Paris... Pour beaucoup c'est la ville de l'amour, des bisounours et des rêveurs. Et pourtant elle n'est pas plus belle, ni plus agréable à vivre que les autres villes de France. Son image est même mensongère, on cache aux touristes les coins sombres des rues à coup de romantisme que peut offrir les beaux quartiers. Ces lieux délabrés ont souvent été pour moi mes airs de jeux quand j'étais enfant, voyant d'un regard non voilé de mensonge la misère de cette ville. J'étais un orphelin, un paria pour beaucoup de gens qui ne voulaient pas donner un centime par charité, ce mot n'était pas dans le vocabulaire des Parisiens. Je ne regrettais pas ma vie, ma solitude et mon errance dans les rues de Paris, j'étais libre de mes choix et de mes mouvements. Finalement, c'était plus agréable qu'être le fils d'une famille banale de la capitale. Mon regard s'ouvra doucement pour se poser sur le plafond uniforme de mon appartement, il n'était pas miteux mais il ne sentait pas la richesse d'un revenu confortable. Je passais lentement ma main sur mon visage cherchant ainsi à chasser les nuages de ma nuit agitée, une respiration inconnue sifflait à mon oreille alors que je remarquai enfin la présence d'un homme dans mon lit. Une grimace se dessina faiblement sur les traits de mon visage, alors que je poussais sans douceur le bel endormi pour qu'il quitta à son tour le pays des rêves.
« Casse-toi... » Ma voix n'était qu'un grognement sourd pendant que je me redressai sur le lit sans y poser un regard sur mon amant éphémère. Ce dernier s'était aussi redressé pour venir poser chastement ses lèvres sur mon épaule dévêtue...
« Tu es vraiment sûr ?! Cette nuit a été incroyable... On pourrait peut-être recommencer. » « Oui je suis sûr, donc maintenant tu dégages de chez moi. » Je quittai la chaleur du lit pour me diriger vers la fenêtre de la chambre, nullement gêné de ma nudité. Rapidement, j'attrapai le paquet de cigarette qui traînait sur ma table de chevet, je n'étais pas un accro à la nicotine mais c'était un tic que j'avais pris avec les années. Et je savais parfaitement que mon amant était le genre de mec chiant qui ne comprenait pas que cette nuit était juste une baise et basta. Il me fallait bien mon moment de détente pour éviter de lui abîmer sa belle gueule.
« Tu n'es qu'un connard... » Je me retournai pour lui faire face, la cigarette entre les doigts de ma main droite pendant que mon regard se posait dans le sien, sombre et menaçant. Je n'étais pas un mec gentil et patient, il allait rapidement le découvrir.
« En effet, c'est un gros connard. Et il aimerait être seul quand il reviendra de sa douche. Si non en plus d'être un connard, il risque d'être violent avec autre chose que ses mots. Donc maintenant, tu dégages. »Je ne lui laissai pas le temps de répliquer, allant m'enfermer dans la salle de bain en claquant la porte montrant ainsi que j'étais sérieux dans les paroles. Il devait avoir compris le message car j'entendais du bruit à travers la porte en bois. Cette routine était le quotidien de ma vie, ne pouvait compter le nombre d'amants que j'avais bien pu ramener dans mon appartement. Je n'étais pas un dépravé, j'appréciais les bonnes choses que la vie pouvait m'offrir. Et les hommes ainsi que le plaisir charnel rythmé bien souvent mes nuits. L'eau brûlante coula doucement sur ma peau dénouant lentement mes muscles endolories, alors que je fermai de nouveau les yeux pour apprécier pleinement la chaleur qui m'envahissait peu à peu. Puis c'était en grognant que je terminai ma douche sachant que l'heure tournait inlassablement et que ma journée était chargée.
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« On avait dit 350 euro la dernière fois. » J'étais légèrement appuyé contre le mur de la ruelle déserte, observant attentivement mon fournisseur dont la colère déformé les traits de son visage fort disgracieux à cause des années, mais aussi dû aux nombreuses bastons quand on fréquentait cet univers sombre qu'était le monde de la drogue.
