nom complet ▲ Timothy Patrice Duceau-Fouchard, si l'on s'en tient à sa carte d'identité. Seulement, il n'utilise jamais son deuxième prénom, choisi en l'honneur du grand-père de sa mère, fondateur de la maison-chocolaterie Fouchard, dont il devait être l'héritier. lieu de naissance ▲ Paris, 2ème arrondissement. âge ▲ il aura 36 ans le 28 Août, même s'il ne fête jamais ses anniversaires. nationalité ▲ Française. diplômes, études ▲ ses plusieurs années passées à l'université lui ont offert un doctorat en informatique. métier ▲ ingénieur projet détection et prévention d’intrusions pour la Banque de France, ou plus communément hacker professionnel pour les incultes. Grossièrement, il s'occupe de déceler les failles de sécurité dans le système informatique et prévenir les piratages. statut matrimonial ▲ célibataire, sans grande surprise et sans réel problème. Ayant du mal à rompre sa routine de part l'habitude et surtout son syndrome d'Asperger, son célibat lui convient parfaitement. orientation sexuelle ▲ ne s'étant jamais posé la question, il n'en sait trop rien. Si vous le lancez sur le sujet, il ne mettrait qu'un bref moment avant de vous répondre le plus naturellement et calmement du monde qu'il s'est déjà senti excité à la vue du corps de certains hommes du quartier. situation financière ▲ bien aisée, pour ne pas dire un peu plus. Ses parents n'ayant jamais connu de soucis d'argents, il n'a jamais été en grande difficulté, même pas lorsqu'il a recherché ardemment un emploi pendant plusieurs années. Aujourd'hui, ses parents ne sont plus derrière son dos à signer les chèques de ses factures, mais la Banque de France le paye suffisamment bien pour qu'il ne soit jamais dans le rouge. idole(s) de vie ▲ il n'en possède pas.  nombre d'amis facebook ▲ 7, à savoir sa soeur cadette, et quelques collègues. Il n'ajoute personne et ne s'y connecte que très rarement, son mur presque entièrement vide en témoigne - malgré l'insistance de sa soeur, il 'ajoute jamais rien. moyen de déplacement ▲ les pieds, toujours les pieds. Les transports en commun sont une source de stress incommensurable pour lui, et bien trop aléatoire pour qu'il ait envie de s'y perdre. Aussi, il a la chance de ne pas travailler très loin de son appartement, donc qu'il pleuve ou qu'il vente, ses charmants pieds seront toujours là pour lui. groupe ▲ gagnants perdants. avatar ▲ Brendan Hines et ses bouclettes à croquer. crédits ▲ image de Tumblr, titre de Indochine.

Asperger, mon grand ami ▲ plus qu'un syndrome ou un trouble, c'est une partie de lui-même, quelque chose qui le définit autant que la couleur de ses cheveux, ou celle de ses yeux. Derrière ce nom original se cache tout de même un trouble autistique qui nuit grandement à ses relations sociales avec les autres, moyennant quelques malus le faisant parfois passer pour un marginal - disons les choses comme elles sont : malgré son intelligence et son bon vouloir, Timothy souffre énormément en société, n'étant pas vraiment apte à se mêler à tout un chacun. Capable de rire lorsque le moment ne s'y prête pas, incapable de saisir toutes les nuances du langage, il tente encore jour après jour d'apprendre à vivre avec les autres, ne crachant pas sur l'aide qui peut lui être offerte. Au fond, il est loin d'être méchant - il a juste énormément de mal à comprendre tous les signaux qui peuvent lui être envoyés. le chocolat, mon grand ennemi ▲ fils des dirigeants de la célèbre chocolaterie Fouchard, Timothy a grandi entouré de cet anti-dépressif sucré, sans jamais pourtant en devenir accroc. La raison ? Le jeune homme y est allergique - une réalité qui n'a jamais vraiment plu à sa mère, qui le voyait déjà tout petit la rejoindre derrière les fourneaux. Si elle a appris à ravaler le rêve de voir son fils reprendre le flambeau un jour, elle regrette tout de même de ne jamais pu l'avoir vu manger de ses créations, persuadée qu'une petite dose de ce bonheur au cacao lui serait d'un grand secours.  