► OOH LA LA PARIS.
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ooh la la paris, réouverture. 02/11/14.
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 Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby

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MessageSujet: Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby   Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby EmptyMar 28 Fév - 22:41


How can we pretend we never met...

Après une longue journée de travail, mélangeant bonheur d'être avec des enfants, et envie de les tuer à certains moments, quoi de mieux qu'un petit verre à la maison ? Seulement, là, il était 13h et je marchais en direction de l'école où je travaillais, pensant à ce verre d'alcool qui m'attendait d'ici quelques petites heure dans mon petit appartement. Cet appartement qui n'avait absolument rien à voir avec les lieux de ma petite enfance, mais qui me suffisait amplement. Dans la vie, on fait des choix, et les miens signifiaient ne jamais regarder en arrière. C'était bien sûr plus facile à dire qu'à faire, et je n'étais pas mieux qu'une autre. Le soir en me couchant je pensais à certaines choses, et en me levant le matin, c'étaient d'autres souvenirs qui resurgissaient. Et là, en arrivant devant l'école, je pensais à tout ça en même temps. A peine arrivée dans la cours, j'entendais les cris et les hurlements des petits. C'est marrant, à cet-âge là on semble si naïf, si loin de toute réalité.. C'est sûrement le plus bel âge, après viens les complications, les choix à poser, et à assumer derrière. Rien de très simple. En allant rejoindre mes collègues assises sur un banc, je riais en entendant mon nom chantonné aux éclats. Voilà pourquoi j'avais souhaité faire ce métier : le rapport entre un adulte et un enfant est toujours enchanteresque d'une certaine manière, lorsqu'il est sain. C'est beau. J'ai du apprendre à être aimante et pédagogue en même temps, car mes parents n'ont jamais été le bon exemple à suivre ! Je discutais alors de certaines réactions comiques des enfants dans ma classe de ce matin, lorsque soudain un mouvement de foule m'interpella... Un petit s'était méchamment blessé en tombant contre le gravier. Je savais comment réagir en cas de crise majeur, car pour les autres enfants, la 3ème guerre était sonné ! Il était tous agglutiné sur lui, croyant au pire, alors que quelques petits bobos seront à déplorer. L'état du petit était pas très bon, alors j'eus ce réflexe d'appeler les pompiers, ce qui faisait parti du protocole. Je partais du principe qu'il valait mieux prévenir que guérir. Ou, dans ce cas présent, guérir et ensuite prévenir les familles ! Les pompiers arrivèrent rapidement, et je fus embarqué dans le petit camion rouge qui avait fait rêver tant d'enfants. Les parents appelaient , je me résigna à me forcer à rentrer à l'hôpital, alors que je détestais ces lieux. L'odeurs, le sang, c'était pas pour moi, et pour être médecin, il fallait vraiment être sadique ! Les urgences... Pour le coup, je fus servi. J'attendais avec le petit dans la salle d'attente, on nous avait promis que ça serait court, alors je demandais à voir. Mon dieu, pourquoi j'avais choisis ce métier déjà ?
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MessageSujet: Re: Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby   Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby EmptyMer 25 Avr - 18:47


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I’ve missed you, Lully


J’étais devenu neurochirurgien depuis voilà quelques semaines et, déjà, j’avais l’impression qu’une nouvelle vie avait commencé. Loin de l’ancienne, loin des études, loin de mon boulot d’Escort. J’avais désormais mes propres patients, un bureau à moi - petit mais tout à fait parfait à mes yeux - et je dirigeais mes propres opérations. J’étais enfin titulaire à part entière. Après toutes ces années d’acharnement et de dur labeur, j’étais enfin devenu neurochirurgien. Bien sûr, je n’avais pas forcément les cas les pus intéressants, les plus gratifiants mais ça me convenait parfaitement pour le moment. Ma vie défilait alors à cent à l’heure, partagée entre mon travail à la Pitié et les moments volés au temps avec Grayson. C’était difficile de ne le voir qu’en coup de vent, de ne profiter de lui que lorsque nos emplois du temps le permettaient. Il me manquait, j’avais l’impression que mon lit était vide et froid quand il n’était pas là. Ce n’était pas tant le fait de ne pas pouvoir faire parler nos deux corps, notre désir commun et notre envie mutuelle qui me laissait comme un creux à l’intérieur de ma poitrine mais plutôt son absence à mes côtés. Comme si j’avais besoin de lui près de moi pour être pleinement serein et apaisé. Parce que sa seule présence arrivait à me calmer, à faire taire ces voix à l’intérieur de mon crâne. À me laisser respirer à plein poumons l’espace d’un instant.
Alors pour tenter d’oublier ça, pour tenter d’oublier ma meilleure amie qui allait mal, et oublier tout le reste aussi, je me plongeais dans le travail - comme j’aimais toujours le faire. Je me donnais à corps perdu dans mon boulot, comme si j’espérais qu’à la fin de la journée la douleur et le vide auraient disparu comme par enchantement. Seulement, au bout du compte, le mal restait là. Ancré en moi, marqué comme à l’encre indélébile, il revenait encore plus fort, encore plus présent. Il me bouffait de l’intérieur. Je refusais de le reconnaître mais je savais qu’il était là, en moi, à me ronger tel un acide violent que je ne pouvais plus arrêter. Et ça faisait mal. Parce que j’avais l’impression de ne plus être capable de contrôler ma vie et ça m’effrayait énormément. À croire que quelqu’un d’autre la vivait à ma place et que j’étais forcé de regarder ce spectacle de l’extérieur, impuissant face à tout ce carnage. Tout partait à l’eau ; c’était tout du moins la sensation que j’avais au fond de la gorge, goût amer de de l’échec, de l’écœurement qui me brûlait la gorge. Je ne savais pas comment je pouvais le supporter, vivre avec cette sensation de vide entre mes côtes. Je supposais que j’apprenais à vivre avec tout comme j’apprenais à vivre avec la douleur et la fatigue. J’avais l’impression qu’on m’avait ouvert le ventre pour en sortir mes tripes. J’avais l’impression que l’on m’avait ôté une partie de moi, un morceau de mon corps, de mon cœur. De mon âme aussi. Il me manquait quelque chose, là, en moi ; c’était comme un vide que je n’arrivais pas à combler. Malgré mes amis, mon travail, malgré Grayson. Malgré Melrose qui revenait à moi petit à petit. Restait ce trou béant qui me laissait le cœur au bord des lèvres, l’estomac retourné. La tête en vrac, comme après une cuite monumentale. Ça faisait mal. Quand je pensais à tout ce gâchis, j’avais mes tripes qui se retournaient, mon souffle qui se bloquait. Mon cœur se serrait. Les jours passaient et je perdais un peu plus l’espoir de la retrouver réellement. Devais-je seulement me résigner dès maintenant ou bien continuer d’espérer, même un peu ? Et même si ça commençait doucement mais sûrement à revenir désormais, j’avais peur. Peur que tout ne recommence parce que j’avais l’effrayante sensation que ce nous se tenait sur le fil du rasoir.

