il fait nuit noire dehors, le jour est presque à se lever. bientôt, il le fera. je sors de chez figaro, les yeux cernés et recouverts d'anti-cernes à la fois. une touche de rouge à lèvres posée à nouveau pour masquer l'ancien, à moitié effacé. et sur mes grands talons, j'avance la tête haute, dans la nuit noire. même pas peur. c'est aux autres d'avoir peur de moi.
il sort de nulle part, balto, et se plante face à moi. avec sa barbe qui commence à être bien belle, bien taillée, et lui donne encore plus ses airs de chien de garde, ajoutée à ses larges épaules et ses bras musclés pas même cachés. il a pas froid? moi, j'me gèle un peu, même sous mon manteau. il me donne froid, ouais, j'ai froid pour lui. je tremblerais presque, mais ça serait aussi un peu pour qu'on me réchauffe, volontairement.
s'il peut me raccompagner? oui, pourquoi pas. non. je ne sais pas. pourquoi j'ai l'impression que ses yeux me proposent bien plus? et pourquoi ça devient d'autant plus tentant?
- t'as pas tes putes à t'occuper?
depuis quand j'me soucie bien de la vie d'une pute, moi? depuis quand j'suis réticente à ce qu'un mâle me raccompagne?

elles sont toutes occupées. évidemment qu'elles sont toutes occupées. il les fait bien travailler, balto, ses putes. il le veut, son fric.
- qu'est-ce qui t'a fait croire que tu me trouverais ici?
tu m'prends vraiment pour une de tes putes, balto? à ce point? va falloir se le rentrer dans le crâne, ça, j'suis pas une pute, moi.
j'continue d'avancer, la tête haute. qu'il recule, je ne m'arrêterais pas pour lui. qu'il tombe, même, qu'il se retrouve à mes pieds, là où est sa place.
- tu n'crois quand même pas qu'une fille comme moi a peur d'un gars comme toi?
faut pas rêver. j'ai pas peur, moi. j'en ai vu des pires. et c'est les flammes dans mes yeux qui le prouvent bien. j'ai pas peur, moi. j'crains personne, moi. pas même quand il s'arrête comme ça. je garde le regard haut. vas-y, raccompagne-moi, balto, j'attends que ça. passe ton bras autour de moi et on s'en va.

ton instinct? et puis quoi d'autre, balto? ton flair?
je continue d'avancer comme si de rien n'était, comme si sa provocation me passait bien au-dessus. jusqu'à ce qu'il s'arrête et que je me le prenne. j'ai pas fait gaffe.
il est grand, balto. il est fort. il sent bon, aussi. son parfum m'est arrivé aux narines, j'y peux rien. je reconnais bien que je n'serais pas contre être dans ses bras, ne serait-ce qu'un peu.
derrière moi, il me parle au creux de l'oreille et je sens un tout léger frisson me remonter le long de la nuque. je ferme les yeux, j'bouge plus.
si c'est ça, t'attends quoi? entraîne-moi dans ta ruelle sombre et prends-moi.
- non, je sais pas. t'es bien un proxénète, alors pourquoi pas un cambrioleur avec ça?
on peut les cumuler, les conneries. nassim, lui, était bien dealer et violent.
alors pourquoi pas proxénète et cambrioleur? le noir, ça doit drôlement bien lui aller, à balto. un bonnet noir par-dessus ses cheveux et avec sa grande barbe. je me mords la lèvre très légèrement.
j'avance de nouveau, doucement.
- hm allez, t'as qu'à me raccompagner, puisque t'as rien de mieux à faire.
évidemment. rien n'est mieux que ma compagnie.