Me voilà assise devant la gare saint-lazare avec pour seul compagnie un foutu sac à dos. Dedans quelques vêtements entassés, un vieux sandwich entamé, un paquet de clope, quelques roubles qui ne valent rien ici et un visa qui me permet juste de voyager sans être légalement dans ce pays. Clandestine, sans un rond qui parle à peine le français. Ma vie avait dégénéré à ce point ? Tout ça à cause d’une soirée à la con, d’un peu d’alcool et d’un con de mec incapable de se servir d’une capote. Foutue vie. Le pire dans cette histoire, c’est que ma dernière chance de me sortir la tête de l’eau : C’était lui. Cheshire Borgnac, dans l’annuaire pas de numéro de téléphone, juste une adresse. Je ravale mes larmes, autant garder le peu de dignité qu’il me reste et je me lève péniblement, remontant mon sac à dos sur mes épaules. Heureusement le troisième arrondissement n’était pas loin de la gare d’après le plan, encore fallait-il savoir se repérer dans cette ville. Et la princesse se retrouve paumée dans un royaume qu’elle ne connait pas, désormais sdf. Comme quoi les contes de fée ne terminent jamais bien dans la réalité. Ce n’est qu’après avoir tourné des heures dans Paris que je trouve enfin l’immeuble. Le courage me manque, j’ai besoin d’une dose de nicotine avant. Je pince ma cigarette entre mes lèvres et l’allume, tirant longuement dessus. Qu’est-ce que j’allais lui dire moi ? Pas sûr qu’il se souvienne même de moi. Et si cet abruti voulait une preuve de sa paternité ? J’allais devoir vivre dans la rue avant l’accouchement ? Encore fallait-il qu’il accepte de reconnaître le môme quand bien même la prise de sang prouvé que c’était bien son fils. Si seulement j’avais pu aussi avoir le choix de fuir moi aussi. Je n’aurais pas hésité une seule seconde à me débarrasser de…ça. Mais aucun symptômes, pas de prise de poids, pas de nausée, pas de seins qui gonflent, et mes règles comme d’habitude, rien qui aurait pu m’indiquer que quelque chose grandissait en moi. Je jette ma cigarette au loin, relâche un instant mes muscles et inspire profondément. Petite dose de courage et je monte à son appartement. Je frappe trois coups. Trois coups qui allaient changer sa vie à jamais. Une fois qu’il aura ouvert cette porte, pas de retour en arrière possible. Lui aussi allait assumer sa connerie, je n’allais pas lui laisser le choix. Et putain ! Pourquoi je tremble alors que j’entends des pas venir vers moi.La porte s’ouvre, le laissant apparaître dans l’encadrement de la porte. Je garde la tête haute, ne laissant aucune émotion me submerger. Pendant ce temps qui me semblait être des secondes interminables, nous nous regardions sans rien dire. « Congratulation » Lançais-je le plus naturellement du monde. Pas la moindre idée de comment on le dit en français. J’esquisse d’un sourire en coin. Sans formule de politesse, je le pousse légèrement pour rentrer chez lui. Je jette mon sac sur le sol et me rue presque sur le frigo. La faim commençait à me tenailler, je prends le premier truc qui vient et le mange sans même chercher à savoir ce que c’était. Au goût ça devait être du saucisson. « C’est sympa chez toi ! » Instinctivement c’est ma langue maternelle qui prend le dessus. Le russe. Pas certaine qu’il capte le type.