Alors pour m’éviter de sombrer, pour m’éviter de devenir sûrement fou de douleur, je me jetais à corps perdu dans mon travail quitte à me crever de fatigue, je me jetais à corps perdu dans ma relation conflictuelle avec Grayson. Et je rentrais dans le déni comme je savais si bien le faire, parce que je ne voulais pas me rendre compte que j’étais sur le point de tomber et de ne pas me relever. Seulement aujourd’hui, mon boulot se résumait à une montagne de papiers ou à attendre mes interventions - seulement c’était de lourdes opérations et je ne pouvais qu’assister, rien de plus. Alors je tournais en rond, nerveux. Agité. Comme si j’avais bu trop de café. Soupirant d’énervement, je lâchai les dossiers pour aller déambuler dans les couloirs de la Pitié et voir si je ne pouvais pas être utile quelque part, ailleurs que pour remplir des dossiers. Les urgences ressemblant à une ruche en constante ébullition, les voix s’entremêlant dans un joyeux brouhaha incompréhensible, si bien qu’il ressemblait à un bourdonnement presque entêtant - toujours le même. Les infirmiers, les docteurs arrivaient, prenaient un des patients en charge avant de revenir encore pour faire exactement la même chose. Mon regard tomba sur une petite tête blonde toute pâle, quelques traces de sang tachant ses vêtements colorés alors qu’il tenait une compresse sur son front et que je voyais ses genoux ensanglantés et salement égratignés. Les grands yeux de l’enfant étaient écarquillés de peur, regardant un peu partout tandis que la jeune femme assise à côté de lui semblait presque plus mal que lui. Et comme personne ne semblait faire attention à eux, je m’avançai jusqu’au garçon, me mettant accroupi devant lui, le sourire bienveillant.

« Coucou mon bonhomme, fis-je doucement. Dis-moi comment tu t’appelles ? Moi, c’est Aaron. Tu vois, Aaron Parker, précisai-je en pointant du doigt mon badge sur ma chemise. Alors tu veux bien me raconter ce qu’il t’est arrivé pour que tu taches ton beau tee-shirt Spiderman comme ça ? »

Muet de surprise ou de peur, le blondinet ne me donna aucune réponse et je me résignai finalement à me tourner vers celle qui l’accompagnait et que je pris donc pour sa mère - même su la ressemblance ne me sauta pas aux yeux.

« Bonjour madame, je suis le docteur Parker, me présentai-je, main tendue. Je vais m’occuper de vous dès maintenant. Nous allons passer dans mon bureau et nous pourrons soigner tout ça. »

À vue d’œil, l’était du petit gars ne nécessitait pas de soins très longs et ils seraient vite sortis de l’hôpital - ce qui ne serait pas plus mal pour le pauvre garçon qui avait l’air effrayé au possible.

« T’en fais pas bonhomme, ça durera pas longtemps, tentai-je de le rassurer tout en passant une main dans les mèches blondes. »


Spoiler:
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MessageSujet: Re: Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby   Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby EmptyMer 2 Mai - 18:07


How can we pretend we never met ?