les enfants, ces vils meurtriers ▲ si la vérité sort de la bouche de ces charmants bambins, les pire atrocités possibles le font aussi, dans le dos des adultes qui voient en ces petites têtes blondes la relève d'une société admirable. Affublé de tous les surnoms inimaginables dès son entrée à la petite école, Timothy a grandi entouré de noms tels que "l'abruti", "le cinglé", "le débile mental", "l'handicapé", "le triso' " et autres images en tout genre. Malgré son habitude à leur répéter qu'ils se trompaient, les années n'ont rien pu améliorer, puisqu'aujourd'hui, ses voisins l'appellent dans son dos "le taré du premier". l'informatique, cette immense passion ▲ au début un devoir, devenu bien vite un besoin, puis l'élément central de sa petite vie, l'informatique a rythmé bien vite ses années, s'accaparant toujours un peu plus de place dans son quotidien. Incollable sur les derniers processeurs sortis, capable d'improviser le meilleur montage pc possible avec les dernières pièces en vogue, Timothy pourrait se vanter d'un savoir à en faire pâlir n'importe quel passionné, si tant est qu'il possédait quelqu'un pour en parler. Plutôt du genre à perdre son audimat qu'à le tenir en haleine en parlant de sa dernière acquisition, il préfère de loin échanger ses avis et questions sur quelques forums, là où comprendre l'autre s'avère toujours plus facile. D'ailleurs habitué à taper sur un clavier depuis son plus jeune âge, il dactylographie la plupart de ses papiers importants sur ordinateur avant de les imprimer, étant loin d'être doué pour les lettres manuscrites - son écriture s'apparentant à celle d'un bambin plutôt qu'à celle de l'adulte qu'il est, les tremblements répétitifs de sa main provenant de son trouble la solitude, cette habitude ▲ ou comment apprécier la symphonie du silence et le vide d'un lit pour deux. N'ayant jamais connu de réelle relation sérieuse -ni même de bluette sans lendemain-, Timothy n'a jamais été gêné par le fait de vivre seul, ni même celui de ne partager sa vie avec personne d'autre que sa famille et ses quelques rares ami(e)s. S'aventurer sur des sites de rencontres afin de trouver la femme de sa vie ? Loin de lui l'idée, même si sa cadette le lui a déjà soufflé plus d'une fois, et que ses parents regrettent le fait de ne pas avoir de petits-enfants. Après tout, à quoi bon chercher à se mélanger à quelqu'un qui ne le comprendrait pas ? Le monde est déjà suffisamment vaste pour qu'il ne s'encombre pas d'une énième personne tout juste prête à s'octroyer sa confiance pour le briser ensuite. la méchanceté, cette réalité ▲ la différence questionne, la différence effraye et, quoi qu'on en dise, nombreuses sont les personnes qui n'hésitent pas à le faire comprendre, moyennant parfois bien peu de discrétion. Combien de fois a-t-il eu droit à des remarques désobligeantes ? Combien de fois s'est-on moqué de lui parce qu'il ne comprenait pas la nuance de telle ou telle expression ? Si la plupart du temps il s'en sort en répondant calmement qu'il n'apprécie pas trop ce genre de comportement, les choses n'ont toujours pas été pareilles, et il a pendant de nombreuses années souffert d'un manque de reconnaissance flagrant de la part de ses pairs. Des remarques qui fusent, des insultes, des plaisanteries loin d'être drôles - nos vieux démons ne sont jamais bien loin, et loin d'en avoir conscience, les voisins de son immeuble perpétuent encore cette mauvaise réalité )le contrôle, cet énorme besoin ▲ affaires rangées comme dans un appartement témoin Ikea, calendrier réglé au jour près, routine usuelle et répétitive depuis des années, il faut croire que le changement ne fait pas partie du monde de Timothy. Vivant dans le même appartement depuis près de dix ans, il ne ressent nullement le besoin d'en changer, ni même de modifier sa décoration, ce qui le perturberait plus qu'autre chose. Ses repas sont prévus au jour près, de même que les tâches ménagères et autres amusements en tout genre. Ces habitudes routinières devenues son quotidien lui offrent une stabilité dont il a cruellement besoin, et malgré les efforts de sa soeur, il vit toujours très mal le fait de devoir