussi loin que possible dans cette vaste campagne qui lui tenait tant à cœur en s’inventant tout un tas d’histoires qui lui permettaient de s’échapper, d’oublier l’école et le fait qu’elle travaillait tellement dur pour obtenir de bonnes notes. Non Hermione n’était pas son frère ni ses sœurs, elle était elle et avait son propre caractère et son père était bien le seul à lui reprocher. Certes, elle avait cette tendance à défier l’autorité de sa mère depuis deux bonnes années ce qui rendait folles ses deux sœurs, mais elle n’avait pas un mauvais fond, elle se contentait de tester la limite de ses parents pour savoir jusqu’où elle pouvait aller, c’était normal non ? Elle avait entendu Prisca dire à Sarah que c’était normal parce qu’elle était encore une enfant et qu’elle aurait le temps de changer en grandissant, du moins sur leurs parents y faisaient attention, alors pourquoi s’énervaient-ils contre elle ? Tout ce qu’elle voulait était s’amuser et avoir des câlins de la part de son père, jouer avec ses sœurs malgré leur différence d’âge, embêter son frère lorsqu’il jouait à un jeu vidéo et entendre tous les soirs sa mère lui raconter une histoire pour qu’elle s’endorme, oui c’était tout ce qu’Hermione demandait, rien de plus et rien de moins. « Ce n’est pas de sa faute Tom, je lui courrais après pour jouer et elle a glissé … ». Hermione tourna la tête vers sa sœur. Son regard baigné de larmes se posa sur Prisca qui faisait de son mieux pour la couvrir. Sa demi-sœur n’était peut-être pas à la maison régulièrement et elles se disputaient parfois, mais elle avait toujours tout fait pour la protéger, comme Sarah d’ailleurs. Elles se disputaient, mais elles étaient sœurs avant tout et c’était auprès d’elles qu’elle avait grandi, partageant la même chambre pendant les cinq premières années de sa vie avant que la famille ne déménage dans une petite maison à quelques kilomètres de Bordeaux. Son regard suffisait pour remercier sa sœur et Prisca fit de son mieux pour ne pas lui sourire afin de rester la plus sérieuse possible devant Tom qui était entré dans une telle fureur lorsqu’Hermione avait fait tomber les verres qui se trouvaient sur la table dressée pour le diner du soir. Elle aurait voulu prendre la fuite et faire comme si elle n’y était pour rien – elle aurait pu accuser le chien – mais son père avait été bien trop rapide pour qu’elle tente cette méthode. « Peu importe ! Elle fait toujours n’importe quoi de toute manière ! Ce soir tu resteras à table sans avoir la permission de sortir jouer avec Julie et ne t’amuse pas à demander à ta mère ! ». Hermione mordilla sa lèvre inférieure qui s’était mise à trembler lorsqu’elle fut secouée d’un gros sanglot. Elle leva doucement les yeux vers son père et acquiesça timidement avant de faire demi-tour et de se diriger vers l’escalier menant aux chambres. « Qu’est-ce qui s’est passé ? ». Sarah regarda Hermione courir dans ses bras en larmes avant de lever les yeux vers Prisca qui la suivait dans la chambre de leur cadette. « Elle est tombée et s’est rattrapée à la nappe en faisant tomber plusieurs verres, ton père a pété un plomb ! ». Les deux sœurs aînées grimacèrent. Elles ne tardèrent pas à reporter leur attention sur Hermione qui était secouée de nombreux sanglots. Elle n’aimait pas pleurer, mais elle aimait l’attention sur elle, surtout celle de sa famille et surtout lorsqu’elle venait de se faire disputer. C’était souvent ainsi chez les Valmont … Tom avait tendance à s’énerver facilement, impulsif comme il l’était, et puisque Hermione était particulièrement turbulente et maladroite c’était bien souvent sur elle que tout retombait, mais elle avait l’habitude … malheureusement.
