do you have a light ?
can you make me feel alright ?

Il fait beau. Il a fait beau toute la semaine de toute façon, malgré un vent un peu insistant qui a rafraîchi l'atmosphère. Le ciel est bleu – un bleu trop bleu de dessin d'enfant, trop pur, trop... trop parfait. C'est presque écrasant, étouffant aussi, une immensité d'un bleu presque violet qui me fait tourner la tête et me donne envie de vomir. A moins que ce ne soit la faute de ma troisième barquette de fraises. Ou alors celle des hormones qui me donnent la nausée à n'importe quelle heure de la journée. Je ne sais pas trop, en fait. Tout est confus. Les seules choses auxquelles je peux me raccrocher, mes seules certitudes, sont très simples. Je m'appelle Albane Van de Loo, j'ai vingt-deux ans, je suis Belge (originaire de Liège plus précisément), je suis étudiante en troisième année à l'école des Beaux-Arts, je vais arrêter mes études après obtention de mon diplôme et je vais devoir me lancer dans la vie active parce que je suis enceinte. Enceinte d'un mec qui m'a jetée pour aller se caser dans les bras d'un autre.

Ma vie, c'est de la merde, et je vous emmerde.

… Bon d'accord, je dois avouer que je ne suis pas vraiment dans cet état d'esprit. Je n'ai plus envie de me battre pour sortir la tête de l'eau. A vrai dire, j'aimerais plutôt me laisser couler bien profondément pour qu'on m'oublie, mais certaines personnes m'en voudraient sûrement. Mes parents en premier lieu, Aaron ensuite... La liste serait tellement longue à faire. Je suis contente de pouvoir compter sur eux quoi qu'il arrive. Même si, les trois quarts du temps, j'ai la désagréable impression de ne pas mériter cette attention si particulière. Je veux dire, je n'ai rien de vraiment... spécial. Je suis juste une fille comme les autres. Une artiste (du moins, si je peux me définir ainsi), mais une fille de vingt-deux ans comme les autres. Je n'ai pas cette petite étincelle si caractéristique qu'ont les autres. Cette étincelle qui fait que le monde gravite autour d'eux comme le papillon gravite autour de la chandelle, au risque de se brûler les ailes. Cesar l'avait, cette étincelle. Je me suis laissée séduire, je me suis brûlé les ailes, et aujourd'hui, la chute fait terriblement mal. La veille tout est beau et rose, le lendemain tu te retrouves la face sur le sol. Putain de vie.

Quoi qu'il en soit, il fait beau et ça remonte un minimum le moral. Tellement que j'ai décidé de sortir Caramel, un peu, et de faire un circuit différent de ce qu'on fait habituellement. J'ai pris la voiture (gracieusement offerte par mon assurance depuis mon petit accident), je l'ai casée dedans et hop, direction le Champ de Mars. Il y a du monde, mais tant pis. Je crois que j'en ai besoin. J'ai envie de revenir dans une roue à peu près banale. Prendre le métro, aller en cours, rigoler avec les potes, m'arracher les cheveux sur mes planches, prendre le métro, rentrer à la maison, faire la cuisine. Voir des gens. Sourire à la boulangère, taper la discut' avec le buraliste, demander des explications à un prof, gagatiser devant les jeunes enfants. Et regarder mon ventre s'arrondir tout doucement au fil des semaines. Ouais. Ca paraît un bon plan. J'aimerais pouvoir le suivre mais, connaissant ma chance si légendaire, quelque chose viendra bien tout faire capoter. Même un minuscule grain de sable. Il suffirait du moindre petit truc imprévu.

Je m'allonge sur l'herbe par instinct. Je n'aime pas ce ciel trop bleu. Je préfère quand il y a des nuages, une infinité de nuages dans lesquels je peux trouver des formes aussi variées qu'insolites. Un ciel trop bleu, sans défaut, me donne une impression d'immensité. Ca me refile le tournis, c'est désagréable. Alors je ferme les yeux et j'essaie de ne plus penser à rien. Jusqu'à ce que je sente Caramel me lécher la joue. Je lève la main pour la grattouiller sur le ventre, elle jappe et roule un moment sur elle-même, apparemment heureuse. J'adore cette chienne. Elle est d'une intelligence remarquable. Elle semble avoir compris que quelque chose d'inhabituel se passe dans mon corps. Elle a tendance à venir caler sa truffe contre mon ventre et se met à grogner dès que j'ai la main sur une bouteille d'alcool, même quand le degré est minime. J'enfonce mes doigts dans ses poils roux et blancs, la cajole le plus possible. Elle vient mordiller mon annulaire droit, juste à l'endroit où ma bague serre ma peau. Anneau d'or surmonté d'une perle blanche. Je l'observe un moment avant de la retirer de mon doigt pour la glisser dans la poche de ma veste. Ca me fait un drôle de vide, mais c'est peut-être mieux ainsi. Trop de souvenirs sont attachés à cette bague. Des souvenirs que je préférerais ne pas remonter.

Caramel semble d'accord ; elle me regarde fixement, allongée face à mon visage, et vient me donner un coup de langue sur le nez. Comme si elle me disait « brave fille ». Particulièrement déstabilisant de la part d'un animal de compagnie.

