« Mais je veux pas d’un gosse, moi ! »
Evidemment, je suis arrivée dans des conditions, disons… bon… disons qu’on avait déjà fait mieux. Mais je comprends mon père, avoir 19 ans ; être beau, riche, adulé… et se retrouver avec un gosse dans les bras… Non vraiment je comprends. Il allait devoir s’occuper de moi au lieu de gaspiller des litres de champagnes au Queen. Non vraiment, quelle injustice. Tout ça parce qu’il avait eu le malheur d’engrosser sa copine américaine ? Quel manque de chance…
C’était sans compter que mon père était le fils d’un PDG d’une entreprise multinationale et que le scandale n’était pas le bienvenue. Alors on a très vite mariés Alexandre Lawrence-Dubois et Bethany Brown. Avant la naissance du bébé, sinon, ça allait faire jaser.
Finie la belle vie. Enfin non pas vraiment… Finie la belle vie, pour ma mère. Parce que mon père voyez-vous, je n’ai pas l’impression qu’il avait tellement l’intention de changer de vie pour moi. Enfin, il ne s’en foutait pas, attendez ! C’est lui qui a choisi mon prénom ce huit janvier 91, dans un hôpital du 16ème arrondissement de Paris : Zeppelin «
parce qu’elle aura la classe, comme ça. » Marie-Jeanne «
parce qu’elle sera française. »
Un nouveau point douloureux, mon père avait été catégorique, sa fille serait française. Entre nous, je ne vois pas bien ce que ça pouvait lui foutre ; étant donné qu’il n’avait pas l’intention de s’occuper de moi. Pour ma mère, je devais être américaine, comme elle.
Jusqu’à mes trois ans, ma mère s’est laissée faire (entre nous, elle était complètement soumise à un merdeux bourgeois, vous pouvez le dire (moi je peux pas, puisque je vais devenir comme lui, mais attendez encore un peu)) et puis un jour, enfin une nuit, enfin un matin, voyez ça comme vous voulez ; mon père est rentré à six heures du matin, dans un état improbable, et de mon coté, j’ai eu le malheur de faire un cauchemar et de pleurer. Erreur.
«
Putain de merde, Betty prends ta gamine et casse toi ! J’en peux plus de l’entendre pleurer. Merde, j’ai pas dormi de la nuit, moi ! » Oops…
« Tu es celle que toutes les filles veulent être & celle à qui tous les mecs pensent. »
Sur le trottoir en face du LFNY (Lycée Français de New York) à Manhattan, je fume une dernière cigarette avant d’entrer dans l’arène ; mon arène.
Je tourne la tête vers la gauche, une limousine vient s’arrêter devant moi. je regarde en l’air, je sais très bien qui va en descendre : Jackson Jr. Murray. C’est mon meilleur ami, c’est aussi lui qui à la meilleure cocaïne de toute la ville, mais n’allez pas croire que je l’ai choisi pour ça. Je l’ai choisi parce qu’il est beau et que toutes les filles le veulent. C’est mon alter-ego. La coke, c’est juste un bonus.
Il sort doucement de la limousine, ressert son echarpe Louis Vuitton autour de son cou et vient me claquer une bise sur la joue. «
Comme tu vas depuis hier soir, chérie ? Pas trop dur ce matin ? Moi je me porte comme un charme, les médocs de mon père sont supers pour la gueule de bois. T’as des nouvelles de Penny ? Je l’ai laissé avec un mec hier soir et… » «
Jack… ta gueule, sérieux. »
J’ai encore mal à la tête des douze vodkas que j’ai avalé hier soir. Je n’ai pas dormi, parce que quand je suis arrivée au penthouse de ma mère, le temps que je me glisse dans mes draps en plumes d’oies, mon reveil sonnait 7 : 00 AM. Heure d’aller au lycée.
J’ai bu un verre de lait avec ma mère et celui qui a très vite remplacé mon père. Elle m’a forcé à manger un croissant gras comme pas permis ; que j’ai revomis très vite avant de partir. Sur la route, j’ai envoyé un SMS à Casey Van Berck :
« prends moi un Starbuck en venant au lycée. » Les politesses ne sont pas de mesures avec Casey, c’est « mon assistante » comme ils disent tous.
J’écrase ma cigarette sur le bitume avec le bout de ma ballerine Miu-Miu et je traverse la route, prête pour une nouvelle journée dans le zoo du lycée. «
ZEP ! Arrête toi ! » Je me retourne, en même temps que Jackson. Casey arrive en courant avec mon café. Je lui prends des mains et bois. Enfin de la caféine. J’ai l’impression de reprendre vie, doucement. Dans ma poche mon portable sonne, m’indiquant que j’ai un message, c’est Penelope Jolibois, ma meilleure amie :
« Je viens seulement de rentrer chez moi, coche moi présente en cours. On se retrouve à 1 : 30 PM. au Jean-George, pour manger. » Je lève la tête vers Jackson pour l’informer, mais mon regard et attirer ailleurs : qui est-ce que mec ? Je ne l’ai jamais vu ici. Je me tourne vers Casey, qui est supposé me tenir informer des moindre faits et gestes des gens du lycée. «
Casey, qui c’est ? » je lance, en désignant le brun du menton. Elle le regarde, réfléchit quelques instants. «
C’est Maxence Di Saverio. Il est nouveau au lycée, jusqu’à la fin de l’année. Il a une sale réputation. Il parait qu’il est arrivé depuis quinze jours, mais qu’il a déjà couché avec la moitié des filles de la promo. Et aussi que… » «
C’est bon Casey. Je m’en fous du reste. Jackson, deviens ami avec lui. »
Et je m’en vais en cours. En les laissant les deux derrière moi.