Je hais cet endroit. Plus que les odeurs , c'est la panique environnante qui a raison de moi. Une panique qui vous prend aux tripes. Les gens s'agglutinent, crient, pleurent parfois. Certains même s'enervent et laisse leur colère interne se transposait aux autres. Et les autres, c'est Nous. C'est moi... Et quand je suis mal à l'aise, on le sent. Je m'énerve vite, je deviens complètement hystérique, et il valait mieux pour tous ces gens autour de moi que je garde ma zen-attitude. Celle que j'avais appris aux côtés de mes petits bouts. Cependant, il y avait autre chose qui pouvait me mettre hors de moi en quelques secondes. De toutes ces petites infirmières fraîchement diplômées, et les autres que la retraite attendaient à bras le corps, aucunes n'est venues voir de quoi il s'agissait. J'avais fait les papiers administratifs bateaux dès notre entrée. On nous avait dit de s'installer dans l'espère de salle d'attente ouverte, et depuis plus rien. Je sais qu'il faut être patient dans la vie, je sais qu'il faut être compréhensible. Mais déjà deux heures que nous attendions sagement, et personne ne daignait nous prendre en charge. C'est alors que, laissant mon mécontentement prendre l'assaut, je me leva en demandant aux petits de rester à sa place. Il n'y avait que ça à faire, rester à sa place et attendre. Me dirigeant vers un couloir, j'interpellais une femme, ne sachant ni son statut, ni son pouvoir ici. « Excusez moi Madame. Sa fait une heure qu'on attend, le sang de mon élève a déjà coaguler depuis un lustre !!! » Réflexion totalement bête certainement... C'est d'ailleurs pourquoi elle m'a regardé de haut en bas, en souriant ensuite avant de me demander de regagner ma place sagement et qu'un docteur arriverait dès que possible. Quelle gentille femme... Je repartis à ma place, frustrée encore plus qu'à mon arrivée. Mangeant des barres de chocolats avec le petit, je continuais de penser à certaines choses. A ma vie. A mes choix... A certaines personnes. A d'autres que je ne connaissais pas encore mais qui entreront dans ma vie comme des petites bombes. Que je ne pourrais esquiver. Que je ne voudrait oublier. L'oubli ... Difficile d'oublier ceux qui ont marqué ma vie. Mais plus simple de les mettre de côté, d'ouvrir cette boite de Pendore et de les faire taire. Puis un jour, j'ouvrirais cette boite, et je ferais face à mon Passé. Rancunière je le suis, et comme tout un chacun, je vis mal la perte d'un être cher. Mais lorsque celui-ci est parti sans me dire au revoir, comment pouvoir pardonner ? Comment mettre en application tout ce qu'on a su nous apprendre de puis notre plus jeune âge... La miséricorde.. Le Pardon ? Peut-être qu'un jour je serais assez mature pour pardonner. Je sais qu'il le faudra, je sais que je le retrouverais, qu'on se retrouvera. Tous les matins depuis toutes ces années, une pensée pour lui m'arrache quelques larmes... Mais, il faut vivre, il faut suivre son petit chemin et ne pas regarder en arrière...

M'arrachant à mes pensées, une voix grave et douce à la fois se fit entendre. Un jeune docteur s'était rapproché, et avant même de regarder son visage, je fixais mon petit élève. Il n'était pas du genre très sociable, mais le docteur semblait plus pédagogue que la moyenne. C'est alors que, lorsque nos regards se croisèrent, je fus prise de panique. Un souffle en moi, me tétanisant littéralement et m'empêchant de parler, de penser, de respirer. De l'air... De l'air... Je le savais à Paris. Mais je ne pensais pas que nos Destins s'entrecroiseraient aussi vite... Noah. Mon Noah. Ma Vie. Mon plus grand regret... « Bonjour madame, je suis le docteur Parker [...] Je vais m’occuper de vous dès maintenant. Nous allons passer dans mon bureau et nous pourrons soigner tout ça. » Cette voix. Je la reconnaîtrais parmi toutes. Et pourtant, je n'ai reconnu mon cousin qu'en voyant son visage. Et lui semblait avoir enfouit tout son passé dans un coin reculé de son cerveau. Sans doute est-ce le plus douloureux, en cet instant T. Je me leva et nous partîmes tous les trois dans son bureau. Le petit cherchait ma main, alors que moi je cherchais secrètement mon cousin. Peut-être que s'il me regardait une deuxième fois, il se rappellerait de moi, de nos souvenirs. Non ? J'espérais. Sans doute un peu trop... Mes yeux n'arrivaient pas à se fermer, ma température corporelle frôlaient celles des hauts volcans. Une fois dans son bureau, je restais debout, sans pouvoir réussir à m'installer... « Noah... », chuchotais-je sans doute pour moi-même plus que pour lui alors qu'il entraînait le petit... Je souffrais en mon sein. J'avais mal, terriblement mal. J'avais peur, affreusement peur. Comme si un couperais se tenait au dessus de ma tête et qu'il me menaçait à chaque seconde. J'avais peur de ce qui allait se passer, peur de mes ractions, peur des siennes, peur de devoir me justifier, ou alors qu'il ne se justifie pas lui-même. Je faisais le double de mon poids, mes pieds avaient déjà trop donné pour m'attirer jusqu'ici. J'étais muette et à l'intérieur de moi en sanglot...
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MessageSujet: Re: Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby   Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby EmptyMer 16 Mai - 12:14


