Sujet: himalie ; les pages de notre désamour Mar 29 Oct - 5:01
le portable entre les mains, je fixe l’écran de couleur en lisant ces quelques mots qui me sont destinés. la pièce est silencieuse, personne ne rode dans mon appartement. il n’y a que le silence et moi. arlie m’a écrit. ça faisait un moment que les nouvelles avaient arrêtées de pointer le bout de leur nez. j’avais peur, j’ai toujours peur. peur qu’un matin, je me réveille et qu’il ne soit plus là. que son être soit partie retrouver les étoiles et la lune, amies de mes nuits. je lui donne rendez-vous, je fais les premiers pas. je les ferais toujours. assise sur mon lit, j’attend sa réponse. on se verra. oui. au parc. mes yeux sourient, ma bouche non. je suis pourtant soulagée de savoir que je le verrais enfin devant moi. en chair et en os. ou, ce qu’il reste de lui. j’ai très peur, oui, mais je fais la brave. il le faut, j’ai aucune autre option, j’en veux pas d’autre. je me lève lentement, cherche mes ballerines d’une main peu sûre, les trouve. les enfile habilement, me redresse pour nouer mes doigts à mon manteau tout chaud, tout beau. je passe mes bras dans les manches, l’attache, attrape mon sac à main et précieusement, dans la paume de ma main chaude, je garde mon téléphone. juste au cas.
et s’il annulait ? je lui fais confiance, les promesses, on les garde, on les brise pas. parce c’est une bonne personne, même s’il le sait pas, même s’il veut pas le savoir. j’ai les clés de mon appart dans les mains, je quitte mon chez-moi la tête haute, les cheveux en bataille, le visage sans peinture, sans artifices. c’est le reflet d’un être lentement exténuée par des nuits sans réel sommeil, des journées passées à la crèmerie et à l’hôpital avec maman numéro un qui suit son traitement. le cancer, c’est mal. mais tout le monde en a un, de cancer. on a tous un truc qui nous ronge le cœur et le cerveau jusqu’à en mourir. y’en a qui s’accrochent et qui vainquent, d’autres que non. moi, je veux qu’arlie finisse par la laisser au coin d’une rue, sa tumeur psychologique. je veux être là pour lui et lui serrer la main à chaque petit moment, à sourire, à chaque larme qui coule sur une joue. je veux le voir sourire comme il a jamais sourit auparavant. je veux qu’il sente la chaleur dans son cœur quand il apprécie les choses qui l’entourent. je veux qu’il ai plus pleur. est-ce que c’est un trop gros souhait ? quand je vois une étoile filante, dans le ciel, je souhaite ça. quand il est 11h11, je le souhaite aussi. mes souhaits, je les dépense pour lui, pas pour moi. et je sais qu’il sait.
dehors, il commence à faire froid. le vent vient mordre mes joues et s’y colle pour m’accompagner dans ma promenade. Le parc du champs de mars, il est pas très loin. une vingtaine de minutes à la marche, dix minutes à vélo. aujourd’hui, je choisis les pas, alors je marche, je marche. les minutes passent doucement, aussi douces qu’une œuvre de debussy jouée au piano par un grand interprète. mes pieds me guident naturellement à l’entrée de cet immense parc. je m’arrête, respire fortement, reprend la route. dans mes petites mains, mon portable n’a toujours pas vibré pour m’annoncer qu’arlie m’aurait envoyé un message me disant qu’il ne viendra pas. il sera là, y’à cette électricité dans l’air, ce petit je ne sais quoi qui me pousse à avancer, à traverser les grands chemins qui mènent tous à la tour eiffel. notre banc, il est un peu à l’écart de tous. au loin, je le vois, vide. il ne me reste qu’à m’assoir et attendre. je m’exécute, observant les alentours par la même occasion pour essayer de dénicher une feuille, une roche ou une brindille que je pourrais ramener chez moi, comme objet sans valeur. réflexe enfantin pourtant rassurant alors que les minutes passent.
