« Vis comme si tu devais mourir demain. Apprends comme si tu devais vivre toujours » [Gandhi]

« Euh...Tu fais quoi là Pépin? »

Allongée sur le lit, emmitouflée sous les draps en coton, la belle Louise observa d'un œil critique son amant se promener nu comme un vers jusqu'à sa table à repasser. Son regard se promena avec une gourmandise non feinte sur son anatomie tandis que monsieur Saint-Léger mettait de l'eau dans le fer, s'octroyant le plaisir de fumer une clope matinale. Il extirpa une bouffée mortelle et planta ses deux iris dans ceux de sa muse, l'air de la prendre pour une idiote.

«Je repasse »

Incrédule, Louise se passa de commentaires. Il ne valait mieux pas irriter Pépin d'une heure aussi matinale, il pourrait se montrer en une fraction de seconde aussi vulgaire qu'un cochon. Soupirant d'ennui, la belle blonde se retira à son tour du coton soyeux qui garnissait le lit aux couleurs bien pâles et flâna à travers l'appartement, en quête de ses affaires.

« Si tu recherches ta petite culotte, je l'...Eh bien non, je ne te le dirai pas. » se contenta-t-il de dire en avalant une nouvelle bouffée toxique, le regard brouillé derrière une paire de lunettes qui ne servait qu'à le rendre plus mystérieux, expliquait-il.

Louise revint au galop, le regard menaçant.

« Donne la moi Pépin! »

Il haussa les sourcils, l'air perplexe.

« De quoi? »

Elle roula des yeux, se demandant pourquoi elle trainait avec cet homme insupportable...Ah oui, c'était un Dieu au lit.

« Ma culotte! » s'énerva-t-elle, jouant la touche de l'impatience et du mécontentement.

Ce à quoi il répondit d'un sourire énigmatique, étalant un caleçon noir sur la table avant de le repasser, ignorant superbement la jeune femme dont le visage prit une teinte cramoisie. Il était doué pour laisser des vents aux gens, disons même qu'il était classé dans le top 10 des meilleurs « fouteurs de vent » de tout Paris. Perdu dans les méandres de ses pensées, il ne remarqua l'absence de Louise que lorsqu'elle claqua sèchement la porte derrière elle, vêtue de la tête aux pieds sans sa petite culotte.

« Hé Hé »

TULULUT

« Fais chier! »

Pépin jura 3659 fois avant de daigner décrocher son téléphone, pestant contre l'indésirable qui osait le déranger pendant sa séance de repassage.

« Qui est donc le crétin qui m'appelle? »

« Votre charmante voisine d'en face... »

Cette voix rocailleuse et sèche, celle de la vieille mégère d'en face, la harpie, la folle dingue, Cruella d'Enfer, Ursula, la méchante reine dans Blanche neige, Madame Mim dans merlin l'enchanteur...C'était elle, la voisine d'en face, celle qui avait dix chats dans une seule et même pièce, celle qui buvait sa petite tasse de thé tous les jours à huit-heures du matin en scrutant à l'aide de sa petite paire de jumelles le voisinage...Cruella d'Enfer.

« Oh c'est vous Cruella »

Oups. C'était sorti tout seul.

« Hum...mais dites-moi, ce n'est pas tous les jours que l'on voit un homme nu repasser ses caleçons devant la fenêtre de son salon... »

WTF? Pépin jeta un furtif coup d'œil par la fenêtre et remarqua avec horreur que la vieille Betty était en train de le mater sans vergognes. Il prit un air offusqué et fermer illico presto les rideaux. Un peu plus et il se sentirait presque violé. Quel cauchemar!


« Le piéton est une espèce de microbe qui vit dans les artères et qui gêne la circulation » [Marcel Achard]


POUET POUET

« Super! Encore une femme au volant »

Macho? Absolument pas. Après tout, tout le monde sait bien que les femmes, ou presque, ne savent pas conduire. Le train a été inventé pour une bonne raison...

POUET POUET

Rassurez-vous, ce n'est que le retentissement strident de son klaxon, et ce n'est pas ce son mélodieux qui va vous en apprendre davantage sur cette étrange créature qu'est notre cher Pépin Leonard Saint-léger, alias Pépin Lebref en string léopard aux seins légers, un pseudonyme débile que lui ont octroyé ses « amis », mais ça lui importe peu. Du haut de ses trente-cinq ans, Pépin n'a pas toujours été sage [...] A vrai dire, il n'a jamais été sage. Né au cœur de Paris dans les années 80, seul avec sa tante Mimi dans un appartement qui respirait l'ancienneté et la cocotte sucrée, une femme aux mœurs excentriques qui croyait toujours que la fin du monde était au seuil de sa porte. Dès que l'on annonçait un attentat ou une catastrophe naturelle, elle ressortait le vieux casque militaire de son défunt mari avant d'aller s'abriter sous la table de la cuisine. C'était la seule famille qui lui restait, il en avait de la chance. Il n'a jamais connu ses parents, ceux-ci sont morts dans un accident de voiture...Ils n'auraient pas pu faire plus banal comme fin. Il n'a jamais été affecté par cette absence, tout du moins c'est ce qu'il aime faire croire aux autres, et à lui même avant tout.