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i've missed you, lully


J’eus un nouveau sourire en direction du garçonnet qui, en réponse, me fixa de ses grands yeux bleus apeurés, sa petite lèvre inférieure tremblant légèrement. Je comprenais aisément qu’il soit si effrayé. Il était même littéralement mort de peur. Les urgences étaient en ébullition constante depuis quelques jours et il se retrouvait là, frappé par toutes ces images de douleur, de sang tachant la peau, les vêtements ; il se retrouvait là, assourdi par les cris des patients, le bruit de leurs larmes de souffrance. Et il était bien trop petit pour ne pas se laisser atteindre, pour comprendre que si ces gens avaient mal ce n’était pas définitif, que tous ces hommes en blouse blanche allaient les aider, tôt ou tard. Habitué que j’étais à cette ambiance depuis déjà bien longtemps, je n’y faisais plus attention. Comme si toutes les sensations de dégoût, de peine et de nausée se glaçaient, se figeaient chaque fois que je me trouvais aux urgences. C’était facile de faire semblant, de ne rien voir lorsqu’on se trouvait entouré de douleur, elle devenait normale. C’était plus simple de l’ignorer, de faire comme si elle n’existait pas - comme si elle n’existait plus.
Mais ça n’était pas aussi simple pour un petit bout comme lui. Ni même la jeune femme qui l’accompagnait. Elle semblait sur le point de craquer, de fondre en larmes. De vomir aussi. Son visage était pâle sous la lumière crue des néons des urgences. Je me demandai un instant si je n’allais pas la voir s’effondrer en plein milieu du couloir sur le chemin jusqu’à mon bureau. Mais comme elle se leva, tel le diablotin qui surgirait de sa boîte à malice, je pris la main tremblante du petit garçon, serrant doucement ses doigts glacés d’angoisse dans ma paume. Sa supposée mère resta quelques pas en arrière et je ne pus m’empêcher de jeter quelques rapides coups d’œil par-dessus mon épaule comme pour m’assurer qu’elle ne s’évanouissait pas. Cette demoiselle m’intriguait. Je notai les regards perçants qu’elle fixait sur moi, je les sentais qui me transperçaient de part en part. Ses traits avaient comme un goût de déjà vu, d’amertume et de regret. Je ne saurais pour quelles raisons je ressentais ça, mais ses grands yeux bruns laissaient au creux de mon estomac une sensation d’inconfort, de malaise.

Bien avant que la porte de mon bureau se referma derrière la brunette, déjà le bourdonnement incessant des urgences se stoppa. Ne restait qu’un léger écho d’un bébé qui pleurait, d’une mère grondant son enfant. De quelques cris de douleur. Et rien d’autre. Rien d’autre que le silence réconfortant et apaisant de mon bureau. Un bureau dans lequel on m’avait presque enfermé depuis mon retour d’Hawaii et de mon congé forcé voilà une quinzaine de jours. Tout le monde avait fait attention à me ménager, de ne pas me demander plus qu’il ne fallait. On m’avait comme enveloppé dans des mètres et des mètres de papier-bulle, de peur que je ne me brise, de peur que je flanche à nouveau. Même si je trouvais ça adorable, même s’ils me permettaient de reprendre en douceur, de me remettre de mon malaise, je détestais qu’on me traite de la sorte. Qu’on agisse comme si j’étais malade, comme si j’étais sur le point de mourir d’un cancer. Parce qu’il y avait certaines obligations auxquelles je ne pouvais pas échapper. C’était mon travail après tout. Et il était hors de question qu’une simple période de fatigue remette mes qualités de neurochirurgien en cause. Qu’elle ne mette en doute tout ce travail que j’avais accompli depuis tant d’années.
J’aidai le garçon à s’installer sur la table d’auscultation et, mes mains protégées par des gants en latex, je commençai à le débarbouiller de tout ce sang qui avait eu le temps de coaguler. Toujours aussi impressionné, le blondinet restait muet, me fixant sans presque sourciller, sans cligner des yeux. Les blessures semblaient superficielles à première vue, et ne nécessitaient qu’un peu de désinfectant et des compresses. Je devrais tout de même vérifier qu’il n’y avait rien d’autre mais il me semblait plus en forme que je ne l’avais pensé au départ. Je crois que le sang qui avait couvert son visage enfantin avait été le plus impressionnant. Je le vis grimacer de douleur lorsque j’appliquai un peu de désinfectant sur les plaies à ses genoux et souris malicieusement.

« Ça pique ? demandai-je dans un petit rire et je pus vois l’enfant acquiescer légèrement, les pommettes un peu roses alors qu’une ébauche de sourire venait d’effleurer sa bouche. »

Durant mes études, j’avais plus d’une fois hésité à me spécialiser en pédiatrie. Bizarrement, j’avais toujours eu un bon contact avec les enfants et je savais que ce travail me plairait tout autant qu’être neurochirurgien. Alors j’avais longuement réfléchi à la question et je n’avais jamais vraiment trouvé de réponses satisfaisant jusqu’à ce que je demande à un pédiatre de ma connaissance de me laisser voir ce que c’était vraiment d’exercer un tel métier. Pendant une semaine, j’avais travaillé à ses cotés, l’observant minutieusement, je l’avais assisté comme j’avais pu et j’avais ainsi pu me confronter à la pédiatrie pour de vrai. Mais ça n’était pas du tout ce que j’avais imaginé au départ. Toute cette douleur, tous ces cris, toutes ces larmes. C’était affreux. C’était comme si on m’avait arraché un morceau de mon cœur à chaque fois. Les enfants ne pouvaient pas cacher leurs émotions, leur souffrance. Tout se lisait sur leur visage poupon. Et c’était pareil à m’ouvrir le ventre pour m’en sortir les tripes. Et quand j’avais demandé à mon collègue comment il faisait pour supporter tout ça, pour ne pas devenir fou, il m’avait simplement répondu que son objectif était simple – sauver ces enfants, coûte que coûte. Il savait que leur peine ne serait que passagère, temporaire, qu’il arriverait à leur ôter toute cette douleur. Et moi j’avais su à ce moment-là que je pouvais oublier la pédiatrie.
Appliquant une bande de gaze sur le premier genou du garçon, je jetai un coup d’œil à la brune qui était restée silencieuse jusque là. Elle avait toujours cette façon de me fixer de temps à autre ; elle avait toujours cette façon de me rappeler quelque chose ou quelqu’un sans que je ne parvienne à trouver qui ou quoi. Et bien que nous soyons dans mon bureau, bien que les bruits ne semblent plus être que de lointains bourdonnements, elle paraissait toujours aussi mal, aussi nauséeuse et pâle comme la mort – comme si elle avait vu un fantôme. Elle avait l’air sur le point de défaillir, je pouvais presque voir sa poitrine se soulever rapidement sous sa respiration lourde et saccadée. Elle était pourtant restée debout, alors qu’elle semblait tout juste tenir sur ses jambes. Je fronçai les sourcils en me demandant quel était le problème avec cette jeune femme. Son regard brun me mettait mal à l’aise, autant qu’il me troublait. Je ne savais que penser de cette attitude. Et quelque chose au fond de moi me hurla que sa personne m’était familière. C’était là, au creux de mon estomac ; je le sentais jusque dans mes tripes. Je le savais, j’en étais persuadé seulement je ne savais pas d’où cette certitude venait. Ça ne pouvait pas être une de mes anciennes clientes, hein… ?

