« Tu devrais sortir Sylvester. Ca te ferait du bien. » Voilà la phrase qu’il me répétait tous les soirs. A chaque fois je soupirai. Quand je sortais ces derniers temps, ça n’était que pour le boulot. Et encore, Sixteen n’était pas au courant de mon métier, encore heureux. Le virant de ma chambre, j’attrapai ma couverture et me cachai dessous. C’était donc ça, mourir d’amour ? Avoir fait une connerie que l’on allait regretter toute une vie et s’en mordre les doigts un peu plus au fil du temps ? Toujours repenser aux bons moments, aux mauvais, à son sourire magnifique, à lui dans son costume. Toujours penser à Ashlee, tout simplement. C’était douloureux, invivable. Plus encore que quand je n’étais qu’une loque humaine à l’époque où je vivais encore avec Andy. En réalité, c’était surtout différent. Les raisons de la déprime n’étaient pas franchement les mêmes bien que les effets étaient semblables. Passant une bonne demi-heure à tenter de m’endormir, je me redressai finalement. Vingt-trois heures. Oui, il était incroyablement tôt pour un fêtard comme moi. Ou un ancien fêtard. Merci les insomnies. Me relevant, j’ouvris mon placard et sortis une tenue un peu plus appropriée pour sortir. « Sixteen, j’sors. Si ça va pas, tu m’appelles et j’rentre direct, promis ? » Visiblement heureux que je décide de l’écouter, il se leva du fauteuil et me sauta dans les bras. Soupirant, je passai mes bras autour de sa taille. « J’sais pas si je rentre. Je t’envoie un sms au cas où. Sois sage. » Ca faisait longtemps que je n’avais pas pris soin de lui. C’était plutôt l’inverse en ce moment. Alors pour lui donner un peu de répit, je repris mon rôle un instant et embrassai sa tempe avant de le relâcher. Attrapant ma veste et mes clés, je sortis de l’appartement direction le queer & folk. Quitte à sortir pour « m’amuser », autant ne pas rentrer sans bonne compagnie. C’était sans doute dégueulasse vis-à-vis d’Ashlee, mais il fallait bien admettre que notre relation était de toute façon terminée depuis quatre mois déjà.

Une fois arrivé, sans même prendre la peine de regarder les garçons déjà présents, je me dirigeai vers le bar pour commander une bière. En effet, il était bien plus probable que je finisse bourré et rentre seul plutôt que je finisse par me faire un beau garçon, ce soir-là. Pourtant j’avais eu de nouvelles aventures entre temps mais à certains moments le souvenir était encore trop présent pour pouvoir oser quelque chose avec quelqu’un d’autre. Et puis je devais bien avouer que j’avais du mal à ne pas imaginer Ashlee quand je couchais avec quelqu’un d’autre : c’en était vite déstabilisant et troublant. Surtout quand l’autre personne en question s’en rendait compte. « Alors beau gosse, on se sent pas trop seul ? » fit une voix plutôt grave dans mon dos. Sa main se posa sur ma hanche, et sans même me retourner, je l’envoyai balader, le repoussant d’un coup d’épaule. « Si tu cherches quelqu’un pour baiser tu devrais aller voir en direction de la piste de danse, y’a plein de puceaux en chaleur qui t’attendent. » Il ne chercha pas plus loin. Remerciant à peine le barman, je me saisis bien vite de ma bière pour la vider tout aussi rapidement. Ca faisait du bien de boire un peu. D’essayer de se détendre malgré la musique beaucoup trop forte et ces gays peut-être un peu trop collants pour la plupart. Qu’est-ce que je foutais ici déjà ? Ah oui, je passais une bonne soirée.