manger quelquefois autre chose que des blancs de poulet et des petits pois le mardi soir lorsqu'elle vient lui rendre visite. la frustration, cette blessure ouverte ▲ défini à tort comme l'extra-terrestre qu'il n'est pas, Timothy aura beau parfois paraître pour un robot dénué de toute émotion, le déluge souvent lieu à l'intérieur, là, dans son esprit, lieu des questionnements intarissables et des problèmes qui pleuvent. Capable de se poser d'innombrables questions à partir de presque rien, le fait de ne pas être habilité à comprendre ses pairs le dévore chaque jour un peu plus à l'intérieur, à tel point que parfois, les vannes s'ouvrent, et laissent se déverser un torrent d'incompréhension et de frustration, muée sous les traits d'une colère vive et féroce. Objets casés, paroles hurlées, les mots à peine pensés peuvent fuser, sans qu'il soit capable d'instinct de s'arrêter. l'honnêteté, ce vice caché ▲ un détecteur de mensonges s'avère bien vite inutile lorsque l'on commence une conversation avec Timothy. Incapable de mentir, il fait preuve d'une sincérité déconcertante, pour qui n'y est pas habitué. Franc, très franc, un peu trop franc parfois, il ne mâche jamais ses mots, pas même lorsque la situation pourrait l'exiger. Loin de vouloir paraître grossier, il ne peut pas s'empêcher de dire les choses comme il les pense, que ce soit lorsqu'il répond à une collègue qu'elle a pris quelques kilos, ou qu'il ne viendra pas à telle ou telle soirée parce que l'organisateur le déteste. Ceci mis de côté, il a d'ailleurs déjà souffert de quelques personnes mal avisées, amusées par cette différence au point de lui poser questions gênantes sur questions gênantes, interrogations auxquelles il a toujours répondu le plus naturellement du monde. les maquettes, ces compagnons silencieux ▲ malgré les tremblements de ses mains et son incapacité à faire de grands mouvements précis avec son poignet, les maquettes et autres petites figurines ont toujours peuplé son univers, sa collection s'agrandissant au même titre que celle de ses ordinateurs, les modèles ne faisant que se perfectionner et se compliquer au fil du temps. D'abord circuits de petits trains et autres modèles réduits, aujourd'hui il préfère peindre des figurines réduites issues de films fantastiques et autres univers inventés, auxquels il s'intéresse de plus en plus. Si les romans ne sont toujours pas sa tasse de thé -les sacrifices et autres retournements rocambolesques faits par amour ou machiavélisme étant toujours un peu difficiles à saisir-, les comics et bandes dessinées demeurent pourtant à sa portée, plus directes dans ce qu'elles présentent. Fan de fantasy, il range méticuleusement toute sa collection de comics et de figurines dans des vitrines impeccables, une pièce de son appartement étant entièrement dédiée à ces compagnons de résine et de peinture.

Mme Duceau-Fouchard,

Suite à notre entrevue du 18 Septembre 1984, je vous envoie comme promis mes quelques notes concernant votre fils Timothy, que je n'ai vu que lors de deux sénces. Comme j'ai pu vous le dire de vive voix, il est évident pour moi que votre fils nécessite un accompagnement progressif, mais surtout permanent, ne serait-ce que pour l'aider à s'approcher et comprendre le monde qui l'entoure, monde avec lequel il semble avoir quelques difficultés plus que flagrantes. Si l'esprit de Timothy s'avère brillant compte tenu de son âge et si aucun manque n'est à pallier de ce côté-là, je déplore un manque d'intérêt notable envers les personnes qui peuvent l'entourer, qu'il s'agisse d'un membre de sa famille -comme vous-, ou un inconnu fraîchement rencontré -comme moi, dans le cas présent. Au vu de son âge, Timothy devrait se montrer plus curieux, plus avenant et ouvert, et surtout s'intéresser bien plus à son environnement. Malgré tout, votre fils reste un enfant très intelligent, capable de faire les bons choix et les bonnes action, si tant est qu'il bénéficie d'un peu d'aide, là où son esprit se voit incapable de comprendre les signaux que les autres personnes peuvent envoyer.