« Madame, vous vous sentez bien ? demandai-je finalement après l’avoir fixée pendant ce qui m’avait paru être un long moment. Vous devriez vous asseoir, le temps que je termine avec votre petit bout et je vous apporterai un verre d’eau. Je n’en ai plus pour très longtemps mais vous savez, vous n’avez aucune inquiétude à avoir, tentai-je de la rassurer dans un de ces sourires avenants qui s’accrochaient souvent à mes lèvres. Il y a eu plus de peur que de mal. Il est en pleine forme ce bonhomme ! Il risque cependant d’avoir une légère cicatrice sur le genou gauche mais ce sera à peine –  »

Ce n’était qu’un chuchotement à peine audible mais il eut la résonance d’un coup de tonnerre. Ce fut comme un cri assourdissant, tout près de mon oreille, éclatant mes tympans. Ce « Noah » à peine murmuré eut l’effet de la foudre s’abattant sur mon corps. Mon sang se glaça dans mes veines, mon cœur éclata. Mon estomac retourné et la nausée me prit à la gorge, violente et crue. Mon prénom résonnait à l’intérieur de mon crâne, se répercutant douloureusement, atteignant même mon cœur dans ma poitrine. Comment avais-je fait pour ne pas la reconnaître tout de suite ? Comment avais-je fait pour la regarder et ne pas voir que c’était elle ? Lullaby. Ma Lully. Ma cousine, cette moitié de moi que j’avais perdue voilà plus de douze ans était là, devant moi, après toutes ces années. Elle était là, à Paris, juste en face de moi. Après mes silences, mon absence, ma cousine était là. Caprice du destin ou rencontre forcée, peu m’importait. J’avais retrouvé cette part manquante de mon être. Je n’arrivais pas à croire qu’elle était là. J’avais toujours pensé que jamais je ne la reverrai, que jamais je ne pourrai lui dire combien je regrettais de l’avoir abandonnée. Combien je regrettais d’avoir joué le mort pendant près de douze longues années. Je me rendais compte combien elle m’avait manquée, combien j’avais eu besoin d’elle pendant toutes ce temps. J’aurais dû lui dire où j’allais. J’aurais dû l’emmener avec moi. Jamais je n’aurais dû la quitter sans lui dire ce que je comptais faire. Et toute la douleur de notre séparation forcée refit surface, me submergeant telle une vague géante et glacée. J’eus la sensation de me noyer dans cette souffrance complètement inouïe.

« Oh my… Lully… Oh my chuchotai-je, la voix tremblante. Lully… Lully… »

C’était comme si je n’arrivais pas à y croire. Comme si j’étais encore très fatigué et que j’hallucinais. À pas mesurés, je m’approchai de ma cousine et levai la main jusqu’à ce que mes doigts entrent en contact avec la peau douce et chaude de sa joue. Il fallait que je sache ; il fallait que je sois sûr. Que je sois certain que ce n’était pas mon imagination de fou qui me jouait des tours, que ce n’était pas une hallucination de ma part. il fallait qu’elle soit bien là, devant moi. Avec moi. Il le fallait, sinon je crois que je serais incapable de le supporter, sinon je crois que j’en mourrais. Comment aurais-je pu supporter de la perdre une nouvelle fois ? Comment supporter cette déchirure dans ma poitrine, ce trou béant au creux de mon estomac encore une fois ? J’avais espéré pouvoir la retrouver un jour ; je m’étais toujours dit que lorsque je me sentirai prêt, je pourrais revenir au pays et lui demander pardon pour ce terrible abandon. Reprendre là où j’avais délaissé notre histoire, notre lien. Notre vie. Mais je n’en avais finalement jamais eu le courage – lâche.