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Sujet: Re: himalie ; les pages de notre désamour Jeu 31 Oct - 7:13
est-ce qu'on me donne le droit de pleurer ? est-ce qu'on me donne le droit de respirer, et de ne plus savoir quoi faire de la pauvre épave que je suis. mes yeux ne quittent pas mon portable, il fixe que les mots qu'elle m'a écrit, ils fixent son prénom, ils s'abandonnent à mon prénom. je l'entends encore m'appeler, je l'entends encore me le prononcer tout doucement pour me consoler. mais, elle n'est plus là, elle est partie loin, car je l'ai fait fuir, donc je n'y ait plus droit. je laisse une longue expiration sortir de mes lèvres, désespéré que je suis, mort que je suis. je rêve de ce jour où je vais la voir droit devant moi, voir ses mains qui serrent son sac à main, ses yeux qui dérivent au loin, avoir la chance de la voir sourire de nouveau, c'est tout ce que je veux, c'est tout ce que je souhaite. est-ce qu'elle pense à moi ? est-ce qu'elle pense seulement à nous ? ou elle ne pense plus ? je lève lentement le regard vers la télévision, et je vois mon reflet, le peu qu'il me reste de ma personne. elle va voir que je suis mort, elle m'a connue comme ça et elle ne connait que ça de moi. je n'ai jamais été plus qu'un morceau de charbon qui tâche les mains de noirs. elle me manque. est-ce que tu sais à quel point tu es mon tout ? à quel point que la vie sans toi, ce n'est plus la vie, ce n'est rien. elle est ailleurs, elle est partie, je l'ai laissé s'envoler, car je ne voulais pas la laisser vivre avec ma tristesse, je ne pouvais plus contrôler ma peur, je ne voulais pas qu'elle me fasse mal, qu'elle tue parce qu'elle n'aurait plus voulu de moi. maintenant, la seule chose que je souhaite, c'est qu'elle revienne cogner à ma peur, qu'elle me prenne dans ses bras et que je meurs de bonheur. on dit que le bonheur c'est beau, himalaya elle est belle, c'est elle qui crée le bonheur, c'est elle qui rend les gens joyeux. je l'aime. je me regarde dans le miroir, j'essaie de bien paraître, j'essaie d'être beau pour elle.
je sors à l'extérieur, j'ai froid, le vent veut m'emporter au loin, il veut m'empêcher d'aller la voir. je regarde mes pieds, je regarde les gens, j'ai peur de la voir, mon coeur le sait, il me le crie en ce moment. les bâtiments ne changent pas, le temps ne change pas, le ciel est si gris. je tombe sur une lumière, les fleurs restent joyeuses. je prends une rose jaune, on dit que c'est pour les malades, moi je dis que ça représente le soleil. je la sers dans ma main pour ne pas qu'elle s'envole et je rentre dans ce parc. himalaya, elle est là, elle m'attends sur ce banc, elle me cherche, elle se demande si je vais venir. je me demande si je vais avoir le courage de franchir tous ces pas qui nous séparent. - je t'aime ... je le soupire sur le bout des lèvres et je vais la chercher, je vais me mettre devant elle en déposant cette rose sur ses genoux. ne pleure pas arlie, ne pleure pas pour ne pas qu'elle te vois si faible, mais c'est ce que tu es. - ton manteau est beau. tout est beau chez elle. je rentre mes mains dans mon manteau ainsi que ma tête, des larmes coulent sur mes joues. - tu ... tu es là, merveille de ma vie. je m'assis et ne dis plus rien, le silence me coupe la parole. - il fait gris. pessimiste.