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Hermione couru aussi vite qu’elle le put, dérapant sur le carrelage froid du salon, mais se rattrapant – comme à son habitude – au bord de l’imposante table en bois, juste de quoi lui redonner de l’équilibre et lui permettre de monter quatre à quatre les marches de l’escalier en priant pour arriver assez vite dans sa chambre … ou plutôt dans celle de Sarah qui était la plus proche. Cette dernière était tranquillement en train de travailler sur son devoir de mathématiques, les écouteurs de son MP3 enfoncés dans ses oreilles, pas étonnant qu’elle n’ait rien entendu. A bout de souffle, Hermione fit tout de même l’effort d’arriver au niveau de sa sœur et tapota l’épaule de cette dernière qui fit un bond sur sa chaise, surprise par la présence de sa cadette qu’elle regarda, sourcils froncés. « Qu’est-ce qui t’arrive à toi ? Qu’est-ce que tu fou dans ma chambre ? ». Toujours aussi agréable apparemment. Incapable de prononcer le moindre mot tellement elle était à bout de souffle, Hermione recula de quelques pas et se laissa tomber en arrière sur le lit de Sarah en fixant le plafond. La jeune adolescente due attendre quelques secondes de plus afin d’être certaine de pouvoir respirer correctement et se releva, son regard posé sur sa sœur aînée. « C’est papa … il a trop bu et il a commencé à frapper maman et … ». Hermione s’arrêta brusquement dans sa phrase. Sarah et elle se regardèrent rapidement avant de détourner leur regard vers la porte de la chambre. A l’étage inférieur, elles avaient parfaitement pu entendre leur père beugler comme jamais des paroles totalement incohérentes, mais qui laissait facilement deviner à quel point il était ivre et ce qui risquait d’arriver s’il leur mettait la main dessus. Sarah se leva précipitamment de sa chaise et alla fermer la porte de la chambre à clé, reculant ensuite doucement en fixant cette dernière tandis que leur père tournait la poignée dans tous les sens sans comprendre pour quelles raisons il ne parvenait pas à ouvrir. Sarah se rapprocha d’Hermione qui ne parvenait pas à quitter la porte du regard pas plus qu’elle n’arrivait à bouger du lit de sa sœur. La porte n’allait pas tenir longtemps, elle le savait. Son père avait beau être ivre, il possédait tout de même une sacrée force surtout à en voir l’état dans lequel sa mère se trouvait. Son aînée se tourna vers elle puis se précipita pour ouvrir la fenêtre de la chambre avant d’enfourner pas mal de choses importantes à ses yeux dans son sac. « Okay … on va sortir par la fenêtre. On ira chercher Marie au passage et on file au commissariat … dépêche-toi, bordel ! ». Comme piquée à vif, Hermione se redressa d’un coup et après un brusque regard vers la porte elle sortit par la fenêtre et toucha la terre qu’une fois être descendue à l’aide de la gouttière près de la fenêtre suivie de près par Sarah. Retrouver sa mère ne fut pas bien difficile. Cette dernière se trouvait toujours face à la table dans le jardin, tâchant de faire son mieux pour ne pas pleurer, mais au vu de ses blessures au visage, pleurer elle en avait totalement le droit. « Mon dieu … ». Sarah posa aussitôt une main sur sa bouche en voyant l’état dans lequel se trouvait sa belle-mère, toutefois elle ne perdit pas une minute de plus et l’aida à se lever pour la conduire à la voiture qu’elle démarra une fois tout le monde à l’intérieur. Le trajet jusqu’à Bordeaux fut silencieux, mais Hermione savait déjà ce qui allait se passer. Ce n’était pas la première fois que son père levait la main sur l’une d’elles. David et Prisca étaient partis de la maison depuis un petit moment étant âgés respectivement de 23 et 21 ans. Sarah était la plus vieille et elle n’attendait que l’obtention de son baccalauréat pour partir même si laisser Hermione derrière elle ne lui disait trop rien. Tom avait commencé à être violent après le départ de David, sa mère avait d’abord prit puis ce fut le tour d’Hermione et plus rarement celui de Sarah. Sa mère avait promis à chaque fois que la prochaine fois serait la dernière, mais elles étaient toujours là sauf que cette fois, Sarah et elle n’allaient guère lui laisser le choix, elles allaient partir et le plus loin possible serait le mieux.