« Qu’est-ce que tu fais là… à… à Paris ? C’est vraiment toi… ? C’est pas croyable… Ça fait longtemps que tu es dans la capitale ? Tu es bien là, devant moi, hein… ? soufflai-je, les mots se précipitant à ma bouche sans cohérence, sans que je n’arrive à mettre un ordre logique à toutes ces paroles. God… Lully… »

C’était comme si répéter son surnom allait finir par me convaincre de sa présence dans la même pièce que moi. Tout un tas de pensées confuses se bousculaient dans ma tête. J’avais tant de choses à lui dire, mais rien ne sortait. Rien ne voulait sortir de ma bouche, rien de rien. Mon cœur semblait exploser, mon corps tremblait. J’avais la sensation que ma respiration se bloquait pour reprendre plus rapidement, plus lourdement. J’avais peur de cligner des yeux et de la voir s’évanouir comme un mirage en plein désert. J’avais peur de faire un geste et qu’elle ne parte. Lully était là. Ma Lully. Après toutes ces années passées à fuir mon pays natal, ma vie passée et mon enfance, je me retrouvais glacé de l’intérieur, avec le seul membre de ma famille qui avait encore de l’importance face à moi. Comment étais-je censé réagir désormais ? Je n’arrivais même pas à savoir si je pouvais la prendre dans mes bras, là, tout de suite. Je ne savais même pas si j’avais envie de rire ou de pleurer. Je n’arrivais pas à me sentir coupable pour ce que je lui avais fait, pas encore. J’étais juste choqué. Choqué de la retrouver là, après tout ce temps.
Alors, sans réfléchir, je me ruai contre elle, l’enveloppant de mes bras. La serrant contre moi. Des images de notre passé commun, de notre enfance flashèrent devant ma rétine et les larmes me montèrent aux yeux. Je ne revoyais dans le jardin sous le soleil pâle d’un jour d’été, dans sa chambre de princesse enfouis sous les couettes pour se réchauffer ou bien se cacher des adultes. Je nous revoyais, elle et moi, enfants, complices comme jamais. Y’avait-il seulement une chance pour que l’on retrouve tout ça ? Nous avions grandi, nous avions chacun notre vie désormais, mais ça ne signifiait pas que j’on devait continuer séparément. Maintenant que je l’avais enfin retrouvée, je voulais retrouver tout ce que nous partagions jadis. Tout ce qui faisait que nous étions deux. Deux êtres qui ne formaient plus qu’un. C’était comme retrouver cette partie manquante de moi, ce morceau à l’intérieur qui m’avait été arraché. Lullaby était là, avec moi. Ma cousine était là.

« Tu es là… Mon Dieu, tu es bel et bien là Lully… Ma Lully… Tu es là… répétai-je comme une litanie sans fin, comme si le fait de le répéter allait me faire enfin réaliser que je ne rêvais pas, vraiment pas. I’ve missed you… I’ve missed you so much… so much. »

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Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby Empty
MessageSujet: Re: Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby   Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby EmptyMer 4 Juil - 23:36


How can we pretend we never met ?

L'air qui emplissait mes poumons se faisait de plus en plus abrupte, de plus en plus suffoquant. En somme, si je continuais à me dire que j'avais mo cousin devant moi, j'allais bien finir par m'étouffer. Mourir de honte, de chagrin, de peine... C'était exactement ce que je ressentais en cet instant, et quand bien même je savais que ça n'arriverait pas, que je ne crèverais pas ici, dans ce foutu hôpital, j'avais mal. C'était un comble de s'imaginer mourir ici, lieu où justement l'espoir se devait de renaître à chaque instant. J'étais bel et bien sûre de moi, ce médecin était bien mon cousin, mon tendre avec qui j'avais grandis. Celui avec lequel j'avais découvert la différence entre une fille et un garçon. Celui avec qui je faisais tourner en bourriques nos parents. Celui avec qui je m'endormais devant les dessins animés.. Même en grandissant, notre complicité ne s'est jamais évaporée, et au contraire, elle n'a fait que s’accroître. La jalousie est apparu, la possessivité aussi, et finalement, notre liberté décidée. Le lycée a amené son lot de problème pour chacun, mais nous a aussi appris une chose : même lorsque nous menions notre vie séparément, nous nous retrouvions toujours, à un moment ou un autre, à un endroit ou un autre. Seulement, lorsqu'il est parti, rien aurait pu changer ce vide en moi. Là seulement j'ai compris que ce terrible proverbe était faux. Loin du yeux et réellement loin du coeur. Les années ont apaisé la douleur, ont amené la haine, l'incompréhension et mon lot d'interrogations. Qu'avais-je bine pu faire pour mériter ça ? C'est cette question qui a troublé toute ma vie adulte, jeune adulte que j'étais, avec des rêves, des aspirations, des projets. Tout se bousculait pour finalement se remodeler sans Lui.

Et justement. J'étais devenu maîtresse d'école, bien loin de mes envies de médecine du départ. Et ce petit bout qui paniquait à mes côtés avait besoin de soutient, d'une voix maternelle près de lui. Je ne devais pas me laisser abattre par son indifférence. J'avais réussi à porter mon corps désormais lourd jusqu'à son bureau zen et apaisant, je n'allais pas craquer maintenant. Des déceptions, j'en avais connu, et j'en connaîtrais encore et encore. N'est-ce pasça la beauté de la Vie. Tomber, et se relever, observer les Plumes que nous avons perdu, et les ramasser en guise de trophée. Crier : « J'ai réussi » une fois la ligne d'arrivée de nos rêves franchi ? Et pourtant, là, c'était bien dur. C'était comme un coeur qu'on m'enlevait, alors que celui que j'avais avait tout juste été soigné et fonctionnait tant bien que mal. Comme si on me plantait avec le même couteau à la même plaie.