Vidant mon quatrième verre de la soirée – après être passé d’une simple bière à de la vodka pure – je me tournai vers la piste de danse. Ce soir, je n’avais pas envie de draguer. Ce soir, je n’avais envie de rien. Juste de me laisser aller. Qui sait, finir par faire un coma, c’était bien tentant. Entamant le cinquième, je sortis de ma poche une boîte de pilules et en gobai deux avant de soupirer. Je sentais mal la fin de soirée. J’allais rentrer – et encore c’était mal parti pour – et me faire engueuler par Sixteen que j’aurais certainement réveillé en me rétamant contre tous les meubles de l’appart. D’ailleurs, je le haïssais cet appart. Appart où j’avais pour la première fois couché avec Ashlee. Et appart où je vivais autrefois avec ma cousine qui me manquait malgré tout. J’avais souvent eu envie de la recontacter. Mais pour lui dire quoi ? Une voix familière me fit sortir de mes pensées. Combien y avait-il de chances pour que je l’entende dans une boite bondée, ce soir-là ? Tournant vivement la tête qui me tournait déjà, je crus apercevoir l’homme qui faisait chavirer mon cœur à l’autre côté du bar. Ca n’était pas possible. Pas ce soir. Pas après m’être envoyé cinq verres ! Me mordant la lèvre, je plissai les yeux pour être certain que je n’hallucinais pas. Visiblement non, et cet homme qui le draguait n’était pas non plus dû à mon imagination. N’écoutant encore que mes putains de pulsions, je me levai d’un bond, tentant de ne pas tanguer au possible pour me diriger rapidement vers les deux garçons. Regardant à peine Ashlee – il n’allait certainement pas apprécier de me voir – mon poing s’élança contre la mâchoire de l’inconnu. Surpris, il tomba de sa chaise et finit par terre. « Dégage tes mains d’Ashlee. Il mérite mieux. » Pas moi. Mais il mérite mieux. Revenant vite à la charge, l’autre garçon riposta et me mit une belle droite sous les regards étonnés de beaucoup de jeunes. Peut-être un peu trop bourré, et défoncé, je ne restai pas non plus bien longtemps sur mes jambes. Allongé sur le sol, je crus voir la boîte tourner. J’me sentais mal. Autant physiquement que moralement. Cherchant à protéger Ashlee malgré tout, j’agrippai son t-shrit et le tirai pour le faire tomber sur moi. Inconsciemment, j’aimais le sentir aussi proche, comme avant. Il allait certainement m’en foutre une mais peu importait tant qu’il ne partait pas avec ce type. « Pas touche.. » avais-je murmuré contre l’homme de ma vie, totalement dérouté, et me demandant même si je n’étais pas en train de rêver.

Tout s’était passé très vite. Mon sang n’avait fait qu’un tour quand j’avais vu ce gars embrasser MON homme. C’était la pire insulte qu’il puisse me faire. Me tromper avec ce mec-là ? Alors qu’il n’était pas du tout son genre ? Enfin.. tromper était un grand mot. En réalité il avait tous les droits et il était même légitime qu’il se trouve quelqu’un d’autre, même si je doutais qu’il comptait entretenir quelque chose de sérieux avec cet inconnu. Et puis, j’avais couché avec d’autres moi pendant ce laps de temps et ça n’était pas non plus négligeable. D’ailleurs, il en serait certainement furieux s’il était au courant. Et étrangement, j’me disais qu’il n’allait probablement pas tarder à l’être. Tout allait si vite, tout se savait vite surtout, c’était incroyable presque. Après m’être pris un coup de l’autre gars au gabarit bien plus imposant que le mien, j’avais fait tomber Ashlee sur moi. Quel bonheur de le toucher de nouveau. Vraiment.. les contact avec lui, peu importe leurs natures, me manquaient. J’en étais devenu accro et ça avait été difficile de m’en passer pendant autant de temps. Alors ce soir-là, je soufflai un peu. Du moins, façon d’parler. Bien vite, certainement pour éviter les dégâts, mon ancien petit-ami et fiancé m’attrapa et me traîna hors du bar. Oui littéralement, il me traîna car je n’avais clairement pas le courage ni la force de me relever. L’autre ne m’avait pas loupé, il fallait croire. L’air frais me fit un bien fou. C’était un nouveau souffle. Une bouffée d’air supplémentaire. Un moyen de se vider la tête et de décuver un peu.. Et aussi étonnant que ça puisse paraître, un autre bon moyen, l’énorme claque que m’asséna Ashlee une fois que nous fumes sortis. Il n’y avait pas à dire, lui non plus n’y allait pas de main morte ! Poussant un gémissement de douleur, ma main alla remettre ma mâchoire en place. Déglutissant difficilement, je me redressai un peu pour l’observer. Qu’il était beau. Toujours aussi beau oui. Me remettant un peu les idées en place, je soupirai. « Je.. non. C’plus fort que moi ! J’peux pas te voir embrasser un gars sans avoir envie d’le cogner ! C’qu’un hasard.. j’pensais pas te voir là.. Ash je.. tu m’as manqué. » avais-je dit sans ciller. Je me redressai du mieux que je pouvais, toujours assis par terre. « J’aurais pas dû.. je sais.. y’a tellement d’choses que j’aurais pas dû faire, d’ailleurs.. » Sous-entendu d’avoir annulé le mariage bien entendu et non de lui avoir demandé sa main.

