Vous voulez que je vous raconte l'histoire de ma vie ? Je n'ai jamais été un très bon narrateur, mais soit je vais tenter de faire un effort. Je m'appelle Arthur Frédéric Byrne, je suis né dans la belle ville de Marseille il y a vingt-huit ans de cela, ma mère est anglaise et mon père français, ils se sont connus pendant un échange scolaire lorsqu'ils étaient à l'Université, ils sont rapidement tombés amoureux. A la fin de leurs études, ma mère est venue rejoindre mon père en France. Je suis né en 1983 soit deux ans après leur mariage. J'ai un frère qui a trois ans de moins que moi. De mon enfance je ne vous dirais pas grand-chose tout simplement parce qu'il n'y a pas beaucoup à en dire, elle n'est pas exceptionnelle, j'étais un enfant sage, faisant des bêtises bien sûr, comme tous les mômes, mais rien d'extraordinaire. Je vais plutôt m'attarder sur les raisons de ma venue à Paris, il fallait absolument que je change d'air.

Mais revenons quelques années en arrière si vous le voulez bien. A l'âge de dix-huit ans, j'obtins mon Bac avec mention bien, mes parents étaient fiers de moi, je pouvais intégrer l'université de médecine et c'est ce que je fis. Je voulais devenir médecin généraliste depuis tout petit, c'est un désir qui me prit à l'âge de huit ans, lorsqu'on allait voir notre médecin de famille, je ne pouvais m'empêcher de lui poser tout un tas de questions sur l'utilisation de ses instruments comme le stéthoscope ou bien l'abaisse-langue, le marteau pour tester les réflexes. Ma mère était un peu gênée, mais notre docteur s'en amusait, dès qu'il me voyait passer la porte du cabinet, il m'accueillait à coup de "bonjour cher confrère" ou alors "comment allez-vous Docteur Byrne". Docteur Byrne, je trouvais que ça sonnait bien, j'avais donc décidé de tout mettre en oeuvre pour devenir un vrai docteur.

Lorsque je fis mes premiers pas à l'université, je réunis tout le courage dont je pouvais disposer pour annoncer à mes parents mon homosexualité. Les premiers temps furent difficiles et entraînèrent des disputes entre mon père et ma mère, elles se soldèrent par le départ de mon paternel du domicile familial. Même si je passais la plupart de mon temps à l'université, je ne pouvais m'empêcher de me sentir coupable, ma mère me rassura en me disant que de toute manière leur divorce était inévitable, cela faisait plusieurs années qu'ils tentaient de sauver leur couple. Depuis ce jour, j'affichais ouvertement mes préférences, peut-être un peu trop ouvertement, cela n'a pas plus à certains.

Le jour de la remise des diplômes, l'année dernière, j'imaginais déjà que je pourrais ouvrir un cabinet, peut-être même prendrais-je un associé, mais avant tout je pensais à la fête qui allait se dérouler le soir. J'avais prévu d'y aller avec mon petit ami de l'époque, cela faisait un an que nous étions ensemble, c'était la première fois que j'avais une relation aussi longue. Nous sommes donc allés à la fête, nous nous amusions bien, mais, en regagnant notre voiture dans le garage, nous nous sommes fait agresser par deux personnes, je n'ai pas réussi à voir leur visage, ils avaient une cagoule, impossible donc de dire si je les connaissais ou pas. Quoi qu'il en soit, je me suis fait frapper avec une batte de base-ball, je suis resté dans le coma pendant deux semaines, ensuite, un mois de rééducation. Pendant tout ce temps, j'ai appris que c'était mon petit ami...enfin mon ex-petit ami qui avait averti les pompiers, lui aussi avait été frappé, mais avec moins d'acharnement. Suis-je donc en droit de supposer que les agresseurs me connaissaient ? C'est possible. A ma sortie de l'hôpital, mon ex rompit avec moi, me disant qu'à chaque fois qu'il posait les yeux sur moi il revoyait cette soirée horrible. Moi je n'en avais plus aucun souvenir, pourtant j'aurais bien aimé, ne serait-ce que pour savoir si je ne pouvais pas reconnaître nos agresseurs. Finalement, il y a quelques mois, à force de travail sur moi-même, la mémoire m'est revenu, mais j'ai constaté que malheureusement je ne pouvais pas reconnaître ceux qui s'en étaient prit à nous. Je me suis plongé à corps perdu dans le travail, mais il y a deux semaines, j'ai laissé à mon associé la gestion du cabinet que nous avions ouvert et je suis parti de Marseille, je me suis dit que peut-être, à Paris, je pourrais recommencer une nouvelle vie, loin de tout, loin de mes agresseurs. Vais-je y arriver ?