Je levais mon visage vers le petit et non plus vers Noah, chaque regard croisé sans réaction me brisé le coeur encore un peu plus profondément. Ce petit bonhomme blondinet était bien courageux, je me rappelle qu'à son âge, je pleurais en courant, cherchant l'ombre de mon cousin - encore lui. Je l'observais, souriant légèrement, caressant ses cheveux alors que mon cousin s'occupait de ses plaies. Quelques instant après, mon Noah chuchoté que je n'avais pu gardé en moi m'avait laissé de marbre. Comme si ce fut les seuls lettres que l'on pouvait m'arracher. Et, le regard de Noah me fit alors comprendre qu'enfin, il avait compris. Que tous ces regards étranges qu'il m'avait envoyé, que toutes ces phrases à mon attention qui n'avaient pas obtenues de réponses de ma part étaient enfin derrière moi, derrière nous.


« Oh my… Lully… Oh my… » Ces quelques mots dans notre langues, et avec notre accent natal réveilla en moi tout mon amour pour lui. Comme si soudain, et sans même que je ne l'ai souhaité, tout était pardonné. Une couverture posée sur toutes les saletés du passé. Mon visage joignit mes mains, ou alors était-ce le contraire. Sans aucun doute même... Ma tête lourde, mes yeux larmoyant... Enfin, il me reconnaissait. Ma moitié... Et pourtant, je n'avais plus aucune force pour m'exclamer, pour courir près de lui et poser ma joue sur son épaule, sentir sa douce fragrance. Je l'aimais plus que ma propre vie, et désormais, toute haine était transparente. Je sais, me connaissant, qu'elle reviendrait rapidement, et que je lui en voudrais alors de m'avoir tant déçue. Mais, je préférais profiter de ce moment. Moi qui avait pensé au pire, à l'imaginer entre quatre planches six pieds sous terre, mon cousin était vivant, et c'était tout ce qui comptait. S'approchant de moi, je relevais le visage, restant immobile, lourde, inutile... Me prenant dans ces bras, il me questionna ensuite sur ma vie, sur les raisons de ma venu ici, et plusieurs autres détails. Mais, je n'arrivais toujours pas à parler. Mon visage était collé à son épaule, et je le remontais jusqu'à effleurer sa joue. Ses quelques poils de trois jours me griffait doucement, et pourtant, j'eus l'impression que le plus beau des oreillers me caressait... Enfin, et après quelques secondes de silence, je pris toute force en moi pour murmurer quelques mots. « Noah... C'est bien moi. Je te croyais mort... » , mes larmes m'empêchais de parler naturellement... « Je vis ici depuis quelques mois Noah... Je travaille ici, j'ai ma vie ici », me répétais-je alors... « Tu sais.. Les années m'ont paru si longue. J'ai tenté de comprendre, j'ai essayé de te défendre. Mais, tu m'as fait tellement de mal Noah.. » avais-je alors continué, laissant tout de même mon visage là où il était. Ce moment, je l'avais rêvé et pourtant, jamais je n'aurais cru qu'il se réaliserait. Mais, je n'avais pas besoin de le pincer pour m'assurer que dans la vie, tout peut arriver.
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MessageSujet: Re: Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby   Sunshine will rise over & over again. │ Aaron & Lullaby EmptyJeu 5 Juil - 12:16