« Ouais. Ouais t’as raison, Ashlee.. j’me suis forcé à t’aimer. J’ai essayé de pas tomber amoureux. J’ai essayé d’me dire que de toute façon, tu n’étais qu’un garçon comme les autres.. j’avais pas envie de tout ça. Pas envie d’une relation. Pas envie d’un gamin comme toi à mes côtés. » L’observant, j’étais à peu près certain que des larmes allaient perler au coin de ses yeux. Mais je n’avais pas fini. Me redressant pour enfin lui faire face, pour oser le regarder dans les yeux vraiment : « Mais tout ça, c’était au début. En fait, ça n’a duré que du moment où tu m’as dit je t’aime jusqu’au moment où je suis arrivé chez toi. Pendant que je venais, j’ai pensé à faire marche arrière. Mais non, parce qu’au fond, peut-être que j’en avais envie aussi. Ca n’a pas été simple.. Mais j’ai appris à t’aimer. J’ai appris que tu n’étais pas un gamin, que tu étais quelqu’un de bien. Ma vie tout simplement. » J’avais un sourire un peu idiot sur les lèvres. J’étais plutôt ému de lui raconter tout ça, de me dévoiler pour une fois. Finalement, sans même lui demander l’autorisation, je l’attrapai par les épaules et l’attirai tout contre moi pour le serrer dans mes bras. C’est qu’il m’avait manqué, ce gamin. « J’me suis rendu compte que je t’aimais.. à la folie.. sinon j’aurais jamais parlé de mariage. Mais je.. j’ai eu peur ! J’savais que j’allais flancher tôt ou tard.. j’suis pas fait pour les relations.. mais avec toi.. j’voulais essayer.. Et j’ai pas été déçu. Vraiment. J’ai été heureux.. j’me suis même demandé pourquoi j’avais eu autant de chance.. » Je finis par le lâcher et me reculer un peu. De toute façon, c’était peine perdue. Il allait s’en aller, me laisser seul comme je l’avais fait avec lui, et j’allais sans doute pleurer. Ou retourner me bourrer la gueule jusqu’au coma, à voir. Me mordant la lèvre, je me mis finalement à genoux devant lui pour le supplier. Ou me ridiculiser. Ca allait tout aussi bien. « J’aurais dû attendre d’être sûr de moi avant d’te demander ta main, je reconnais.. ça m’a fait peur mais.. mais je t’aime. Je t’aime vraiment. Pardonne-moi.. » Si c’était encore possible. Je n’avais jamais fait ça. Implorer quelqu’un et encore moins un ancien petit-ami pour qu’il me reprenne, pour qu’il me pardonne. Mais j’avais changé. En réalité, depuis que j’étais sorti avec lui, j’avais changé. Il m’avait aidé à m’améliorer et je lui en étais même fortement reconnaissant. Certes j’avais du mal. Sylvester n’était plus vraiment Sylvester. Mais il fallait bien avouer que de toute façon, Sylvester sans Ashlee n’était plus rien.