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Sujet: Re: himalie ; les pages de notre désamour Ven 15 Nov - 7:25
si j’avais su que l’attente aurait été aussi longue, j’aurais pensé à emporter mes écouteurs. ces fils emmêlés qui me coupaient du monde et qui crachotaient ces notes de piano qui me détendaient. mais j’ai oublié. j’ai oublié parce que le bonheur que j’ai ressenti à cet instant aurait suffit à me faire oublier tout, de mon simple nom à mon adresse. je reste assise là, sans bouger, serrant mes petites mains crispées par le stress qui noue même ma gorge. j’ai peur de ne voir qu’une épave, peur de ne plus voir son âme dans le regard. est-ce que c’est idiot ? est-ce que c’est trop m’inquiéter que de savoir qu’il pourrait très bien avoir perdu cette minuscule étincelle que j’avais pu voir dans son regard ? je sais pas. c’est peut-être en faire une tonne, mais, sans faire de mauvais jeux de mots, j’étais habitué aux montagnes de sentiments. aux avalanches de problèmes, aux sommets inaccessibles pour cause de mauvaises températures, aux ascensions difficiles. la tête pleine de questions, j’observe les alentours et j’attends, patiente. mes jambes finissent par se balancer au rythme d’une musique imaginaire et quelques personnes me regardent. je n’y prête pas vraiment attention. je reste dans mon monde de questions sans réponses et je détaille l’environnement dans lequel je me trouve. l’arbre qui me fait de l’ombre perd une feuille, elle tombe sur ma tête. il parait que ça porte chance. est-ce que je saurais chanceuse, alors ? est-ce que j’aurais le droit de ressentir une joie immense sans culpabiliser ? est-ce qu’arlie viendra ? dans mes petites mains, je tiens cette feuille aux couleurs enflammées et j’arrive à esquisser un sourire. portes-moi chance, merveille de la nature, cadeau de l’automne. doucement, je la range dans une des poches de mon manteau en prenant bien soin de ne pas la plier. je la cacherais dans mon livre où des dizaines d’autres feuilles comme elles y sont déjà. des choses fragiles, collection sans aucune valeur monétaire, collection de petits souvenirs au fils des années.
j’enlève ma petite main de ma poche de manteau et je lève les yeux. à nouveau, je scrute les alentours à la recherche de ma lumière. je balais l’endroit de gauche à droite et puis, comme ça, il apparaît dans mon champ de vision. dans ma poitrine, mon petit cœur poussiéreux semble se remettre à battre. je le vois qui s’approche, qui réduit la distance entre nous à grands pas de géants, grâce à ses longues jambes. il se place devant moi et il ne dit rien; il dépose une rose sur mes genoux. elle est jaune, elle est belle, elle est comme le soleil. est-ce que je suis ton soleil, arlie ? je sens mes lèvres trembler et je relève le regard pour l’observer. je ne veux pas pleurer, je veux qu’il voit que je suis encore l’himalaya forte et brave d’avant. je veux qu’il puisse reprendre appuis sur mes petites épaules et qu’il recommence à respirer. - ton manteau est beau. je lui offre mon sourire, pour lui, c’est gratuit. - merci arlie. il pleure. je vois ses larmes maculées ses joues probablement froides. il semble vouloir commencer une nouvelle phrase, mais finalement, il change d’idée. il s’assoit, plutôt. - il fait gris. il a toujours les mains dans ses mains, j’aurais préféré nouer mes doigts aux siens et serrer très fort. j'hoche la tête en signe d’affirmation. oui, il fait gris. est-ce qu’il fait gris dans ton cœur aussi ? - j’avais peur que tu ne viennes pas… je laisse la phrase en suspend, lui fait part de mes inquiétudes. la rose sur mes genoux me réchauffe le cœur. j’aurais pu lui offrir quelque chose, moi aussi. je n’ai que mon support à lui donner, que ma présence de corps et d’esprit. est-ce assez ? je lève lentement ma main et vient essuyer quelques larmes froides qui ont coulées sur le menton d’arlie. je ne veux pas qu’il pleure, je veux qu’il soit aussi lumineux que les étoiles dans un ciel noir. je veux qu’il brille parmi la noirceur, qu’il soit fort. mes doigts se glissent tendrement sur sa joue et je finis par la ramener vers moi, faute de ne savoir quoi faire de plus. - comment va ta vie, arlie ?