Je me redresse finalement et époussette le bas de ma robe, couvert d'herbe un peu sèche qui craque légèrement sous mes doigts. Je fouille ensuite dans mon sac pour en tirer une petite balle rouge. Caramel se dresse immédiatement sur ses pattes. Et voilà qu'on entame un jeu. Rapporte-moi la baballe ma chérie. Dix minutes. C'est le temps qu'on a passé, bien tranquilles, jusqu'à ce que ma chienne décide d'aller faire de l'exploration et de sauter sur les genoux d'un parfait inconnu assis dans l'herbe. « Caramel ! Bon sang ! » Je me précipite pour la récupérer et la caler dans mes bras avant d'oser relever mes yeux trop verts sur l'homme. « Vraiment désolée. Elle est intenable. »

C'est seulement à ce moment-là que je prends le temps de le détailler. Brun, les yeux un peu bleus, un peu gris, une drôle de couleur indéfinissable mais claire. Sacré beau gosse, avec un sourire à tomber par terre. Je ne rougis pas mais, étrangement, une bulle de lave éclate dans mon bas-ventre, unique preuve du désir aussi violent que soudain et inexplicable qui se déverse dans mes veines en le voyant. Et pourtant, il y a quelque chose qui me gêne. Un je ne sais quoi chez lui, peut-être une étincelle dans son regard, qui me souffle doucement à l'oreille de me méfier de lui.

Voilà déjà deux heures qu’Enzo se trouvait au Champs de Mars en compagnie de ces petits loups. Le centre de loisir avait organisé un grand pique-nique géant et avait donc décidé de les emmener aux pieds de la Tour Eiffel pour leur plus grand bonheur. En arrivant sur les lieux, certains enfants émerveillés par la Tour Eiffel demandèrent si eux aussi ils pourraient monter de dans. Malheureusement pour eux, ce n’était pas vraiment au programme en ce bel après-midi ensoleillé. Enzo qui demeurait un éternel enfant avait en sa possession ces lunettes de soleil. Ayant les yeux très fragile et au vu de la luminosité importante, le jeune homme sortit ces belles lunettes de marque qu’il aborda fièrement tel un trophée gagné en compétition. Le sourire aux lèvres, les enfants ainsi que les animateurs piqueniquèrent tous ensemble dans la joie et la bonne humeur. Son sandwich à la main, Enzo se leva pour compter les petits pour vérifier qu’il ne lui en manquait pas. En cette belle journée, le jeune homme avait le groupe des tout petit avec lui donc il était important qu’il garde un œil sur chacun d’eux. Se rasseyant près de Lyna, la petite fille se leva et se cala dans ses bras tout en finissant son sandwich. Enzo était un très bel homme et même s’il le savait un petit peu, il n’en jouait pas pour autant. Les femmes en général craquaient en premier lieu sur son physique. Il faut dire qu’avec une bouille aussi angélique que la sienne, qui ne voudrait pas la lui croquer ? Puis ces yeux bleus étaient si magnifiques, que les filles se noyaient toujours de dans. Son charme opéré sur toutes les femmes, même les plus petites semblaient attendrit par sa présence. Assit sur ses genoux, la petite Lyna ne bougea pas et fixa ses petits camarades, avant de se lever pour aller jouer avec ces copines. Le sourire aux lèvres, Enzo fit un coucou de loin à Lyna qui lui envoya un bisou à l’aide de sa main. Cette petite le faisait littéralement fondre, il l’adorait et puis à cet âge là on leur pardonne tout. Tandis que les petits semblaient s’occuper seuls, Enzo s’allongea par terre et retira ses lunettes de soleil pour profiter de cette pluie de soleil. Cela faisait tellement longtemps que le beau temps n’avait pas montré le bout de son nez… Les enfants paraissaient heureux d’être ici, autant que lui finalement.

Se plongeant doucement dans ses pensées, le jeune homme fut rapidement sortit de sa rêverie alors qu’un chien venait de se poser sur lui. Ne comprenant pas bien ce qu’il se passait, ce dernier eut à peine le temps de réagir que sa maitresse l’attrapa de ces deux mains. Enzo leva les yeux vers cette personne. Ilo aperçut le chien calé sous le bras de la jeune femme. La dévisageant de haut en bas, ce dernier avait l’impression de connaître cette femme qui le regardait et qui semblait elle aussi le détaillé de part et d’autres de son corps. Enzo se leva et à peine eut-il le temps de relever la tête que le visage de la jeune femme le frappa dans son esprit. Il l’avait croisé l’année dernière lors d’une soirée entre amis. Et à plusieurs reprises, ils avaient discuté ensemble. Mais là, il faut dire qu’elle avait légèrement changée. Ce dernier s’attarda d’ailleurs sur son ventre avant de relever la tête et de sentir Lyna qui s’attacha à sa jambe. « Zozo vient, vient on va jouer au facteur n’est pas passé » La petite lui tirait la jambe alors qu’Enzo de son côté était plongé dans le regard de la jeune femme en face de lui. Il la détaillait encore et toujours en étant persuadé de l’avoir déjà vu quelques part. Mais où à vrai dire il n’en avait pas la moindre idée. Pourtant, un visage aussi joli que le sien se remarque… Cependant, Enzo était un homme à femme et avait tendance à passer son temps avec beaucoup de femme. Il n’avait que très peu d’ami et ces derniers ne se comptaient que sur les doigts d’une main. Tandis que les femmes, il pouvait se vanter dans avoir un troupeau de femme à ces trousses. Surtout qu’il ne passait jamais inaperçu avec sa gueule d’ange et ça, les demoiselles y sont quelque peu sensible visiblement.

« - On s’est déjà vu quelque part non ? » Dit-il avec son bel accent italien. Les enfants arrivèrent un par un près d’Enzo afin de le tirer avec eux pour qu’il vienne. Ce dernier leur fit signe d’aller s’asseoir en rond sur l’herbe. Il fit un bisou à Lyna avant de ne la voir s’éloigner avec les autres enfants. Un large sourire étira son doux visage avant qu’il ne vienne replanter ces yeux bleus, dans ceux de la demoiselle. « - Je ne pourrais pas rester bien longtemps, parce que les petits m’attendent ! » Fit-il en les montrant du bout de son nez. « - Tu restes ici encore longtemps ? »