J’ai de très bonnes notes, je suis la deuxième de la promo, chez les filles. Mais la première ne compte pas, parce que… parce que je l’ai décidé.
La journée passe vite. Je pense à ce mec, Maxence. A la façon dont il me regardait. A son petit sourire en coin qui disait « je sais que tu me veux » alors que pas du tout. En général, c’est l’inverse, on me veut et je sélectionne qui m’a.
J’arrive avec heure de retard réglementaire au Jean-George, pour le lunch. A une table m’attendent déjà Penny et Jackson.
Je m’assois, commande au serveur un verre de San Pelegrino avec un citron – frais – pressé dedans. Je déteste la San Pelegrino et le citron, mais il parait que c’est classe de commander ça, alors je prends sur moi.
«
Maxence est un enfoiré. J’ai passé la journée avec lui. Ce mec est complétement taré. Et ce que disait Casey, c’est vrai, il s’est déjà tapé Cécilia, Zoey, Constance et Julianna. Et ça fait que quinze jours qu’il est là. Un record ! » «
Il ne peut pas s’être tapé Julianna, elle est vierge et coincée comme personne. » C'est Penny qui parle, et j'approuve de la tête. «
Crois-moi, elle va mieux… » Dingue. Maxence est une énigme que je vais devoir résoudre.
Le repas se finit, la journée aussi. Le soir, je retrouve tous mes amis dans une soirée sur un toit de Manhattan.
Demain, je recommencerais la même chose. Inlassablement.
« T’es vraiment le pire connard que la terre ait jamais portée. Et je t’aime, le pire. »
Un an s’est écoulé depuis cette journée, depuis l’arrivée de Maxence Di Saverio dans notre monde impitoyable. Il a couché avec toutes les filles du lycée, sauf moi.
Quitte à ce que ça arrive, je préfère encore être la dernière, qu’il n’y ait plus personne après moi.
Ce soir, je fête mes dix-neuf ans. Ma mère a préparé une fête du tonnerre pour l’occasion. Moi je ne m’occupais de rien, parce que je préfère arriver quand tout est prêt. Je la soupçonne d’avoir invité mon père. Mais je ne préfère pas y penser. Je ne lui a pas parlé depuis que je suis venue à Paris l’été dernier et que la seule chose qu’il m’a dit c’est : «
Tiens trois billets pour les Bahamas, emmène Penny et Jackson avec toi. Je n’aurais pas le temps de m’occuper de toi, personnellement. » Baffe dans ta gueule.
La fête bat son plein, mon père n’est pas là, soit il n’a pas été invité, soit il n’avait juste pas envie de venir se faire chier à l’anniversaire de sa fille. J’ai un pincement au cœur, que je dissimule sous une montagne de bonne humeur. Heureusement que Jackson m’a filé un peut de « coke d’anniversaire » un peu plus tôt dans la soirée.
«
Bon anniversaire. » on souffle à mon oreille. Je me retourne, électrifiée. «
Merci Max. C’est trop d’honneur d’être venu ce soir. » Maxence attrape mon poignet après m’avoir sourit et m’entraine avec lui, dans une pièce close.
Il m’embrasse. Mon souffle est coupé. Je réponds à son baiser avec fièvre. J’attendais ce moment depuis plus d’un an. Il me porte, et rapidement toutes nos fringues sont oubliées sur le sol.
A partir de ce jour là, je dois avouer que j’étais foutue. Amoureuse. Un vrai carnage.
«
Max, viens danser. Allez, chéri… » «
Vas-y, je te regarde, princesse. » Maxence est devenu un homme fidèle, rien que pour mes beaux yeux. J’ai décroché le jackpot. On vit dans une bulle depuis maintenant huit mois, juste lui et moi. La terre peut s’effondrer, je ne verrais rien. J’ai changé un homme, il a changé une femme : moi.
Je danse sur la piste en le regardant, mes cheveux suivent mon rythme. Il ne me lâche pas des yeux, me dévore en buvant sa vodka. Soudain, son regard devient noir. Il se lève attrape un mec derrière moi, que je n’avais même pas vu. Il le couche sur le sol de la boite de nuit, et le cogne, plusieurs fois de toutes ses forces. «
MAXENCE ! » Difficilement, je le relève. Je colle son front au mien. Son souffle et haletant, le mien aussi «
Calme toi, regarde moi. Chut… » Mais l’autre type à le malheur de se relever. Maxence le cogne de plus belle. Jusqu’à ce que la sécurité le sorte. Moi à leur suite.