i've missed you, lully


Je n’arrivais pas à le croire. Je ne réalisais tout simplement pas que ma cousine, ma Lully, était là, dans mes bras. À Paris, sur mon lieu de travail. Si c’était là un caprice du Destin alors je l’en remerciais mille fois. Je venais de retrouver la seule famille qui n’avait jamais compté, qui m’avait toujours accepté comme j’étais. Celle qui savait tout de moi – hormis ce qui concernait les douze dernières années. Ma poitrine semblait exploser sous l’émotion ; une vague brûlante de sentiments tous confus déferla en moi. J’étais fébrile, je crois même que je tremblais un peu contre Lullaby. Mais je n’avais pas été heureux depuis bien longtemps. Tout un tas de questions se pressa à ma bouche mais aucun son ne sortit, ma gorge était trop nouée pour me laisser parler. Je n’y arrivais tout simplement pas parce que je n’y croyais pas. Lully était là. Avec moi. Après toutes ces années de séparation forcée, après ma disparition sans un mot, la voilà qui recroisait ma route au moment où j’en avais sûrement le plus besoin. Et ce fut en sentant son corps svelte contre le mien que je compris à quel point elle m’avait manqué. À quel point j’avais eu besoin d’elle pendant toutes ces années sans pour autant en avoir conscience. Peut-être avais-je tout simplement nié cet état de fait, peut-être m’étais-je obligé à ne pas penser à ce que son absence provoquait en moi. Et aujourd’hui que je l’avais face à moi, toute la douleur que j’avais enfouie très loin en moi refaisait surface, violente et insoutenable, si bien que j’avais la sensation que mon cœur se déchirait littéralement.
« Tu m’as tellement manqué… » J’avais l’impression de ne faire que ça – répéter cette même phrase, inlassablement, comme une litanie sans fin. C’était comme si je n’étais capable de rien dire d’autre sinon ces cinq mots qui faisaient écho dans ma cage thoracique pour percuter mes poumons de plein fouet. Sa peau était chaude et douce comme dans mon souvenir, son corps souple et parfaitement à sa place contre le mien. Comme avant. Comme si tout ce temps sans elle, sans ce nous, n’avait jamais existé – et j’aurais aimé que ce soit le cas. Elle et moi avions tant de choses à rattraper, tant de vides à combler. Qu’était-elle devenue ? Pourquoi avait-elle quitté Londres ? Que s’était-il passé quand elle s’était rendue compte que j’étais parti, sans un mot ? M’en avait-elle voulu, m’en voulait-elle toujours aujourd’hui qu’elle m’avait retrouvé ? Tant de questions qui ne trouveraient de réponse que lorsque je prendrais le temps de les lui poser. Je n’avais cependant pas vraiment envie de me rendre compte de la souffrance qu’elle avait dû endurer par ma faute ; je ne voulais pas me noyer sous des vagues de culpabilité alors que je venais à peine de la retrouver. Seulement je savais que l’on devrait en passer par là à un moment donné. « Mort ? Non, non, je… soufflai-je, la voix éraillée. Je suis… parti… J’ai plié bagage et j’ai quitté Londres. Je vais bien. » Un sourire tendre effleura mes lèvres et une de mes mains passa dans ses mèches brunes – ces mêmes mèches brunes indisciplinées mais soyeuses que dans notre enfance.
J’avalai ma salive. Évidemment que je lui avais du mal et qu’elle n’avait pas pu comprendre ce qu’il s’était passé à cette époque-là. Évidemment qu’elle avait dû me détester, me haïr de la laisser seule là-bas alors que j’étais sa seule véritable famille. Je baissai les yeux, honteux. Il nous faudrait du temps pour nous retrouver ; il nous faudrait de la patience pour réapprendre à nous connaître. Mais je voyais à ses grands yeux bruns que l’on y arriverait, ensemble. Elle et moi, comme dans le passé. Parce que, malgré tout, rie n’avait changé entre nous. « Je… Je vais tout t’expliquer, affirmai-je. Je n’ai jamais voulu t’abandonner, je voulais t’emmener avec moi… Je suis même venu jusqu’à ta porte ce jour-là mais… j’ai rebroussé chemin finalement… » Je m’étais senti tellement honteux que je n’avais pas osé me présenter devant Lully, je n’avais pas osé lui demander de me suivre en France alors que j’étais certain qu’elle aurait accepté de venir avec moi sans même hésiter. J’avais juste voulu fuir tout ça, oublier Noah et tout recommencer ici, à Paris. J’avais passé la Manche, laissant Noah mourir en Angleterre, et Aaron était né. Aaron qui était orphelin ; Aaron qui n’avait plus de famille. Aaron qui débarquait dans la capitale française, sans rien d’autre qu’un héritage conséquent. Lullaby aurait eu sa place à mes côtés, comme elle l’avait toujours eue ; nous aurions pu affronter ça ensemble, elle et moi. Depuis notre plus jeune âge, ça avait toujours été elle et moi et j’avais trahi cette équation qui avait régi nos vies des années durant. Je l’avais trahie, elle, ma cousine. Ma famille.
Me détachant doucement de la brune, je dénichai un vieux stéthoscope dans l’un des tiroirs de mon bureau et revins vers le petit garçon qui attendait sagement, nous regardant de ses grands yeux innocents. « Tu vois ça ? murmurai-je, comme s’il s’agissait là d’une conspiration secrète. C’est un bidule magique. Tu peux tout entendre à l’intérieur de toi avec. Tu veux essayer ? » Le regard brillant, il acquiesça et son sourire édenté me fit sourire à mon tour. « Mais attention, personne ne doit savoir, d’accord ? fis-je toujours sur le même ton. C’est notre petit secret. » Nouvel acquiescement et je lui accrochai le stéthoscope autour du cou avant de lui montrer comment il fonctionnait. Extatique, le petit blondinet rit et ne fit même plus attention à moi dès qu’il put entendre les battements de son cœur. Amusé, je revins vers Lully et la fis asseoir sur une des chaises alors que je prenais place en face d’elle. Sa main dans la mienne, je serrai ses doigts, comme si j’avais encore du mal à croire qu’elle était bien là avec moi. « J’arrive pas à croire que tu sois là… soufflai-je, la voix vibrante d’émotion. » J’avais tellement de choses à lui dire que tout se mélangeait dans un fouillis incompréhensible à l’intérieur de mon crâne. Par où commencer ?
« Tu… tu te souviens de ce camarade de classe qui me tournait autour quand j’avais une quinzaine d’années ? Tu étais plutôt proche de lui, et tu t’arrangeais pour nous rapprocher lui et moi d’ailleurs, ris-je doucement. Un soir, je l’ai invité au Manoir, prétextant ce projet en commun pour juste me retrouver avec lui. Et je lui ai carrément sauté dessus. Seulement mon père est rentré au moment où on s’embrassait et… il… Il m’a mis à la porte ce soir-là… » Je m’arrêtai une seconde, mordant ma lèvre inférieure. « Je me suis retrouvé à la rue et… J’ai voulu venir te voir, te parler, te demander ce que je devais faire, mais… j’étais tellement perdu, j’avais tellement honte que j’ai fui. J’ai vidé l’un des comptes en banque de mes parents et j’ai pris le train pour Paris, continuai-je doucement. Je ne sais pas comment mes parents ont camouflé tout ça mais la vérité c’est que mon père m’a renié, ma mère n’a pas bougé le petit doigt et j’ai dû me démerder tout seul à seize ans. » Du pouce, je caressai le dos de sa main dans un geste machinal et automatique. Comme une vieille habitude que mon corps se rappelait de lui-même alors que mon cerveau avait fait exprès d’oublier. « J’aurais voulu avoir le courage de t’emmener avec moi, de t’arracher à tes parents puisque je n’avais plus les miens… Je suis désolé… Tellement désolé ma Lully… »

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