« Le prix du marché à baisser cette semaine, les acheteurs ne prendront jamais avec un trafic aussi élevé. Je tiens à la fidélité de mes clients, donc je t’achète le sac pour 250 euro. » « Sale fils de pute, je ne me ferai pas encore baiser par tes conneries. C'est 350 euro ou que dalle ! » Il s'était rapproché de moi pour me cracher son souffle dégueulasse au visage, il se voulait menaçant par son geste. Mais il y avait bien longtemps que ce comportement me laissait de marbre, je n'étais plus ce gamin naïf de dix-huit ans.
« Et bien je vais prendre que dalle... Si tu penses être mon seul fournisseur, tu te plante en beauté. Je trouverais bien quelqu'un de moins con que toi. » Je savais parfaitement que mes paroles n'allait pas glissé sur lui comme la pluie sur un imperméable, mais qu'il allait sortir sa rage qui battait dans ses veines. Indirectement, je l'attendais... Cette colère, cette violence qu'on pouvait lire dans son regard et qui m'amusait comme un môme. J'aimais me battre et finalement c'était un peu comme ma dose de nicotine ou mes amants d'un soir. J'en avais besoin.
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Mon regard se posa sur ma main où on pouvait voir le sang s'échappait d'une blessure assez profonde au creux de celle-ci. Mon sourire avait disparu, la douleur étirait les traits de mon visage alors que la colère pulsait encore dans mes veines. Ma fierté en avait pris un coup et le combat que j'avais jugé sans danger aurait pu facilement devenir dramatique. Rapidement, j'arrachai le tissu de ma chemise dévoilant ainsi la peau de mon bras à la fraîcheur de la nuit. Il ne faisait pas très chaud, mais le froid m’inquiétait beaucoup moins que ma blessure ouverte. Je me bandais la main avec ce bandage improvisé, j'avais besoin de soin... Aussi courageux que je pouvais l'être, je n'étais pas un idiot qui pensait pouvoir se soigner tout seul ou avec l'aide du destin. Mais ce n'était pas pour autant que j'allais à l’hôpital avec joie et envie, mon air grognon ne quitta pas mon visage à mon arrivée dans l'entrée du bâtiment.
Qui aurait cru qu'on pouvait trouver de si beau mec dans un hôpital, comme quoi ce lieu de mort n'était pas uniquement habité par des vieux en fin de vie. Mon regard n'avait pas quitté le corps de mon infirmier qui était chargé de me soigner la main, ces gestes étaient précis et rapide. Mais cela m'importait peu, il me plaisait et j'étais quelqu'un de très ou trop direct selon les gens qui me connaissait dans la vie.
« Tu finis à quel heure ton service ? J'aimerais t'inviter à boire un verre. » La surprise se lisait sur son visage, me décrochant un sourire au coin des lèvres. Cela me prouvait beaucoup de chose concernant le bel inconnu. Premièrement il n'était pas contre l'homosexualité, si non il aurait réagi avec du dégoût ou de la colère. Et deuxième...
« Pardon ? » Il ne semblait pas indifférent à mon physique, malgré qu'il garda son professionnalisme jusqu'à la fin. Je laissais le silence envahir la pièce, pourtant la discussion était loin d'être terminée.
« Voilà, vous êtes soigné. N'oubliez pas votre ordonnance pour les antidouleurs et j'espère ne plus vous revoir par ici même si ce sont les autres qui ont commencé cette bagarre ou je ne sais quoi. » Mon regard brillait d'une chaude lueur d'amusement alors que je quittai mon siège pour m'approcher doucement de mon infirmier, sans coller mon corps contre le sien mais juste assez pour qu'il puisse entre mes paroles doucement murmurées.
« Si jamais tu changes d'avis, retrouve moi ce soir au café des phares. »