«
Mais qu’est-ce qu’il t’a pris ? Je ne l’avais même pas vu ce mec ! » «
Ah ouais ? Ben lui il t’avais vu, il t’avait bien vu. Je veux que personne ne s’approche de toi, t’entends ? Personne. » «
Pauvre con, qu’est-ce que tu crois ? Que je t’appartiens ? » «
Oui ! Oui tu m’appartiens Zep. » «
T’es vraiment le pire connard que la terre ait jamais portée. » «
Je t’aime, Zeppelin. » «
Qu…quoi ? »
« Je peux plus imaginer une seconde vivre avec toi. Casse toi de chez moi. »
Je l’ai cru. Maxence m’a dit « je t’aime » et je l’ai cru. Parce que je voyais dans ces yeux quelque chose que me faisait penser que tout ça était vrai. Et qu’on était vraiment heureux.
Pour mes vingt ans, Maxence m’emmène à Las Vegas. Je hais Las Vegas, c’est surfait. J’aurais préféré aller dans les îles, je ne sais pas… Dans l’avion pourtant, je suis la plus heureuse du monde. L’hôtesse tente inlassablement de draguer Maxence, mais il ne la voit même pas, il n’a d’yeux que pour moi. J’aime ça, ça me rassure.
Le passager de derrière donne un coup dans mon siège. «
Putain, Jackson, fais pas chier. » Derrière il y a Jackson et son ami très gay. Je les regarde en souriant. Il est beau mon meilleur ami.
Devant moi, il y a Penny et son copain du moment. En fait, c’est un mec qu’elle connait depuis une semaine, mais elle ne supportait pas l’idée de ne pas être en couple pour venir à Las Vegas, alors elle a gardé celui là. Je ne le trouve pas trop mal, dans le genre.
On atterrit et bien sur, à Las Vegas, si tu as de l’argent, tu peux tout avoir.
«
Chéri, j’ai perdu $1000 à la roulette. » «
On s’en fout, reprends un verre, princesse. » C’est beau l’amour, non ? J’espère que ça vous dégouline dessus, et que vous crevez d’envie d’être à ma place.
Il est 6 : 00 AM. Je suis complètement bourrée, je regarde mon copain et mes amis, qui sont dans le même état que moi et je rigole.
Je lève les yeux vers la lumière rose qui m’agresse. «
Maxence ! Une chapelle avec Elvis. Je veux dire bonjour à Elvis. » «
Zep, épouse-moi. » «
Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ? » «
Zepplin Lawrence. Epouse-moi. Je t’aime. » «
Oui… oui, d’accord. » Qu’est-ce qu’on est con, quand on aime.
Elvis est un mec cool. Penny est la meilleure demoiselle d’honneur du monde. Son mec vomi à l’extérieur de la chapelle mais je m’en fous complètement.
«
Mademoiselle Zeppelin Marie-Jeanne, Lawrence ; voulez vous prendre pour époux Monsieur Maxence Léo Di Saverio, ici présent ? » «
Oui, je le veux. » Je souris de toutes mes dents.
Je me suis mariée avec Maxence. Je l’aime, je l’aime, je l’aime. J’en crèverai de cet amour.
Une heure après, je vomissais trois Cosmopolitains. Putain, Las Vegas, ça craint.
Dans l’ascenseur qui mène à mon appartement, avenue Foch, payé par mon père. Je fais défiler les contacts de mon pouce manucuré, sur mon iPhone. Je trouve Maxence dans les contacts. Messagerie. «
Maxence ? Putain, mais qu’est-ce que tu fous, bordel ? Ca fait deux jours que je te cherche partout. T’es où ? Rappelle-moi, putain. »
Je laisse tomber mon téléphone dans mon sac et pousse la porte d’entrée de mon appartement, qui est aussi celui de mon mari. Après notre « mariage » mon père nous a payé un appartement avenue Foch. Pour avoir la paix et pouvoir dire qu’il nous avait fait un cadeau. Ça fait donc maintenant deux mois qu’on vit en France.
Je vois la veste de Maxence sur le canapé blanc. Il est là ? Je tourne dans l’appartement. J’arrive à la chambre. «
Putain... je le crois pas ça. » Dans ma chambre, dans mon lit. J’ai envie de vomir en le revoyant avec cette fille.
Pendant deux jours, il s’excuse sans fin. Je ne l’écoute même pas. Nous sommes au bar du Ritz. J’ai mes Ray-Ban sur le nez pour qu’il ne voie pas mes yeux rougis par les larmes. «
Je t’aime, Zep. Excuse-moi, je t’en supplie. Je m’en fous de cette fille. Je te jure. Je t’aime. » «
Tu veux que je te dise ? Tu me donne envie de gerber. Toi et tes excuses, vous pouvez aller vous faire foutre. T’as une semaine pour récupérer tes merdes de chez moi. Je veux plus te voir. » Je me lève et quitte le bar.
A mes vingt et un ans, j’ai pleuré en repensant au mariage à Las Vegas. Car un an après, jour pour jour, les papiers du divorce étaient enfin signés, après des mois durant lesquelles j’ai du supporter les jérémiades de celui que j’aimais.
On ne m’y reprendra plus à aimer.