Amédée ça sonne Paris. Paris classique. Paris doré.
Amédée ça sonne nuages gris et injures, comme celles qui englobent la capitale.
Mais, lui, il n'est pas figé comme les monuments qui surplombent la ville.
Appelons-le Amé.
Juste pour qu'il oublie qu'il vient d'ici. Là, où le béton est sauvage. Qu'il dévore la moindre parcelle d'âme quand on le foule.
Son nom, cette mauvaise blague, il en rit avec des sanglots pleins les yeux. Nadar c'était un photographe, un aventurier qui capturait la réalité. Un amoureux de la lumière et des couleurs. Ces teintes qui ne concernent plus Amé.
Achromatopsie.
Ils appellent ça comme ça.
Encore un nom barbare qui abrutit les patients, qui abrutit Amé. Lui, il n'y comprend rien.
C'est arrivé comme ça. Boum. Fini les couleurs, plus que du gris.
Du gris partout. Dans les yeux, dans les poumons et surtout dans le cœur.
Alors le Nadar, il survit avec les aides. Il ne profite pas, non. C'est juste le temps de s'habituer à cette perte de nuance. Juste le temps d'accepter que dans ses yeux, il fera toujours nuit.
Perché sous les toits, perché sous les étoiles. Il y attend quelqu'un. Qui ? Il ne sait pas. Une fille qui l'embrassera de temps en temps, comme une amoureuse.
Celle qu'il réussira à ne pas haïr lorsque le jour arrive.
Alors Amé il patiente, clope au bec, la fumée qui décolore ses poumons en guise d'occupation. Le reste du temps, il joue. Il veut être acteur. Fouler les planches.
Pour ça qu'il est rentré au conservatoire. Pour qu'on le regarde. En couleur si possible.
(la javanaise)