« Pète un bon coup et ça ira mieux! »

Voilà ce qu'aimait lui répéter sa tante lorsqu'il avait un coup de mou. Sérieusement, même si elle était tout ce qu'il y a de plus bizarre, Pépin avait bon de vivre avec sa folle dingue de tante. C'était elle qui lui avait appris à rouler un joint, à faire des ronds avec la chicha, à jouer du piano et de la guitare. Autant vous dire qu'avec elle, on pouvait s'attendre à tout et n'importe quoi. Et pourtant, combien de fois n'était-il pas revenu bourré et shooté comme un vieux singe à la suite d'une soirée un peu trop arrosée.

« Ah la la la! La jeunesse » se contentait de dire tante Mimi. Il n'avait jamais eu aucune interdiction, et c'était bien ce qui l'envoya illico presto au fond du trou.

ҨҨҨ

«J'ai envie de baiser »

Maxence le regarda avec un air amusé tandis que Pépin simula une fellation avec une carotte, n'ayant rien trouvé de mieux à faire. Il en devenait presque un cas désespéré.

« Décris moi en quelques mots »

Le jeune homme l'observa longuement, sceptique, et avala une gorgée de café, l'air de réfléchir.

« Mhhh incroyablement insupportable, d'ailleurs je me demande comment je fais pour te supporter Hum Cynique, égoïste, vulgaire, têtu comme une mule, indélicat, indiscret, drogué, alcoolique, paranoïaque,... »

« Merci. Je me sens mieux du coup » marmonna-t-il, boudant dans son coin. Il s'enfonça un peu plus dans son fauteuil et s'empara de sa guitare avant de stopper net dans sa course, le regard braqué sur une paire d'yeux plus loin.

« Psschtt! Dis, j'ai l'impression qu'on m'observe...Là, la vieille greluche...Oh merde, c'est ma voisine! Je parie qu'elle est venue m'espionner! »

« Cruelle d'Enfer? »

« Oui! Oui! Voilà!! c'est Cruelle Diablesse! Elle espère me mettre dans son pieux! »

Pépin et ses délires abracadabrants, c'était un vrai phénomène ce gars! On ne sait jamais ce qui trotte dans sa petite tête.

ҨҨҨ

Mais qu'est-ce qu'aimait notre cher Pépino? Ah Ah tant de choses à la fois! Tout d'abord, sachez qu'il est un grand fan des films Disney, mais chut hein! Le Nutella et lui, c'est le grand amour. Il aime fumer une clope le matin, avant de sortir du lit, mais aussi avant de dormir. A vrai dire, il fume un paquet par jour. And what else? C'est « the » fêtard en puissance, le genre à se la jouer cul sec toute la soirée, mais aussi « The » fidèle ami névrosé; genre « Normal qu'elle t'ai largué, t'es moche, et puis...Voyons le bon côté des choses, maintenant qu'elle est libre, je vais pouvoir me la taper! » Mais au fond, c'est quelqu'un « d'assez » sympathique, malgré son humour noir; « Il vaut mieux être cocu que veuf; il y a moins de formalités! » Passons... Mécène, amoureux du son et des instruments, notre Parisien est un musicien dans l'âme. Il joue depuis sa plus tendre enfance, surtout du piano et de la guitare, même s'il se débrouille au violon. Il collectionne les vieux disques...Rappelez-vous, ces chanteurs d'antan qui faisaient de la vraie musique. Aventurier, gitan, bohème, artiste...des facettes qui le caractérisent toutes aussi bien. Lorsqu'il fêta l'année de sa majorité, il partit comme un fugitif, sans prévenir personne, à l'exception de sa tante. Que ce soit à l'arrière de sa vieille camionnette, à pied ou dans une vieille barque, notre jeune Indiana Jones ne cessait de partir à la découverte des différents continents, passant de l'Europe en Amérique, puis en Asie et en Océanie, avant de finir sa course en Afrique. Tout ça en quatre ans. Trois ans de pure jouissance, d'extase, de bonheur, de frétillement...Il avait atteint le point culminant de ce qu'était la liberté. C'était une vraie explosion de bonheur. Rien que d'y penser, il avait une érection...

Lorsqu'il revint à Paris, il apprit le décès de sa tante, morte par asphyxie...avec un trognon de pomme. Quand je vous avais dit que les membres de sa famille avaient des morts peu glorieuses. Son oncle, lui, avait trouvé la mort suite à une rupture d'anévrisme sur la toilette. Charmant.

ҨҨҨ

« Je peux savoir où t'étais passé ces deux semaines-ci? »

« J'étais dans le coma . Enfin, juste une semaine, l'autre, j'ai été fêter mon réveil. Pourquoi?»

La bouche grande ouverte, Maxence dévisagea son ami comme si c'était le dernier des crétins. Il savait parfaitement qu'il disait la vérité, c'était pire...D'ailleurs, il ne sut rien répondre et se contenta de tirer un coup sur sa clope. C'était ainsi qu'était Pépin, le genre à lâcher la vérité en pleine face, sans émotions et regrets. Il détestait les gens qui s'apitoyaient sur son sort, la pitié, les boulets, les hypocrites...Bref, il jetait tout ce beau paquet de laideur dans un sac à poubelle, dans les tréfonds d'une tumeur cérébrale.