Aussi, et ce malgré la réticence que j'ai pu sentir chez vous, je vous incite vivement à laisser Timothy fréquenter un spécialiste au moins une à deux fois par semaines, de préférence dans un cabinet privé pour commencer, afin que votre fils puisse comprendre les enjeux d'une vie en société, et permettre ainsi aux autres d'entrer et de venir peupler son monde intérieur. Par la suite, une inscription dans des séances de travail en groupe est envisageable - tout comme une scolarisation en école publique, qui l'aidera bien plus qu'une scolarisation à domicile, qui ne ferait que l'enfermer un peu plus dans le carcan imposé par le syndrome d'Asperger. Aussi, je reste à votre disposition pour des renseignements supplémentaires ou des recommandations, que je vous procurerai avec plaisir.

Aussi, je vous prie d'agréer, Madame, mes salutations les plus distinguées.
Dr Franklin Dumousseau.


Elle lit et relit inlassablement la lettre qu'elle tient entre ses doigts fins, probablement pour en apprendre par coeur les mots qui la parsèment, ou pour tenter d'en trouver un sens caché, je ne sais pas - mais elle lit, silencieusement, immobile, debout devant la table de la cuisine. Pourtant, sans un bruit, une de ses mains finit par se poser sur la nappe blanche, alors que l'autre tient toujours ce morceau de papier dont les mots m'échappent. De quoi parle-t-il ? Que peut-il bien contenir pour que, petit à petit, la déception s'installe sur le visage de maman ? De mauvaises nouvelles, des choses tristes, probablement - je l'ignore, et je crois même que si je le lui demandais, elle ne me répondrait pas. Aussi silencieux qu'elle, je me contente alors de l'observer, d'essayer de comprendre seul cette expression qu'elle affiche, la raison de ses lèvres pincées, celle de cet éclat moiré au fond de ses yeux, et celle de son silence qui s'éternise un peu. Assis sur une des chaises qui entourent la table, mes deux mains posées devant moi, je pince les lèvres comme elle, mes yeux quittant sa silhouette maternelle pour se perdre sur la corbeille de chocolats posées entre nous deux, petit panier rempli de douceurs sucrées que je ne peux goûter. Grimaçant légèrement, je me souviens encore de l'indigestion qui m'a brûlé les entrailles, le jour où j'ai eu le malheur d'en manger un. Les gens disent que c'est triste de ne pas pouvoir en manger, parce que le chocolat est bon, parce qu'il apaise et calme les "petits coups de blues", comme maman les appelle. Moi je le trouve douloureux, je le trouve cruel et presque amer. Les gens appellent parfois cela de l'ironie, parce qu'être allergique au chocolat lorsque l'on est le fils d'un célèbre couple de chocolatiers, cela prête à rire, du moins lorsque l'on est pas le-dit fils en question. Incapable de pouvoir reprendre la chocolaterie lorsque j'en aurai l'âge, peut-être est-ce pour cela que maman affiche de nouveau cette mine bien déçue, bien qu'elle l'ait déjà de bien nombreuses fois à mon égard. Je ne serai jamais capable de perpétrer la tradition, je ne pourrai jamais cuisiner et concocter des sucreries pareilles - tout comme je ne pourrai jamais partager le plaisir de découvrir de nouvelles saveurs. La corbeille de chocolats n'est qu'à quelques centimètres de mes doigts, je suis sûr qu'en tendant la main, je pourrai sentir le velours de la boîte glisser sous ma peau, l'odeur des sucreries envahir mes narines, et pourtant je n'en fais rien. Un soupir bref et agacé s'échappe dans l'air, et suffit à me faire relever la tête. Visage tourné vers la fenêtre, elle ne me regarde pas, et ses bras sont maintenant croisés sous sa poitrine, la lettre de papier disparaissant de mon champ de vision. Si elle déglutit soudainement, ses lèvres demeurent toujours aussi pincées, toujours aussi fermées sur des mots que je ne peux deviner sans son aide. Quelque chose ne va pas. Avec elle, avec moi, avec papa, avec les chocolats, avec cette lettre, avec tout ce qui nous entoure, peut-être. Quelque chose ne va pas, mais j'ignore toujours quoi. UC

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