La fin de la semaine. Enfin ! Winny avait travaillé - et n'avait donc pas vraiment été là la journée - toute la semaine, alors autant dire que la jolie Nala attendait avec impatience le weekend ; si il n'y avait rien de particulier entre ces deux-là elle était pourtant rassurée quand la rousse restait à la maison, avec elle. Tout semblait plus facile et la ville semblait faire moins peur quand elle n'était pas seule à l'observer. Pourtant elle avait fini par s'habituer à une part de solitude entre huit et dix heures par jour, le temps que sa colocataire parte et revienne du travail et avait même réussi à mettre à profit ces instants de solitude : ainsi était sorti l'an passé un premier roman tout droit sorti d'un monde fantastique, auquel elle avait d'ailleurs destiné une suite qui commençait à prendre forme. Ce petit univers connut certes un succès assez mitigé mais avait suffi à la mettre en confiance et à la pousser à poursuivre dans l'écriture, dont elle pouvait se vanter de tirer tous les mois une quasi-totalité de smic - ce qui, d'après Winny, n'était pas donné à tout le monde !
Mais cet après midi qu'elle avait passé seule ne fut pas consacré à l'écriture : au contraire, elle avait ressenti l'envie de faire plaisir à celle qui avait fini par devenir une amie et préparer un dîner sympa qu'elles pourraient partager lorsque celle-c rentrerait du magasin. N'étant pas un génie en cuisine elle opta pour des spaghettis carbonara, recette réputée simple et qui était plutôt bonne. Soit. Mais déchiffrer la recette ... fut plus compliqué qu'elle ne l'aurait pensé. Lorsque la rousse rentra il y avait deux oignons maladroitement coupés devant la porte, la blonde avait de la crème fraîche jusque dans ses cheveux blonds - et ne parlons pas des meubles - et la moitié du paquet était éparpillé par terre alors que l'eau, dans sa casserole, chauffait depuis si longtemps que les trois-quarts du récipient avaient fini par s'évaporer. Un désastre ? Non ... Ou du moins ça n'en serait pas un avant que la fumée opaque qui emplissait l'espace pouvait encore la cacher.

Enfin la dernière cliente. Celle-ci traîne, retardant la fermeture du magasin au grand damne de Winny qui n'attendait que ça depuis une demie-heure maintenant. Elle la regardait, lui demandait régulièrement si elle avait besoin d'aide, elle lui demandait si elle avait trouvé son bonheur dès qu'elle sortait des cabines d'essayage. Toujours la cinq ou la deux, jamais les autres. Toujours celles que Winny peut voir, comme si elle lui disait « Je te retiens et tu peux rien dire, c'est bêeete, hein ? » Connasse de parisienne. Winny n'aime pas les clientes parisiennes, elles sont toutes mauvaises et toutes hautaines, même les enfants. Comme si un enfant pouvait être supérieur à un adulte. C'est drôle, ça. M'enfin. Elle part enfin sans rien acheter, la morue. Winny lui sourit, lui souhaite bonne soirée et lui souhaite de revenir sous peu. Mais si elle ne pouvait jamais revenir, ce serait bien. Sans rire. Enfin, il fait déjà nuit, et tout ce que à quoi Winny pense est de retrouver Nala. Cette petite tête blonde lui avait manqué toute la journée, surtout parce que dans la voiture, elle avait un cadeau qu'elle avait été chercher pour elle. Elle avait hâte de lui offrir, ce coffret de parfum qu'elle voulait depuis longtemps.
Devant la porte de l'appartement, elle sortit ses clefs, ouvrit la porte et s'arrêta net en voyant l'état de l'appartement. Ses épaules s'affaissèrent « Oh bah... » Elle ferma la porte et alla ouvrir toutes les fenêtres, posant le paquet sur la table. Elle secoua les mains pour faire partir la fumée plus vite et alla arrêter l'eau « Nala, tu peux m'expliquer ce que tu as essayé de faire? » Elle se posta devant elle, les bras croisés devant la poitrine, essayant de rester calme « Je pensais qu'on avait dit pas de cuisine quand tu es toute seule ? »

Plus qu'une dernière cliente, et Winny rentrerait. Ça pouvait sembler innocent mais Nala avait plusieurs fois attendu la jeune rousse au magasin pour qu'elles rentrent ensemble - le plus principalement quand il devenait urgent qu'elle refasse sa garde robe ou parce qu'il lui manquait quelque chose de précis - et elle savait pertinemment que même une seule cliente pourrait rendre l'attente interminable : certaines étaient volontairement méchantes et prenaient volontiers leur temps, juste pour montrer au personnel leur soi-disant supériorité ... C'était stupide, et injuste mais la blonde avait fini par se faire à l'idée qu'il y avait des gens méchants des fois et qu'on ne pouvait rien y faire. Winny rentrerait bientôt et pour elle c'était le principal même si en l'état actuel des choses elle ne pouvait pas donner de nature concrète à ce bientôt. Il lui fallait alors s'occuper pour tromper sa solitude et quoi de mieux pour faire plaisir à la jolie rousse que préparer quelque chose qu'elle aime pour dîner ? Elle fut alors motivée à se battre contre l'ordinateur portable récalcitrant pour trouver la recette qu'il lui fallait, mit sans mal le couvert et se lança de bon cœur en cuisine.
Mais malheureusement ... Parfois, la bonne volonté seule ne suffit pas. Et c'était toujours le cas quand Nala se mettait en tête de faire à manger : le seul plat qu'elle maîtrisait se résumait au muesli trempé de yoghurt, comme elle aimait en manger devant un dessin animé le soir. Pourtant elle s'acharnait à chaque fois, réessayait, et encore une fois la situation lui échappa complètement ! Elle agitait dans tous les sens un torchon pour essayer de dissiper la fumée quand ... « Oh bah... » Elle sursauta et chercha à s'éloigner de l'espace cuisine où sa colocataire reprenait le contrôle. « Nala, tu peux m'expliquer ce que tu as essayé de faire? » Elle rentra sa tête dans ses épaules, se rendant compte bien sûr qu'elle avait bien raté son coup ; encore une fois. « Je pensais qu'on avait dit pas de cuisine quand tu es toute seule ? » La blonde joua alors avec le bas de son tshirt entre ses doigts, osant à peine regarder Winny. Bien sûr qu'elles en avaient parlé. C'était dangereux, elle pourrait mettre le feu à l'appartement - ou pire, la connaissant - mais sa volonté de bien faire réussissait toujours à la faire céder. « Je voulais juste te faire une surprise ... »