premier point ▲ t'as jamais été comme les autres, jamais dans les normes, jamais dans les cases, jamais parfait. trop ceci. pas assez cela. à l'école, t'étais le sous-fifre, la tête de turc, tu prenais cher, ouais, c'est clair. ils aimaient bien t'en mettre plein la gueule, t'avais aucun copain. tout ça parce que t'étais trop fin, tout ça parce que t'avais des longs cils, tout ça parce qu'en somme, tu paraissais trop efféminé. les enfants sont cruels, c'est pas nouveau. deuxième point ▲ ton corps a toujours été une prison pour toi. tu t'y es jamais senti bien, forcément, avec ce qu'on t'envoyait à la figure. le peu de confiance en soi qu'un gosse peut avoir, tu l'avais perdu en un rien de temps. tes parents n'ont jamais trop supporté de te voir dans cet état. quatorze ans. à peine quatorze ans qu'ils te faisaient avaler de la testostérone par cachets, par poignées. tu disais rien, t'étais content. enfin, t'arrêtais de ressembler à rien. enfin, tu commençais à ressembler à quelque chose. troisième point ▲ tu t'es vite lancé dans le kick-boxing. c'était cool, apprendre l'auto-défense, et se muscler en même temps. le pied, non ? en tout cas, t'adorais ça, ouais, c'est clair. tu t'y donnais corps et âme. tu remportais plein de coupes, t'étais un des meilleurs. à l'aube d'une grande carrière, en parallèle avec le lycée, c'est clair. jusqu'au jour où. jusqu'à l'été de l'an dernier, l'été malheureux. l'été où t'as été contrôlé. l'été où t'as été déterminé positif au dopage. t'avais pas arrêté la testostérone, idiot. dégoûté, t'as tout arrêté, t'as abandonné. le kick et la testostérone. bien fait. quatrième point ▲ en un rien de temps, t'as tout perdu. t'étais bien taillé, les muscles bien formé. dessiné, comme on dit. tu commençais à t'aimer. mais plus rien. il a suffit d'un mois sans rien pour tout perdre. ressembler à un bâton à nouveau. le visage efféminé, à nouveau. et perdre ton semblant de confiance en toi, à nouveau. cinquième point ▲ tu caches ton manque de confiance en toi et le dégoût que tu portes à ton propre égard. tu le couvres. tu l'enrobes. t'as forgé ta carapace. ta carapace bien solide. ta carapace faite de sourires et de rires. impossible de la briser. rares sont ceux qui y sont parvenus. à quoi bon montrer ta faiblesse ? ouais, à quoi bon ? les gens sont bien mieux en te pensant bien dans tes baskets, alors à quoi bon ? sixième point ▲ c'est grâce à ella que tu poses nu aux beaux-arts. c'est grâce à elle que tu te mets à t'accepter de plus en plus tel que t'es, même si, soyons clairs entre nous, c'est bien loin d'être gagné. disons qu'tu te détestes un peu moins qu'avant.tout ça, c'est grâce à elle. tu lui es redevable, tellement. tu réalises même pas à quel point ce qu'elle a fait pour toi est important. septième point ▲ les tatouages, c'est ton truc. ton dada. tu comptes même plus la somme exorbitante que t'as dépensé dedans. vaut mieux pas, de toute façon, ça t'ferait sans doute pleurer. mais tu les regrettes pas, aucun d'eux. ils font de toi ce que tu es désormais. ils sont, eux aussi, en partie responsables du fait que tu t'acceptes de plus en plus tel que tu es. ils sont ta signature, ton identité, tes bébés. ton corps ne serait définitivement pas le même sans, tu ne serais définitivement pas le même sans. huitième point ▲ depuis qu't'es tout petit, t'as toujours voulu être dans l'ingénierie mécanique. t'as réussi à réaliser tes rêves avec ton bac sti gmp, et t'as juste continué dans ta voie avec ton dut gmp, et tu comptes pas t'arrêter là, c'est sûr. t'y arriveras, tu seras ingénieur en mécanique auto, après ton master. ouais, t'es persuadé que t'y arriveras. neuvième point ▲ t'es pas de nature soumis. t'es pas méchant, non, t'es gentil, mais en règle général, tu t'laisses plus tellement marcher sur les pieds. pas comme avant. c'est l'ancien temps ça. enfin, presque. parce que caetana, elle peut t'dire c'qu'elle veut, elle peut t'faire subir c'qu'elle veut, tu retourneras toujours vers elle. un peu soumis, sans doute. un peu maso, peut-être. mais surtout attaché et attentionné. protecteur, presque. comme si t'avais la carrure adaptée. dixième point ▲ si y a un truc que t'aimes par-dessus tout, et dont tu peux plus te passer, c'est bien les pâtisseries portugaises que te fait caetana. comme quoi, elle ne fait pas que te malmener, cette nana-là. elle te nourrit, aussi. et t'es presque tombé amoureux de ses pâtisseries, vraiment. c'est pas des blagues. si tu pouvais, d'ailleurs, tu n'te nourrirais que de ça.